Depuis
la prise d’Alger en 1830, l’armée d’Afrique n’avait pas fait d’expédition
importante ; elle s’était bornée à occuper successivement Oran, Bône, Bougie,
Arzew, Mostaganem, et à s’y défendre contre les agressions des tribus. Autour
des postes occupés, elle n’avait guère cherché à s’étendre ni à rayonner ;
les pointes de Clauzel, puis de Berthezène à Médéa s’étaient l’une et l’autre
terminées de façon malheureuse ; celle de Trézel à la Macta avait tourné au
désastre et avait profondément ému l’opinion publique en France. La
désignation même du maréchal Clauzel montrait que le Gouvernement voulait un
chef décidé à venger l’affront infligé par Abd el Kader à l’armée d’Afrique.
Cependant, les instructions écrites données à Clauzel par le Ministre de la
Guerre le 17 juillet 1835 ne renfermaient aucune allusion à l’expédition de
Mascara qui était projetée. Elles recommandaient au contraire au nouveau
gouverneur de « s’abstenir de toute expédition entreprise sans nécessité
évidente et sans résultat clairement utile », d’installer solidement ses
troupes dans des positions suffisamment fortes pour pouvoir réduire ses
effectifs, et de « consolider la souveraineté de la France sur une contrée
qui lui devrait peut-être un jour les bienfaits de la civilisation[1]. » Le
maréchal Clauzel, malgré ses 62 ans, était d’une activité remarquable ;
instruit par son commandement à Alger en 1830-31, il avait depuis lors
constamment suivi les affaires d’Afrique, et était animé du désir de
développer dans la Régence la colonisation et le commerce. Il avait des idées
personnelles, originales, hardies, en partie inspirées par ce qu’il avait vu
aux Etats-Unis pendant son exil, et était prêt à les mettre à exécution.
Ayant une formation toute différente de celle des bureaucrates parisiens, la
plupart ignorants et timorés, il allait forcément se trouver en opposition
avec eux. Dès ses
premières proclamations, adressées aux habitants de la Régence d’Alger et aux
Indigènes, il reçut des observations du maréchal Maison, ministre de la
Guerre, parce qu’il avait manifesté trop de sympathie pour les entreprises
agricoles et commerciales, et parce qu’il avait montré trop de défiance et de
sévérité à l’égard des Indigènes. Or les termes qu’il avait employés étaient
ceux d’un esprit ouvert et d’un chef connaissant bien les populations[2]. Il
répondit d’ailleurs au Ministre avec une belle franchise : « Je conçois très
bien que ces idées de douceur, de patience, soient accueillies avec faveur
par des personnes qui ne connaissent pas le pays. Il n’est guère possible
qu’il en soit autrement. Mais quand on a fait une étude sérieuse des hommes
et des choses, on a bientôt été amené à reconnaître que, sans se départir des
règles de justice et d’humanité, il fallait adopter ici un système de
sévérité prompte et de fermeté qui seul peut avoir quelque bon résultat[3]. » Voilà, en termes sages et
mesurés, une réponse qui a dû être faite bien des fois, depuis Clauzel, aux
hommes de la Métropole n’ayant jamais étudié les pays d’outre-mer. L’armée
d’Afrique vit surtout en Clauzel un soldat. « Son arrivée seule, a pu écrire
le duc d’Orléans, avait déjà valu des renforts ; il était craint des Arabes
qui savent bien juger les hommes de guerre, et aimé des troupes, qui avaient
en lui une juste confiance, et qui saluèrent avec joie le retour d’un chef
plein de vigueur venant en Afrique pour les faire marcher en avant[4]. » Tous
ses subordonnés ont constaté qu’il était populaire, malgré sa négligence pour
le bien-être du troupier. Il avait, a raconté Changarnier, « l’ardeur d’un
sous-lieutenant », mais aussi son imprévoyance ; il était « habile dans le
maniement de la troupe et ferme en face des difficultés parfois imprudemment
provoquées[5] » ; « incomplet, inégal, mais
doué de rares facultés », il était, parmi tous les hommes de guerre, « celui
qui l’avait le plus instruit par ses défauts comme par ses grandes qualités[6]. » Clauzel
retrouva avec joie l’armée d’Afrique, et donna son impression sur elle au
Ministre : elle avait bon esprit, mais était découragée parce qu’elle ne se
voyait pas attribuer un avancement en rapport avec l’existence qu’elle
menait. Le fait de remplacer la dénomination « armée d’Afrique » par « corps
d’occupation » n’empêchait pas, remarquait-il, les marches de nuit, les
bivouacs et les combats ! L’incomplet des cadres, dû aux prolongations de
congés ou aux retards à rejoindre, était aussi très regrettable[7]. Cette lettre provoqua une vive
émotion au Ministère ; elle attira au Maréchal une réponse lui disant
