Les
expéditions de Clauzel et de Bugeaud avaient entraîné et aguerri les troupes
; mais elles avaient laissé debout les deux ennemis de la France, l’émir Abd
el Kader à l’Ouest, le bey Ahmed à l’Est. La
tâche qui s’imposait à l’armée d’Afrique pendant l’année 1837 était d’en
finir avec ces deux adversaires, par la diplomatie si c’était possible, par
la force des armes dans le cas contraire. La diplomatie allait obtenir une
solution provisoire à l’Ouest, avec le traité de la Tafna, conclu par
Bugeaud. La force devait devenir nécessaire à l’Est, avec l’expédition de
Constantine, menée par Damrémont. Tous
les chefs et tous les rouages de l’armée d’Afrique allaient être mis en œuvre
par la préparation et l’exécution de ces deux événements. Lorsque
le maréchal Clauzel quitta Alger le 11 janvier 1837, pour aller prendre part
aux discussions de la Chambre sur les affaires d’Afrique, il confia au
lieutenant général Rapatel le soin de s’occuper du gouvernement général en
son absence. Il n’eut pas le temps de pouvoir s’expliquer et se défendre à
Paris, car il fut remplacé par Damrémont le 12 février 1837. La
nouvelle expédition sur Constantine paraissait certaine, depuis que le
Gouvernement avait décidé, le 17 décembre 1836, d’envoyer à Bône un renfort
de 5.500 hommes, la plus grande partie en infanterie. Louis-Philippe avait
d’ailleurs déclaré, dans son discours du Trône du 27 décembre : « Vous
voudrez avec moi assurer à nos armes la prépondérance qui doit leur
appartenir et à nos possessions une complète sécurité. » Enfin le Ministre de
la Guerre avait entrepris déjà maints préparatifs. Une
certaine nervosité régnait dans le corps des officiers d’Afrique à la suite
des incidents divers qui avaient eu lieu lors de la première expédition de
Constantine. Des
officiers du 62e de ligne avaient rédigé une protestation contre le rapport
de Clauzel racontant le pillage d’un convoi par des hommes de leur régiment
lors de l’expédition ; ils l’avaient envoyée directement au Ministre de la
Guerre, et l’avaient fait imprimer dans les journaux, quoique, sur les
observations du colonel, ils se fussent rétractés. Rapatel pria le général de
Brossard de punir les coupables, si ce n’était déjà fait, et de maintenir
dans ce régiment une stricte discipline[1]. L’altercation
très vive qui avait eu lieu entre le maréchal Clauzel et le général de Rigny,
le 25 novembre, avait été portée devant le Ministre, et donnait lieu à des
commentaires regrettables. Les
officiers d’artillerie et du génie craignaient de voir accaparer les places
et les récompenses par ceux envoyés pour la nouvelle expédition. Les
officiers, sous-officiers et soldats blessés et proposés pour une récompense
s’imaginaient qu’ils allaient être oubliés. Le Ministre s’attacha à calmer
leurs inquiétudes[2]. Dans la
province d’Alger, l’ordre était assuré par le lieutenant-colonel Marey, agha
des Arabes. Cet
ancien officier d’artillerie sorti de l’Ecole Polytechnique, propriétaire du
fameux Clos-Vougeot en Bourgogne, petit-neveu du savant Monge dont il releva
le nom, s’était de plus en plus consacré à l’étude des populations indigènes,
et était tout à fait qualifié pour les administrer. «
C’était, a écrit le général du Barail qui Ta beaucoup connu, un cœur d’or et
une âme tendre, enfermés dans une boîte longue et sèche. Très grand, très
maigre, la figure osseuse, la joue creuse, l’œil fixe, presque sans regard,
Marey ressemblait à un moine poitrinaire et austère, découpé dans l’angle
d’un portail d’église par le ciseau d’un sculpteur. Je ne l’ai jamais vu
rire. Il écoutait et disait les choses les plus énormes sans sourciller. Il
ne parlait pas ; il psalmodiait avec une lenteur extrême, en tenant
perpétuellement, entre le pouce et l’index de la main gauche, une tabatière
que les doigts de sa main droite faisaient virer, par un geste automatique et
doux. Un des premiers, il s’était passionné pour l’Algérie et pour ce peuple
dont il avait la gravité sévère. Il en avait étudié les mœurs et appris la
langue[3]. » Marey
s’était installé en janvier 1837 près de Boufarik à la ferme de
Haouch-Chaouch, dont il avait fait le centre de son service. Pour faire
régner la sécurité, il avait à sa disposition tous les spahis, la moitié de
l’infanterie du camp de Boufarik et deux pièces de montagne ; avec ces
forces, il pouvait s’opposer aux incursions des brigands et des voleurs[4]. Il organisa dans les tribus
soumises un service de nuit qui donna les meilleurs résultats[5]. Si un
incident se produisait, l’agha Marey montait à cheval avec ses spahis et
intervenait sans retard, appuyé au besoin par de l’infanterie. Le 2 février,
il agit ainsi sous la direction du général Bro[6] ; le 7 février, il repoussa
avec ses spahis un parti de cavaliers ennemis, contre lequel le lieutenant
Vergé exécuta une charge brillante à la tête du 4e escadron[7] ; le 27 février, Marey d’un
côté, Vergé d’un autre, firent de petites opérations contre des voleurs de
bestiaux[8]. L’agha
pouvait sortir avec ses troupes à la seule condition de prévenir le général
commandant les camps de l’Ouest et de lui faire un rapport quand il rentrait[9]. A Oran,
le ravitaillement des troupes n’était pas très régulier. Comme la garnison
manquait de viande par suite de « l’incurie de l’administration », selon
Rapatel, Ben Duran passa à Alger un marché avec l’intendant militaire et se
rendit à Oran pour en assurer l’exécution[10]. Pendant le mois de janvier,
les troupes n’eurent qu’une demi-ration de viande fraîche ou de salaisons, le
complément leur étant fourni en riz et légumes. Une telle situation ne
pouvait se prolonger. Rapatel demandait avec insistance un bateau à vapeur destiné
à la correspondance avec les ports de la province d’Oran et à leur
ravitaillement[11]. Le Ministre de la Guerre était
tout disposé à améliorer les correspondances par mer, mais sans soustraire,
même temporairement, aucun bâtiment à l’autorité du Ministre de la Marine[12]. Il
fallait aussi ravitailler la garnison laissée à Tlemcen, opération pour
laquelle des chevaux de trait et des mulets de bât devaient être envoyés à
Oran[13]. Rapatel priait Brossard de
l’entreprendre dès que possible, et fit diriger sur Oran, pour en permettre
l’exécution, le 1er bataillon d’infanterie légère d’Afrique et le 62e
régiment de ligne ; il ne cessait néanmoins de répéter au Ministre de la
Guerre qu’Oran était dépourvu de vivres, d’effets de campement, d’ustensiles,
et surtout de moyens de transport[14]. Le
Ministre de la Guerre avait donné dès janvier à Rapatel l’ordre formel de « n’envoyer
aucun négociateur ou agent à Abd el Kader sans une autorisation expresse et
positive du Gouvernement. » Il ne voulait surtout pas que l’initiative d’une
démarche vînt d’une autorité française[15]. Le
bruit s’étant répandu à Alger que le général de Brossard à Oran traitait de
la paix avec Abd el Kader, Rapatel crut bon de lui rappeler le 17 février les
ordres donnés par le Ministre à ce sujet[16]. Il lui répétait, dans une
seconde lettre expédiée le même jour : « Toute démarche ou toute
communication ayant pour objet d’entrer en pourparlers avec Abd el Kader vous
est formellement interdite. Vous devez vous borner à m’adresser, pour les
transmettre au Ministre, mais sans y répondre, les propositions ou
communications qui pourraient vous être faites de sa part[17]. » Il lui recommandait
dans chacune de ses lettres de « surveiller Durand », qu’il qualifiait «
homme aussi astucieux que fin », capable de compromettre l’autorité française[18]. C’était d’ailleurs non pas
seulement Judas ben Duran, mais aussi son frère et associé, appelé par
Brossard « M. Léon Durand[19] », qui traitait la question du
ravitaillement de Tlemcen[20]. Le
général de Brossard paraissait se soucier assez peu de l’autorité du
Gouverneur général. Non seulement il menait des négociations personnelles
avec Abd el Kader, mais il prenait des mesures qui obligeaient Rapatel à le
ramener dans les limites de ses attributions. C’est
ainsi que, Brossard ayant organisé une compagnie provisoire armée de
carabines rayées[21], Rapatel lui fit remarquer
qu’une telle organisation, même provisoire, devait être autorisée par le
Ministre, ou au moins par lui Gouverneur, et le pria de faire rentrer à leurs
corps respectifs les militaires avec lesquels avait été organisée cette compagnie[22]. De
même, Brossard ayant commencé la construction de divers camps à une certaine
distance d’Oran, Rapatel lui prescrivit de conserver ses troupes disponibles
pour une expédition éventuelle, au lieu d’envisager leur éparpillement dans
des camps, et il l’invita à ne pas prendre de telles initiatives sans son
autorisation[23]. Rapatel
rendit compte le 2 mars au Ministre de la Guerre des faits qui se passaient à
Oran. Il avait « permis à regret au Juif Durand de s’y rendre », parce que
l’administration l’avait présenté comme seul capable de faire exécuter les
marchés passés pour le ravitaillement des troupes : « Cette
impérieuse nécessité, disait-il, a seule pu vaincre ma répugnance. » Or Ben
Duran avait été autorisé par Brossard à se rendre dans l’intérieur de la
province, à y importer du fer et de l’acier, et avait conclu avec Abd el
Kader un arrangement tendant à ravitailler Tlemcen pour six semaines au
moins, au moyen des ressources des tribus ! Ainsi,
écrivait Rapatel au Ministre, « le général de Brossard, au mépris des ordres
qu’il a reçus, fait un marché au lieu d’une opération militaire ». A son
avis, son subordonné méritait d’être blâmé pour avoir délibérément violé les
ordres et les instructions plusieurs fois renouvelés au sujet du
ravitaillement de Tlemcen[24]. Il écrivit à Brossard une
