La lutte contre Abd el Kader, que l’expédition des Portes de Fer fit renaître, et qui dura jusqu’à la reddition de l’Emir en décembre 1847, constitue l’époque héroïque de l’armée d’Afrique. La reprise des hostilités par Abd el Kader fut précédée, à partir du 10 novembre 1839, d’incidents isolés qui sont toujours, en Afrique du Nord, les signes avant-coureurs d’un mouvement général : massacre de petits détachements et d’isolés, attaque de convois et de fermes. Les 98 têtes coupées le 21 novembre au détachement du commandant de Gallemant, près du camp d’Oued-el-Alleug, furent montrées dans les tribus comme preuves du succès des Musulmans et contribuèrent à soulever les populations[1]. L’armée d’Afrique, qui comptait à peine 40.000 hommes, avait d’abord à assurer sa défense, puis à rétablir l’ordre. Pour cette tâche, elle avait besoin de renforts, que le Gouverneur évaluait à 10.000 fantassins, 1.500 cavaliers et chevaux, 500 artilleurs et sapeurs, 1.000 muletiers et mulets, et des chevaux pour les parcs d’artillerie et du génie[2]. En demandant le 23 novembre ces renforts au lieutenant général Cubières, ministre de la Guerre, Valée lui disait : « Force et promptitude peuvent seules assurer notre position en Afrique. Abd el Kader s’est joué constamment des promesses faites par lui à la Tafna ; il a éludé toutes les conditions qu’il avait acceptées : il a excité constamment les populations contre nous, il vient enfin de nous déclarer la guerre. La France doit voir si, moins forte que Rome, elle veut supporter l’orgueil et les insultes du moderne Jugurtha[3]. » Valée, chaudement appuyé à Paris par le duc d’Orléans qui y était revenu, obtint des renforts en hommes, en chevaux et en approvisionnements[4]. Jusqu’à leur arrivée, il était obligé de rester sur la défensive. Mais, par suite des attaques de convois et des pertes en isolés, il dut modifier sensiblement le système de postes en chapelets qu’il avait adopté pour la protection d’Alger. Certains de ces postes, établis, au milieu des marais, étaient, à son avis, malsains et presque impossibles à ravitailler[5]. Le camp d'Oued-el-Alleug, le camp inférieur de Blida, le camp de l'Harrach furent évacués ; leurs approvisionnements ne purent être transportés dans des postes voisins qu’en faible partie, et furent détruits[6]. Dans les postes conservés, les chefs se comportaient différemment suivant leur caractère : les uns subissaient presque passivement les entreprises des Indigènes ; les autres montraient de l’initiative et de l’allant, pour le plus grand bien de leur troupe. Le maréchal de camp Duvivier, commandant Blida et le « Camp supérieur » éloigné de 1.300 mètres de la ville, disposait de forces relativement importantes ; il se laissait cependant dominer par les Indigènes d’alentour : « Avec sa petite armée, a écrit Changarnier, cet officier général, très brave, très instruit, très intelligent, mais bizarre et infiniment moins occupé du bien général que des intérêts souvent mal compris de sa renommée, rêvait obstinément l’honneur de supporter les misères d’un siège rigoureux. A force de précautions exagérées, même ridicules, il avait singulièrement affaibli le moral de ses troupes[7]. » Le colonel Changarnier, au contraire, envoyé le 30 novembre 1839 à Boufarik par Valée, avec deux bataillons du 2e léger, 250 chevaux du 1er régiment de chasseurs d’Afrique et deux pièces de 8 commandées par le capitaine Bosquet, n’entendait pas laisser Mohamed ben Allai, le khalifa d’Abd el Kader, circuler « dans le rayon de son commandement » sans lui offrir le combat[8]. De temps à autre, pendant le mois de décembre, il se rendit au Camp supérieur de Blida, soit pour y conduire des vivres, soit pour aider la garnison à remplir ses réservoirs à l’aide d’un ruisseau que les Indigènes détournaient. Ces visites étaient désagréables à Duvivier, parce qu’elles contrariaient, suivant l’expression de Changarnier, « le nouveau siège de Gênes[9] », dans lequel l’assiégé s’obstinait à se conduire comme s’il avait été entouré par 60.000 Autrichiens[10]. Chargé, en janvier 1840, de relever avec le 2e léger, au Camp supérieur de Blida, le 24e de ligne commandé par le colonel Gentil, Changarnier y trouva des consignes rigoureuses. Duvivier avait défendu, même aux officiers, de monter sur la banquette des remparts, comme si une mort certaine les y eût attendus. De Blida, il surveillait à la lunette ou faisait surveiller l’exécution de son ordre ; parfois un soldat ne supportant plus l’ennui du camp transformé en prison, se donnait le plaisir de jeter sur la campagne un coup d’œil furtif ; le télégraphe jouait aussitôt pour signaler au colonel Gentil : « une tête s’est montrée sur telle courtine ou sur tel saillant de bastion », et lui adresser des observations. Changarnier, qui n’était pas disposé à accepter des consignes de ce genre, reçut de Valée indépendance et responsabilité complètes dans le commandement de son camp ; il était aux ordres de Duvivier uniquement quand la brigade sortait en entier[11]. Dans son camp, Changarnier entendait ne se laisser mourir ni de soif, car il empêcherait les Indigènes de détourner son ruisseau, ni de faim, car il irait au-devant des convois ; il donnerait ainsi des distractions à ses soldats et soulagerait le service des escortes. Le 2e léger ne perdait rien de ses qualités manœuvrières. Un bataillon fournissait les travailleurs et les corvées. Les deux autres étaient toujours prêts à marcher : les sacs étaient paquetés, sauf au moment des travaux de propreté ; des sonneries différentes indiquaient la tenue à prendre ; la colonne était formée en trois minutes si elle emportait le sac complet ; en trois minutes et demie, si elle prenait seulement la couverture de campement et les vivres ; en moins de deux minutes, si elle se bornait au fusil et à la cartouchière[12]. Avec un régiment aussi alerte, aussi bien entraîné, il était possible à tout moment de courir sus à l’ennemi. C’est en grande partie grâce à lui et à son chef que Valée, conduisant une colonne de Boufarik vers l'Oued-el-Alleug, put infliger le 31 décembre 1839 une sanglante défaite aux contingents réguliers de l’Emir, sur le terrain même du combat malheureux ; il débarrassa ainsi la Mitidja de leur présence[13]. Duvivier par contre restait bloqué dans Blida, en dépit d’une sortie le 29 janvier 1840[14]. Dans l’ensemble, les troupes manquaient d’enthousiasme, par la faute de leurs chefs. Le capitaine de Saint-Arnaud exprimait bien cet état de choses en écrivant de Kouba, le 31 janvier 1840 : « La tête, la tête..., des généraux neufs et peu militaires, fatiguant le soldat comme dans une garnison de France, ne sachant ni les conduire, ni leur inspirer confiance[15]. » Les hostilités s’étendaient à la province d’Oran. La redoute de Mazagran, près de Mostaganem, attaquée une première fois le 13 décembre 1839, fut assiégée de nouveau le 2 février 1840 par les contingents du khalifa de l’Emir. Elle était défendue par 123 chasseurs de la 10e compagnie du 1er bataillon d’Afrique, aux ordres du capitaine Lelièvre. Pendant quatre jours, du 2 au 7 février, les défenseurs, abrités derrière leurs murs, parvinrent à résister aux attaques de milliers d’Indigènes et tirèrent à bout portant sur leurs audacieux adversaires ; ils durent repousser à coups de baïonnettes et de grenades un assaut plus furieux que les autres. Les chasseurs eurent seulement 3 tués et 16 blessés, tandis que les Indigènes éprouvèrent des pertes considérables[16]. L’affaire de Mazagran eut en France un grand retentissement : elle fut célébrée par les chansonniers, en des refrains qui devinrent rapidement populaires, et commentée par les journalistes. Le Gouvernement, dont cette publicité favorisait la politique, sut néanmoins résister à certaines propositions, comme celle de décorer de la légion d’honneur ou d’une médaille spéciale chacun des défenseurs de Mazagran. Ne voulant pas déprécier la légion d’honneur par une trop large distribution, ni même par la création d’une décoration commémorative[17], il se borna à nommer le capitaine Lelièvre chef de bataillon et à récompenser les hommes qui s’étaient fait remarquer[18]. Beaucoup d’officiers de l’armée d’Afrique estimaient qu’il ne fallait pas exagérer cette affaire : « Certes le fait d’armes de Mazagran est beau, écrivait le capitaine de Saint-Arnaud ; c’est une belle défense, mais elle était forcée, il fallait résister ou mourir. M. Lelièvre passe d’ailleurs pour un officier assez ordinaire[19]. » Cependant le Gouvernement fit frapper une médaille « en souvenir de la défense de Mazagran », et en envoya 128 exemplaires au général Guéhéneuc, commandant la division d’Oran, pour être distribués aux militaires figurant sur la liste jointe ou transmis à leurs familles[20]. Les zéphyrs, qui avaient été braves au feu, furent entraînés, le danger passé, par leurs mauvais penchants ; ils dévalisèrent les Indigènes qui, au risque de subir les représailles d’Abd el Kader, venaient ravitailler la garnison de Mostaganem, et empêchèrent ainsi tout commerce : « Les soldats du poste de Mazagran, a écrit du Barail, les héros de la défense, s’étaient tout bonnement transformés en coupeurs de bourse. Sous prétexte de faire bonne garde, ils attendaient les Arabes à leur retour du marché, les dévalisaient et tuaient ceux qui résistaient... On remplaça la compagnie du bataillon d’Afrique, à Mazagran, par une compagnie d’infanterie, et tout rentra dans l’ordre[21]. » On ne peut pas dissimuler ces événements sans donner une impression fausse des faits et des hommes. En les déplorant, le général du Barail ajoutait : « Il convient de faire remarquer, à l’honneur de l’armée, que les bataillons d’Afrique sont des corps de punition dont les cadres sont formés de sujets d’élite, mais dont les hommes, sortant tous de prison, ont le sens moral singulièrement perverti[22]. » C’est une erreur de croire que ces hommes peuvent subitement se transformer. Le commandant Lelièvre ne sut, pas mieux que ses chasseurs, rester digne des éloges et des récompenses dont il avait été l’objet. Lui dont Montagnac disait, huit jours après l’affaire : « Honneur au capitaine Lelièvre qui commande cette compagnie[23] », fut mis en réforme pour incapacité et pour dettes. Un an et demi après sa promotion, Montagnac lui consacrait ce requiem militaire : « Notre fameux Lapin de Mazagran a fini par être expulsé de l’armée, à la suite de tous ses méfaits. Il y a longtemps qu’on aurait dû lui rendre cette justice. Toutes les presses vont sans doute gémir sous le poids d’une pareille atrocité, et tous les journaux nous étourdir de leurs doléances : « Il n’y a qu’un héros dans l’armée française, on le chasse ! Où est donc réfugié l’honneur national ? Où retrouver les belles traditions militaires, si l’on éloigne les hommes honorables appelés à les protéger ? O Lepus ! Requiescat in pace[24] ». La défense de Mazagran, « même en tenant compte de l’exagération et de l’engouement, est réellement un très beau fait d’armes[25] », d’après du Barail ; malgré les faiblesses ultérieures des zéphyrs et de leur chef, elle reste un glorieux événement, dont le bataillon d’Afrique a le droit de s’enorgueillir. Un autre engagement, moins brillant, eut lieu le 12 mars aux environs immédiats d’Oran, à Tamsalmet. Le lieutenant-colonel Yusuf, sorti de Misserghin avec ses spahis, un bataillon du 1er de ligne et deux obusiers de montagne, fut entouré par un millier d'Indigènes. Il soutint pendant sept heures un combat acharné, au cours duquel ses spahis lâchèrent pied ; il fut sauvé par la bonne tenue des fantassins, puis par l’intervention de la garnison d’Oran[26]. Cet engagement donna lieu par la suite à de vives discussions entre les spahis et les autres corps, ainsi qu’entre Yusuf et ses détracteurs. Le capitaine de Montagnac critiquait les termes élogieux dans lesquels le bulletin d’opérations parlait du lieutenant-colonel Yusuf, en écrivant d’Oran, six jours après le combat : « Il est beau, le succès ! parlons-en : une déroute du régiment de spahis, déroute qui, sans la bonne contenance de nos pauvres petits pioupious, entraînait la perte de toute la province d’Oran ![27] » Du Barail, qui était brigadier aux spahis à Mostaganem, reconnaît que Yusuf se laissa, ce jour-là, attirer dans un piège ; il ajoute que toute cavalerie aurait fait comme les spahis, car le cheval est son arme défensive comme son arme offensive. Cependant Yusuf dut se jeter dans le carré d’infanterie, accompagné d’un seul brigadier français, pour continuer à diriger le combat. La qualité des spahis indigènes à ce moment, en raison de leur recrutement difficile, fut, quoiqu’on dise du Barail, pour une part dans leur attitude. Yusuf acceptait assez aisément les candidats qui se présentaient, pour éviter le licenciement de son corps[28]. Les renforts étaient arrivés de France. L’armée d’Afrique fut portée à la date du 1er février 1840 à l’effectif de près de 59.000 hommes, dont plus de 52.000 présents. Parmi ces troupes était débarqué à Alger, le 29 janvier 1840, le bataillon de tirailleurs de Vincennes. Ce bataillon avait été créé à titre provisoire par décision du 14 novembre 1838, avec la compagnie d’essai du 51e régiment d’infanterie pour noyau ; puis il avait été constitué en corps isolé par ordonnance du 28 août 1839[29]. Apprécié par le maréchal Soult au camp de Fontainebleau, le futur 1er bataillon de chasseurs à pied était envoyé faire ses preuves en campagne. La légion étrangère fut renforcée dans la première quinzaine de mars d’un 4e bataillon, formé à Pau. Ce bataillon, installé à Kouba, comprenait plus d’une centaine d’Espagnols ; trente d’entre eux tentèrent d’assassiner leur lieutenant et désertèrent. Le capitaine de Saint-Arnaud, désigné pour l’encadrement du bataillon, exprimait sa consternation en ces termes : « La légion est compromise... Ce prestige perdu, cette belle réputation de la légion ternie par une centaine de misérables, voilà ce qui me fait pleurer comme un enfant[30]. » Ce déplorable événement ne devait cependant pas empêcher la légion de rester un beau corps, ni la compagnie de grenadiers de Saint-Arnaud d’être vaillante : « Nos hommes sont superbes, écrivait-il le 10 avril, et par la taille et par la tournure militaire ; ils ont tous servi[31]. » Puis le 1er mai, du bivouac d'El-Affroun : « La légion a admirablement soutenu la retraite de toute l’armée au passage d’une rivière[32]. » Les