qu’incriminer les bureaux, c’était incriminer le Ministre lui-même ! Clauzel
avait dès lors, dans ces bureaux, des ennemis irréconciliables. Pour
agir, Clauzel avait besoin de bonnes troupes. Or, au moment même où il
débarqua, la légion étrangère venait de quitter tout entière le service de la
France, ayant été « cédée » à l’Espagne. Par la
convention du 28 juin 1835[8], la France, l’Angleterre et le
Portugal s’engageaient à fournir des troupes à l’Espagne pour soutenir les
principes constitutionnels contre l’absolutisme, c’est-à-dire le trône
d’Isabelle II contre Don Carlos[9]. La France lui envoyait la
légion étrangère, dont les bataillons étaient alors répartis entre les
possessions françaises dans le Nord de l’Afrique. Par l’ordonnance du 29 juin
1835, la légion étrangère cessa de faire partie de l’armée française[10]. D’après
la convention, les officiers, sous-officiers et soldats étaient autorisés à
passer au service d’Espagne, et devaient y recevoir les mêmes avantages qu’au
service de France ; ils devaient partir avec armes et effets d’équipement,
dont un Commissaire espagnol estimerait contradictoirement la valeur, et être
transportés par les soins du Roi des Français sur tel point du territoire
espagnol que la Reine Régente désignerait. Lorsque cette nouvelle parvint à
la connaissance de la légion, le 8 juillet 1835, « le premier sentiment
qu’elle produisit sur les militaires de tous les grades, tant Français
qu’Etrangers, fut profondément douloureux », a écrit le colonel Bernelle[11]. Tous refusèrent d’abord de
consentir à une opération qui semblait les traiter avec tant de désinvolture,
et chargèrent leur colonel d’en rendre compte au Gouverneur général, qui
était encore Drouët d'Erlon. Un
officier écrivait d’Alger le 17 juillet au lieutenant-colonel Duvivier, alors
à Paris : « Tant que la légion étrangère aurait fait partie de l’armée
française, elle aurait bien consenti à aller en Espagne ; mais depuis
l’ordonnance qui la raye de l’armée, elle ne voudrait plus entendre parler
d’Espagne ; tous les officiers, et en général tous les soldats, sont en
fureur ; les officiers étrangers disent qu’ils sont venus pour servir la
France et pas d’autres pays[12]. » Le
maréchal Maison avait, entre temps, envoyé le 2 juillet ses instructions au
Gouverneur général. Ce fut le lieutenant général Rapatel, commandant des
troupes à Alger, qui les transmit au colonel Bernelle. Il y était dit : « La
légion étrangère est cédée au Gouvernement espagnol. » Ces instructions
étaient d’une rigueur incroyable. Le colonel devait engager les cadres à
suivre la nouvelle destination qui leur était offerte, mais il était prévenu
que c’était « une nécessité pour les militaires étrangers » ; les
sous-officiers et caporaux étrangers, tenus au service par un engagement, ne
pourraient quitter la légion qu’à l’expiration de cet engagement, et se
trouvaient donc liés à son sort. Les Français qui, avant leur entrée dans la
légion, n’étaient pourvus d’aucun grade en France, seraient renvoyés en
France ou autorisés à rester en Afrique « comme particuliers ». Les officiers
et sous-officiers français pourvus régulièrement d’un grade seraient
considérés comme en mission et conserveraient leurs droits aux récompenses ;
mais les officiers qui ne suivraient pas la légion ne pourraient être mis
qu’en non activité avec demi-solde. Le lieutenant général Rapatel exerçait
d’ailleurs une certaine pression sur les cadres, car le colonel Bernelle
devait faire venir les officiers chez lui, par grades et par catégories, et
les engager « à prendre un parti conforme aux désirs du Gouvernement[13]. » Le chef
d’escadron d’état-major de la Ruë, aide-de-camp du Ministre, désigné comme
commissaire français, vint à Alger et remit à Drouët d'Erlon toutes les
instructions relatives à cette opération[14]. Il s’aboucha avec le
lieutenant-colonel Delvalle, désigné comme commissaire espagnol, afin de
procéder avec lui aux opérations du passage de la légion au service
d’Espagne. Les deux commissaires donnèrent aux militaires des explications
destinées à les émouvoir : s’ils ne passaient pas de bon gré au service
d’Espagne, la France seule manquerait à ses engagements ; d’ailleurs,
défendre les institutions constitutionnelles, c’était encore servir la France
; enfin, les Français ne pouvaient, en cette occasion, abandonner leurs
camarades étrangers obligés d’accepter. Le colonel Bernelle et presque tous
ses subordonnés donnèrent leur consentement[15]. Les