lettre très sévère, lui reprochant d’avoir complètement méconnu les ordres
reçus, et lui rappelant que seul le Gouverneur avait à imprimer une direction
aux affaires politiques du pays[25]. Le
Ministre de la Guerre jugea Brossard moins sévèrement que Rapatel au sujet
des autorisations données à Ben Duran pour ses marchés ; mais il considéra la
responsabilité de ce général comme gravement engagée pour n’avoir pas exécuté
l’ordre d’opérer le ravitaillement de Tlemcen par une expédition, qui devait
d’ailleurs lui permettre de relever la garnison laissée dans cette ville[26]. Le
lieutenant général comte de Damrémont débarqua à Alger le 3 avril 1837. Il
recevait, comme ses prédécesseurs, un traitement annuel de 72.000 francs,
40.000 francs à titre de général commandant en chef, et 32.000 francs pour
frais de bureau et de représentation[27]. Avant
son départ pour Alger, un certain nombre de mesures prises par le Ministre de
la Guerre avaient apporté des modifications à des postes importants de
l’armée d’Afrique. Par décision du 1er mars 1837, l’emploi d’officier général
commandant les troupes en Afrique devait cesser d’être occupé par le
lieutenant général baron Rapatel, qui serait appelé à un autre emploi ; le
maréchal de camp Perrégaux était nommé chef d’état- major général ; le
lieutenant général Bugeaud était affecté au commandement de la division
active d’Oran[28]. Le
Gouverneur général avait demandé au Ministre, avant son départ, de prendre
quelques autres mesures relatives à l’armée d’Afrique : amélioration des
indemnités, qui avaient été réduites ; affectation en France de Yusuf, dont
la position lui paraissait fausse, soit dans la province de Bône, soit à
Alger ; nomination du chef d’escadrons Korte, du 1er chasseurs d’Afrique, au
grade de lieutenant-colonel et son affectation au commandement des quatre
escadrons de spahis de Bône ; nomination au grade de lieutenant-colonel du
chef de bataillon Marengo, qui avait parfaitement dirigé l’atelier des
condamnés à Alger, y avait découvert des malversations, et avait cependant
été traduit devant un conseil de guerre qui l’avait acquitté ; suppression,
au moins momentanément, de l’emploi d’agha des Arabes, nomination du
lieutenant-colonel Marey, qui l’exerçait, au grade de colonel, et son
maintien au commandement du corps des spahis d’Alger[29]. Le
Ministre de la Guerre avait signalé à Damrémont les raisons favorables au
maintien de l’agha des Arabes ; cet emploi avait été rétabli par Drouët
d’Erlon au moment de la dissolution du bureau arabe le 20 novembre 1834,
parce qu’il paraissait nécessaire pour exercer une action politique sur les
tribus. Cependant le nouveau Gouverneur était laissé libre de supprimer ces
fonctions, comme son prédécesseur avait été laissé libre de les établir[30]. Au
moment où Damrémont arriva à Alger, accompagné de Perrégaux, les troupes
étaient réparties de manière à pouvoir remplir les trois missions qui
allaient leur incomber : maintien de la sécurité à Alger ; pression sur
l’émir Abd el Kader à l’Ouest ; expédition contre Cons- tantine à l’Est.
Rapatel avait pris soin d’établir un bilan très exact de leur situation à la
date du 2 avril[31], sur lequel Damrémont pouvait
voir clair pour la réalisation de sa tâche. Dans la
division d’Alger, les troupes étaient en éventail dans les camps organisés. Le 2e
léger et une partie du 63e de ligne occupaient les camps dits de l’Ouest, Douèra,
Mahelma, d’Erlon, et les postes en dépendant ; l’autre partie du 63e était à
Mustapha. Les zouaves se relevaient alternativement à Dely-Ibrahim et
Mahelma. Le
bataillon de la légion étrangère venu de Pau sous les ordres du commandant
Bedeau et arrivé à Alger en janvier 1837 à l’effectif de 750 hommes, avait à
s’organiser et à s’instruire[32] ; il avait été placé dans les
camps de seconde ligne : Tixeraïn, Birkadem et Kouba. La 7e
compagnie de vétérans occupait les forts rapprochés d’Alger. Le 11e
de ligne était dans la ville. Les six
escadrons de spahis réguliers n’étaient pas complètement groupés. Quatre
étaient à Boufarik, sous les ordres de l’agha Marey ; ils faisaient le
service d’escorte et de reconnaissance, maintenaient l’ordre dans la plaine,
et allaient même jusqu’à Blida. Les deux autres étaient logés dans les
faubourgs d’Alger, à Bensiam et Bab-Azoun. Les
spahis auxiliaires inscrits à Alger étaient au nombre de 301, parmi lesquels
une trentaine de notables de diverses tribus. Ils étaient chargés d’un
service d’ordre et de police dans les localités où ils étaient établis ; ils
étaient en outre réunis parfois pour des patrouilles de nuit ou pour tout
autre service, faisaient partie des expéditions chaque fois qu’ils y étaient
appelés et fournissaient huit hommes par jour pour le service de la
correspondance. Le 1er
régiment de chasseurs d’Afrique, qui détachait deux escadrons à Bône, avait
les deux autres à Benaknoun et Mustapha. Les
troupes d’artillerie comptaient trois batteries, deux compagnies de
garde-côtes et une compagnie d’ouvriers, dont quelques-uns détachés à Bône,
Bougie et Oran. Le génie avait environ 700 hommes, y compris une compagnie
auxiliaire d’ouvriers. Ces troupes étaient réparties dans les camps et
postes, suivant les besoins. Les
compagnies de discipline, 7e de fusiliers et 3e de pionniers, étaient
employées, la première par le service civil des Ponts et Chaussées, la
deuxième par le génie militaire pour la construction de la ligne de défense. Les
condamnés aux travaux publics et au boulet étaient près de 600 à Alger ;
c’étaient « de dociles et robustes travailleurs », utilement employés par les
Ponts et Chaussées et le génie. La
division d’Oran comptait cinq régiments de ligne : le 1er, le 23e, le 24e, le
47e et le 62e ; le 1er bataillon d’infanterie légère d’Afrique, dont une
partie était encore à Bône ; le 2e régiment des chasseurs d'Afrique ; le 2e
escadron de spahis réguliers ; un millier d’hommes de l’artillerie, du génie
et de l’administration ; elle disposait en outre de deux compagnies de
discipline, 1re de pionniers et 1re de fusiliers, et de 147 condamnés aux
travaux publics. Mostaganem
était occupé par un bataillon du 47e de ligne et par 400 à 500 Turcs du bey
Ibrahim. Arzew
était gardé par un détachement du 1er bataillon d’infanterie légère
d’Afrique. Au camp de la Tafna se trouvaient un détachement du 1er bataillon
d’infanterie légère d’Afrique, un du 23e de ligne et des détachements
d’artillerie et du génie. Les
Douairs et les Smela, sous le commandement de Mustapha ben Ismaël, campaient
à Misserghin et pouvaient fournir 440 cavaliers et 1.500 fantassins[33]. La
division de Bône, où se préparait l’expédition contre Constantine, avait été
éprouvée par un grave accident. Le magasin à poudre de la Casba de Bône avait
sauté le 30 janvier 1837, alors qu’un garde d’artillerie venait d’y entrer
pour prendre des munitions ; cette catastrophe avait coûté à l’armée
d’Afrique 105 tués et 192 blessés[34]. A Bône,
où commandait le général Trézel, les troupes étaient nombreuses : trois
bataillons du 17e de ligne ; un détachement du 1er bataillon d’infanterie
légère d’Afrique et plusieurs compagnies du 62e de ligne, destinés à
rejoindre Oran ; le 3e régiment de chasseurs d’Afrique ; deux escadrons du
1er régiment de chasseurs d’Afrique ; quatre escadrons de spahis réguliers,
formant un effectif de 500 cavaliers ; 220 spahis auxiliaires. Le
bataillon de tirailleurs d’Afrique, qui était arrivé de Toulon à Alger à la
fin de décembre 1836, était parti pour Bône le 6 janvier[35], et avait été envoyé à Guelma,
où commandait le colonel Duvivier. Les
troupes d’artillerie, du génie et de l’administration recevaient des renforts
expédiés de Toulon. A
Bougie, la garnison se réduisait au 2e bataillon d’infanterie légère
d’Afrique, et à quelques détachements d’artillerie, du génie et de
l’administration. Les
tribus entre Bône et Guelma étaient sous l’autorité du bey Yusuf, qui avait à
ses ordres un corps d’infanterie indigène d’environ 250 hommes. Yusuf,
violemment attaqué par le capitaine Pellissier, était même diffamé par lui
dans une lettre publiée par un journal de Marseille. Le général Trézel
considérait avec raison des querelles de ce genre comme très préjudiciables à
la discipline. Le Ministre était obligé d’intervenir pour obliger Pellissier
à rentrer dans l’ordre[36]. Les
tribus des environs de Guelma faisaient l’objet d’une discussion entre le
général Trézel et le colonel Duvivier qui prétendait avoir autorité sur
elles. Le Ministre, quoique appréciant « le mérite de cet officier supérieur
et les services à attendre de lui, n’était pas disposé à tolérer de lui un
esprit d’émancipation[37]. » Ainsi y
avait-il, dans les cadres de l’armée d’Afrique, des ferments de discorde
entre des chefs qui auraient dû mieux s’entendre pour travailler à l’œuvre
commune, et des velléités d’indiscipline chez des subordonnés trop tentés
d’agir à leur guise. Dans
certaines troupes même, régnait parfois un sentiment d’inquiétude et de
défiance nuisible à l’entrain et à la discipline, si nécessaires en campagne. Les
raisons de ce sentiment étaient exposées dans une lettre que Brossard
écrivait à Rapatel le 20 mars 1837 : maigres résultats obtenus malgré de
grands efforts ; peu d’attention de la part de la Métropole aux services
rendus en Afrique ; injustice dans l’attribution des récompenses. Brossard
signalait « de partiales préférences pour des officiers se bornant à se
montrer en Afrique, tandis que les officiers de l’armée guerroyante, courbés
pendant des semaines, des mois, des années sous le poids d’une série non
interrompue de devoirs et de privations, étaient souvent oubliés[38]. » Ces
critiques justifiées ont été renouvelées souvent dans des termes analogues.