zouaves ne comptaient plus guère que des Français ; cependant, quelques Arabes ou Kabyles se trouvaient encore dans leurs rangs[33]. Avec les effectifs importants dont il disposait désormais, Valée voulait détruire la puissance d’Abd el Kader et avait établi dans ce but un plan d’opérations. Le Ministre de la Guerre, après avoir étudié ce plan, lui donna le 11 février son avis sur les opérations à entreprendre. Il croyait possible d’enlever en 1840 Médéa, Miliana et Mascara, et d’occuper provisoirement Cherchell. Il définissait au Gouverneur général des principes de guerre africaine : ce sont les populations qui comptent, car les positions n’ont pas la même valeur que dans les contrées où les troupes ont besoin de places fortes et de routes ; les conceptions stratégiques ou tactiques restent sans effet en face d’adversaires qui se dérobent et s’éparpillent, tout en conservant toujours la liberté d’accepter ou de refuser le combat[34]. Valée commença ses opérations en occupant Cherchell, le 15 mars ; il y exécuta quelques travaux, puis y installa un bataillon d’infanterie légère d’Afrique commandé par Cavaignac[35]. Quand il y avait à créer, à souffrir, à lutter, on pensait à Cavaignac ! L’arrivée au pouvoir du Ministère Thiers, le 1er mars 1840, avec le général Cubières au ministère de la guerre, à la place du général Schneider, ne modifia pas le plan d’opérations[36]. Valée se mit en devoir d’occuper Médéa et Miliana. L’expédition de Médéa fut organisée au mois d’avril. Le duc d’Orléans fut « ramené en Afrique, a écrit Changarnier, au grand regret du Roi, son père, et sans beaucoup d’entrain personnel, par les promesses du malencontreux discours prononcé au dîner de la place Bab-el-Oued[37] » ; il amena avec lui comme aide-de-camp son jeune frère le duc d’Aumale, dont « l’extérieur plut généralement à l’armée », et prit le commandement d’une des deux divisions. Avec les princes arrivèrent des officiers portant des noms connus, tels que le lieutenant général baron Marbot, les commandants d’Elchingen, de Chabaud-Latour, de Montguyon et Bertin de Vaux ; le major belge Lahure, des Guides. Dans les rangs des deux divisions se trouvaient beaucoup d’officiers déjà estimés en Afrique, qui devaient par suite acquérir une glorieuse réputation et atteindre les hauts grades : le général Duvivier, les colonels de la Moricière, Changarnier et Bedeau, le commandant Renault, le sous-lieutenant Ducrot. Avec un encadrement aussi brillant, la colonne expéditionnaire, conduite par Valée, devait être suivie attentivement par l’armée et par le public. Elle livra d’abord le 27 avril 1840 le combat d'El-Affroun, dont de multiples récits exagérèrent l’importance. Elle se dirigea ensuite sur Cherchell, où le commandant Cavaignac venait de repousser des attaques si violentes que ses hommes avaient dû charger les Kabyles à la baïonnette[38] ; elle laissa dans cette place ses malades et blessés, y reçut des renforts et s’y approvisionna. L’enlèvement du col de Mouzaïa, qu’il fallait traverser pour aller à Médéa, et qui était organisé et défendu par l’infanterie d’Abd el Kader, est resté légendaire. L’attaque eut lieu le 12 mai, et fut menée par trois colonnes constituées avec la division du duc d’Orléans. A gauche le général Duvivier, ayant parmi ses troupes le colonel Changarnier à la tête du 2e léger, était chargé de la tâche la plus dure, l’enlèvement du piton de Mouzaïa ; au centre, le colonel de la Moricière, disposant comme principal élément de deux bataillons de zouaves, devait aborder la crête entre le piton et le col ; à droite, le général d’Houdetot avait pour mission de marcher sur le col dès que les crêtes le dominant seraient occupées ; le duc d’Orléans et le duc d’Aumale se trouvaient avec lui[39]. Le colonel Changarnier fut sans contredit le héros de la journée. Il en a raconté dans ses Mémoires les divers épisodes : l’ascension courageuse du 2e léger sous la fusillade, la courte halte faite grâce à l’enveloppement opportun par un nuage, l’enlèvement de la redoute par « les incomparables soldats, épuisés, haletants, mais électrisés, qui le suivaient », le déploiement du drapeau du 2e léger par le sous-lieutenant Richard, la sonnerie de la marche du régiment par les clairons, l’effet produit par « ces notes belliqueuses, bien connues de toute l’armée[40] ». Il avait ses vêtements et ses épaulettes déchirés par les balles, et plus du tiers de son régiment tué ou blessé ; il reçut d’ailleurs des Indigènes le surnom de « l’homme du pic[41]. » Il a décrit sans indulgence la difficulté éprouvée par le général Duvivier à suivre son allure et le retard infligé au 24e , marchant dans les traces du 2e léger, par le fait que Duvivier « s’était suspendu au bras du colonel » ; il dépeint la consternation de La Moricière d’arriver après lui à l’objectif fixé aux zouaves : « La vérité, a-t-il écrit, est que le colonel du 2e léger était au col une demi-heure avant La Moricière, triste de son échec, et trois heures avant Duvivier, dont les jambes avaient trahi l’intrépidité. Plusieurs milliers de survivants du 12 mai le savent bien[42]. » Pendant ce temps, « à côté du Prince royal, le maréchal Valée était immobile, silencieux, les mains croisées sur les fontes de sa selle, et par la sévérité de son attitude calme, empêchait les bavardages de l’état-major. » A un moment donné, sur la remarque d’un officier, le duc d’Orléans se retourna ému vers le Gouverneur et lui dit : « La fusillade se rapproche, la colonne de gauche est repoussée ». — « Non, c’est l’effet du vent. Silence ! », répartit Valée d’un ton sec. Un moment après, en entendant la marche du 2e léger, Valée reprit : « Voilà le 2e léger maître des hauteurs. Bientôt, Monseigneur, vous pourrez avancer[43]. » Le sous-lieutenant Ducrot, « officier leste et intelligent », comme le qualifie Changarnier, se trouvait au 24e, derrière le 2e léger, et a donné lui aussi un récit de la journée. Au point du jour, lorsque les troupes commençaient à gravir la montagne, les Kabyles s’enfuyaient en criant : « Arrivez, arrivez, nous vous avons préparé un bon déjeuner ». C’est pour cela que le plateau sur lequel a été faite une longue halte avant l’assaut a conservé depuis lors le nom de « Plateau du déjeuner ». Les officiers voyaient de là, avec des longues vues, les crêtes et les retranchements se garnir de défenseurs. Pendant l’ascension finale, les Indigènes se repliaient en s’arrêtant de rocher en rocher pour tirer, tandis que les assaillants montaient en se traînant sur les genoux, en s’accrochant aux pierres et aux épines. Quelle joie sans bornes en atteignant le sommet : « Il y eut alors une explosion d’enthousiasme ; les soldats criaient Vive le Roi ! les tambours battaient la Mère Michel ; on échangeait des poignées de mains[44]. » Comme diverses informations erronées furent publiées, au sujet de la part personnelle prise par le duc d’Orléans à ce combat, Changarnier en a rectifié une en ces termes : « La dépêche télégraphique du préfet maritime à Toulon, insérée dans le Moniteur du 22 mai, est une fable d’un bout à l’autre. Aucun prince n’a chargé le sabre au poing, ni d’aucune façon[45]. » Tandis que la division du duc d’Orléans s’illustrait à l’assaut, la seconde division, laissée en réserve et en arrière-garde, eut à subir une attaque des contingents kabyles ; en les repoussant, elle éprouva quelques pertes : entre autres le général de Rumigny, son chef, et le général Marbot furent blessés. L’organisation du ravitaillement des troupes et celle de l’évacuation des blessés sur le champ de bataille avaient été, comme bien souvent à cette époque, trop négligées. « Notre colonel, écrivait le sous-lieutenant Ducrot, nous avait fait laisser à la ferme tout ce qui pouvait nous embarrasser dans notre course, de sorte que nous avions à peine quelques morceaux de biscuit dans nos poches. Nous avons passé la nuit sur la hauteur, exposés à un froid très vif, n’ayant rien à manger. « Ce qu’il y avait de plus pénible était de voir nos malheureux blessés, manquant de tout, éprouvant d’atroces douleurs. Dans la matinée du 13, un bataillon du 58e est venu les chercher avec des cacolets, et, dans la même journée, ils ont été évacués sur la ferme[46]. » Cinq jours après ce combat, Valée, laissant le col de Mouzaïa fortifié et occupé, entra dans Médéa, où il installa quatre bataillons, sous les ordres du général Duvivier, nommé commandant supérieur de la province de Titteri. Au retour, l’arrière-garde de la colonne fut violemment attaquée le 20 mai au bois des Oliviers, en regagnant le col ; le 17e léger, aux ordres du colonel Bedeau, dut combattre avec acharnement ; le bataillon de zouaves du commandant Renault et le 2e léger furent même obligés d'intervenir pour l’aider à se dégager[47]. Les pertes ayant été sensibles, les journaux de l’opposition représentèrent à tort, d’après Changarnier, cette journée comme une défaite et ajoutèrent : « Le déjeuner du Gouverneur a duré une heure et demie. Il n’a pas employé à propos la première division parce que son chef, le Prince Royal, était souffrant. » Changarnier a départagé ces critiques dans les termes suivants : « La première accusation est calomnieuse : le sobre maréchal n’a pas employé plus d’une minute à prendre debout une tasse de thé. La seconde est fondée[48]. » Ainsi, la physionomie des combats donnée par les témoins oculaires est souvent fort différente de celle résultant des rapports officiels ou des articles de presse. Le duc d’Orléans et le duc d’Aumale revinrent à Alger, suivant les instructions du Gouvernement, et s’embarquèrent le 26 mai pour la France. La Moricière ayant pris le même bateau, Changarnier a écrit à ce sujet : « Fin courtisan, persuadé qu’il y a plus à gagner à la fréquentation des princes qu’aux coups de fusil tirés loin d’eux, La Moricière s’embarque avec le duc d’Orléans, sous le prétexte donné par ce prince au gouverneur que le colonel des zouaves l’aidera à éclairer le ministère du 1er mars sur les intérêts de l’Algérie. Le maréchal Valée ne rut pas pouvoir refuser au prince ce compagnon de voyage, mais lui dit que l’armée serait étonnée du départ d’un colonel dont le régiment faisait une campagne très active[49]. » L’expédition de Médéa a laissé une trace profonde dans les fastes de l’armée d’Afrique. Les journalistes et les écrivains de l’époque en ont longuement parlé ; les historiens lui ont réservé une place disproportionnée avec son importance. Des artistes réputés, comme Horace Vernet et Bellangé, en ont fixé les épisodes en des œuvres célèbres. Ainsi mise en lumière, cette expédition prend du moins un éclat qui permet de mieux comprendre une période caractéristique de l’armée d’Afrique. La politique indigène était le moyen dont Valée comptait user pour pacifier la province de Titteri, comme il avait pacifié celle de Constantine. Il définissait ce moyen à Duvivier dès le 19 mai, en ces termes : « Votre action politique sur la province doit commencer immédiatement. Le but que vous devez vous proposer est de ramener à nous toutes les tribus de Titteri ; de leur faire comprendre que cette province est perdue pour Abd el Kader ; que Médéa, comme Constantine et tant d’autres places, est désormais une ville française ; ...que, sous l’autorité du commandant supérieur, de grands chefs indigènes gouverneront d’après les lois du Prophète ; enfin, que les exactions cesseront et que partout un pouvoir protecteur ramènera l’ordre[50]. » Le Gouverneur s’adressait d’ailleurs directement aux habitants du Titteri, dans une proclamation où il leur disait : « Vivez en paix avec les Français ; vos chefs vous administreront... La protection de la France assurera la tranquillité de ceux qui écouteront la voix de la justice et de la raison[51]. » On voit combien est fausse la légende répandue par les ennemis de l’armée d’Afrique, et d’après laquelle les chefs militaires se préoccupaient surtout d’acquérir de la gloire par de sanglants combats. Ils voulaient assurer par la paix le bonheur des populations indigènes. Tandis que Valée terminait victorieusement l’expédition de Médéa, il était desservi et calomnié à Paris, comme le sont si souvent les serviteurs lointains. Défendu par le duc d’Orléans, il entama le 5 juin l’expédition de Miliana, malgré le conseil télégraphique du Ministre de la Guerre de la remettre à plus tard, et occupa cette ville le 8 juin ; il y laissa le lieutenant-colonel d’Illens avec deux bataillons, des sapeurs et quelques canons, en lui donnant comme mission d’établir des relations politiques et commerciales avec les tribus[52]. Au retour de Miliana, Valée se rendit à Médéa. La garnison, mal approvisionnée, s’impatientait depuis quelque temps déjà : « En fait de chaussures et de vêtements, écrivait le sous-lieutenant Ducrot, nous possédons ce que nous portons sur nous ; vous pouvez vous figurer dans quel état ils sont après vingt jours de course au milieu des pierres et des broussailles ! En fait de douceurs, les vivres de campagne, c’est-à-dire le pain de munition et la demi-livre de viande, juste de quoi ne pas mourir de faim ! Tout cela ne nous empêche pas d’avoir bon pied, bon œil, de rire de notre misère, et de pester contre le Maréchal qui devait revenir au bout de quinze jours et n’a pas reparu aujourd’hui 13 juin[53]. » Duvivier, se plaignant de disposer de forces insuffisantes, demandait sa mise en disponibilité. Le Maréchal l’autorisa à créer un escadron de spahis irréguliers et un demi-bataillon de tirailleurs (3 compagnies) de la province de Titteri, comme dans la province d’Alger[54] ; il le félicita de ses travaux à Médéa, et lui confirma sa mission de rattacher les populations de la province aux intérêts français[55]. Valée avait ainsi, en occupant successivement Cherchell, Médéa et Miliana, réalisé le plan de campagne approuvé par le Gouvernement. Il adressa ses félicitations à ses troupes par ordre général du 5 juillet 1840[56] ; il reçut lui-même quelques jours plus tard celles du Ministre de la Guerre, qui lui écrivait : « L’armée et son chef auront ainsi assuré la conquête de l’Algérie et préparé la prospérité d’une grande colonie ; ce sont des services que le Roi et le Pays se plaisent à reconnaître[57]. Les Indigènes ralliés à la France combattaient, même sans l’appui des troupes françaises, les contingents d’Abd el Kader. Ainsi dans la province de Constantine, le cheikh el Arab, Ben Gana, avait complètement défait dans le