deux commissaires français et espagnol purent signer le 27 juillet 1835 le «
procès-verbal constatant la remise de la légion étrangère à l’Espagne[16]. » Quatre bataillons
s’embarquèrent le 1er août et deux autres le 8 août. Ils furent rejoints plus
tard en Espagne par un 7e bataillon formé à Pau, et participèrent à la
pénible et difficile campagne des troupes constitutionnelles contre les
Carlistes. Le
colonel Bernelle profita d’un arrêt de huit jours aux Baléares, à Palma, pour
réorganiser les six bataillons qu’il emmenait. Comme la répartition en
nationalités créait des rivalités, et que des ferments de discorde s’étaient
manifestés, à la suite de l’affaire de la Macta, entre Italiens et Polonais,
il décida de mêler les nationalités dans les divers bataillons. La nouvelle
organisation était réalisée lorsque la légion débarqua le 19 août à Tarragone[17]. L’obligation
imposée aux légionnaires d’enlever la cocarde du pays qu’ils étaient venus
volontairement servir, est un épisode aussi étrange qu’émouvant dans les
annales de l’armée d’Afrique. Du moins le nouveau corps espagnol prit-il le
nom de « légion auxiliaire française », restant ainsi fidèle à la fois à la
légion et à la France, et ajouta-t-il, de 1835 à 1839, une page glorieuse à
l’histoire de la légion[18]. Le
départ des six bataillons de légion créait un vide important dans les rangs
de l’armée d’Afrique, au moment même où il fallait des effectifs suffisants
pour mener à bien l’expédition de Mascara. Le
Gouvernement décida l’envoi de quatre régiments d’infanterie et de renforts
du train d’artillerie et de cavalerie. Mais Clauzel, débarqué le 10 août à
Alger, écrivit dès le 15 août au Ministre qu’en raison de l’épidémie de
choléra, l’arrivée de ces renforts pouvait être retardée. Il profita de ce
répit pour signaler au Ministre toutes les défectuosités ou lacunes de
l’organisation matérielle des troupes ; il voulait des mulets de bât, des
ambulances, des munitions d’artillerie. Le 47e d’infanterie de ligne arriva à
Oran dès le début de septembre, puis le 11e de ligne, le 2e léger et le 17e
léger au début de novembre. Comme
le fait s’est renouvelé souvent depuis 1835, quand les envois de troupes ont
été organisés dans la Métropole par des hommes ignorant les conditions
d’Outre-Mer, des unités se trouvèrent, à leur débarquement à Oran, démunies
du matériel indispensable et encombrées d’un équipement inutile. « Le
47e arrive sans effets de campement, écrivait le général d’Arlanges au
général de Castellane le 2 septembre 1835 ; non seulement il ne peut marcher
ainsi, mais il ne peut même pas tenir garnison à Oran ; les couvertures sont
indispensables la nuit, dans les locaux qu’on appelle ici des casernes. Dès
aujourd’hui je ne sais comment ce régiment va faire la soupe ; en achetant
tout ce qu’il existe de poteries chez les marchands d’Oran, je doute qu’on
puisse y suffire[19]. » Pour
élever le moral des troupes, Louis-Philippe voulut leur donner un témoignage
spécial de la sollicitude du Gouvernement : il décida d’envoyer son fils
aîné, le duc d’Orléans, héritier de la couronne, prendre part à la campagne. Le duc
d’Orléans amena avec lui ses deux aides-de-camp, le lieutenant général
Baudrand et le maréchal de camp baron Marbot, avec cinq officiers
d’ordonnance, dont le capitaine duc d'Elchingen. En outre, un grand nombre
d’officiers obtinrent à des titres divers de suivre l’expédition, tels le
colonel Létang, l’ancien colonel du 2e chasseurs d’Afrique ; le lieutenant-
colonel vicomte Maison, fils du Ministre ; le commandant de Bourgon ; les
capitaines de Caraman et de la Tour du Pin ; le lieutenant Clauzel ; le
sous-lieutenant de Morny ; le sous-lieutenant de la Grange, des guides belges[20]. Ils furent surnommés « les
volontaires de Mascara », et accoururent en Afrique comme à une fête. Dès son
arrivée à Alger, le Prince Royal alla visiter dans les hôpitaux les malades
et les blessés ; il admit à sa table les principaux officiers de la garnison
et les autorités civiles, reçut les notables indigènes[21] ; il passa une revue des
troupes, et assista à une fantasia des spahis réguliers et irréguliers
organisée par l’agha Marey[22]. Lorsque l’Intendant civil lui
présenta la garde nationale, il déclara : « Je suis heureux d’être témoin des
efforts faits par le Gouvernement du Roi, sur cette terre à jamais française[23]. » De telles paroles étaient
colportées et contribuaient à sa popularité. Clauzel
faisait de son mieux pour intéresser le duc d’Orléans. Son empressement était
ainsi décrit par le capitaine Carbuccia à Duvivier : « Le Maréchal a mené une