Nombre d’officiers occupés dans les bureaux, les casernes ou même dans les
antichambres de la Métropole, ont feint d’ignorer les sacrifices
volontairement acceptés par leurs camarades d’outre-mer. Ils ont parfois,
comme les « volontaires de Mascara » en 1835, participé à quelques mois
de campagne, afin d’être rapidement transformés en héros, et de se faire
attribuer citations, décorations et grades ; mais ils ont laissé à d’autres
le soin de passer de longues années loin de leurs familles et de leurs
intérêts, dans des conditions nuisibles à leur santé. Voilà ce qui indignait
les officiers grelottant de fièvre dans des postes déshérités, et voyant
leurs services méconnus à Paris. La «
question d’Alger » était toujours débattue en France. Le Gouvernement voulait
maintenir l’occupation, mais sans que la paix fût troublée. Il fallait
trouver les moyens d’obtenir ce résultat ! Le député Desjobert ayant
écrit une brochure préconisant la remise entre les mains d’un chef indigène
du gouvernement des Indigènes, le capitaine Pellissier combattit ce système
dans une brochure qui fut tirée à 1.000 exemplaires par l’Imprimerie du Gouvernement
à Alger, avec l’assentiment de Damrémont[39]. Le
nouveau Gouverneur fit connaître, par sa proclamation aux habitants, la ferme
intention qu’avait la France de conserver Alger. Il y résumait ainsi la
mission de l’armée d’Afrique : « faire succéder à l’état de guerre une
pacification fondée sur l’intérêt des populations indigènes, sur la justice,
mais aussi sur la force ; une pacification bienveillante et protectrice pour
ceux qui l’observent, menaçante pour ceux qui tenteraient de l’enfreindre. »
Il assura en outre les troupes de sa sollicitude, par un ordre à l’armée[40]. Le
Ministre de la Guerre approuva la proclamation et l’ordre. Toutefois, il
signala au Gouverneur général le danger de parler trop ouvertement de la
protection à accorder aux entreprises agricoles et de l’extension future de
la domination française ; il ne voulait pas que les colons pussent espérer
des encouragements directs, ni que les Indigènes pussent croire à un
envahissement progressif de leur territoire[41]. La
répartition des attributions entre les généraux de Damrémont, gouverneur
général, de Brossard, commandant la province d’Oran, et Bugeaud, chargé de
mission à Oran avec le titre de « commandant de la division active », était
assez peu conforme aux habitudes militaires, et provoqua maints incidents. Avant
même de quitter Paris, Damrémont, en prenant connaissance des instructions
données à Bugeaud pour sa mission[42], protesta auprès du
Gouvernement : « Il y aura pendant plusieurs mois, écrivait-il le 9 mars au
Ministre, deux autorités indépendantes placées sur la même ligne et n’ayant
l’une avec l’autre que des rapports de déférence[43]. » Le
Gouvernement saisi de cette protestation refusa de modifier les instructions
données à Bugeaud, mais ajouta, pour accorder un apaisement à Damrémont, que
« rien ne serait adopté sans son avis préalable[44]. » Peu
après son arrivée à Alger, Damrémont s’éleva avec force contre la
correspondance directe échangée entre le général de Brossard et le Ministre
de la Guerre ; il écrivit à ce dernier : « Vous sentirez sûrement que...
c’est à moi seul à transmettre vos ordres et vos instructions à tous ceux qui
commandent sous moi ; c’est à moi seul qu’ils doivent adresser leurs
rapports, rendre compte de leurs actes et communiquer leurs projets. Toute autre
marche compromettrait la direction et le succès des affaires, elle rendrait
surtout la subordination et la discipline impossibles[45]. » Il prescrivit d’ailleurs au
général de Brossard de correspondre désormais exclusivement avec lui ou avec
le général Bugeaud. Damrémont
avait reçu, avant son départ, des instructions sur la politique à suivre en
Afrique. Le Ministre de la Guerre les lui précisa en mai. Le Gouverneur
général devait rechercher non pas la conquête immédiate et l’occupation
effective de tout le territoire de l’ancienne Régence, mais seulement un
établissement maritime, sans d’ailleurs abandonner le droit de souveraineté
de la France sur le reste du pays. Les forces qu’il recevait étaient
destinées à tenir en échec ses deux ennemis, Abd el Kader à l’Ouest, le bey
Ahmed à l’Est, et à « donner du poids aux négociations ou de l’énergie à
la guerre[46]. » Autour
d’Alger, il suffisait de reconnaissances à courte portée pour calmer
l’agitation créée par Abd el Kader. Damrémont
exécuta du 28 avril au 2 mai une reconnaissance à Blida et Koléa ; les
zouaves, placés en tête, se conduisirent « comme toujours avec vigueur,
bravoure, et intelligence[47]. » Quelques
jours plus tard, à la suite d’incursions des dissidents à la ferme de
Reghaïa, il chargea le lieutenant Vergé, du corps des spahis, de réunir les
cavaliers auxiliaires des tribus amies, de battre la campagne et d’entrer en
pourparlers avec les Kabyles ; il le fit appuyer par une colonne aux ordres
du colonel de Schauenbourg[48]. Il
renforça d’autre part le poste avancé de Beni-Mered, sur la route de Boufarik
à Blida, en y établissant un escadron de spahis réguliers[49]. Des reconnaissances exécutées
par le général Perrégaux à la fin de mai, et par le colonel de Schauenbourg
en juin, aidèrent à pacifier les environs d’Alger[50]. Dans la
province d’Oran, c’était la question d’Abd el Kader qu’il fallait régler. Bugeaud
était arrivé le 5 avril à Oran, en passant par Port-Vendres, tandis que
Damrémont, passé par Marseille, était arrivé le 3 avril à Alger. Les deux
généraux ne s’étaient pas rencontrés. Pour amener l’adversaire de la France à
la raison, Bugeaud organisa de suite une colonne expéditionnaire à trois
brigades ; mais il se laissa bientôt persuader par Ben Duran, présenté par
Brossard, que l’Emir était disposé à traiter. Abd el
Kader sentit qu’il y avait conflit d’attributions entre le Gouverneur général
et le général en mission et essaya de les opposer l’un à l’autre. Il écrivit
à Damrémont le 10 mai 1837 : « J’ai parlé au Grand d’Oran (Bugeaud) relativement à la suspension
des hostilités et au sujet de la paix et de l’alliance jusqu’au moment où
nous terminerons définitivement. C’est votre intérêt et c’est le nôtre ; mais
je ne sais pas si une convention faite avec lui aura la même valeur qu’une
convention faite avec vous, ou bien si l’un de vous pense d’une manière,
tandis que l’autre pense d’une manière différente[51]. » De
telles confidences étaient bien faites pour amener un malentendu entre les
deux chefs français. Bugeaud ayant appris qu’Abd el Kader avait reçu le 5 mai
une lettre de Damrémont, une du capitaine Pellissier et une de Busnach, fit
aussitôt à Damrémont d’amers reproches : « Vous avez voulu, lui écrivit-il,
attirer à vous la négociation, et vous n’avez pas réfléchi, je veux le
croire, à tout le mal que vous pouviez faire à la mienne, c’est-à- dire à
celle du pays, puisque j’en étais chargé[52]. » Il envoya copie de sa lettre
au Ministre de la Guerre ; celui-ci s’en montra fort peiné, et écrivit à la
fois aux deux généraux[53]. Cependant
les chaleurs arrivaient. Si Bugeaud voulait se décider à employer la force,
il devait le faire de suite. Or les moyens dont il disposait ne lui
assuraient pas le succès : un grand nombre de ses mulets étaient blessés par
des bâts défectueux, d’autres avaient péri ; les chameaux ne pouvaient plus
résister. Il pensa que, dans ces conditions surtout, mieux valait traiter, et
se décida dans la dernière décade de mai à activer les négociations avec Abd
el Kader, en remplaçant Ben Duran par un Musulman de Tlemcen. Au
cours de ces négociations, il comprit qu’il s’était mépris sur les intentions
de Damrémont, et lui fit ses excuses le 29 mai dans une lettre de rude et
belle allure : « Général, je vous dois une réparation. Je viens vous la faire
avec franchise. Abd el Kader assure que vous ne lui avez jamais fait de
proposition de paix. J’ai donc été trompé par Durand, qui jouait un double
jeu pour obtenir des concessions des deux parties contractantes en mentant à
l’une et à l’autre. Il travaillait surtout à sa fortune. C’est un homme
sordide. Je ne l’ai point employé dans ces dernières négociations ; j’ai
traité directement. Recevez mes excuses, général, effacez de votre esprit les
impressions qu’ont dû y laisser mes reproches mal fondés[54]. » Au
moment même où Bugeaud écrivait en ces termes à Damrémont, il était occupé à
régler les derniers détails du traité de la Tafna, qui fut signé le lendemain
30 mai 1837. C’était un traité déplorable, conforme aux désirs d’Abd el
Kader, à qui la France abandonnait Rachgoun, Tlemcen si vaillamment défendue
par Mustapha ben Ismaël et par les volontaires de Cavaignac, le territoire
des Douairs, fidèles alliés de la France !... La
nouvelle de ce traité parvint à Damrémont le 8 juin, au cours d’une petite
expédition aux environs d’Alger ; ce fut un messager d’Abd el Kader qui lui
remit une lettre de Bugeaud et la convention qui venait d’être signée[55]. Le Gouverneur général resta
stupéfait des clauses dont il prit connaissance. Aussi écrivit-il le 15 juin
au Président du Conseil : « Cette convention rend l’Emir souverain de fait de
toute l’ancienne Régence d’Alger, moins la province de Constantine et
l’espace étroit qu'il lui a plu de nous laisser sur le littoral autour
d’Alger et d’Oran. Elle le rend souverain indépendant, puisqu’il est
affranchi de tout tribut ; que les criminels des deux territoires sont rendus