Sud les troupes du khalifa d’Abd el Kader, et avait, comme preuve de sa victoire, envoyé au général Galbois 500 oreilles droites enlevées aux têtes coupées[58]. Il reçut 20.000 francs destinés à couvrir les dépenses faites pour ses troupes et 25.000 francs comme dédommagement de ses dépenses personnelles, ainsi que des munitions[59] ; il fut en outre nommé officier de la légion d’honneur, et comblé de cadeaux pour lui et son entourage[60]. Les troupes indigènes irrégulières pouvaient rendre de grands services, aussi bien dans les tribus que dans les villes. Elles furent créées ou réorganisées par Valée dans le second semestre de 1840, et constituèrent des unités adaptées aux ressources et aux besoins de chaque province. Dans la province de Constantine, il y eut des spahis irréguliers, des gendarmes maures, et des tirailleurs. Les spahis irréguliers comprirent d’abord un escadron à Sétif. L’escadron, commandé par un lieutenant français, avait en outre, un sous-lieutenant officier payeur français. Les cinq autres sous-lieutenants, les gradés et les 100 spahis étaient tous indigènes. Les spahis, fournis par les tribus, étaient habillés, montés et équipés à leurs frais, et portaient comme marque distinctive, dans le service, un burnous et un turban bleus[61]. Trois autres escadrons furent successivement créés à Guelma, à La Calle et à Philippeville[62]. Il y avait aussi deux escadrons à Constantine[63]. Des escadrons de spahis irréguliers furent en outre attribués aux trois khalifas de la province, au cheikh el Arab et au caïd des Aracta ; mais ces escadrons n’avaient comme officiers que des sous-lieutenants indigènes ; les spahis, astreints à se monter, s’habiller et s’équiper avec leur solde, portaient comme unique signe distinctif une flamme bleue sur la tête[64]. Les gendarmes maures eurent d’abord un peloton à Constantine. Ce peloton était commandé par un sous-lieutenant français portant l’uniforme de la gendarmerie française. Les gendarmes étaient choisis parmi les meilleurs spahis irréguliers ; ils se montaient, s’habillaient et s’équipaient avec leur solde, et portaient le costume algérien bleu clair, avec burnous et turban de même couleur[65]. Un second peloton fut créé à Philippeville, et un troisième réorganisé à Bône[66]. Chaque peloton prit le nom de sa ville d’attache. Les tirailleurs indigènes furent constitués en unités mieux définies. Le bataillon de tirailleurs de Constantine reçut une composition fixe, un uniforme, une solde et un conseil d’administration[67]. Les troupes indigènes à pied de l’arrondissement de Bône devinrent le « demi-bataillon de tirailleurs de Bône[68]. » Ces unités, commandées par des officiers français, comprenaient des artilleurs. Les tirailleurs de Constantine avaient comme uniforme : une veste dite arabe en drap bleu clair, une culotte large en drap bleu clair ou en toile grise, une ceinture rouge en laine, la calotte de Tunis, des souliers arabes et des guêtres en cuir, un paletot ou caban à capuchon et à manches en drap blanc ; ils portaient le turban blanc en grande tenue. Les officiers avaient une tenue spéciale : habit-capote bleue céleste ; pantalon garance à larges plis, avec bandes bleu céleste ; casquette garance[69]. Dans la province d’Alger, il y eut, comme dans celle de Constantine, des spahis irréguliers, des gendarmes maures et des tirailleurs. Les spahis irréguliers d’Alger, constituant un escadron dont l’effectif était au complet, reçurent un statut[70]. Les gendarmes maures comprirent deux escadrons, placés sous les ordres de l’officier chargé du bureau arabe à l’état-major du Gouverneur. Le premier escadron porta le nom de gendarmerie maure d’Alger ; le second fut divisé en deux parties, qui portèrent respectivement les noms de gendarmerie maure de Koléa, et gendarmerie maure de Blida[71]. Les troupes indigènes à pied furent constituées, en raison des services qu’elles avaient rendus, en « demi-bataillon de tirailleurs d’Alger[72]. » Cette unité fut, dès le 10 janvier 1841, transformée en un bataillon à six compagnies[73]. Pour simplifier l’administration de ces unités indigènes de la province d’Alger, le Gouverneur général leur donna un conseil d’administration commun, dont le capitaine chef du bureau arabe d’Alger fut président[74]. Dans la province de Titteri, le général Duvivier avait reçu l'autorisation de créer un escadron de spahis irréguliers à Médéa, et un demi-bataillon de tirailleurs de la province de Titteri[75]. Dans la province d’Oran, les troupes indigènes étaient sous les ordres du général Mustapha ben Ismaël, qui depuis des années défendait la cause française. Les Douairs et Smela formaient une excellente troupe, que Mustapha ben Ismaël reçut l’autorisation de porter à 1.000 cavaliers. Le bataillon de tirailleurs indigènes put compter 500 hommes. Enfin l’effectif du demi-bataillon de Turcs d’Oran fut fixé à 500 hommes, si les engagements des Coulouglis permettaient d’atteindre ce chiffre[76]. Cette organisation d’ensemble des troupes indigènes donnait aux troupes régulières l’appui d’unités capables d’alléger en tout temps leur service et de leur apporter une aide précieuse en expédition. L’occupation de Cherchell, Médéa et Miliana étant réalisée, Valée avait exposé dans ses lettres au Ministre la suite de son plan d’opérations. Ce plan était le suivant : Laisser aux nouveaux postes le temps de se développer et les relier par de bonnes communications ; porter la guerre dans la province d’Oran et prendre comme base d’opérations Mostaganem ; occuper Mascara, détruire Tagdempt, et prendre possession de Tlemcen. Si la situation en Europe donnait des inquiétudes, rester sur la défensive dans la province d’Oran et consolider le Titteri[77]. Valée n'entendait pas détruire les villes, sauf le repaire de Tagdempt : « J’ai constamment regardé ma mission, écrivait-il à Thiers, comme m’imposant le devoir de conserver et de créer. La ruine des villes sert la politique d’Abd el Kader ; elle ramène les Arabes à la vie nomade pure et les rend plus insaisissables encore[78]. » La colonisation lui paraissait le meilleur moyen d’assurer à la fois la sécurité et la prospérité. Pour protéger les exploitations agricoles éparses dans la Mitidja, des généraux comme Daullé et Rogniat établissaient à ce moment des projets relatifs à la construction d’un obstacle continu[79]. Valée par contre souhaitait une augmentation de la densité des fermes ; il désirait la venue de 8 à 10.000 colons, dont la présence empêcherait les Indigènes à l’affût d’un mauvais coup de circuler : « Je voudrais attirer des laboureurs à tout prix, écrivait-il à Thiers, parce que, sans cette classe d’hommes, nous ne pourrons rien fonder[80]. » La réalisation de ces projets se heurta à des difficultés de toute sorte : à Paris, manque de confiance dans le Gouverneur, et inquiétudes sur la situation européenne ; en Algérie, mauvais état sanitaire de l’armée, et nécessité de ravitailler les garnisons récemment installées. L’armée d’Afrique souffrait. Dans la plupart des postes, la garnison ne pouvait pas sortir, et elle était continuellement exposée à des attaques soudaines ; privée de distractions et de ressources, installée dans des conditions peu hygiéniques, elle devenait la proie de la nostalgie et des épidémies. Les nouvelles garnisons de Cherchell, Médéa et Miliana absorbaient des unités ; les escortes importantes nécessaires aux convois qui allaient les ravitailler employaient le reste. Ces convois, toujours attaqués en cours de route, subissaient des pertes parfois sensibles, qui contribuaient à diminuer les effectifs. A pareil régime, l’armée d’Afrique était destinée à fondre peu à peu, uniquement en cherchant à vivre et à se défendre, et sans avoir rendu de services à la colonisation. Les officiers, constatant ce déplorable état de choses, s’en plaignaient amèrement dans leurs lettres, et en rendaient le maréchal Valée responsable. La situation eût cependant été moins mauvaise si beaucoup d’entre eux avaient agi au lieu de gémir, si les chefs de corps avaient élevé le moral de leurs hommes, s’ils avaient surveillé leur hygiène et s’ils s’étaient appliqués à exercer leur activité. Changarnier montrait à tous l’exemple de l’énergie, et avait conquis, à juste raison, l’entière confiance de Valée. Ainsi, en juin 1840, le Gouverneur conduisait à Médéa une colonne de ravitaillement dont Changarnier faisait partie. Il voulait ensuite approvisionner Miliana, alors à court de vivres. Les généraux et les colonels, successivement consultés, déclarèrent que, dans l’état d’épuisement des troupes, avec les chaleurs de l’été, et en présence d’un ennemi nombreux et acharné, on risquait un désastre. Le colonel Changarnier seul affirma l’opération possible. Valée décida de lui confier la direction de l'opération. Comme Changarnier lui demandait : « Que ferez-vous d’une demi-douzaine de généraux qui seront furieux ? » — Je me f.. bien, répliqua-t-il, de ces c... qui, les uns après les autres, ont essayé de me faire partager leur peur. » Un ordre du jour du 21 juin donna à Changarnier le commandement d’une colonne de 5.000 fantassins, 600 chasseurs d’Afrique, 8 pièces de montagne et 2 compagnies du génie ; les colonels plus anciens que lui eurent à lui fournir un nombre de bataillons correspondant au total de leurs disponibles, et ils restèrent à Médéa avec les malingres, ainsi que les six généraux ! Le convoi fut mené à destination, et la colonne revint en fort bon état[81]. A ce moment même, Changarnier reçut son brevet de maréchal de camp ; il n’était resté colonel que neuf mois, et avait franchi en moins de quatre ans et demi tous les échelons de capitaine à général. Il avait bien mérité cet avancement, en montrant ce qu’un chef peut faire de sa troupe par son action personnelle ; il a pu écrire avec un légitime orgueil : « Le 2e léger occupait le premier rang dans l’estime de l’armée[82]. » Nommé au commandement de la subdivision de Blida, il eut parmi les troupes sous ses ordres le bataillon de tirailleurs[83], débarqué à Alger le 29 janvier, et installé à Blida le 3 juillet. Ce bataillon, « fort éprouvé d’abord par le climat, puis par le feu de l’ennemi, était numériquement faible, mais son état sanitaire était devenu très bon et son esprit excellent[84]. » Il devint au mois de septembre, après avoir ainsi fait ses preuves en campagne, le 1er bataillon de chasseurs à pied[85] ; puis il fut rappelé d’Algérie en décembre et dirigé sur le camp de Saint-Omer, afin de servir de type aux neuf autres bataillons de chasseurs à pied à créer. Le maréchal de camp Duvivier commandait à Médéa, où il s’isolait comme il avait fait à Blida. Changarnier reçut mission d’ouvrir une route directe entre Blida et Médéa, et d’installer tout d’abord une redoute pour un télégraphe sur la chaîne de montagnes intermédiaire, à Aïn-Telazid. Lorsque le télégraphe fut prêt, impossible d’obtenir une réponse de Médéa, malgré des essais pendant plusieurs jours consécutifs. Changarnier eut une idée : « Je fis intercaler, parmi plusieurs signaux insignifiants, les mots : « Ordonnance... Avancement... Lieutenant général... » On nous répondit aussitôt : « Répétez votre signal ! » A quoi je fis répliquer : « Le Gouverneur est très mécontent de ne pas recevoir de vos nouvelles ». Le télégraphe de Médéa resta immobile. Il était désormais évident que sa paralysie était volontaire. Le nôtre ne bougea plus[86]. » Quelques semaines plus tard, à la fin d’août, Changarnier partit d'Aïn-Telazid pour établir une communication directe avec Médéa. Ses troupes repoussant les Kabyles et se frayant un passage à la pioche et à la hache dans un terrain difficile, arrivèrent devant Médéa et établirent leurs bivouacs. L'aide-de-camp de Changarnier, le capitaine de Mac-Mahon, chargé d’annoncer la visite de son chef, ne parvenait pas à se faire ouvrir la porte de la ville. Lorsqu’elle s’ouvrit enfin, Duvivier, « sombre et soucieux », déclara à Changarnier qu’une place assiégée ne devait pas avoir de relations avec l’extérieur ! Il avait accompli des travaux importants mais avait éprouvé, quelques semaines auparavant, des pertes assez élevées lors d’une attaque dirigée contre ses travailleurs. Il fit des difficultés pour laisser emmener par Changarnier ses blessés et malades transportables, car il était « acharné à la poursuite d’un nouveau siège de Gênes[87], » analogue à celui soutenu par Masséna en 1800. A Miliana, pendant ce temps, la garnison qui y avait été installée le 11 juin, sous les ordres du lieutenant-colonel d’Illens, du 3e léger, souffrait et mourait. Elle comprenait un bataillon du 3e léger, un bataillon de légion, une compagnie de sapeurs du génie et 45 canonniers, avec 5 pièces. Son chef a raconté, dans un rapport émouvant, le martyre des troupes « du 1er juin au 4 octobre 1840, jour de l’arrivée d’une colonne expéditionnaire française[88]. » Le lieutenant-colonel d'Illens dut faire exécuter des travaux indispensables, non seulement pour la défense de la place, tels que bastions, blockhaus, murs et créneaux, fossés, mais aussi pour le bien-être des hommes, tels que bois de lit, tables, voitures, espadrilles en peaux de bœufs tenant lieu de souliers. Exposé à des attaques « journalières » des tribus, il se borna, suivant les instructions du Gouverneur, à défendre la place sans aller chercher l’ennemi au loin ; il se vit parfois, en raison des ravages de la maladie, « dans la nécessité de prendre un fusil et de marcher à l’ennemi à la tête de quelques soldats à peine guéris ». La farine laissée dans les magasins étant avariée, ne put donner « une nourriture saine et suffisante ». Ce fut là sans doute la cause principale du dépérissement de la garnison. L’état sanitaire commença à être mauvais dès juillet : l’effectif entier fut atteint de diarrhées et de fièvres : « tous les officiers sans exception, écrivait d’Illens, tous les officiers de santé, tous les administrateurs et tous les employés, tous les sous-officiers et soldats ; jeunes ou vieux, anciens ou nouveaux en Afrique, ont été malades plus ou moins de temps : les Arabes eux-mêmes employés dans notre service, n’en ont pas été exempts. » Il resta à peine cent hommes capables d’un service actif ; les bataillons se trouvèrent souvent presque sans officiers, et l’hôpital sans chirurgiens ; il fut extrêmement difficile d’avoir constamment des infirmiers et des boulangers. Les malades eurent d’ailleurs plusieurs rechutes. Les plus fréquemment atteints furent ceux dispensés du service de garde ou des travaux : « sergents-majors, fourriers, employés, infirmiers, boulangers, bouchers, domestiques d’officiers, etc.. » Pour combattre l’ennui, d’Illens organisa « une section de chanteurs », donnant des auditions deux fois par semaine ; la maladie dispersa ses rangs. La nostalgie et la folie firent des victimes. A la date du 3 octobre, quatre capitaines, deux autres officiers et près de sept cent cinquante sous-officiers et soldats, écrivait d’Illens, étaient morts à l’hôpital. Les survivants ne valaient guère mieux[89]. La discipline de cette garnison se maintint parfaite. « Au milieu de tant de souffrances et de privations, écrivait d'Illens, chacun est resté calme et soumis. Je n’ai jamais entendu le plus léger murmure ; la plus petite plainte n’a pas été proférée ». Cependant les contingents d’Abd el Kader postés dans les environs pour exciter les tribus, essayèrent de débaucher les soldats en répandant des lettres écrites en diverses langues. Dans les premiers temps, 25 caporaux ou soldats de la légion désertèrent ; mais des mesures de prudence et de fermeté enrayèrent le mal ; le bataillon de la légion, quoiqu’incomplètement organisé et manquant d’une partie de ses effets, rendit d’excellents services sous la direction du commandant Ferrari et du capitaine Bazaine. Quant au bataillon du 3e léger, « si bien organisé, si bien tenu », il était composé de jeunes soldats et éprouva de grosses pertes par la maladie. « Les deux bataillons, écrivait d’Illens, organisés en régiment provisoire, n’ont fait qu'une seule et même famille[90]. » Isolée et résignée, la garnison n’avait aucun moyen de correspondre avec Valée à Alger ou avec une autre troupe. Enfin d’Illens confia à Giacomo Martini, dit « Abdallah », ouvrier des ateliers d’Abd el Kader qui avait déserté Tagdempt, une lettre chiffrée pour Alger. Martini partit le 18 août, et revint le 21 septembre, avec une bonne réponse[91]. Il avait pu arriver au palais du Gouverneur, qui avait décidé aussitôt d’envoyer à Miliana un convoi conduit par... Changarnier.