drôle de vie pendant ces derniers jours. En grande tenue depuis la pointe du
jour jusqu’à 11 heures du soir, dans les rues ou à cheval par une pluie
battante, lui qui aime tant sa casquette et sa capote verte, et surtout à ne
pas bouger de chez lui et à y recevoir la foule des courtisans ! Quel
contraste ! Cependant il a fait bonne figure contre mauvais cœur[24]. » La vue
des troupes d’Afrique, surtout des corps spéciaux et des chefs qui les
commandaient, firent grande impression sur les officiers venant de France. Le
colonel Marey avait « captivé entièrement le Prince », selon Carbuccia ; il
avait en tous cas conquis les suffrages de son entourage ; le duc d’Elchingen
écrivait à sa femme : « Il faut distinguer en première ligne le colonel
Marey, capitaine d’artillerie en 1830, très riche ; il s’est voué à ce
pays-ci, il est devenu Arabe, parle la langue à merveille, a pris la barbe,
la figure, les gestes, tout le costume. C’est lui qui a organisé les spahis,
régiment de quatre escadrons, composé en très grande majorité, les ⁴⁄₅
au moins, d’Indigènes. Je ne te raconterai pas toute son histoire à lui, la
réputation de bravoure, de puissance, qu’il a sur ces gens-là ; nommé agha
des Arabes, c’est lui qui rend la justice, c’est-à-dire fait distribuer les
coups de bâton hors de nos lignes : belle tête turque, superbe à dessiner[25]. » Les
zouaves attiraient l’attention autant que les spahis. Clauzel entendait bien
les faire participer à l’expédition. Il décida de laisser à Alger le 10e
léger, et le remplaça par un bataillon formé de trois compagnies d’élite des
13e, 63e de ligne et 10e léger et de 200 zouaves, dont il donna le
commandement au chef de bataillon de la Moricière. Sur la demande du duc
d’Orléans, 200 autres zouaves furent encore embarqués pour se joindre au
premier détachement[26]. Lors de la répartition en
brigades, on ne laissa que les quatre compagnies de zouaves à la Moricière,
les compagnies d’élite passant à une autre brigade[27]. Le maréchal Clauzel fit
paraître le 21 novembre à Oran un ordre général où il exprimait sa confiance
aux régiments venus de France se joindre à la division d’Oran, et où il
disait : « Les troupes du corps expéditionnaire apprendront avec plaisir que
le Prince Royal qui les a devancées en Afrique va les suivre dans la campagne
qui va s’ouvrir, partager leurs fatigues et leurs dangers. Chaque soldat doit
être fier de marcher avec le fils du Roi des Français ; chaque soldat doit
être certain de trouver en lui un protecteur juste, empressé et éclairé[28]. » Les
11.000 hommes qui se rassemblèrent le 26 novembre au camp du Figuier
comprenaient quatre brigades, aux ordres des généraux Oudinot, Perrégaux,
d'Arlanges et du colonel Combe. La colonne se mit en marche le 28 sur le
Tlélat. La présence du duc d’Orléans et de ses officiers, enthousiasmés par
l’idée de marcher sur la capitale de l’émir Abd el Kader, donnait un peu à la
colonne l’apparence d’une partie de plaisir. Le duc
d’Orléans était aimable avec tous. « Il passait son temps, raconte Canrobert,
à parcourir le camp, causant familièrement avec les soldats, trouvant pour
chacun un mot d’encouragement et une parole gracieuse. En peu de temps, il
avait su conquérir tous les cœurs, grâce surtout à une ample provision
d’excellents cigares offerts largement dans les bivouacs. La distribution eut
un plein succès. Les soldats ne parlaient que des londrès du Prince Royal[29]. » L’habillement
et l’équipement réglementaires à cette époque étaient ainsi décrits par le
capitaine Blanc : « L’énorme giberne contenant les cartouches et soutenue par
une buffleterie se croisant sur la poitrine avec le baudrier du sabre ; la
capote bien boutonnée jusqu’au col ; le sac contenant une paire de souliers,
deux chemises, un caleçon, une paire de guêtres en toile et une autre en cuir
; la trousse, 60 cartouches et un sachet renfermant pour neuf jours de
vivres, indépendamment de quatre autres jours en riz, sel et biscuit, en tout
treize jours de vivres ; sur le havresac, l’habit ou la veste, roulé dans son
étui et un sac de campement. Voilà comment étaient outillées des troupes qui
ne pouvaient agir efficacement que par une extrême mobilité[30]. » Ce
chargement fut cependant allégé pour l’expédition de Mascara, par l’ordre
général du 24 novembre 1835, ainsi libellé : « Les troupes du corps
d’expédition porteront avec elles : 100 cartouches, partie dans le sac,
partie dans la giberne ; une veste ; une capote, un bon pantalon ; un sac de campement.