réciproquement ; que les droits relatifs à la monnaie ne sont pas réservés,
et qu’il entretiendra des agents diplomatiques chez nous comme nous en aurons
chez lui[56]. » Ce traité, signé sans autre
garantie que le caractère religieux et moral de l’Emir, ne lui paraissait ni
avantageux, ni honorable, ni nécessaire ! Combien
Damrémont avait eu raison, en écrivant le 9 mars 1837 au Ministre, avant de
quitter Paris : « Si les conditions du traité avec Abd el Kader ont des
inconvénients, c’est sur moi qu’en pèserait la responsabilité ; après le
départ de M. le général Bugeaud, c’est moi qui aurais la tache de les réparer[57]. » Les
nuages entre les deux chefs n’avaient d’ailleurs pas été dissipés
complètement par la lettre de Bugeaud du 29 mai. Damrémont ayant accusé
réception à Bugeaud des « réparations » faites à ses « torts », Bugeaud se
récria ; il expliqua le 18 juin qu’il ne reconnaissait pas avoir eu de «
torts », mais avoir été mis « dans l’erreur ». Il profitait de cette lettre
pour défendre le traité de la Tafna. Si ce traité permettait à Abd el Kader
d’organiser une petite armée, il le rendrait plus saisissable et par suite
plus facile à battre. « En attendant, ajoutait-il, vous allez vous organiser
et fonder quelque chose dans le pays que vous conservez... Le développement
de l’agriculture vous fournira pour faire la guerre des ressources en
subsistances et en moyens de transport. Les populations établies aideront à
garder vos communications et vos derrières, quand vous vous porterez en avant[58]. » Le
Ministre de la Guerre, pour être fixé sur l’état d’esprit des officiers généraux
et sur la situation exacte de la Régence, envoya à Alger et Oran le
lieutenant-colonel de la Ruë, son officier d’ordonnance. Il pria Damrémont de
s’ouvrir à son envoyé en toute confiance[59], usant ainsi d’un procédé de
liaison qui a été souvent renouvelé depuis. Il
essayait d’ailleurs à distance d’établir l’harmonie nécessaire, comme le
montre sa lettre à Damrémont du 13 juillet : « Concertez-vous avec le général
Bugeaud, lui disait-il, afin qu’il y ait unité et ensemble dans les
dispositions relatives à la mise à exécution du traité conclu avec Abd el
Kader. Facilitez de tous vos moyens la tâche de cet officier général. Au
moment où vous allez opérer et négocier dans l’Est, il importe que les
affaires de l’Ouest soient conduites à bonne fin[60]. » Alors
que le Ministre lui écrivait ces lignes, Damrémont ne possédait pas encore le
texte officiel du traité de la Tafna ; il le réclamait précisément avec
insistance, le texte arabe surtout, afin d’être exactement fixé sur
l’attitude à tenir vis-à-vis des dissidents qui continuaient les hostilités[61]. Etrange situation, celle de ce
Gouverneur général ignorant le traité qu’il avait à appliquer ! Toutes
les difficultés étaient dues à une inconcevable organisation du commandement
en Afrique et à une répartition des attributions contraire à la logique. Le
traité de la Tafna avait un avantage : il permettait à Damrémont d’agir dans
la province de Constantine contre le bey Ahmed, sans avoir à se préoccuper de
la province d’Oran, où le calme s’établit, malgré les intrigues de certains
agents d’Abd el Kader. Dans la
province d’Alger, il y eut quelques désertions pendant le mois de juin 1837. Aux
zouaves, un assez grand nombre d’Indigènes abandonnèrent le corps parce que,
d’après le lieutenant-colonel de la Moricière, ils gagnaient beaucoup plus
d’argent en s’employant aux travaux de moisson qu’en restant au service[62]. Le
détachement de condamnés employés aux travaux d’assainissement de Boufarik
eut 13 déserteurs. Ces hommes comptaient sans doute, grâce à la paix
récemment conclue, être bien accueillis par les Indigènes ; ils ignoraient
qu’au contraire, d’après les termes du traité, ils devaient être rendus[63] ! Des
mesures furent prises pour affirmer l’autorité française sur le territoire de
la province d’Alger réservé à la France. A cet effet, le capitaine
Pellissier, directeur des affaires arabes, envoya trois officiers sous ses
ordres, les lieutenants Vergé, Dumont et Sainte-Marie, chacun dans une tribu,
avec mission d’y exercer une active surveillance et d’assister aux marchés[64]. Damrémont
apprécia beaucoup les services de ces officiers. Il écrivit au Ministre à
leur sujet, le 27 septembre 1837 : « C’est l’occasion de vous exprimer toute
ma satisfaction pour le zèle soutenu, le dévouement et la rare intelligence
que déploient dans l’accomplissement de leurs devoirs les officiers attachés
à la direction des affaires arabes. » Le lieutenant Vergé, affecté aux
fonctions de caïd des Béni Khelil, exerçait sur les Indigènes une influence
que leurs caïds indigènes n’avaient jamais eue ; le lieutenant Dumont, chargé
de surveiller la tribu des Béni Moussa, montrait une activité et une présence
d’esprit remarquables ; le lieutenant d’état-major Sainte-Marie, envoyé à la
Rassauta pour calmer l’agitation, avait organisé dans l’outhan de Khachna des
escadrons de cavaliers auxiliaires prêts à se porter sur tous les points
menacés. « Ces trois officiers, concluait-il, agissent sous l’impulsion et
sous la direction du capitaine d’état-major Pellissier, qui lui-même,
infatigable dans son activité, se porte partout où sa présence est
nécessaire, et lutte avec énergie et une sagacité admirable contre les
prétentions d’Abd el Kader et les intrigues de ses partisans[65]. » Le
maréchal de camp de Négrier, commandant par intérim la division d’Alger,
recevait du capitaine Pellissier des rapports fréquents sur tous les
événements concernant les Indigènes. C’était
déjà, sous une forme embryonnaire, le service des affaires indigènes, qui
devait plus tard s’étendre largement et contribuer puissamment à la
pacification générale. La
sécurité qu’une telle organisation contribuait à faire régner aux environs
d’Alger amena des abus, comme l’envoi à toute occasion de cavaliers ou
d’escortes hors des postes. Le général de Négrier dut s’élever contre cette
manière de faire, à la fois dangereuse pour les isolés ou les petits
détachements et nuisible au bon état de la cavalerie. Il s’exprimait ainsi,
dans son ordre du 12 septembre 1837 : « Des abus sont commis journellement
par les commandants des camps où se trouvent des postes de cavalerie. Ils
donnent des escortes à des personnes qui devraient suivre les convois, et ils
font partir, à tous propos, des cavaliers pour porter des papiers
insignifiants. En tout temps on devrait mettre plus de circonspection et de
réserve dans l’emploi de la cavalerie. A présent, surtout, j’exige qu’elle
soit ménagée avec le plus grand soin[66]. » Ces
abus se sont renouvelés dans les postes d’Afrique, chaque fois que les chefs
ont relâché leur surveillance ; comme le disait fort bien Négrier, ils ne
doivent pas être tolérés. C’est
dans la province de Bône qu’allait se concentrer toute l’activité de l’armée
d’Afrique jusqu’au règlement de la question de Constantine. Il fallait
occuper cette ville, de gré ou de force. Quelques
désertions s’étaient produites dans les troupes indigènes, pour des motifs
divers. Les
spahis de la tribu des Béni Ourdjine, constituant la plus grande partie d’un
escadron de spahis réguliers, avaient quitté Bône dans la nuit du 4 au 5 mai,
avec leurs tentes et leurs troupeaux[67]. Leur désertion était due à ce
qu’ils avaient, pendant le long et rude hiver, composé l’escorte des convois
sur Guelma, sans pouvoir s’occuper suffisamment de leurs familles et de leurs
champs. Ils étaient partis à l’instigation du maréchal des logis Resgui,
chevalier de la légion d’honneur, brave sous- officier, mais criblé de dettes
à Bône[68]. Certains avaient demandé leur pardon
rapidement, puisque le 27 mai, 40 sur 80 étaient revenus ; les autres,
dispersés dans les tribus voisines, semblaient devoir rentrer peu à peu[69]. Des
soldats du bataillon turc suivirent au mois de juin le mauvais exemple des
Béni Ourdjine : 14 d’entre eux désertèrent, dont 10 avec leurs armes, du camp
de Dréan, d’un blockhaus et de La Galle. Pour les conserver, il était
indispensable, d’après Trézel, d’augmenter leur solde[70]. En réalité, il fallait surtout
les mettre à l’abri des intrigues d’Ahmed bey, qui cherchait à les attirer à
Constantine ; la preuve de ces intrigues fut fournie par la découverte d’un
projet de désertion collective aux spahis réguliers de Bône, commandés par le
capitaine de Mirbeck[71]. Des
Turcs étaient cependant seuls chargés de la garde de rétablissement de La
Galle, qui avait pris plus d’importance depuis sa réoccupation par les
Français le 15 juillet 1836, et où s’arrêtaient de nombreux bateaux
corailleurs. Le capitaine Berthier remplissait toutes les fonctions
militaires et civiles, et était assisté d’un médecin civil volontaire, nommé
Moreau, d’ailleurs dépourvu d’ambulance. Comme la garnison comptait seulement
32 Turcs, le général Trézel la fit porter à 50 au mois de juin 1837 ; il
demanda en outre que l’établissement fût compris au nombre des postes
militaires et muni de quelques défenses[72]. Damrémont
avait reçu l’ordre du général Bernard, ministre de la Guerre, de « suspendre
d’une manière absolue toute augmentation dans l’effectif des zouaves et des
spahis ». La raison de cette mesure, prise le 21 mai, était l’accroissement
incessant de la légion étrangère, par suite du retour en France des
légionnaires libérés du service d’Espagne, risquant d’occasionner un large