[92] Changarnier était ainsi chargé par Valée de toutes les missions difficiles, parce qu’il les menait toujours à bonne fin. On comprend la confiance dont l’honorait le Gouverneur, et l’admiration pour lui des officiers ardents. Le capitaine de Montagnac écrivait en octobre 1840 à son oncle : « il y a ici un général qui est tous les généraux de l’Afrique. C’est Changarnier. Y a-t-il une expédition à organiser ? Vite, on ramasse des fractions de tous les corps, et l’on prend mon Changarnier. — Y a-t-il une razzia à faire ? — Changarnier. — S’agit-il d’établir un télégraphe dans les nuages ? — Encore Changarnier, toujours Changarnier ![93] » Lorsque, le 4 octobre, la colonne Changarnier, dans laquelle se trouvaient le lieutenant-colonel Cavaignac, le colonel Bedeau et le colonel Korte, arriva à Miliana, il était temps : « Si j’eusse retardé mon mouvement de quelques jours, a écrit Changarnier, la garnison n’aurait peut-être pas eu debout assez d’hommes pour m’ouvrir les portes de cette ville désolée. » Il « emmena à dos de mulet les lamentables restes de la belle garnison établie moins de quatre mois auparavant dans cette ville ». Dès la première nuit, il dut enterrer une vingtaine de ces évacués ! Les autres furent pour la plupart envoyés aux hôpitaux lors du retour de la colonne à Blida, si bien qu’au 31 décembre, il ne restait, de toute la garnison, que 60 survivants[94] ! La situation des troupes n’était guère meilleure dans les postes ayant des communications faciles avec Alger et consommant des denrées non avariées. Au camp de Bouderbah, fin août, le bataillon du 1er de ligne, fort de 760 hommes quatre mois auparavant, se trouvait réduit à 210 ; la compagnie du capitaine de Montagnac, comptant 86 hommes un mois auparavant en partant de Boufarik, n’avait plus que 26 grenadiers, 3 caporaux et un sergent ! « Dans ce mois d’août, ajoutait Montagnac, notre pauvre bataillon et tous ses détachements sont logés sous des tentes, sur des terrains unis comme la main, dans des redoutes où il n’y a pas le moindre ombrage. Jugez des souffrances que l’on doit endurer sous ces misérables abris de toile qui font l’effet de fournaises[95]. » Au camp de Birkadem, deux mois plus tard, Montagnac ne se trouvait pas mieux : « Notre service est chaque jour plus accablant, et personne ne songe à nous soulager. Voilà cinq mois que mes hommes n’ont reçu aucun effet d’habillement. Ils n’ont pour tout vêtement qu’une capote en lambeaux, et pour pantalon qu’un caleçon auquel ils ont ajouté des bas de jambes en drap rouge, pour sauver les apparences. Avec cela, ils couchent par terre, sous des tentes percées à jour. Ils n’ont pas de sacs de campement, et n’ont qu’un petit morceau de couverture, leurs couvertures ayant été coupées en deux au moment où nous sommes entrés en campagne[96]. » Il y avait eu de l’imprévoyance lors de l’établissement des camps, en ne réservant aux alentours aucun terrain pour les troupes : « On est obligé, écrivait Montagnac, de louer bien cher, à ces canailles de colons, un terrain que nous avons enlevé à la baïonnette ; et, comme il faut bien que le soldat puisse circuler un peu aux environs de son camp, ce sont des procès continuels[97]. » Dans ces « trous empestés », comme Montagnac appelait les postes de « cette infernale Mitidja où personne ne pouvait vivre », les soldats étaient « à quelques lieues d’une capitale où tout était luxe et dépravation ». Cependant personne ne s’intéressait à eux. « Jamais un général, un intendant, un officier d’état-major ne daignerait se déplacer pour visiter nos postes. Les officiers d’état-major, plaie de l’armée, accapareurs de décorations et de grades, préfèrent rester à Alger, à faire belle jambe dans les cafés, les restaurants et autres lieux. » Montagnac s’indignait aussi contre les officiers envoyés en mission par le Ministre pour établir des rapports sur l’état des troupes, leurs casernements, etc. : « Ils traversent nos possessions comme les bécasses dans leurs trajets migrateurs », écrivait-il, établissent des mémoires in-folio d’après leur imagination ou les renseignements de l’état-major d’Alger, et « font avaler à notre bonne France ce fatras de mensonges qu’elle trouve de la plus exacte vérité[98]. » L’armée d’Afrique était aigrie. Les souffrances endurées dans les postes et les fatigues imposées par les ravitaillements avaient contribué à développer l’impopularité du Maréchal, qui se tenait trop loin de la troupe ; elles inspiraient aux officiers des lettres dans lesquelles Valée, « le vieux Louis XI », était sévèrement jugé. A la suite de la campagne du printemps, le sous-lieutenant Ducrot écrivait de Blida à son grand-père : « Il ne faut pas se le dissimuler, le maréchal Valée ne se doute pas de ce que c’est que conduire une armée ; ses plans sont en général assez bien conçus, ses idées sont justes, l’ensemble des opérations n’est pas mauvais ; mais quant aux détails, c’est une autre affaire. Les talents de l’homme de cabinet ne peuvent faire oublier les fautes de l’homme de guerre, du général en chef[99]. » Analysant les mêmes opérations, le capitaine de Montagnac parlait en ces termes du rôle de Valée et de son gendre le lieutenant-colonel de Salles : « La campagne, qui a duré depuis le mois de mars jusqu’au mois de juillet, pouvait se terminer, en quinze jours, d’une façon beaucoup plus brillante et plus honorable pour nous, si elle avait été conduite par un autre militaire qu’un obusier de soixante-huit[100], et par un monsieur qui n’a pour lui que d’être le gendre de son beau-père[101]. » Par une autre critique, plus fondée, Montagnac reprochait à Valée d’avoir disséminé les troupes dans les camps : « Le Maréchal a détruit toute l’organisation militaire. Les régiments sont jetés à droite et à gauche, les bataillons dispersés sur tous les points. Les chefs de corps ne les voient plus. Ces malheureux corps désunis, privés de leurs chefs, se démoralisent, les maladies s’ensuivent, et l’on voit des convois de moribonds sillonner l’Algérie en tous sens[102]. » Cette dissémination, et l’inaction de la plupart des chefs provoquaient son indignation : « Il n’y a plus d’armée en Afrique. Il y a des soldats, mais d’armée, point... Les généraux sont à Alger n’ayant pas d’emploi et n’en demandant pas[103]. » Il ajoutait encore : « Quel système, grand Dieu ! que celui qu’on a adopté pour occuper ce pays ! Ces horribles villes, véritables prisons, dans lesquelles on a jeté environ trois mille individus, sont autant de gouffres où disparaissent ces malheureux abandonnés[104]. » Les appréciations de ce genre, colportées un peu partout, faisaient du tort à Valée ; leur ensemble n’était pas sans influencer le Gouvernement. Valée espérait cependant continuer la réalisation du plan qu’il avait exposé au Ministre ; il voulait développer la culture autour de Médéa et Miliana, de manière à en faire peu à peu des centres de colonisation, alléger les transports par la fabrication de biscuit à Médéa ; puis opérer de la même façon dans la province d’Oran[105]. Ses subordonnés, hypnotisés par les souffrances et les difficultés du moment, ne voyaient pas assez loin dans le temps, et ignoraient d’ailleurs ses projets. Son supérieur, le Ministre de la Guerre, qui changeait trop souvent, mais qui était représenté par ses bureaux, intervenait à chaque instant dans l’exercice de son commandement, et ne lui laissait pas les mains libres pour agir. Valée se plaignait parfois de cette ingérence d’une manière assez véhémente : « Il est important, écrivait-il au Ministre de la Guerre le 2 novembre 1840, que le Gouvernement prenne enfin, à l’égard de la colonie d’Afrique, une résolution définitive, de manière à faire cesser l’état d’incertitude dans lequel nous sommes. Le système suivi dans l’Algérie a été successivement soumis à trois cabinets ; celui dont vous faites partie l’a solennellement approuvé et je ne puis dès lors comprendre qu’il faille sans cesse, pour les détails, rentrer dans une discussion nouvelle[106]. » À ce moment même, le 29 octobre, le Cabinet changeait encore ; c’était Soult, duc de Dalmatie, vieux camarade de Valée, qui prenait le Ministère de la Guerre, en même temps que la Présidence du Conseil. Valée lui exposait, le 29 décembre, que ses dissentiments avec la Direction des Affaires de l’Algérie au Ministère de la Guerre provenaient de son désir de donner à l’Algérie une administration calquée sur celle de la Métropole[107]. Ce même jour, Soult l’informait qu’il était autorisé par le Roi à rentrer en France, comme il l’avait plusieurs fois demandé. Tandis que cette lettre de rappel était déjà en route, Valée s'appliquait à définir au Ministre son système, consistant à occuper successivement les points importants du pays : « Cette occupation, disait-il, appuyée sur des colonies habilement dirigées, peut seule, à mon avis, amener les Indigènes à la soumission et les attacher à nous par les intérêts commerciaux et les liens de l’habitude[108]. » Il exprimait ainsi des idées générales très justes, à côté d’erreurs manifestes comme l’assimilation administrative à la Métropole. Quoiqu’il fût rempli d’amertume, il formula des adieux très dignes aux Habitants de l’Algérie et à ses Soldats, confia le commandement de l’armée d’Afrique au lieutenant général Schramm, et s’embarqua le 19 janvier 1841 pour la France. Il n’avait jamais pu gagner la confiance du Gouvernement, et il n’obtint pas le temps nécessaire pour la réalisation de ses conceptions. Le lieutenant général Bugeaud se trouvait à Paris le 30 décembre 1840, lorsque sa nomination de Gouverneur général avait été décidée[109]. Quoique Louis-Philippe eût exprimé le désir de le voir rejoindre son poste promptement, il prit connaissance des documents relatifs à l’Algérie, reçut du Ministre des instructions, les étudia, et présenta ses observations à leur sujet. Il adopta le plan de Valée dans son ensemble, mais il insista sur les erreurs de son prédécesseur, comme la multiplication des postes et leur passivité. Il écrivait avec juste raison : « Je ne saurais trop m’élever contre les occupations sédentaires, immobiles. C’est la paralysie de toute l’armée, qui se trouve ainsi divisée en prisonniers et en pourvoyeurs, sans qu’il soit possible de faire aucune autre opération que celle de porter à manger aux garnisons[110]. » Après être allé se faire réélire député à Excideuil le 3 février, il se rendit à Toulon et débarqua le 22 février 1841 à Alger[111]. L’intérim depuis le départ de Valée avait été rempli par le lieutenant général Schramm. Il n’avait été marqué par aucun événement notoire, sauf peut-être une razzia exécutée par le général de la Moricière aux environs d’Oran[112]. Bugeaud était attendu sans enthousiasme par la population, parce qu’il s’était montré, dans ses discours à la Chambre, partisan de l’occupation restreinte. Dès son arrivée, il changea d’attitude ; il déclara dans sa proclamation aux habitants : « Le pays s’est engagé ; je dois le suivre... » Il ajoutait : « La conquête serait stérile sans la colonisation. Je serai donc colonisateur ardent, car j’attache moins ma gloire à vaincre dans les combats qu’à fonder quelque chose d’utilement durable pour la France[113]. » Il promit aux soldats de ménager leurs forces et de surveiller leur santé, et il leur demanda leur confiance[114]. « Dans sa proclamation aux habitants, pas plus que dans celle adressée à l’armée, il ne prononça le nom de son prédécesseur », a remarqué Changarnier[115]. Bugeaud n’était pas sympathique à tous les officiers ; son rôle de geôlier de la duchesse de Berry au château de Blaye et ses démêlés avec les avocats au procès du général de Brossard étaient fréquemment évoqués : « Le roi Louis-Philippe et ses fils, a écrit Changarnier, voyaient dans le général Bugeaud le champion de leur famille depuis qu’il avait rendu, à Blaye, des services peu militaires. Quoiqu’il eût tristement rafraîchi sa notoriété devant le Conseil de Guerre de Perpignan, ils lui sacrifiaient le maréchal Valée, au moment où les rares facultés administratives de celui-ci, son ardeur au travail, ses habitudes d’ordre et son intégrité allaient être le plus utiles à la colonie[116]. Le nouveau Gouverneur, dont « l’extérieur robuste annonçait un paysan madré quoiqu’il appartînt à une famille noble du