Le sac du soldat contiendra, outre les cartouches : une chemise ; une paire
de souliers ; une paire de guêtres en toile ; un petit sac de biscuit et de
riz. Les autres effets seront laissés en magasin[31]. » Le soldat avait encore à
porter un lourd fardeau ! Clauzel
avait décidé, au début de novembre, d’exécuter la convention conclue le 16
juin 1835 entre le général Trézel et les Douairs et Smela, et d’emmener avec
lui des contingents de ces deux tribus[32]. Ces contingents devaient
suppléer à l’insuffisance de la cavalerie, que La Moricière déplorait le 22
novembre en ces termes : « Ce manque de cavalerie nous empêchera toujours
d’avoir, avec les Arabes, des succès complets. Ils n’ont pas comme nous la religion
du champ de bataille et ils nous échapperont en grande partie sans que nous
puissions les joindre[33]. » Le bey
Ibrahim vint prendre la tête des contingents indigènes, avec le titre de
khalifa ; il avait sous ses ordres l’agha des Douairs, l’agha des Smela et le
« caïd des fusils[34]. » Le chef d’escadrons Abdallah
Dasbonne fut adjoint au bey Ibrahim ; il devait fort bien se conduire[35] et rester avec lui comme
conseiller, même après l’expédition[36]. Comme les chasseurs ne
mettaient pas 350 hommes à cheval et avaient des montures en mauvais état,
les auxiliaires constituèrent un appoint précieux[37] ; ils comprirent environ 600
cavaliers arabes et 400 fantassins turcs[38], et furent affectés à la
brigade Oudinot. Le
corps expéditionnaire présentait au départ un aspect joyeux et pittoresque.
Lorsque, le 29 novembre, après la traversée de la forêt de Moulay-Ismaël, il
déboucha dans la plaine du Sig, il était décrit par le maréchal Clauzel en
ces termes : « Le soleil était radieux, la plaine praticable partout se
couvrait de troupes déployées et marchant comme dans une revue. C’était un
beau spectacle que cette armée française traînant avec elle 800 chameaux et
précédée par les Turcs et les Arabes du bey Ibrahim dont les nombreux
étendards bariolés étaient déployés et qui marchaient au bruit aigre et si
original de leur musique militaire[39]. » Les
jeunes officiers autorisés à suivre l’expédition étaient pleins d’ardeur et
d’enthousiasme ; mais ils prirent parfois des initiatives intempestives,
montrant à la fois leur courage et leur inexpérience de la guerre d’Afrique.
Le sous-lieutenant Darnaud, qui accompagnait le maréchal Clauzel comme
officier d’ordonnance, se fit tuer en persistant à porter en avant un peloton
de chasseurs pendant un mouvement de retraite qui avait été ordonné[40]. En une
autre occasion, les officiers d’état-major et d’ordonnance qui suivaient le
Prince Royal et le maréchal Clauzel aperçurent tout à coup des cavaliers à
peu de distance ; ils mirent le sabre à la main, enlevèrent les chasseurs
d’escorte par le cri de « En avant, en avant » et chargèrent l’ennemi.
Bientôt les chasseurs durent laisser le sabre pour la carabine. Ils furent
tirés de leur dangereuse situation par une compagnie d’infanterie et deux
obusiers que le Maréchal fit rapidement avancer à leur secours[41]. Clauzel
lui-même se laissa entraîner, en approchant de Mascara. Couvert seulement par
un escadron du 2e chasseurs d’Afrique et les spahis réguliers, il prit le
trot avec le duc d’Orléans, leur escorte et 25 zouaves suivant les chevaux,
et arriva ainsi aux portes de la ville à la tombée de la nuit. La
pluie commença à modifier, aux abords de Mascara, l’allure joyeuse de
l’expédition. Puis, lorsque les troupes arrivèrent à la nuit close, elles
trouvèrent la ville pillée et incendiée, abandonnée par ses habitants, et ne
renfermant plus que les Juifs échappés au massacre de leurs familles ; elles
ne purent ni allumer du feu, ni manger. Cet état de choses contribua à calmer
l’enthousiasme, surtout chez les brillants volontaires venus de France, mal
équipés et mal entraînés pour pareille aventure. Le duc d’Orléans tomba
malade, ce qui ne fut pas étranger à la décision de Clauzel d’abandonner
Mascara et de rejoindre Mostaganem. Le
souvenir de l’entrée à Mascara est resté gravé dans l’esprit des militaires
de la colonne : « Quelle désolation, a écrit le capitaine Blanc, que notre
entrée triomphale dans cette ville, en pleine nuit, sous des torrents de
pluie, pataugeant dans la boue et le fumier, sans direction, sans guides,
rompus en vingt tronçons, égarés, étourdis par vingt clairons sonnant vingt
ralliements divers à la fois[42]. » Les
troupiers cherchèrent du moins, lorsque le jour parut, à tirer parti de ce
qui pouvait améliorer leur ordinaire : « Dans toutes les maisons, raconte le
capitaine Blanc, il y avait des chats ; des centaines de pigeons voltigeaient
tout effarés d’une case à l’autre ; les jardins étaient pleins de légumes,
notamment de navets. Avec les chats nous fîmes des civets, des fricassés avec
les pigeons et des ragoûts avec les navets. C’était une véritable bombance.