dépassement des prévisions budgétaires[73]. Avant
d’employer la force contre Constantine, Damrémont devait user de tous les
moyens diplomatiques pour arriver pacifiquement à occuper la ville. Le
Gouverneur général entendait se réserver entièrement la conduite des
négociations, et ne voulait laisser conclure en dehors de lui aucun arrangement
entre des isolés et des chefs indigènes. Il signala le 20 mai au Ministre de
la Guerre les inconséquences commises par Yusuf, le lieutenant de gendarmerie
Gros et l’interprète Raimbert avec le bey Ahmed ; il estimait « urgent
d’arrêter toutes ces démarches de subalternes, toutes ces tentatives de
négociations conduites sans habileté, contraires à la dignité de la France,
et qui compliqueraient bientôt de la manière la plus fâcheuse les affaires du
pays[74]. » Il entendait que toute
correspondance avec les chefs indigènes émanât du Gouverneur général, ou des
généraux commandant les provinces suivant la direction donnée par lui. Il
laissa cependant l’interprète Raimbert correspondre avec un commerçant génois
de Constantine, Paolo di Palma, qui lui donnait des renseignements utiles sur
les préparatifs d’Ahmed bey[75]. Le
Ministre partageait entièrement l’avis de Damrémont, et lui précisait dans sa
réponse : « Personne en Afrique n’est autorisé à se mettre en relations
directes ou indirectes avec aucun des chefs du pays sans votre aveu ou sans
votre ordre. Il n’y a d’exception que pour M. le général Bugeaud qui,
spécialement chargé des opérations militaires à diriger contre Abd el Kader,
a dû l’être aussi de traiter avec lui pour que la paix et la guerre fussent
dans la même main[76]. » Le
commandant Yusuf, qui avait joué un rôle si important dans la préparation
politique de la première expédition avec Clauzel, avait été rendu responsable
de l’échec de l’opération par un grand nombre d’officiers de l’armée
d’Afrique ; il se trouvait mis à l’écart par Damrémont. Sa
disgrâce n’était pas justifiée ; car si la colonne expéditionnaire était
partie plus tôt, comme il l’avait conseillé, si elle avait été munie d'appro-
visionnements suffisants pour attendre le résultat de ses manœuvres
politiques, elle serait, à son avis, entrée dans Constantine. Il fut appelé à
Paris, et il y fut retenu pendant plus d’un an sous divers prétextes. Ce
séjour dans la Capitale dissipa vite son amertume, comme l’a remarqué le
général du Barail : « Il y obtint des succès de tous genres. Il y accomplit
de douces razzias, et il ravagea peut-être plus de boudoirs parisiens qu’il
n’avait jamais ravagé de douars arabes. Avec sa beauté physique, rehaussée
par la sobre élégance de son costume oriental, avec son esprit original, ses
idées toutes personnelles, pas banales du tout, avec son langage ardent et
imagé, il devait devenir et il devint la coqueluche des salons, le convive
des hommes d’Etat et l’attraction des fêtes royales. Il circulait dans la
haute société parisienne comme s'il n’en fût jamais sorti[77]. » Le
maréchal Clauzel, qui avait conservé à Yusuf toute sa sympathie, demanda pour
lui au Ministre le grade de lieutenant-colonel. Le Ministre s’adressa en
Afrique pour avoir les éléments d’une réponse à Clauzel ; les ennemis de
Yusuf, parmi lesquels le capitaine Pellissier, ne désarmaient pas ; aussi la
« note confidentielle sur Youssouf, bey de Constantine », adressée à Paris en
septembre 1837, s’exprimait ainsi : « C’est un mameluk, qui a tous les vices
de son éducation, mêlés de qualités très remarquables qui peuvent le rendre
utile. Il ne faut pas renoncer à s’en servir ; il ne faut pas même le juger
moralement d’après des notions qui ne sont pas les siennes ; mais pour cela
même on peut se demander s’il est bien convenable et bien sage de lui donner
un grade dans l’armée française, de l’investir une fois de plus d’un
caractère dont il ne remplit pas, dont il ne comprend pas les devoirs. Il ne
faut pas se dissimuler que ses épaulettes de lieutenant-colonel seront
souvent exposées à être salies...[78] » Le
sentiment exprimé dans cette note était éprouvé par beaucoup d’officiers ;
Yusuf leur paraissait pouvoir être utilement employé, au besoin avec un titre
indigène, mais ne pas devoir être assimilé, en raison de sa mentalité et de
ses habitudes, à un officier français. Une question de principe autant qu’une
question de personne se posait ainsi à son sujet ; elle resta provisoirement
en suspens. Il
semble étonnant qu’un sentiment analogue ne se soit pas manifesté à l’égard
des négociateurs employés. Les discussions entre Damrémont et Ahmed étaient,
comme l’avaient été celles entre Brossard, Bugeaud et Abd el Kader, menées
par des Juifs. C’était
Busnach que le Gouverneur chargeait de faire à Ahmed des propositions de
traité[79] ; c’était Ben Bajou, venu de
Tunis avec le capitaine Foltz, aide-de-camp de Damrémont, qu’Ahmed employait
pour discuter en son nom avec le Gouverneur[80]. Busnach, à son retour de
Constantine, se concertait à Bône avec Ben Bajou[81]. Les deux Juifs repartaient le
6 août pour le camp d’Ahmed avec le capitaine Foltz, porteurs d’un projet de
traite[82] ; ils en revenaient le 11 août
avec l’acceptation d’une partie des conditions, des discussions sur les
autres[83]. Ces va-et-vient se terminaient
quelques jours plus tard par une injonction d’Ahmed à Damrémont d’avoir à
rentrer dans Bône avec ses troupes, s’il voulait la paix[84] ! Le 22 août, Ben Bajou venait
de la part d’Ahmed reprendre les négociations[85]. Damrémont
finit par comprendre que son adversaire n’avait « pas l’intention sérieuse de
traiter[86] » ; il continuait cependant les
négociations, et écrivait le 4 septembre au Ministre de la Guerre : « Je
chercherai à traiter jusque sous les murs de Constantine et même après avoir
pris la ville ![87] » Si
Damrémont tentait de tels efforts pour arriver à une solution diplomatique de
la question de Constantine, ce n’était pas seulement en raison de sa
disposition d’esprit personnelle, c’était surtout en raison des instructions
que le Gouvernement ne cessait de lui envoyer dans ce sens. Le Ministre de la
Guerre lui écrivait encore le 21 juillet 1837 : « Vous ne perdrez pas de vue
que la pacification est l’objet principal que le Gouvernement se propose, et
que la guerre n’est considérée ici que comme le moyen de l’obtenir aux
conditions les plus avantageuses, moyen auquel il ne faudra recourir qu’à la
dernière extrémité[88]. » Cette
extrémité paraissait de plus en plus devoir être atteinte, au fur et à mesure
que les semaines s’écoulaient. Damrémont, tout en négociant, veillait
attentivement à la préparation de l’expédition. Une de
ses préoccupations était de garantir les troupes contre les maladies. Au
milieu de juillet, l’état sanitaire était très satisfaisant, à Bône et dans
les camps. Au camp de Dréan, il y avait 21 malades sur 500 hommes ; à
Nechmeya, 13 sur 550 ; à Guelma, 64 sur 1.250. Cependant, en prévision de la
période des chaleurs, toujours nuisible à la santé des hommes, Damrémont
invitait Trézel à installer comme hôpitaux les baraques qui lui avaient été
envoyées[89]. Ces
précautions n’étaient pas inutiles, puisqu’à la fin de juillet il y avait 550
malades à l’hôpital de Bône[90]. Il y eut aussi à Guelma, au
mois d’août, une épidémie de fièvre qui atteignit la moitié de la garnison,
mais d’une façon bénigne, puisqu’un séjour de dix à douze jours à l’hôpital
permettait aux malades de se rétablir[91]. Une
autre préoccupation du Gouverneur était de compléter en officiers les divers
régiments. Il y manquait en effet un assez grand nombre d’officiers, soit que
les emplois fussent vacants, soit que les titulaires fussent en congé ou à
l’hôpital. Damrémont demanda au Ministre de faire rejoindre tous les
officiers de la division de Bône absents pour d’autres raisons que les
raisons de santé[92]. La
préparation de l’expédition était l’objet de soins attentifs. Damrémont
étudiait lui-même à Bône la question des transports nécessaires pour
l’administration et il l’exposait minutieusement au Ministre[93]. Il faisait venir à Bône des
troupes qui, par suite du traité de la Tafna, n’étaient plus nécessaires pour
la province d’Oran : le 47e régiment de ligne, le 3e bataillon d’infanterie
légère d’Afrique[94]. Dès le
19 août, au camp de Medjez-Amar, il déterminait la date la plus opportune
pour le départ de la colonne, faisait le calcul de ses effectifs, en
défalquait les malades probables, prévoyait les approvisionnements à
constituer[95]. Les
troupes s’occupaient d’aménager les divers camps et s’y entraînaient sous les
ordres de leurs chefs. Le
colonel Duvivier, qui commandait à Guelma, avait obtenu des résultats
remarquables. Il avait fait travailler, pendant toute la mauvaise saison, à
l’aménagement du poste ; secondé par le capitaine Hackett, du génie, et par
le commandant Pâté, des tirailleurs d’Afrique, il avait « su imprimer à sa
troupe un élan, une énergie, une résignation, écrivait Damrémont, qu’on ne
saurait trop approuver », et avait « obtenu des résultats dignes
d’admiration, dont on ne comprend l’étendue qu’après les avoir vus[96]. » Les
difficultés rencontrées dans la création d’un poste de ce genre sont
considérables. Duvivier les décrivait dans des notes au Ministre de la Guerre
relatives à Guelma : « Il existait, pour toutes ressources, un reste
d’enceinte effacée sur plusieurs points, franchissable à cheval sur presque
tout le reste du pourtour ; au centre, et en dehors, une immense quantité de