Périgord[117] », parlait beaucoup, avec une franchise brutale. Il paraissait « préoccupé du désir d’élever sa réputation aux dépens de celles déjà faites avant son arrivée en Afrique[118]. » Il laissa parfois percer ce souci sans beaucoup de tact ; le jour même de son débarquement, après avoir reçu les autorités, il réunit dans son cabinet les généraux présents à Alger, critiqua la manière dont la guerre avait été conduite jusque-là, et leur adressa « quelques compliments généraux sur les grands services rendus par chacun d’eux dans sa sphère, malgré la mauvaise direction d’ensemble des opérations[119]. » Une réplique de Changarnier rappelant l’œuvre de Valée marqua le début d’une mésentente qui devait s’accentuer. Des officiers qui avaient servi sous les ordres de Bugeaud lors de son premier séjour, d’autres qui détestaient Valée, furent heureux de le voir venir. Montagnac écrivait dès le 1er février 1841 : « Nous avons entendu dire que le père Bugeaud allait prendre les rênes des affaires. Tant mieux ! qu’il vienne donc enfin remonter cette machine qui s’en allait se détraquant chaque jour davantage, sous les ordres de notre vieil animal de maréchal Valée. Vive Dieu ! Mais, de grâce, que le père Bugeaud nous fasse guerroyer, et nous aurons beau jeu de ces messieurs les Arabes[120]. » Après l’arrivée du général, il écrivait à son oncle : « Voilà enfin le général Bugeaud à la tête du pays. Comment s’en tirera-t-il ? Quelle tâche compliquée il a sur les bras ! Il aura fort à faire pour se dépêtrer de toutes les difficultés qu’a fait naître le système Valée, système dont la fausseté nous a coûté tant d’hommes et tant d’argent, et dont l’influence se fera sentir longtemps encore, quelles que soient les bonnes intentions du général Bugeaud et ses heureuses facultés[121]. » La situation générale était en effet peu brillante ; elle a été résumée en ces termes par Michel Blanc, alors sous-lieutenant au 2e léger : « En fait de villages, des camps où le soldat, prisonnier sous un soleil brûlant, demande aux liqueurs fortes un abrutissement qui le sauve de la folie. En fait de maisons, des baraques en planches ; en fait de colons, des cabaretiers empoisonnant la garnison que la fièvre ne tue pas. Pour aller d’Alger à Blida, il faut une armée, et si vous voulez visiter la Maison Carrée, vous ne pouvez le faire sans une escorte[122]. » Bugeaud commença par apporter des modifications au système d’occupation de Valée. Dans les environs d’Alger, il fit évacuer le poste du Fondouk ; dans la province de Constantine, où les lignes de communication étaient jalonnées par des camps, il en supprima dix, ne conservant que des postes importants d’où les troupes pouvaient rayonner[123]. Lorsqu’il organisa ensuite sa campagne de printemps, il réquisitionna des mulets pour en donner un plus grand nombre à ses colonnes. « Les colons, écrivait le lieutenant Ducrot, spéculant sur nos besoins, avaient fait monter les chevaux et les mulets à un prix fou. Le général a tout mis en réquisition. Il en est résulté que nous avons pu, en quelques jours, jeter plus de quatre cent mille rations dans Médéa. On a payé largement le louage des bêtes de somme, sans arriver à contenter leurs propriétaires[124]. » Il augmenta la ration de viande de ses soldats. Il rédigea des instructions détaillées pour la troupe, en marche ou en station, et les répandit par un ordre « seulement lu au cercle des officiers de chaque bataillon[125]. » Les troupes dont il prenait le commandement, quoique anémiées par la maladie, avaient pour la plupart été entraînées par les dernières campagnes : « Infatigables, sobres, intrépides, a écrit Changarnier, nos troupes, commandées par des généraux purs de tout désir de lucre, avides de périls et de gloire, avaient atteint le plus haut degré de perfection qu’une noble nation puisse souhaiter à son armée[126]. » Les premières opérations de Bugeaud consistèrent à ravitailler Médéa et Miliana. Louis-Philippe avait tenu à ce que ses fils y participassent. Le duc de Nemours était à la tête d’une division dans laquelle le général Changarnier commandait une brigade. « Ce prince, peu brillant quoique sensé et doué d’un bel extérieur », était médiocrement apprécié de Bugeaud, s’il faut croire Changarnier[127]. Le duc d’Aumale servait dans cette division comme lieutenant-colonel au 24e de ligne et s’attirait la sympathie de tous par son entrain et sa simplicité : « Il est impossible, écrivait le lieutenant Ducrot, de trouver un jeune homme plus aimable, plus gracieux que Henri d’Orléans. Nous avons eu beaucoup à souffrir du mauvais temps dans cette dernière expédition. Le caractère du Duc ne s’est pas démenti un seul instant. On voit qu’il n’y a là rien d’affecté. Comme lieutenant-colonel, il est parfait. Administration, comptabilité, discipline, il s’occupe de tout, et, ce qui paraîtra plus extraordinaire, en homme entendu. Il est brave autant qu’un Français peut l’être, et désireux de prouver à l’armée et à la France qu’un Prince du sang peut faire autre chose que parader. En expédition, il n’emmène aucune suite et vit avec nos officiers supérieurs[128]. » Au cours du ravitaillement de Médéa, un incident accentua la mésintelligence entre Bugeaud et Changarnier. Après un engagement, le 3 mai 1841, Bugeaud critiqua assez durement, à une réunion des généraux et chefs de corps, un mouvement prématuré de la division du duc de Nemours, qui avait empêché un succès complet ; Changarnier lui ayant répliqué de façon assez aigre qu’après six années de pratique en Afrique, il croyait connaître son métier, s’attira cette réponse, aussitôt colportée dans toute l’armée d’Afrique : « Le mulet du maréchal de Saxe a fait vingt campagnes et il est toujours resté mulet. » Il ne pardonna jamais à son chef[129]. Dans les réunions presque quotidiennes que Bugeaud tenait ainsi pendant les expéditions, il recueillait d’utiles renseignements auprès de ses subordonnés et leur donnait ses instructions : « Aimant à parler devant un auditoire forcément attentif, a écrit Changarnier, il délayait, aux dépens de la clarté, et entremêlait de longues digressions les ordres qu’un autre aurait donnés en trois minutes[130]. » Il tirait des événements des leçons excellentes ; mais il n’avait pas assez de ménagements parfois pour les officiers de mérite, occupant un rang élevé dans la hiérarchie, et se faisait d’eux des ennemis. Il avait su par contre, dès les premières semaines, gagner la confiance des officiers subalternes et de la troupe. Le lieutenant Ducrot écrivait : « Tout prouve son activité, son énergie. Il a montré dans la dernière expédition qu’il sait conduire les troupes, et qu’on peut faire autre chose ici qu’escorter les convois. Pas un coup de fusil ne se tire qu’il y vienne aussitôt. Peu lui importe de coucher ici ou là ; partout où l’ennemi se présente, il l’attaque et le pousse à outrance[131]. » Et un mois plus tard : « Décidément, le général Bugeaud est l’homme qui convient ici ! Il trouve moyen de faire trois fois plus de besogne que le maréchal Valée dans le même espace de temps ; il fatigue moins son monde, fait plus de mal à l’ennemi, et n’a presque pas de blessés[132]. » Le commandant de Saint-Arnaud possédait l’amitié du général Bugeaud, depuis qu’il avait été son officier d’ordonnance pendant la détention de la duchesse de Berry au château de Blaye. Il louait son chef en ces termes : « Le général Bugeaud s’est montré capitaine expérimenté et habile. On voit, on saisit ses pensées militaires. Il se bat quand il veut, il cherche, il poursuit l’ennemi, l’inquiète et se fait craindre. Son activité dévorante plaît au soldat qui, bien nourri, pas trop fatigué, chante les louanges de son chef[133]. » Changarnier a analysé en termes moins indulgents les raisons de la popularité de Bugeaud : « Aimant à parler, dans les couloirs de la Chambre, aux Tuileries, comme au camp, de tout ce qui concerne la nourriture et l’hygiène des troupes, la vulgarité de son langage et ses façons lui ont fait, à la cour et dans le public, une réputation d’homme entendu » ; d’autres aussi avertis, ajoutait-il, « n’auraient pas voulu ressembler à ces femmes qui, dans leur salon, parlent des comptes de leur cuisinière[134]. » Nulle sympathie réciproque ne pouvait exister entre le gouverneur à l’allure paysanne, au langage rude et prolixe, et le général distingué, aux paroles mesurées et concises, dépeint par du Barail en ces termes : « Ses soldats l’appelaient le général Bergamote, à cause du soin extrême qu’il prenait de sa toilette, allant au combat comme on va au bal, parfumé, tiré à quatre épingles, et ne touchant jamais son sabre qu’avec des gants beurre frais[135]. » La population civile d’Alger, ou du moins une partie de cette population, avait été froissée par la manière un peu brutale dont Bugeaud l’avait traitée. Le lieutenant Ducrot décrivait ainsi la situation : « Toute la canaille de ce pays-ci est ameutée contre lui, parce qu’il a commencé par leur dire qu’il voyait en Afrique « beaucoup de marchands de goutte et fort peu de colons ». Il a manifesté hautement son mépris pour les premiers. Les députés de la milice sont venus faire leur visite et ont dit avec beaucoup d’aplomb que la milice comptait quatre mille hommes armés et équipés, tous prêts à seconder l’armée dans la défense du territoire. Le général a pris la balle au bond et leur a répondu « qu’il ne doutait pas de leur dévouement » ; et, pour leur en donner la preuve, il a mobilisé deux bataillons de cette milice, destinés à garder le Sahel pendant l’absence de l’armée. Le reste fait le service de l’intérieur. On les mène tambour battant ; la moindre infraction aux ordres donnés ou à la discipline est punie de vingt-quatre heures à un mois de prison[136]. » Bugeaud entendait mener tous ses administrés militairement. Le général Baraguey d'Hilliers prit la direction des opérations dans la province d’Alger, au moment du départ de Bugeaud pour la province d’Oran ; récemment arrivé, il « était déjà parvenu en quelques semaines, prétend Changarnier, à mériter la haine cordiale des troupes[137]. » Ses opérations, ravitaillement de Médéa et Miliana, destruction des places d’Abd el Kader, Boghar et Taza, étaient décrites par Changarnier en ces termes : « Il parcourt les parties les plus ouvertes de la province d’Alger, épuise les troupes, s’en fait exécrer, et encombre de 20.000 malades les hôpitaux et les infirmeries régimentaires de cette province[138]. » Pour éviter ces mécomptes, il eût fallu uniquement employer en colonne des soldats acclimatés et entraînés par un séjour suffisamment long en Afrique : « Si l’on nous envoie de nouveaux régiments de France, écrivait Montagnac, ce sera une nouvelle recrue pour le cimetière... Il faut d’anciens soldats, des hommes faits, d’un tempérament formé, et, pour avoir ces ressources-là, il faut ne conserver dans le pays que des corps spéciaux, alimentés par des volontaires des régiments de France, auxquels on fera certains avantages[139]. » Un chef manquant d’expérience du pays se trouve d’ailleurs toujours, en territoire d’outre-mer, dans une situation délicate. « Le général Baraguey d’Hilliers a sous ses ordres, remarquait le lieutenant Ducrot, deux généraux, maréchaux de camp comme lui, et qui, déjà, laissent percer leur dépit. Il est fort à craindre que cette rivalité ne fasse naître de fâcheux conflits. J’espère cependant que Changarnier et Duvivier sauront sacrifier leur amour-propre à l’intérêt commun[140]. » La situation se dénoua autrement : Duvivier se fit placer en disponibilité, rentra en France à la fin de mai et mit ainsi fin à sa carrière africaine : Changarnier prit un congé de trois mois pour Autun. Baraguey d'Hilliers, aiguillonné par l’exemple de La Moricière, se mit à parcourir le pays en brûlant les moissons et razziant les tribus. Ducrot exprimait à la fin de juillet le sentiment général en ces termes : « Nous venons de faire une rude campagne, rude par les fatigues et les privations, mais, du reste, bien insignifiante... Le général Baraguey d’Hilliers ne connaît pas bien l’emploi du temps ; il ne sait pas ce que c’est que de faire marcher des troupes par une chaleur de 40° ou 45°. Il nous est arrivé de laisser sur notre passage cinquante silos remplis de grains tandis que, dans d’autres moments, il mettait sa cavalerie sur les dents pour attraper deux ou trois bœufs[141]. » Lorsqu’on automne Changarnier revint de France, il constata que « Baraguey d’Hilliers avait exercé de nouveau son étonnante faculté de désorganisation aux dépens de nos malheureux soldats[142]. » C’est l’inconvénient d’envoyer des officiers faire leur apprentissage africain dans un grade élevé : les troupes en pâtissent toujours, fournissent des efforts généralement inutiles, et en campagne, sont souvent conduites à des échecs. Aussitôt après les premières opérations de la province d’Alger, Bugeaud était parti pour la province d’Oran, accompagné du duc de Nemours et emmenant un bataillon de zouaves avec le lieutenant-colonel Cavaignac. La Moricière, nommé en août 1840 à la tête de cette province, y avait remplacé le général Guéhéneuc « qui rentrait en France, suivant du Barail, sans laisser beaucoup de regrets, ni une trace bien profonde de son administration[143]. » Le nouveau commandant avait adopté un système de guerre pratiqué avec enthousiasme par les officiers ardents : « Vive La Moricière ! écrivait le capitaine de Montagnac. Voilà ce qui s’appelle mener la chasse avec intelligence et bonheur ! Razzia coup sur coup, réussite complète, bataillons réguliers anéantis presque en totalité, tels sont les résultats prompts et décisifs obtenus par ce jeune général qu’aucune difficulté n’arrête, qui franchit les espaces en un rien de temps, va dénicher les Arabes dans leurs repaires, à vingt-cinq lieues à la ronde, leur prend tout ce qu’ils possèdent : femmes, enfants, troupeaux, butins, etc... « Il ne laisse pas un moment de repos aux soldats. Lorsqu’ils ne battent pas la campagne, ils piochent la terre. Les régiments, à tour de rôle, partent d’Oran pour Misserghin, à 6 h. ½ du matin, piochent toute la journée, et rentrent à 7 heures du soir. Lorsqu’ils ne sont pas à Misserghin, ils travaillent à d’autres ouvrages de fortification autour de la ville. C’est comme cela qu’il faut mener le soldat : il n’a pas le temps de penser à son pays, son tempérament se forme, son corps se durcit à la fatigue, et les maladies n’ont plus de prise sur lui. Pourquoi n’avons-nous pas beaucoup de généraux comme La Moricière ?