Cependant on dut mettre bon ordre à tout cela ; car si on nous avait laissé
faire, il ne serait bientôt plus resté ni portes ni couvertures aux maisons,
et il serait arrivé de graves accidents, attendu que de partout on tirait sur
les pigeons sans la moindre précaution. C’était un feu de deux rangs à faire
croire à une attaque de l’ennemi[43]. » Les
zouaves intéressaient vivement les officiers et les soldats de la colonne. Leur
chef, La Moricière, était déjà très populaire : « Nous admirions surtout, a
écrit le capitaine Blanc, le jeune commandant La Moricière, aux allures si
simples et si militaires ; ses soldats, ses sous-officiers surtout, n’en
parlaient qu’avec enthousiasme ; et lorsque nous le voyions passer, à cheval
en selle arabe, portant ses cheveux longs comme un Palikare, sa chéchia
négligemment jetée sur la tête, nous nous arrêtions pour le saluer et surtout
pour mieux le regarder[44]. » Les
compagnies de zouaves attiraient l’attention générale : « C’était un corps
composite, a écrit à leur sujet Canrobert ; on y trouvait des Turcs, des
Maures, quelques nègres même, et des anciens « héros de Juillet », vrais
voyous de Paris s’il en fût. La compagnie d’élite seule portait le turban
vert ; les autres n’avaient que la chéchia[45]. » Ils
avaient conquis l’estime du duc d’Orléans, qui les appréciait en ces termes :
« Ceux qui vont à ravir, ce sont les zouaves : ils ont fait plus de mal
à l’ennemi que tous les autres tirailleurs ensemble et n’ont pas brûlé la
moitié autant de poudre. Ils savent se disposer à merveille, ne se pressent
jamais pour tirer, profitent des moindres accidents de terrain, et ont une
intelligence parfaite de cette guerre qu’ils font depuis cinq ans[46]. » Les zouaves connaissaient la
valeur des munitions dans une guerre où le ravitaillement était difficile et
pratiquaient des procédés de combat bien différents de ceux des régiments
arrivant de France ! Ils
usaient de stratagèmes tels que celui rapporté par le capitaine Forey, du 2e
léger. Un chameau étant tombé et ne pouvant se relever, un zouave resta
auprès de l’animal comme pour piller sa charge ; les Indigènes qui suivaient
la colonne accoururent en voyant un homme seul ; à ce moment, le zouave se
sauva du côté d’une compagnie de ses camarades, embusquée, qui ouvrit le feu
à bonne portée et mit hors de combat la plupart des agresseurs[47]. Forey
raconte aussi que les zouaves, ayant tué quelques adversaires, « leur
coupèrent la tête et présentèrent ce trophée sanglant au Prince, qui, tout en
donnant des éloges au courage des vainqueurs, parut peu flatté du cadeau[48]. » Ils ne parvenaient pas, au
service de la France, à oublier de suite toutes leurs habitudes ! Le
retour de la colonne, le 9 et le 10 décembre, vers le camp installé par
d’Arlanges, en suivant des chemins affreux, sous la pluie et la grêle, fut
des plus pénibles. Les
Juifs survivants, hommes, femmes, vieillards, enfants, qui s’étaient joints à
la colonne, souffrirent beaucoup ; ils avaient chargé leurs biens sur leurs
trop rares animaux et faisaient la route à pied, dans la fange et la boue : «
Impossible de les mettre sur des chameaux qui tombaient à chaque pas,
écrivait Clauzel ; cet animal si utile par les temps secs et dans les
terrains sablonneux, ne peut marcher qu’avec la plus grande difficulté dans
les terres mouillées et défoncées. Heureusement nos soldats sont aussi
généreux qu’ils sont braves ; ils adoucirent autant que possible de si
grandes misères ; non seulement les cavaliers mirent des femmes et des enfants
sur leurs chevaux, mais les fantassins et surtout les zouaves qui formaient
l’arrière-garde n’hésitèrent pas, malgré leur fatigue et la difficulté qu’ils
avaient eux-mêmes à marcher, à prendre aussi des enfants sur leurs épaules et
sur leurs sacs alourdis cependant par 150 cartouches, car il avait fallu
soulager les chameaux qui portaient les munitions de guerre[49]. » Le duc
d’Orléans fut très frappé de l’humanité dont firent preuve les troupes de la
colonne : « Chaque soldat, a-t-il écrit à ce sujet, se fait sœur de charité ;
les enfants sont chargés sur les havresacs des fantassins, déjà pliant sous
le poids de cent cinquante cartouches : les vieillards sont recueillis par
les chasseurs à cheval qui les placent sur leurs chevaux. Les soldats malades
cèdent leur place aux femmes[50]. » Quelques
centaines de cavaliers ennemis suivaient les troupes, prêts à dépouiller ou à
massacrer les retardataires. « Ces pauvres gens, écrit Blanc en parlant des
familles juives, se mirent en route avec nous, les uns sur des mulets, les
autres sur des ânes, le plus grand nombre à pied. Beaucoup perdirent leur
distance. Les Arabes se ruèrent sur ces malheureux Juifs, les dépouillèrent,