pierres de taille, jetées, comme un chaos, les unes sur les autres ; il ne
s’en présentait pas deux qui fussent disposées pour offrir un abri à un homme
; entre toutes ces pierres, des ronces et des bruyères. Telle était Guelma ;
et c’est là où il fallait passer l’hiver sans tentes, peut- être sans vivres,
au centre d’une population qui quinze jours auparavant avait pris les armes
contre nous et qui avait tué un officier[97]. » Pour
édifier le poste, il fallut forger à Guelma des truelles, impossibles à
obtenir de l’administration. La première construction fut celle de fours en
maçonnerie pour la manutention. La grande préoccupation fut de créer un
marché, de rallier à la cause française les tribus environnantes, et de les
administrer de la manière forte et juste qu’elles souhaitaient[98]. Duvivier
exécutait des sorties contre les rassemblements hostiles, afin de protéger
les tribus soumises. Il s’éloignait parfois un peu trop de son camp : le 16
juillet, obligé d’exécuter une retraite difficile en face de forces
supérieures, il eut 4 tués et 64 blessés, dont le commandant Paté, des
tirailleurs d’Afrique[99]. Il
menait habilement sa politique indigène, et présenta le 26 août au général de
Damrémont, venu au camp de Medjez-Amar, 32 cheikhs des tribus des environs de
Guelma, en l’assurant qu’ils l’accompagneraient avec une partie de leurs
tribus, au cas d’une expédition sur Constantine[100]. Les
troupes qui, au mois d’août, se trouvaient à Medjez-Amar, poste avancé d’où
devait partir l’expédition, travaillaient à organiser le camp, mais, en
raison des chaleurs, seulement avant 8 heures du matin et après 4 heures du
soir. Les soldats étaient établis dans des baraques en feuillage et avaient
en abondance du bois et de l’eau. L’état sanitaire était bon[101]. La
légion étrangère allait pouvoir prendre part à l’expédition. Son premier
bataillon s’était organisé et aguerri dans les camps d’Alger ; en outre, il
s’était peu à peu grossi par l’arrivée de nombreux étrangers, au point de
devenir pléthorique. Une ordonnance du 18 juillet 1837 avait prescrit de
procéder à la formation d’un deuxième bataillon et de donner à la légion la
même organisation qu’aux régiments d’infanterie de ligne[102]. Il
fallut simultanément procéder à la constitution d’un bataillon de marche qui,
sous les ordres du commandant Bedeau, allait prendre part à l’expédition, et
à la formation du nouveau bataillon. Le colonel de Hulsen fut nommé à la tête
de la légion le 2 août 1837. Le mois suivant, le bataillon Bedeau partit pour
Bône et de là pour Medjez-Amar, où il arriva lorsque la colonne allait se
mettre en marche sur Constantine. Le
capitaine de Saint-Arnaud, du bataillon Bedeau, écrivait le 29 septembre à
son frère que les soldats du corps expéditionnaire étaient animés d’un
excellent esprit, mais semblaient équipés trop lourdement : « L’armée est
belle et bien disposée, mais on charge trop les hommes pour obtenir quelque
succès bien prononcé. Chaque soldat porte pour douze jours de vivres en pain,
biscuit, riz, sel, café et sucre pour remplacer le vin ; de plus, un petit
fagot de bois sur son sac et un bâton de quatre pieds à la main. Il le faut
pour gravir la montagne le premier jour de marche, et ce bâton servira à
faire la soupe ce soir au bivouac[103]. » Avant
de marcher sur Constantine, Damrémont institua une commission scientifique
chargée d’explorer le pays que le corps expéditionnaire devait parcourir, de
recueillir les objets d’art, les antiquités ou les spécimens d’histoire
naturelle, et de rédiger à ce sujet des rapports. Il la composa d'officiers
des « armes spéciales » (artillerie et génie), d’officiers de santé et de
savants, et il lui adjoignit quelques étrangers désireux d’en faire partie,
tels que Sir Grenville Temple, Falbe, ancien consul de Danemark à Tunis, des
médecins et des naturalistes allemands[104]. Le culte des arts et des
sciences, en honneur dans l’armée d’Afrique, trouvait sa place dans une
entreprise à laquelle ses chefs ne voulaient pas donner un caractère
uniquement militaire, mais dont ils entendaient faire un instrument de
civilisation et de progrès. Lorsque
la colonne expéditionnaire quitta le 1er octobre le camp de Medjez-Amar, sous
les ordres de Damrémont, et avec Perrégaux comme chef d’état-major général,
elle était remarquablement encadrée. Les quatre brigades étaient commandées
par les maréchaux de camp duc de Nemours, Trézel, Rullière et Bro ;
l’artillerie était aux ordres du lieutenant général comte Valée, et le génie
était dirigé par le lieutenant général baron Rohaut de Fleury. Les
états-majors et les troupes comptaient une pléiade d’officiers remarquables,
dont beaucoup devaient laisser un nom dans l’armée d’Afrique ou parvenir aux
plus hauts échelons de la hiérarchie militaire. Parmi eux étaient : le
capitaine de Mac-Mahon et le capitaine Foltz, aides-de-camp de Damrémont ; le
colonel baron Boyer, aide-de-camp du duc de Nemours ; le colonel Combe et le
capitaine Certain Canrobert, du 47e de ligne ; le colonel Corbin, commandant
le 17e de ligne ; le lieutenant-colonel de la Moricière, le capitaine de
Ladmirault et le lieutenant Bisson, du corps des zouaves ; le chef de
bataillon Bedeau et le capitaine de Saint-Arnaud, de la légion étrangère ; le
capitaine Morris, du 3e chasseurs d’Afrique ; le capitaine Rey, du 1er
chasseurs d’Afrique ; le capitaine de Mirbeck, des spahis réguliers de Bône ;
les chefs d’escadron d’Armandy et Gellibert des Séguins ; le capitaine Le
Bœuf, de l’artillerie ; le chef de bataillon Vieux, le capitaine Niel et le
lieutenant Wolf, du génie. Rarement phalange d’officiers aussi brillante
avait été réunie depuis 1830. Peu
d’événements militaires de l’épopée africaine ont été aussi émouvants que
l’investissement et la prise de Constantine. La mort dramatique de Damrémont,
frappé d’un boulet turc le 12 octobre, en même temps que son chef
d’état-major Perrégaux recevait une balle à la tête, n’empêcha pas le
lieutenant général comte Valée, qui prit le commandement, de donner le
lendemain l’assaut légendaire[105]. La mort
du général de Damrémont n’avait pas impressionné le corps expéditionnaire
autant qu’on pourrait le croire. Le Gouverneur, sans avoir l’étoffe d’un chef
exceptionnel, n’était peut-être pas apprécié à sa valeur exacte. C’était,
d’après Changarnier, un « honnête homme médiocre, qui, sans les intrigues de
sa femme, n’aurait jamais pu prétendre à un tel poste[106]. » Saint-Arnaud écrivait à son
sujet : « Le Gouverneur était mort en brave ; on le regrettait, non pour ce
qu’il avait fait, mais pour ce que sa conduite pendant le siège faisait
présumer qu’il aurait pu faire s’il avait vécu[107]. » A ce
moment d’ailleurs, les troupes ne pensaient plus qu’à l’assaut, devenu
urgent, indispensable. « La position de l’armée était critique, suivant
Saint-Arnaud ; les chevaux mouraient de faim et de fatigue, et ce qui
restait, loin de nous servir dans une retraite, nous aurait embarrassés. Le
soldat, mal nourri, toujours dans la boue et sous la pluie, sans sommeil,
sans repos, devenait la proie des maladies. La dysenterie, la fièvre, nous
menaçaient plus que les Arabes, et nous les craignions davantage. Ce mot
d’assaut guérissait tout[108]. » La
dépêche télégraphique par laquelle Valée rendait compte le 13 octobre 1837 au
Ministre de la prise de la ville était belle dans sa simplicité : « Le
drapeau tricolore flotte sur les remparts de Constantine. L’armée est arrivée
devant ses murs le 6 octobre. La brèche a été ouverte le 11, rendue
praticable le 12, et ce matin l’assaut a été donné avec une grande bravoure
et un succès complet. La défense de l’ennemi a été vigoureuse ; nos troupes
en ont glorieusement triomphé. Le Roi et l’Armée ont fait une perte qui sera
vivement sentie ; le lieutenant général de Damrémont, gouverneur général, a
été tué hier par un boulet, comme il se rendait à la batterie de brèche ; je
l’ai remplacé dans le commandement de l’armée[109]. » Les
pertes du corps expéditionnaire s’élevèrent à 97 morts, dont 15 officiers, et
494 blessés, dont 38 officiers[110]. Toutes
les armes et tous les corps s’étaient admirablement comportés : artilleurs,
sapeurs, zouaves, légionnaires, fantassins, chasseurs du bataillon d’Afrique
avaient rivalisé de zèle et de courage. L’artillerie avait construit neuf
batteries avec une rapidité remarquable ; elle avait exécuté d’immenses
mouvements de matériel pour armer et approvisionner ces batteries, malgré la
pluie et la difficulté des chemins. Le génie avait secondé les travaux de
l’artillerie et été employé sans relâche ; pendant l’assaut, les officiers,
sous-officiers et sapeurs du génie avaient été partout à la tête des
colonnes, et avaient subi des pertes sensibles. L’infanterie avait fourni à
l’artillerie de nombreux travailleurs, qui s’étaient courageusement acquittés
de leur tâche, malgré le mauvais temps et le feu de l’ennemi[111]. Elle avait donné l’assaut et
poursuivi la lutte dans les rues avec une audace et une énergie
incomparables. Le
lieutenant-colonel de la Moricière, à la tête de ses zouaves, avait acquis ce
jour-là une gloire impérissable ; arrivé le premier au sommet de la brèche
avec le commandant Vieux, du génie, il avait été, par la suite, à demi
enseveli avec lui par une formidable explosion ; Vieux était mort, tandis que
La Moricière avait été retiré des décombres calciné et meurtri, mais vivant.