[144] » Ce brillant général avait su se faire aimer de ses troupes : « Il avait trente-quatre ans, a écrit du Barail. Il était le plus jeune général de l’armée. Depuis l’Empire, on n’avait pas vu d’avancement plus rapide ni plus mérité... Il était déjà admis comme un chef d’école. Il avait des fanatiques. Il avait aussi des détracteurs, dont aucun d’ailleurs ne contestait son mérite. Il allait bientôt n’avoir plus que des imitateurs, et il jouissait d’une popularité immense, au milieu de la jeunesse ardente et intelligente de l’armée. « De taille moyenne, plutôt petit, large d’épaules et même un peu trapu, le visage coupé par d’épaisses moustaches noires et éclairé par des yeux charmants, à la fois profonds et pétillants d’esprit, il vous donnait, au premier contact, le sentiment de sa supériorité... Il n’avait pas pour sa toilette la même recherche que son collègue Changarnier. Son seul luxe, c’était son écurie, où se trouvaient toujours les plus beaux chevaux de l’armée, qu’il montait d’habitude en selle arabe. Vêtu invariablement d’une tunique sans insignes de grade, le corps entouré d’une large ceinture rouge, il avait conservé pour coiffure son képi d’officier de zouaves, entouré d’un mince et unique galon d’or, et qu’il remplaçait du reste volontiers par le tarbouch oriental, ce qui lui avait fait donner par les Arabes le surnom de Bou Chéchia, « l’homme à la chéchia ». Les Arabes l’appelaient encore Bou Arraoua « l’homme au bâton », parce qu’il ne sortait jamais sans une canne[145]. » Bugeaud avait pris le commandement des troupes rassemblées à Mostaganem par La Moricière ; à leur tête, il était allé le 25 mai détruire Tagdempt, place forte de l’Emir, et, le 30 mai, occuper Mascara[146]. Le capitaine de Montagnac, qui faisait partie de l’expédition à la tête d'une compagnie du 1er de ligne, la décrivait à son oncle et ajoutait : « L’expédition du général Bugeaud a été parfaitement conduite. Quelle différence avec ce vieux scélérat de maréchal Valée ![147] » L’occupation de Mascara par une garnison permanente posait le problème de son ravitaillement. Bugeaud conduisit en juin un convoi dans la ville ; mais, au lieu de détruire les moissons de la plaine d’Eghris, il les fit récolter et emmagasiner par ses soldats. Il repartit ensuite pour Alger, et confia à La Moricière le soin de conduire à la garnison de Mascara, réduite à 2.000 hommes pour l’été, un nouveau convoi. Revenu en septembre, il laissa La Moricière ravitailler Mascara, et alla détruire en octobre la Guetna de l’Oued-el-Hammam, maison paternelle d’Abd el Kader, et la ville de Saïda. Il estima alors le moment venu de placer à Mascara le siège de la division active : La Moricière quitta Mostaganem et fit son entrée à Mascara le 1er décembre. Le général Bedeau devint commandant supérieur à Mostaganem. Le colonel Tempoure était commandant supérieur à Oran. Bugeaud avait ainsi réalisé presque intégralement le plan conçu par Valée, mais avait détruit les villes que, sauf Tagdempt, son prédécesseur eût voulu conserver. Les bulletins d’opérations envoyés par Bugeaud au Ministère de la Guerre et publiés par la presse étaient, suivant de nombreux officiers, aussi exagérés que ceux de ses prédécesseurs. Montagnac remarquait par exemple que certain lieutenant-colonel, venu à l’automne de 1841 du 1er chasseurs d’Afrique commander le 2e, recevait injustement des louanges dans le rapport officiel : « On cite la rapidité avec laquelle il a conduit ses mouvements de cavalerie, tandis qu’il a fait l’inverse, avec une impéritie sans exemple. Ce bulletin est gros d’absurdités d’un bout à l’autre[148]. » Il revenait encore sur ce sujet quelques jours plus tard : « Je ne comprends pas que ce vieux Bugeaud, avec son bon sens, son jugement parfait des choses de la guerre, sa vieille habitude des hommes et des grands événements militaires, soit assez faible pour tomber dans ce pathos digne de quelques mauvais officiers d’état-major[149]. » La confiance des officiers dans le nouveau Gouverneur n’était cependant pas diminuée par des critiques de ce genre. Montagnac écrivait : « Jamais les affaires d’Afrique n’ont été aussi avancées, et, grâce à l’opiniâtreté du père Bugeaud, elles sont en bon chemin[150]. » Saint-Arnaud, en correspondance régulière avec le Gouverneur général, le portait aux nues : « Cet homme est admirable, il a du génie, et pourtant on ne le connaît pas, on ne lui rend pas justice... Franc et loyal à l’excès, il tourne quelquefois à la brusquerie. D’une activité inconcevable, il devient minutieux. Agriculteur pendant les quinze années que dura la Restauration, vivant dans un frottement continuel avec la classe peu élevée de la société, il n’a peut-être pas toujours la dignité ou la tenue désirables. Mais quelle conscience, quelle probité, quelle délicatesse de sentiments, quelle abnégation personnelle : et on l’entoure de difficultés ! De petites coteries lui suscitent des embarras et des ennuis, la presse l’assassine à coups d’épingles. Je voudrais être en France et crier cela sur les toits[151]. » Bugeaud était aimé des jeunes officiers et de la troupe, beaucoup moins des « gros officiers », comme remarquait Saint-Arnaud. Pas plus que Changarnier, et pour d’autres motifs, La Moricière, Cavaignac et Bedeau n’avaient de sympathie pour le nouveau Gouverneur. La Moricière, désireux de jouer un rôle, se servait de ses amis parisiens et de la presse pour élargir sa renommée, et voyait en Bugeaud un rival. Cavaignac se trouvait opposé, par ses idées républicaines, à un chef attaché aux principes conservateurs, d’où une lutte sourde entre eux[152]. Bedeau exécutait sans grand enthousiasme les ordres du Gouverneur ; mais, plein de discipline et de loyauté, il mettait toute sa conscience à l’accomplissement des missions reçues. Si ces généraux n’aimaient pas Bugeaud, c’était d’ailleurs surtout, comme l’a remarqué du Barail, en raison des « aspérités de son caractère ». Bugeaud, qui avait déjà conquis sur les champs de bataille de la Grande Armée, à un moment où ils naissaient à peine, les grades dans lesquels il les trouvait, « avait la fâcheuse manie de les traiter parfois en écoliers[153]. » Officiers et soldats prenaient goût à leur existence cependant très dure et s’attachaient à l’Afrique. Ils racontaient complaisamment leurs impressions dans leurs lettres. Le séjour au bivouac était peu agréable quand il se prolongeait : « Nos bivouacs, écrivait le commandant de Saint-Arnaud, c’est notre repos, c’est notre maison, et jamais ici ils ne sont complets. Un mauvais bivouac est plus fatigant que la plus fatigante journée. Coucher sur des pierres ou des rochers et sur un terrain en dos d’âne, sans feu, sans eau, c’est un supplice. Parle-moi d’une bonne surface plane de terre molle ou de blé, ou d’herbe, des arbres en masse, de l’eau claire et abondante. Alors le soldat chante, la gaîté brille, on n’est plus fatigué. Les bons bivouacs sont rares, et c’est un grand point dans la vie militaire en Afrique[154]. » « Si tu me voyais dans mon bivouac de poussière, écrivait-il encore ; accroupi pour t’écrire ; rattrapant mon papier qu’emporte à chaque instant le vent qui me saupoudre de sable à me crever les yeux ; le front, le corps baignés de sueur ; pas un arbre pour chercher de l’ombre, pour reposer l’œil, de l’eau tiède pour étancher sa soif... et cette perspective-là pour si longtemps devant soi... c’est peu riant... Mais quand l’ennemi est là, quand on se bat, quand on voit Tagdempt, Mascara, quand on lit son nom dans le bulletin, alors... Vive l’Afrique !... mais ce sont des minutes que tout cela, et il reste bien des heures difficiles à couler[155]. » Les « minutes » de vie intense dont parle Saint-Arnaud paraissaient parfois longues et angoissantes, comme il en fit l’expérience en allant ravitailler Mascara au début de juillet, par une chaleur torride. Placé à l’arrière-garde avec son bataillon de zouaves, il contint avec peine les Indigènes harcelant la colonne ; puis il eut à sauver les traînards : « Ce malheureux bataillon de chasseurs à pied qui débutait en Afrique était à la débandade. Il était d’avant-garde, par conséquent à près de deux lieues de moi, et je ramassais ses hommes à l’arrière-garde[156]. » Saint-Arnaud ajoutait : « J’ai vu là tout ce que la faiblesse et la démoralisation ont de plus hideux ». Des hommes jetaient leurs armes, leurs sacs, se couchaient et attendaient la mort ; s’ils se relevaient, à force d’exhortations, ils marchaient cent pas, et, accablés par la chaleur, affaiblis par la dysenterie et la fièvre, ils se couchaient à nouveau, en dehors de la route pour échapper aux vues. Saint-Arnaud était obligé de les faire traîner par ses zouaves, et de les faire monter sur son cheval pour les remettre aux sous-officiers de cavalerie ; beaucoup d’entre eux lui demandaient de les tuer pour ne pas être égorgés par les indigènes. « Dans cette journée, écrit-il, que je n’oublierai jamais, j’ai compris la Macta, la Tafna, et tous les désastres de l’Afrique. Mes zouaves si intrépides, si aguerris, si acclimatés, étaient eux-mêmes épuisés... C’était un jour de dévouement et de force morale ; c’est bien plus que le courage d’affronter les balles[157]. » Il y avait beaucoup de journées « de dévouement et de force morale » dans l’année d’un militaire ; grâce à elles, les caractères se trempaient. Mais parfois la résistance physique se trouvait en défaut. Saint-Arnaud tomba gravement malade en octobre, et put se rétablir en quelques mois. Que d’autres, officiers et soldats, mouraient misérablement dans des postes malsains ou dans des hôpitaux dépourvus de tout confort. Une sélection s’opérait, ne laissant dans les rangs que les plus robustes. Les troupes de l’armée d’Afrique s’aguerrissaient, s’endurcissaient et s'instruisaient chaque jour davantage. Le corps des zouaves était en pleine valeur. Saint-Arnaud était très fier d’y avoir été nommé commandant : « Quels hommes, quels soldats, quels officiers, quel esprit de corps ! Que ne ferait-on pas avec de pareils éléments ! Les zouaves, c’est la garde impériale de l’Afrique, la vieille garde ![158] ». Il écrivait encore : « On ne saurait se faire une idée du respect qu’inspire ce corps au reste de l’armée. Quand on dit : les zouaves sont là, tous les régiments marchent avec confiance... Je n’ai jamais vu d’enthousiasme, de bravoure, de mépris de l’ennemi, du danger et de la mort semblables à ce que je vois à chaque instant sous mes yeux. Un lâche deviendrait brave au milieu d’eux, un homme brave se sent capable de tout et ne connaît plus rien d’impossible[159]. » Ce corps était appelé dans toutes les circonstances difficiles : « Toujours les zouaves en avant. Faut-il prendre le col la nuit, les zouaves ; on craint pour l’arrière-garde, les zouaves à l’arrière-garde ; on craint pour le flanc gauche, les zouaves sur le flanc gauche. Un bataillon est-il engagé, vite les zouaves, sacs à terre, et au pas de course, courez les soutenir. On fait une lieue, on se bat, et on refait une autre lieue pour venir reprendre ses sacs. L’armée est établie au bivouac depuis trois heures ; tout le monde a dormi et mangé la soupe ; les zouaves arrivent, et pour se lever le lendemain deux heures avant les autres ![160] » Cavaignac, nommé colonel de ce corps, avait l’estime de ses chefs et de ses subordonnés, dont la plupart ne partageaient pas ses convictions républicaines. Sa droiture et sa confiance faisaient passer sur sa rigidité et sa susceptibilité : « Au milieu de ses brillantes et excellentes qualités, écrivait Saint-Arnaud, j’ai reconnu et sondé ses défauts et j’évite de les heurter. Je jouis de ses qualités qui sont nombreuses. C’est un homme d’une haute capacité et qui ira loin[161]. » Les chasseurs à pied, créés par ordonnance du 28 septembre 1840, étaient dès 1841 représentés en Afrique par les 3e, 5e, 6e, 8e et 10e bataillons, qui éprouvaient les difficultés habituelles pour s’acclimater. Au 10e bataillon, par exemple, sur les 1.000 chasseurs présents au départ, 200 à peine restaient dans les rangs, après un mois de marches ; les autres étaient dans les hôpitaux, la plupart atteints de fièvres paludéennes. Sur la demande du commandant de Mac-Mahon, leur chef, un assez grand nombre purent aller se refaire en France et revinrent quelques mois plus tard en parfaite santé ; ceux restés dans les hôpitaux ou au corps continuaient au contraire à être incapables de faire campagne. Le bataillon prit néanmoins part aux opérations. Dès le mois d’octobre 1841, il se fit remarquer par sa brillante conduite[162]. Les chasseurs à pied devaient, une fois entraînés, trouver maintes occasions de s’illustrer. Le 2e régiment de chasseurs d’Afrique avait perdu son colonel, Randon, passé maréchal de camp et parti pour Bône, et n’avait pas reçu son nouveau colonel, Marey-Monge[163], encore au 1er cuirassiers. Le lieutenant-colonel d’Oullenbourg se trouvait commander le régiment « sans avoir jamais vu brûler une amorce », selon l’expression de Montagnac, c’est-à-dire sans rien connaître de la guerre d’Afrique. Aussi le général Bugeaud avait-il fait venir du 1er chasseurs d’Afrique le lieutenant-colonel Tartas. Ce dernier était, d’après du Barail, « une célébrité de l’école de cavalerie, un peu entiché de ses doctrines d’école, qui ne sont pas toujours applicables aux manœuvres du champ de bataille[164]. » Le régiment avait été mal employé dans la campagne d’automne, les deux lieutenants-colonels ayant fait preuve de peu d’initiative. Le commandant de Montagnac a raconté les faits avec sa verve habituelle : « Quelques occasions se présentent d’agir ; ces deux imbéciles restent inactifs, et, conformément aux principes théoriques qu’ils ont puisés sur les bancs de Saumur, qui prescrivent de ne passer des allures lentes aux allures vives que graduellement, nos lapins marquent le pas ou trottent lorsqu’il faut prendre le grandissime galop de charge, et l’ennemi leur passe sous le nez ; de sorte que le malheureux régiment de chasseurs n’a rien fait dans cette campagne, grâce à ces deux emplâtres, tandis que le régiment de spahis, ramassis de chenapans, commandés par Yusuf, a eu la palme[165]. » C’était toujours la méconnaissance du principe d’après lequel l’expérience du pays prime tout en Afrique. Les troupes indigènes, par leur brillante conduite dans les diverses expéditions, avaient