les mirent tout nus et les chassèrent devant eux comme un vil troupeau[51]. » Si les traînards étaient des
militaires français, ils étaient impitoyablement mis à mort : « Des
malheureux fatigués de lutter contre la souffrance se jetaient dans les
touffes de lentisques et s’y blottissaient, si bien que nous passions sans
les voir. Deux minutes après, un cri suprême d’angoisse et de désespoir nous
apprenait que les Arabes venaient de couper une tête de plus[52]. » C’était, depuis les
premières opérations de 1830, le sort de tous les isolés. Les
cavaliers indigènes employés à la colonne rendirent de grands services. Aussi
dès le retour à Mostaganem, le colonel de Gouy, commandant le 2e chasseurs
d’Afrique, demanda-t-il au général baron Marbot, commandant la 1re brigade,
que l’escadron d’Indigènes de son régiment fût organisé le plus rapidement
possible : « Vous avez été à même, lui écrivait-il, de juger de leur utilité
et de la nécessité de l’employer souvent[53]. » Le commandant Yusuf, venu de
Bône pour l’expédition, avait rejoint la colonne près de Mascara avec une
audace extraordinaire. Clauzel écrivait au maréchal Maison : « Youssouf est
un homme des plus intrépides et des plus intelligents que je connaisse. Il
est venu me joindre près de Mascara, après avoir traversé 35 lieues de pays,
au milieu des Arabes qui nous suivaient pour nous combattre[54]. » Le
capitaine Blanc le dépeignait ainsi : « Il portait le costume turc ; un
cachemire couvrait sa tête expressive ; et sous les plis élégants de cette
coiffure, brillait un regard plein de feu. Une barbe noire et soyeuse
encadrait le bas de son visage fin et énergique ; il montait des chevaux
admirables dont il faisait ressortir la vigueur et l’élégance par la grâce
qu’il mettait à les manier. A mesure qu’il s’élevait dans la hiérarchie, il
comprenait que l’étude seule pouvait le mettre au niveau de ses collègues, et
bientôt son aptitude remarquable avait comblé cette lacune. Manœuvres,
administration, littérature, tout lui devenait familier[55]. » Clauzel
l’employa aussitôt pour ses négociations avec les Indigènes, en particulier
avec El Mézari, agha des Douairs, qui abandonna le parti d’Abd el Kader. Ainsi
se formaient des officiers qui allaient jouer un rôle important dans les
relations politiques et militaires avec les indigènes. L’expédition
de Mascara marque un tournant dans l’histoire de l’armée d’Afrique. C’est le
moment où cette armée sort de la période de tâtonnements, d’essais,
d’organisation, et commence à agir. Les
troupes d’Afrique prennent une allure particulière ; de jeunes chefs émergent
de ses rangs, avec une personnalité propre. La vie au bivouac, les
souffrances et les dangers en commun, ont élargi les règles de la discipline
et surtout celles de la tenue. Les
officiers habitués aux garnisons de France, où la stricte application des
règlements et la rigidité de la tenue tiennent une place importante dans les
préoccupations quotidiennes, marquaient leur étonnement : « C’était un laisser-aller
extraordinaire, a écrit Canrobert, tant au point de vue de la discipline que
de la tenue. Aucun règlement n’était appliqué. On eût pris les soldats de la
ligne pour des brigands ; ils ne faisaient point leur barbe ; leurs capotes
étaient souvent déchirées ; ils les laissaient déboutonnées par le haut, le
cou nu, sans cravate ; enfin leurs gigantesques képis de drap, défoncés par
la pluie et le soleil, ayant perdu toute forme, mettaient le comble à leur
attitude débraillée[56]. » Une des
raisons de ce « laisser-aller » était que l’uniforme et l’équipement des
soldats, utilisables dans les garnisons de la Métropole, ne l’étaient pas au
cours des colonnes en Afrique du Nord, sous le soleil ou dans la boue. Canrobert,
rappelant les souvenirs du camp d’Aïn-Kebira, au retour de Mascara, écrit : «
Il n’y avait pas encore de tentes pour la troupe ; on couchait dans la
crotte, et nous en étions tellement couverts que plusieurs d’entre nous
ressemblaient à des statues de terre glaise animées plutôt qu’à des soldats
en uniforme[57]. » Les
soldats faisaient leur possible pour remédier, par des moyens de fortune, aux
défectuosités de leur équipement. Les officiers, comprenant l’absurdité d’un
uniforme fait pour la parade, les laissaient faire ; eux- mêmes prenaient des
libertés diverses vis-à-vis du règlement et se livraient un peu à leur
fantaisie. Cet état de choses n’échappa pas au duc d’Orléans, qui l’a décrit
en ces termes : « Les soldats travaillent à se faire en drap, en cuir, ou en
toile, de petites cartouchières qu’ils portent par devant. La plupart des
officiers de cavalerie et d’infanterie ont le fusil de chasse à deux coups.