On lui porta le soir, sur son lit de camp, un grand drapeau arraché des murs
de la ville conquise, comme symbole de la victoire à laquelle il avait si
vaillamment contribué. Un
autre héros, à qui sa légitime part de gloire n’a pas toujours été attribuée,
fut le colonel Combe, du 47e. Il avait été le colonel de la légion étrangère
en 1832, et avait depuis lors commandé dans de multiples circonstances avec
distinction et sang-froid : il était à la tête d’une brigade à l’expédition
de Mascara en décembre 1835 ; il avait pris le commandement de la colonne
d’Arlanges en avril 1836 lorsque son chef avait été blessé, avait redressé la
situation et ramené les troupes au camp de la Tafna dans des circonstances
critiques ; il avait largement contribué le 6 juillet suivant à la victoire
de Bugeaud sur Abd el Kader à la Sikkak ; il avait commandé une brigade en
août dans les opérations de la province d’Oran dirigées par le général Létang
; il trouva la mort à la prise de Constantine, à la tête de la colonne
d’assaut qu’il entraînait. Valée
écrivait à son sujet, dans le rapport du 26 octobre où il citait les
officiers de toutes armes qui s’étaient distingués : « Je dois un juste
tribut d’éloges à la mémoire du brave colonel Combe, blessé mortellement
pendant l’assaut. Son calme et sa résignation seront toujours présents à la
mémoire de ceux qui l’ont vu descendre de la brèche frappé d’un coup mortel,
et qui l’ont entendu nous dire : « Ceux qui ne sont pas blessés mortellement
pourront se réjouir d’un aussi beau succès ; pour moi, je suis heureux
d’avoir pu faire encore quelque chose pour le Roi et pour la France[112]. » Combe
avait rendu compte de la situation à ses chefs et annoncé seulement ensuite
la blessure grave qu’ils n’avaient pas remarquée au premier abord ; puis,
après les mots rapportés par Valée, il avait regagné seul son bivouac,
s’était couché et était mort. Il n’avait pas reçu le grade de général
pourtant bien mérité par ses brillants services ; mais son nom doit rester
infiniment cher à tous les soldats de cœur, parce qu’il personnifie
l’officier aussi modeste que brave, se consacrant tout entier à l’accomplissement
de son devoir, sans se soucier des récompenses. Le duc
de Nemours avait pris part à ce glorieux événement, lavant ainsi l’affront
qu’il avait ressenti avec la première expédition. Son frère le prince de
Joinville, quoique marin, avait tout fait pour se trouver à ses côtés en
temps utile ; arrivé à Bône le 4 octobre sur l’Hercule, il avait
débarqué le 5 et s’était mis en marche le 6, avec un détachement de toutes
armes qui rejoignait le corps expéditionnaire[113]. Il parvint à Constantine après
l’assaut de la ville, mais put du moins respirer l’atmosphère de joie et de
victoire des jours suivants. Louis-Philippe était toujours heureux de savoir
ses fils auprès de ses belles troupes d’Afrique. Le
choléra avait fait son apparition à Bône à la fin de septembre, et s’était
développé au début d’octobre. Des mesures sanitaires prises rapidement
empêchèrent le fléau de s’étendre. Cependant des obstacles furent opposés par
la Commission sanitaire d’Alger au débarquement dans ce port des malades
évacués. Le général Bernard, ministre de la Guerre, dut donner l’ordre de les
recevoir à terre ! Il écrivit à ce sujet le 23 octobre à l’Intendant civil, à
Alger : « L’armée, exposée aux mêmes dangers que les autres citoyens,
l’est de plus aux fatigues et aux périls de la guerre ; c’est bien le moins
qu’on lui réserve un asile sur la terre qu’elle a conquise, qu’elle protège,
et sur laquelle elle combat encore[114]. » Les
services administratifs avaient approvisionné le corps expéditionnaire, avant
son départ, de 18 jours de vivres de toute nature pour les hommes et de 8
jours de fourrages pour les chevaux. Le
transport de ces approvisionnements était en grande partie assuré, comme le
remarquait le capitaine de Saint-Arnaud, par les soldats eux-mêmes ! Les
hommes, sauf les cavaliers, avaient reçu deux sachets contenant 8 jours de
biscuit, et, outre ces sachets, 2 jours de pain frais et 2 jours de biscuit,
en tout 12 jours de vivres. Ils avaient été astreints à confectionner de
petits fagots de bois et à les porter sur leurs sacs, afin de pouvoir faire
la soupe dans les lieux démunis de tous combustibles ; ils avaient enfin pris
l’initiative de se munir chacun d’un bâton. Un
convoi de 105 voitures et 202 mulets de bât, chargés de vivres, et un
troupeau de 1.000 têtes de bétail, avaient suivi les troupes[115]. En outre, l’intendance avait
prévu des convois arabes pour le ravitaillement ultérieur, et avait pu
envoyer par exemple le 12 octobre un convoi de 376 mulets avec un chargement
d’orge et de vin[116]. Le
sous-intendant militaire d’Arnaud, qui avait dirigé l’intendance du corps
expéditionnaire, estimait dans son rapport d’ensemble que ses services
avaient bien fonctionné, malgré les difficultés dues à la pluie et aux terres
grasses. Il
constatait que les distributions de vivres avaient été régulièrement
assurées, sauf dans la journée de l’assaut : « Le jour à jamais mémorable du
13, écrivait-il, il n’y eut pas de distributions, les troupes ne pensèrent
pas à en réclamer et personne ne songea à en faire faire ; le matin, toute l’armée
n’éprouvait qu’un même sentiment, n’était animée que d’une seule pensée,
soutenir les braves qui montaient à l’assaut et enlever la ville ; le soir,
on n’était plus occupé que de secourir les malheureuses victimes de leur
courage et de leur dévouement[117]. » Le
service de santé avait fonctionné aussi bien que le permettaient les moyens
mis à sa disposition. Pendant l’assaut, trois ambulances, dirigées par le
sous-intendant militaire Lyautey, avaient été placées près du théâtre de la
lutte. « Le petit nombre d’infirmiers, écrivait d’Arnaud, et l’obligation de
recourir aux soldats des régiments pour venir en aide à ce service, sont des
causes qui le compromettront toujours en Afrique, où l’humanité réclame
impérieusement une constitution sur des bases plus larges et plus
appropriées. Nos malades et nos blessés n’ont pas été suffisamment secourus
en raison de ce manque d’hommes exercés aux soins qu’ils réclament. Les
soldats des corps se prêtent avec répugnance à ce service lorsqu’ils sont
requis pour le faire[118]. » Valée
était loin d’être aussi satisfait que le sous-intendant d’Arnaud des
résultats obtenus par l’administration pendant l’expédition. S’il n’avait pas
protesté contre le rapport publié à son insu au Moniteur, et à son avis
inexact, c’est parce qu’il comptait en entretenir le Ministre de la Guerre, à
qui il écrivait : « L’administration pourvoit rarement aux besoins du
service, et trop souvent elle crée des embarras qui rendent les expéditions
encore plus difficiles[119]. » Ce sentiment était partagé,
à tort ou à raison, par une grande partie de l’armée d’Afrique. La
force avait dû être employée contre Constantine, parce que la diplomatie,
mise en œuvre jusqu’au jour de l’assaut, n’avait pu parvenir à empêcher
l’effusion du sang. Mais, aussitôt la victoire acquise, les sentiments
d’humanité qui constituent la partie la plus précieuse de l’idéal français
avaient repris leurs droits. Le 16
octobre au matin, la proclamation suivante était adressée aux habitants de
Constantine : « Les
excès et les violences que vos chefs ont eu la coupable imprudence d’attirer
sur vos têtes ont enfin cessé. Dès à présent, l’ordre et la tranquillité règnent
à Constantine, et l’autorité française n’épargnera rien pour les maintenir.
Livrez-vous donc avec sécurité à votre commerce et à vos travaux journaliers,
ouvrez vos bazars et vos marchés ; que les muezzins appellent les fidèles à
la prière ; que les Musulmans fréquentent leurs mosquées ; il ne leur sera
fait aucun mal, et il ne sera porté aucune atteinte à leurs usages et à leurs
pratiques religieuses, car Dieu veut l’ordre et la paix et devant lui tous
les hommes sont frères[120]. » Cet appel vibrant, adressé aux populations indigènes au lendemain même d’une lutte sanglante, précisait en termes généreux l’usage que l’armée d’Afrique entendait faire de sa victoire. |
[1]
Rapatel à Brossard, d’Alger, 4 février 1837.