dissipé toutes préventions à leur égard. Le maréchal Soult, président du Conseil et ministre de la Guerre, décida de leur donner une organisation définitive. Le rapport qu’il présenta à Louis-Philippe pour justifier les nouvelles ordonnances considérait une bonne organisation des troupes indigènes comme « un des principaux besoins de l’Algérie. » Les corps spéciaux d’infanterie et de cavalerie, tantôt mêlés de Français, tantôt exclusivement indigènes, avaient souvent changé de nom et de régime ; mais ils avaient rendu d’incontestables services et pris part à tous les combats. « Les Indigènes, écrivait Soult dans son rapport, résistent mieux que les Européens à l’insalubrité commune dans leur patrie, supportent plus aisément les privations et les fatigues des courses lointaines, et échappent mieux par leurs habitudes, ainsi que par leur connaissance du pays, à une grande partie des causes d’affaiblissement qui affectent les troupes françaises. Une expérience déjà assez longue a d’ailleurs démontré que, traités avec bienveillance et justice, ils sont dévoués et fidèles[166]. » L’effectif des différents corps, organisés en vertu d’ordonnances royales, ou créés par les arrêtés des Gouverneurs, était en décembre 1841 de 6.500 hommes, dont plus de 4.000 cavaliers. Comme cet effectif tendait à s’accroître, il fallait « donner aux corps indigènes une constitution forte et régulière, et en assurer la bonne administration ». A cet effet, Soult soumit au Roi deux ordonnances, organisant respectivement la cavalerie et l’infanterie indigènes. Les spahis devaient former un corps unique de cavaliers, divisé en 20 escadrons, et s’élevant au total à 4.000 hommes. Ce corps était constitué avec : les escadrons de spahis réguliers ; les 7e et 8e escadrons du 1er régiment de chasseurs d’Afrique ; tous les spahis irréguliers existants en Algérie ; la gendarmerie maure. Il comprenait ainsi toute la cavalerie indigène assujettie à un service permanent, et pouvait être augmenté suivant les circonstances. Le corps des spahis était commandé par un colonel ou lieutenant-colonel français ou indigène, dont le Gouverneur général fixait la résidence, et qui pouvait prendre le commandement des escadrons stationnés hors de la province où il résidait. Tous les autres emplois d’officier supérieur, ceux de capitaine, d’officier comptable et de chirurgien, étaient exclusivement réservés aux Français. La moitié des emplois de lieutenant, sous-lieutenant, maréchal des logis et brigadier d’escadron était affectée aux Français ; l’autre moitié était réservée aux Indigènes. Le commandement, même par intérim, de l’escadron, ne pouvait être exercé que par un officier français. Les officiers indigènes pouvaient obtenir, dans les escadrons ou les états-majors des spahis, des grades supérieurs à ceux fixés par l’ordonnance, s’ils méritaient cette récompense « par la distinction de leurs services ». Nul officier, sous-officier ou brigadier français ne pouvait être admis dans le corps, après la première formation, s’il ne possédait pas la connaissance pratique de la langue arabe. L’avancement était déterminé par des règles donnant toute garantie aux cadres, avantage inconnu jusqu’alors, sauf dans les spahis réguliers. Un certain nombre de vacances dans le grade de sous-lieutenant pouvaient être attribuées aux sous-lieutenants ou sous-officiers des régiments de chasseurs d’Afrique. Les lieutenants ou sous-lieutenants indigènes étaient nommés uniquement au choix, par le Roi, mais sans être régis par la loi sur l’état des officiers. Tout indigène de 16 à 40 ans pouvait, sur la proposition du chef de corps, être admis à servir dans les spahis, s’il réunissait les qualités nécessaires et s’il était monté convenablement. L’admission avait lieu avec ou sans engagement, suivant les prescriptions du Gouverneur général pour chaque province. L’acte d’engagement était de trois ans, et se prolongeait par des rengagements de un à trois ans. Il était dressé par l’intendant militaire, en présence du commandant des escadrons, d’un interprète chargé d’en expliquer les conditions, d’un officier et d’un sous-officier indigènes servant de témoins. L’engagé prêtait, sur le Koran, fidélité au Roi des Français. Tout indigène, engagé ou non, pouvait être congédié pour inaptitude au service ou mauvaise conduite, sur proposition du chef de corps approuvée par le commandant de la province. Un indigène non lié par engagement pouvait être admis à se retirer du service sur sa demande. L’ordonnance royale donnait ainsi aux spahis, à tous les échelons, des garanties comparables à celles dont jouissaient les cadres et les hommes des régiments de la cavalerie française[167]. Toute la cavalerie indigène assujettie à un service permanent ne formait désormais qu’un seul et même corps, dont la force pouvait être augmentée selon les circonstances. Les bataillons de tirailleurs indigènes étaient des bataillons d’infanterie indigène, qui ajoutaient à cette dénomination le nom de la province de subdivision militaire où ils étaient respectivement organisés. Leur nombre était initialement fixé à trois : un pour les provinces d’Alger et de Titteri ; un pour la province de Constantine comprenant la subdivision de Bône ; un pour la province d’Oran comprenant les commandements de Mostaganem et de Mascara[168]. Pour former ces nouveaux bataillons de tirailleurs, l'ordonnance royale admettait à concourir : « les officiers, sous-officiers caporaux et soldats de tous les corps d’infanterie indigènes créés jusqu’alors en Algérie, et existants, sous quelque titre que ce puisse être, à l’exception des milices musulmanes, dites gardes urbaines, assujetties à un service sédentaire dans les places, et dont le Ministre de la Guerre autorisait la conservation ou l'organisation ». En outre, pour cette première formation, des officiers des corps d’infanterie et des officiers d’autres armes pouvaient être admis dans les cadres. Chaque bataillon, fort de 1.784 hommes, étant ouvert aux fantassins des trois provinces, les nouveaux bataillons pouvaient recevoir aisément tous les hommes demandant à y entrer. Les Français tenaient tous les emplois de chef de bataillon, capitaine, sergent-major et fourrier, ainsi que ceux de l’état-major et du petit état-major. Ils avaient droit à la moitié des emplois de lieutenant et sous-lieutenant. Le commandement d’une compagnie, même par intérim, ne pouvait être exercé que par un officier français. Les chefs de bataillon, adjudants-majors, capitaines et chirurgiens aides-majors étaient montés. Nul officier français ne devait être admis dans les bataillons, après la première formation, s’il ne possédait la connaissance pratique de la langue arabe. Les Indigènes occupaient la moitié des emplois de lieutenant et sous-lieutenant. Dans les compagnies, les sergents, les caporaux, les tambours ou clairons et les tirailleurs étaient tous indigènes. Le statut des cadres français était réglé de façon précise. L’avancement des officiers avait lieu : pour les grades de lieutenant et capitaine, par bataillon, tant au choix qu’à l’ancienneté ; pour les capitaines et chefs de bataillon, sur toute l’arme de l’infanterie. Les emplois de sous-lieutenant pouvaient être donnés pour les deux tiers aux sous-officiers des bataillons, le dernier tiers étant réservé aux volontaires des corps d’infanterie portés au tableau d’avancement et connaissant l’arabe. Les emplois d’adjudant sous-officier revenaient aux sergents-majors dans chaque bataillon, et ceux de sergent-major aux sergents-fourriers. Les emplois de sergent-fourrier étaient donnés un quart aux caporaux secrétaires des bataillons et trois quarts aux fourriers ou caporaux volontaires des corps d’infanterie, portés au tableau d’avancement et reconnus aptes. Les caporaux secrétaires provenaient des corps d’infanterie ou des soldats français du petit état-major. Les Français ne pouvaient contracter d’engagements volontaires dans les bataillons de tirailleurs indigènes qu’à la condition d’y servir comme ouvriers armuriers, muletiers ou infirmiers. Sous-officiers, caporaux et soldats français pouvaient rengager comme dans les autres corps de l’armée. La situation des Indigènes était parfaitement déterminée par l’ordonnance. Les nominations aux grades de lieutenant et sous-lieutenant indigènes étaient faites par le Roi, mais ne donnaient pas droit au statut légal des officiers français. Les sous-officiers et caporaux indigènes étaient nommés et cassés par le commandant du bataillon, en observant les formalités prescrites pour les corps français. Les Indigènes étaient reçus sans engagement dans les tirailleurs. Ils étaient renvoyés soit sur leur demande, soit pour inaptitude au service ou mauvaise conduite. Leur admission ou leur renvoi avait lieu sur la proposition du chef de corps et avec l’approbation du commandant militaire supérieur[169]. Les deux ordonnances organisant les spahis et les bataillons de tirailleurs indigènes donnaient des détails et des tableaux relatifs à la composition et à la force des nouveaux corps, à la solde et aux indemnités, à l’armement et à l’habillement, enfin à l’administration de leurs éléments. Les tarifs de solde avaient été arrêtés de manière à ne rien faire perdre de leurs avantages aux corps transformés, et à améliorer la situation de ceux moins favorisés. L’effectif de ces corps indigènes devait s’élever, s’il était porté au complet, à 4.000 cavaliers et 5.352 fantassins, soit 9.352 hommes. Les autres troupes irrégulières d’Algérie figurant au budget de la guerre comprenaient plus de 1.600 cavaliers, nombre qui pouvait être considérablement dépassé. « Une telle situation, concluait Soult dans son rapport au Roi, sera la meilleure preuve des progrès de la domination française, d’autant mieux acceptée qu’on recherchera davantage l’honneur de la servir. Elle permettra d’assurer plus au loin, plus promptement et au prix de moindres sacrifices, l’action de l’autorité ; elle donnera enfin les moyens d’affaiblir sans danger l’effectif de l’armée d’Afrique, tout en lui épargnant une grande partie des souffrances et des fatigues qu’elle supporte avec tant de courage[170]. » Dans cette conclusion, rédigée au Ministère de la Guerre, les corps de troupe indigènes paraissaient ne pas faire partie intégrante de « l’armée d’Afrique ». C’était une conception que les opérations en cours allaient rapidement modifier. |
[1] Le capitaine Carbuccia au général de Rostolan, du camp d’Oued-el-Alleug, 10 novembre 1839 (copie). — Le maréchal Valée au Ministre de la Guerre, d’Alger, 24 novembre 1839 (original). — Le capitaine Carbuccia au maréchal de camp Duvivier, du camp d’Oued-el-Alleug, 21 novembre 1839 (copie), etc...
[2] Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, confidentielle, au Ministre seul, d’Alger, 23 novembre 1839 (original).
[3] Même lettre. Fac-similé de la dernière page dans : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, page 233.
[4] Le duc d’Orléans au maréchal comte Valée, des Tuileries, 4 décembre 1839 (copie). — Le même au même, des Tuileries, 10 décembre 1839 (copie).
[5] Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, très confidentiel, au Ministre lui-même, d’Alger, 30 novembre 1839 (original).
[6] Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, d’Alger, 7 décembre 1839 (original). — Le même au général Rullière, commandant la division d’Alger, 7 décembre 1839 (original).
[7] Mémoires du général Changarnier, page 63.
[8] Mémoires du général Changarnier, pages 64-65.
[9] Mémoires du général Changarnier, pages 66-67.
[10] Mémoires du général Changarnier, page 84.
[11] Mémoires du général Changarnier, pages 76-77.
[12] Mémoires du général Changarnier, pages 78-79.
[13] Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, de Blida, 31 décembre 1839 (original). — Le même au même, d’Alger, 9 janvier 1840 (original). — Voir : Mémoires du général Changarnier, pages 68 à 75.
[14] Rapport du général Duvivier au Gouverneur général, de Blida, 1er février 1840 (copie classée au 29 janvier 1840).
[15] Le capitaine de Saint-Arnaud à M. Leroy de Saint-Arnaud, avocat à Paris, de Kouba, 31 janvier 1840. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome I, page 249.
[16] Le capitaine Lelièvre au Commandant (sans doute de Géraudon, commandant le 1er bataillon d’infanterie légère d’Afrique), de Mazagran, 7 février 1840 (copie). — Le lieutenant général Guéhéneuc, commandant la province d’Oran, au maréchal comte Valée, gouverneur général, d’Oran, 17 février 1840 (copie). — Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, d’Alger, 22 février 1840 (original).
[17] Note pour le Moniteur, 15 mars 1840 (minute).
[18] Ordre de l’armée du 12 mars 1840, signé par le Pair de France, ministre secrétaire d’état de la Guerre, Cubières.
[19] Le capitaine de Saint-Arnaud à son frère, de Kouba, 12 mars 1840, Lettres, tome I, page 249.
[20] Le général Cubières, ministre de la Guerre, au général Guéhéneuc, commandant la division d’Oran, de Paris, 19 juin 1840 (original).
[21] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, pages 96-97.
[22] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 97.
[23] Le capitaine de Montagnac à son oncle Bernard de Montagnac, d’Oran, 15 février 1840. Lettres d'un soldat, page 76.
[24] Le commandant de Montagnac à Elizé de Montagnac, de Philippeville, 22 novembre 1842. Lettres d’un soldat, page 277.
[25] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 95.
[26] Ordre du jour de la division d’Oran, Misserghin, 14 mars 1840 (minute). Ordre du jour complémentaire du 15 mars (minute). — Contre-rapport anonyme du combat de Tamsalmet au Ministre de la Guerre, d’Oran, 25 mars 1840 (original).
[27] Le capitaine de Montagnac à son oncle Bernard de Montagnac, d’Oran, 18 mars 1840. Lettres d’un soldat, page 86.
[28] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, pages 102-103.
[29] Journal militaire officiel, 1839, 2e semestre, pages 153-155.
[30] Le capitaine de Saint-Arnaud à son frère, de Kouba, le 20 mars 1840. Lettres, tome I, pages 252-253.
[31] Le capitaine de Saint-Arnaud à son frère, de Kouba, 10 avril 1840. Lettres, tome I, page 254.
[32] Le capitaine de Saint-Arnaud à son frère, du bivouac de l'Affroun, 1er mai 1840. Lettres, tome I, page 259.
[33] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 308.
[34] Le Ministre de la Guerre au maréchal comte Valée, de Paris, 11 février 1840 (copie).