[2]
Le Ministre de la Guerre à Rapatel, de Paris, 28 janvier 1837.
[3]
Général du Barail, Mes Souvenirs, tome I, pages 52-53.
[4]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 22 janvier 1837.
[5]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 4 février 1837.
[6]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 4 février 1837, 2e lettre
(original).
[7]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 10 février 1837 (original).
[8]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 4 mars 1837.
[9]
Précis de la situation politique, militaire et intérieure, par le lieutenant
général Rapatel, 2 avril 1837.
[10]
Rapatel au général de Brossard, d’Alger, 27 janvier 1837.
[11]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 15 février 1837.
[12]
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général, de Paris, 25 mars 1837.
[13]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 4 février 1837.
[14]
Rapatel au Ministre de la Guerre, 24 février 1837.
[15]
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel, de Paris, 25 janvier 1837.
[16]
Rapatel à Brossard, d’Alger, 17 février 1837, 1re lettre.
[17]
Rapatel à Brossard, d’Alger, 17 février 1837, 2e lettre.
[18]
Rapatel à Brossard, d’Alger, 17 février 1837, 2e lettre.
[19]
Brossard à Rapatel, d’Oran, 21 février 1837.
[20]
Brossard à Rapatel, d’Oran, 28 mars 1837.
[21]
Le général de Brossard au général Rapatel, d’Oran, 26 février 1837.
[22]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 20 février 1837.
[23]
Rapatel au général de Brossard, 7 mars 1837.
[24]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 2 mars 1837.
[25]
Rapatel au général de Brossard, d’Alger, 3 mars 1837.
[26]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 3 avril 1837.
[27]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 11 mars 1837.
[28]
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur général, de Paris, 1er mars 1837.
[29]
Le gouverneur général de Damrémont au comte Molé, de Paris, 5 mars 1837.
[30]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, 11 mars 1837.
[31]
Précis de la situation politique, militaire et intérieure des Possessions
françaises du Nord de l’Afrique, par le lieutenant général baron Rapatel, 2
avril 1837. C’est dans ce précis qu’ont été puisés la plupart des
renseignements suivants.
[32]
Le lieutenant général Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 20 janvier
1837.
[33]
Précis de la situation politique, militaire et intérieure des possessions
françaises du Nord de l’Afrique, par le lieutenant-général baron Rapatel, 2
avril 1837.
[34]
Rapatel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 6 février 1837.
[35]
Le Ministre de la Guerre à Rapatel, de Paris, 9 février 1837.
[36]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 19 mars 1837.
[37]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 22 avril 1837.
[38]
Le général de Brossard au lieutenant-général baron Rapatel, 20 mars 1837.
[39]
Le lieutenant général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 10 avril
1837.
[40]
Voir : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l’Algérie, pages
177-178.
[41]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 19 avril 1837.
[42]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, 8 mars 1837.
[43]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, 9 mars 1837.
[44]
Le Ministre de la Guerre au gouverneur général de Damrémont, 11 mars 1837.
[45]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 16 avril
1837.
[46]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 22 mai 1837.
[47]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, le 5 mai
1837.
[48]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, le 12 mai
1837.
[49]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, le 13 mai
1837.
[50]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 3 juin
1837 et 23 juin 1837.
[51]
Hadj Abd el Kader au Gouverneur général, 10 mai 1837.
[52]
Bugeaud à Damrémont, d'Oran, 12 mai 1837.
[53]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 17 mai 1837.
[54]
Bugeaud à Damrémont, du camp de la Tafna, 29 mai 1837.
[55]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 24 juin
1837.
[56]
Le gouverneur général de Damrémont au Président du Conseil, d’Alger, 15 juin
1837.
[57]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Paris, 9 mars
1837.
[58]
Bugeaud à Damrémont, d’Oran, 18 juin 1837.
[59]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 21 juin 1837.
[60]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, le 13 juillet 1837.
[61]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 13
juillet 1837.
[62]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 30 juin
1837.
[63]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 30 juin
1837.
[64]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, du camp de
Medjez-Amar, 4 septembre 1837.
[65]
Le Gouverneur général des Possessions françaises au Nord de l’Afrique au
Ministre de la Guerre, de Medjez-Amar, 27 septembre 1837 (copie).
[66]
Ordre n° 40 du 12 septembre 1837. Imprimé.
[67]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 19 mai
1837, 1re lettre.
[68]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 19 mai
1837, 2e lettre.
[69]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 27 mai
1837.
[70]
Trézel à Damrémont, de Bône, le 2 juillet 1837.
[71]
Trézel à Damrémont, de Bône, le 9 juillet 1837.
[72]
Trézel à Damrémont, de Bône, le 24 juin 1837.
[73]
Le général Bernard, ministre secrétaire d’État de la Guerre, au Gouverneur
général des Possessions françaises dans le Nord de l’Afrique, de Paris, 21 mai
1837 (original).
[74]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 20 mai
1837.
[75]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 23 juin
1837.
[76]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 29 mai 1837.
[77]
Général du Barail, Mes Souvenirs, tome Ier, page 57.
[78]
Note confidentielle sur Youssouf, bey de Constantine, non datée, non signée ;
classée aux Archives historiques du Ministère de la Guerre, septembre 1837.
[79]
Le gouverneur général de Damrémont au Président du Conseil, d’Alger, 14 juillet
1837.
[80]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 23
juillet 1837.
[81]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Bône, 2 août
1837.
[82]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Bône, 6 août
1837.
[83]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, du bivouac de
Medjez-Amar, 14 août 1837.
[84]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-Amar, 19
août 1837.
[85]
Le gouverneur général de Damrémont au Président du Conseil, de Medjez-Amar, 22
août 1837
[86]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-Amar, 25
août 1837.
[87]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-Amar, 4
septembre 1837.
[88]
Le Ministre de la Guerre à Damrémont, de Paris, 21 juillet 1837.
[89]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 14
juillet 1837.
[90]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Bône, 26
juillet 1837.
[91]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-Amar, 14
août 1837, 2e lettre.
[92]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 21
juillet 1837.
[93]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Bône, 31
juillet 1837.
[94]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Bône, 2 août
1837.
[95]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-Amar, 19
août 1837.
[96]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-Amar, 14
août 1837.
[97]
Notes sur la conduite générale et politique tenue à Guelma par le colonel
Duvivier, commandant supérieur, à M. le lieutenant général baron Bernard,
ministre de la Guerre, par le colonel Duvivier, Guelma, 28 décembre 1837
(original).
[98]
Notes sur la conduite générale et politique tenue à Guelma par le colonel
Duvivier, commandant supérieur, à M. le lieutenant général baron Bernard,
ministre de la Guerre, par le colonel Duvivier, Guelma, 28 décembre 1837
(original).
[99]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, d’Alger, 21
juillet 1837.
[100]
Le gouverneur général de Damrémont au Ministre de la Guerre, du camp de
Medjez-Amar, 27 août 1837.
[101]
Le gouverneur général comte de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-
Amar, 14 août 1837, 1re lettre (original).
[102]
Journal militaire officiel, année 1837, n° 25, 2e semestre, page 23. —
Ordonnance du Roi qui prescrit la formation du 2e bataillon de la légion
étrangère et porte que cette légion recevra la même organisation que les
régiments d’infanterie de ligne, Paris, 18 juillet 1837.
[103]
Le capitaine de Saint-Arnaud à son frère, du camp de Medjez-Amar, 29 septembre
1837. Lettres, tome I, Paris, 1855, page 116.
[104]
Le gouverneur général comte de Damrémont au Ministre de la Guerre, de Medjez-
Amar, 28 septembre 1837.
[105]
Voir : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, pages
186 à 192.
[106]
Mémoires du général Changarnier, page 45.
[107]
Saint-Arnaud, Lettres, Assaut de Constantine, tome I, page 122.
[108]
Saint-Arnaud, Lettres, Assaut de Constantine, tome I, page 123.
[109]
Le lieutenant général comte Valée, commandant en chef, au Ministre de la
Guerre, de Constantine, 13 octobre 1837. Confirmation de dépêche télégraphique
(original).
[110]
Le lieutenant général comte Valée au Ministre de la Guerre, de Constantine, 16
octobre 1837. Imprimé dans le supplément extraordinaire du Moniteur
Universel du 26 octobre 1837.
[111]
Rapport sur l’expédition de Constantine, par le lieutenant général comte Valée,
de Constantine, 26 octobre 1837 (original).
[112]
Rapport sur l’expédition de Constantine, par le lieutenant général comte Valée,
de Constantine, 26 octobre 1837 (original).
[113]
Le commandant de Zaragoza, chef d’état-major de la division de Bône, au
Ministre de la Guerre, de Bône, 7 octobre 1837 (original).
[114]
Le ministre secrétaire d’État de la Guerre baron Bernard à M. l’Intendant
civil, à Alger, de Paris, 23 octobre 1837 (copie).
[115]
Rapport adressé au Ministre de la Guerre sur les services administratifs du
corps d’expédition pendant la durée de la campagne de Constantine, par le
sous-intendant militaire faisant fonctions d’intendant du corps d’expédition,
de Bône, 7 novembre 1837 (original).
[116]
Le sous-intendant militaire à un général, de Bône, 12 octobre 1837 (original).
[117]
Rapport adressé au Ministre par le sous-intendant militaire faisant fonctions
d’intendant du corps d'expédition, Bône, 7 novembre 1837, cité.
[118]
Rapport adressé au Ministre par le sous-intendant militaire faisant fonctions
d’intendant du corps d'expédition, Bône, 7 novembre 1837, cité.
[119]
Le maréchal comte Valée au général Bernard, ministre de la Guerre, d’Alger, 23
décembre 1837 (copie).
[120]
Proclamation inscrite au verso d’une traduction de lettres indigènes.
Constantine, le 16 octobre 1837 au matin.