[35] Le maréchal Valée au lieutenant général Galbois, de Cherchell, 17 mars 1840 (copie). — Le maréchal Valée au Ministre de la Guerre, d’Alger, 22 mars 1840 (copie). — Le même au même, d’Alger, 29 mars 1840 (extrait).
[36] Le Ministre de la Guerre au maréchal comte Valée, de Paris, 1er avril 1840 ; dépêche télégraphique. — Le même au même, de Paris, 2 avril 1840 (minute).
[37] Mémoires du général Changarnier, page 85.
[38] Le chef de bataillon Cavaignac, commandant supérieur, au maréchal comte Valée, de Cherchell, 3 mai 1840 (copie).
[39] Le maréchal comte Valée au général Cubières, ministre de la Guerre, d’Alger, 27 mai 1840 (original de 48 pages).
[40] Mémoires du général Changarnier, page 95.
[41] Mémoires du général Changarnier, page 101.
[42] Mémoires du général Changarnier, pages 97-99.
[43] Mémoires du général Changarnier, pages 95-96.
[44] Le sous-lieutenant Ducrot à son grand-père, du Pic de Mouzaïa, 12 mai 1840. La vie militaire du général Ducrot, d'après sa correspondance (1839-1871), tome I, pages 33 à 35.
[45] Mémoires du général Changarnier, page 101.
[46] Lettre du 12 mai 1840, citée. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 30.
[47] Le maréchal comte Valée au général Cubières, ministre de la Guerre, d’Alger, 27 mai 1840, rapport original de 48 pages, pages 40 à 43. — Journal de l’expédition dirigée sur Médéa, du 26 avril au 22 mai 1840, manuscrit de 106 pages par le capitaine d’état-major de Rosières, vu par le lieutenant général chef de l'état-major général vicomte Schramm, pages 99 à 104.
[48] Mémoires du général Changarnier, pages 102-103.
[49] Mémoires du général Changarnier, pages 104.
[50] Le maréchal comte Valée au maréchal de camp Duvivier, du camp de Médéa, 19 mai 1840 (original).
[51] Proclamation aux habitants de la province de Titteri, de Médéa, 19 mai 1840 (copie signée par Valée).
[52] Le maréchal Valée au lieutenant-colonel d’Illens, de Miliana, 11 juin 1840 (copie). — Le lieutenant-colonel d’Illens, du 3e léger, au maréchal comte Valée, à Alger, de Miliana, 23 juin 1840 (copie).
[53] Le sous-lieutenant Ducrot à son grand-père, de Médéa, 13 juin 1840. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 38.
[54] Le maréchal comte Valée au général Duvivier, de Médéa, 23 juin 1840, 25 juin 1840 (copies).
[55] Le maréchal comte Valée au général Duvivier, de Médéa, 26 juin 1840 (original).
[56] Ordre général n° 104, au camp de Blida, 5 juillet 1840.
[57] Le Ministre de la Guerre au maréchal comte Valée, de Paris, le 22 juillet 1840 (copie).
[58] Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, d’Alger, 11 avril 1840 (dépêche télégraphique).
[59] Le maréchal comte Valée au général Galbois, d’Alger, 17 avril 1840 (copie). — Le même au Ministre de la Guerre, d’Alger, 17 avril 1840 (copie).
[60] Le Ministre de la Guerre au maréchal comte Valée, de Paris, 22 avril 1840 (extrait).
[61] Arrêté du comte Valée du 5 juillet 1840.
[62] Arrêtés du comte Valée du 5 septembre, du 20 septembre et du 1er octobre 1840.
[63] Arrêté du comte Valée du 15 octobre 1840.
[64] Arrêté du comte Valée du 5 juillet 1840.
[65] Arrêté du comte Valée du 5 juillet 1840.
[66] Arrêté du comte Valée du 1er octobre, et arrêté du même du 10 octobre, cité dans l’arrêté du 15 octobre 1840.
[67] Arrêté du comte Valée du 5 juillet 1840.
[68] Arrêté du comte Valée du 10 octobre 1840.
[69] Arrêté du comte Valée du 5 juillet 1840.
[70] Arrêté du comte Valée du 10 septembre 1840.
[71] Arrêté du comte Valée du 20 novembre 1840.
[72] Arrêté du comte Valée du 10 septembre 1840.
[73] Arrêté du comte Valée du 10 janvier 1841.
[74] Arrêté du comte Valée du 15 octobre 1840.
[75] Le maréchal comte Valée au général Duvivier, de Médéa, 23 et 25 juin 1840 (copies).
[76] Le maréchal comte Valée, gouverneur général, au général de la Moricière, commandant la province d’Oran, d’Alger, 29 août 1840 (original).
[77] Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, d’Alger, 10 juillet 1840 (original). — Le même au même, d’Alger, 15 août 1840, très confidentielle (original).
[78] Le maréchal comte Valée à Thiers, président du Conseil, d'Alger, 8 août 1840 (copie).
[79] Note sur la défense de la Mitidja par un obstacle continu, par le général Daullé, Paris, 1er juillet 1840 (original). — Général Rogniat, De la colonisation en Algérie, et des fortifications propres à garantir les colons des invasions des tribus africaines. Paris, 1840.
[80] Le maréchal comte Valée à Thiers, président du Conseil, d’Alger, 5 octobre 1840 (copie).
[81] Mémoires du général Changarnier, pages 120 à 131.
[82] Mémoires du général Changarnier, page 134.
[83] Ce bataillon, dont la décision royale du 14 novembre 1838 avait prescrit la formation provisoire, avait été définitivement constitué comme corps isolé par ordonnance du 28 août 1839. Journal militaire, 1839, n° 39, pages 153-155.
[84] Mémoires du général Changarnier, page 134.
[85] Ordonnance du Roi portant création de dix bataillons de chasseurs. Journal militaire, 1840, n° 33, pages 335-337. Le duc d’Orléans fut chargé par une ordonnance du même jour de l’organisation de ces dix bataillons. Journal Militaire, 1840, n° 33, page 337.
[86] Mémoires du général Changarnier, page 136.
[87] Mémoires du général Changarnier, page 140.
[88] Rapport du lieutenant-colonel d’Illens, du 3e léger, commandant supérieur, Miliana, 3 octobre 1840 (papiers Tarlé).
[89] Rapport du lieutenant-colonel d’Illens, du 3e léger, commandant supérieur, Miliana, 3 octobre 1840 (papiers Tarlé).
[90] Rapport du lieutenant-colonel d’Illens, cité.
[91] Rapport du lieutenant-colonel d’Illens, cité.
[92] Mémoires du général Changarnier, pages 158-159.
[93] Le capitaine de Montagnac à son oncle, du camp de Birkadem, 31 octobre 1840. Lettres d’un soldat, page 130.
[94] Mémoires du général Changarnier, pages 167, 168 et 173.
[95] Le capitaine de Montagnac à Bernard de Montagnac, du camp de Bouderbah, 28 août 1840. Lettres d'un soldat, pages 118-119.
[96] Le capitaine de Montagnac à Bernard de Montagnac, du camp de Birkadem, 31 octobre 1840. Lettres d’un soldat, page 128.
[97] Le capitaine de Montagnac à Bernard de Montagnac, du camp de Birkadem, 31 octobre 1840. Lettres d'un soldat, page 134.
[98] Lettres d'un soldat, pages 128 et 129.
[99] Le sous-lieutenant Ducrot à son grand-père, de Blida, 19 juillet 1840. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 44.
[100] Valée était un artilleur, âgé de 68 ans.
[101] Le capitaine de Montagnac à M. de Leuglay, du camp de Boufarik, le 15 juillet 1840. Lettres d'un soldat, page 114.
[102] Le capitaine de Montagnac à sa sœur Célestine de Montagnac, du camp de Birkadem, 18 septembre 1840. Lettres d'un soldat, page 124.
[103] Le capitaine de Montagnac à son oncle Bernard de Montagnac, du camp de Birkadem, 31 octobre 1840, Lettres d'un soldat, page 130.
[104] Lettres d'un soldat, pages 130-131.
[105] Le maréchal Valée au Ministre de la Guerre, d’Alger, 19 octobre 1840, très confidentielle (original).
[106] Le maréchal comte Valée au Ministre de la Guerre, de Blida, 2 novembre 1840 (original).
[107] Le maréchal comte Valée au maréchal duc de Dalmatie, président du Conseil, ministre de la Guerre, d’Alger, 29 décembre 1840 (original).
[108] Le maréchal comte Valée au maréchal duc de Dalmatie, président du Conseil, ministre de la Guerre, d’Alger, 5 janvier 1841, 2e lettre, confidentielle (original).
[109] Le lieutenant général Bugeaud au maréchal duc de Dalmatie, de Paris, 30 décembre 1840. Fac-similé dans : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, page 261.
[110] Le lieutenant général Bugeaud au maréchal duc de Dalmatie, de Paris, 19 janvier 1841 (original).
[111] Ordre général de l’armée d’Afrique n° 151, au quartier général à Alger, le 22 février 1841 (imprimé).
[112] Le général de la Moricière au lieutenant général gouverneur général par intérim, d’Oran, 25 janvier 1841.
[113] Moniteur Algérien du 23 février 1841, n° 424.
[114] Proclamation jointe à la lettre de Bugeaud au Ministre, d’Alger, 23 février 1841 (original).
[115] Mémoires du général Changarnier, page 183.
[116] Mémoires du général Changarnier, page 182.
[117] Mémoires du général Changarnier, page 184.
[118] Mémoires du général Changarnier, page 193.
[119] Mémoires du général Changarnier, page 183.
[120] Le capitaine de Montagnac à M. de Leuglay, d'Oran, 1er février 1841. Lettres d'un soldat, page 141.
[121] Le capitaine de Montagnac à son oncle Bernard de Montagnac, d’Oran, 22 mars 1841. Lettres d'un soldat, page 146.
[122] M. Blanc, Souvenirs d'un vieux zouave, tome I, page 357.
[123] Le lieutenant général Bugeaud au maréchal Soult, président du conseil, ministre de la Guerre, d’Alger, 18 mars 1841 (original).
[124] Le lieutenant Ducrot à son grand-père, d’Alger, 17 avril 1841. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 69.
[125] Annotation de la main de Bugeaud sur l’original de l’ordre général donné au quartier général à Alger, le 26 mars 1841.
[126] Mémoires du général Changarnier, page 204.
[127] Mémoires du général Changarnier, page 192.
[128] Le lieutenant Ducrot à son grand-père, d’Alger, 17 avril 1841. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 66.
[129] Mémoires du général Changarnier, page 196. — Quatrelles L’Épine, Le maréchal de Saint-Arnaud, tome I, page 214. — Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 118-119.
[130] Mémoires du général Changarnier, page 196.
[131] Lettre citée du 17 avril 1841. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 70.
[132] Le lieutenant Ducrot à son grand-père, de Blida, 12 mai 1841. La vie militaire du général Ducrot, tome I, pages 70-71.
[133] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, de Blida, 9 mai 1841. Lettres, tome I, page 312.
[134] Mémoires du général Changarnier, page 203.
[135] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 107.
[136] Le lieutenant Ducrot à son grand-père, d’Alger, 17 avril 1841. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 69.
[137] Mémoires du général Changarnier, page 191.
[138] Mémoires du général Changarnier, page 204.
[139] Montagnac à son oncle, d’Oran, 22 mars 1841. Lettres d’un soldat, page 147.
[140] Le lieutenant Ducrot à son grand-père, de Blida, 12 mai 1841. La vie militaire du général Ducrot, tome I, page 71.
[141] Le lieutenant Ducrot à son grand-père, de Boufarik, 25 juillet 1841. La vie militaire du général Ducrot, tome I, pages 79-80.
[142] Mémoires du général Changarnier, page 205.
[143] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 108.
[144] Le capitaine de Montagnac à M. de Leuglay, d’Oran, 1er février 1841. Lettres d'un soldat, pages 141-142.
[145] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, pages 107, 109, 110.
[146] Voir : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, pages 269-270.
[147] Le capitaine de Montagnac à son oncle, de Mostaganem, 4 juin 1841. Lettres d'un soldat, page 155.
[148] Le commandant de Montagnac à son oncle, de Mostaganem, 20 novembre 1841. Lettres d'un soldat, page 177.
[149] Le commandant de Montagnac à Elizé de Montagnac, de Mostaganem, 25 novembre 1841. Lettres d’un soldat, page 181.
[150] Le commandant de Montagnac à Elizé de Montagnac, de Mostaganem, 25 novembre 1841. Lettres d’un soldat, page 181.
[151] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, de Mascara, 12 juin 1841. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome I, page 325.
[152] Quatrelles l’Epine, Le maréchal de Saint-Arnaud, pages 243 et 256.
[153] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 111.
[154] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, de Tagdempt, 25 mai 1841. Lettres, tome I, page 318.
[155] Quatrelles l’Epine, Le maréchal de Saint-Arnaud, page 218.
[156] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, du bivouac sous Mascara, 4 juillet 1841. Lettres, tome I, page 336.
[157] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, du bivouac sous Mascara, 4 juillet 1841. Lettres, tome I, page 336.
[158] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, de Blida, 23 avril 1841, Lettres, tome I, page 306.
[159] Quatrelles L’Epine, Le maréchal de Saint-Arnaud, tome I, page 120.
[160] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, de Blida, 28 octobre 1841. Lettres, tome I, page 363.
[161] Le commandant de Saint-Arnaud à son frère, de Mascara, 31 mai 1841. Lettres, tome I, page 322.
[162] Mémoires du maréchal de Mac-Mahon, pages 160-161.
[163] Le colonel Marey avait été autorisé, par ordonnance royale du 10 décembre 1840, à ajouter au nom de Marey celui de Monge.
[164] Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 133.
[165] Le commandant de Montagnac à Bernard de Montagnac, d’Oran, 9 novembre 1841, Lettres d’un soldat, page 174.
[166] Maréchal duc de Dalmatie. Rapport au Roi sur l’organisation de corps de troupe indigènes en Algérie, Paris, 7 décembre 1841. Journal militaire officiel, année 1840, ire partie, 2e semestre, pages 411-415.
[167] Ordonnance du Roi portant organisation de la cavalerie indigène en Algérie, Paris, 7 décembre 1841. Journal militaire officiel, 1re partie, 2e semestre, pages 416-424.
[168] C’est seulement par décret du 10 octobre 1855 que ces bataillons devaient être licenciés et faire place à trois régiments de tirailleurs algériens.
[169] Ordonnance du Roi portant organisation de l’infanterie indigène en Algérie, Paris, 7 décembre 1841. Journal militaire officiel, année 1841, 1re partie, 2e semestre, pages 425-432.
[170] Rapport au Roi du 7 décembre 1841, cité.