Beaucoup d’officiers de cavalerie ont des ceintures à pistolets ; tous les
officiers d’état-major de même. En général, les tenues sont singulières. Des
barbes, des redingotes, des ceintures, des burnous, tout cela selon le goût
des personnages[58]. » La
tenue des chasseurs d’Afrique n’était pas plus régulière que celle des
fantassins, d’après Canrobert : « Ces chasseurs d’Afrique, même sous les
armes, avaient plutôt l’air d’une bande de masques de carnaval que d’une
troupe de soldats. Les uns avaient des képis, les autres des schapskas
polonais, de hautes calottes rouges sans visières et sans forme déterminée,
ou bien encore des chéchias. Les uns portaient des tuniques bleu de ciel à
larges plis, les autres des vestes, d’autres des spencers... Les trompettes,
avec leurs tuniques rouges et leurs schapskas avec des cadenettes et une
queue poudrée, ressemblaient à des Polonais du quadrille de l’Opéra[59]. » Une
telle description fait comprendre comment les dessins de l’époque
représentent parfois des militaires du même régiment, à la même date, avec
des uniformes tout différents par leur coupe et par leurs couleurs. Les
magasins ne renfermaient pas toujours des effets en nombre suffisant pour en
doter tous les militaires ; comme les reliquats provenant des essais
successifs tentés pour une amélioration de l’habillement et de l’équipement
ne pouvaient pas être détruits, ils étaient utilisés simultanément suivant
les besoins. L’expérience
allait peu à peu modifier les parties les moins pratiques de l’uniforme et
les adapter aux besoins des troupes en colonne. Après
avoir atteint et partiellement détruit Mascara, Clauzel voulut aller jusqu’à
l’autre capitale d’Abd el Kader, Tlemcen, afin de bien affirmer la force
française. Le
corps expéditionnaire de Tlemcen comprit trois brigades : la première,
commandée par le général Perrégaux, se composait du 2e régiment de chasseurs
d’Afrique, des compagnies de zouaves, du bataillon d’élite du 17e léger et
des troupes indigènes ; la deuxième, sous les ordres du général d'Arlanges,
du 1er bataillon d’Afrique et du 66e de ligne ; la troisième, du 11e de ligne
aux ordres de son colonel, de Vilmorin. Il y avait en outre huit obusiers de
montagne, quatre pièces montées, une batterie de fusées à la Congrève, un
équipage de pont et quatre compagnies du génie[60]. Le total de la colonne
s’élevait à environ 7.000 hommes. Pendant
la marche sur Tlemcen, le génie exécuta des travaux considérables sans
ménager sa peine. C’est ainsi que le 9 janvier, lors de l’arrivée de la
colonne au Rio Salado, les sapeurs, malgré la longue étape et les travaux de
la journée, établirent pendant la nuit une rampe permettant le passage à
l’artillerie et aux prolonges ; « ils ne prirent de repos et de nourriture,
écrivit Clauzel au Ministre, qu’après avoir entièrement terminé cette
opération. » Le lendemain 10, la promptitude avec laquelle un ravin profond
fut rendu accessible aux voitures frappa d’étonnement les Arabes auxiliaires,
si bien que l’un d’eux s’écria : « Quel dommage qu’ils soient Chrétiens ! »
C’était là un haut témoignage d’admiration de la part d’un Musulman. Lorsque
le corps expéditionnaire approcha de Tlemcen, Mustapha ben Ismaël vint à la
rencontre de Clauzel, accompagné des principaux Coulouglis et des cheikhs des
Angad. « Notre première entrevue, écrivit Clauzel, eut lieu auprès du Safsaf,
au milieu de nos bataillons qui se déroulaient autour de cette troupe de
Turcs et d’Arabes sur la physionomie desquels la joie, la reconnaissance et
l’étonnement se peignaient tour à tour. C’est au milieu de ces braves gens
mêlés à mon état-major que j’entrai une heure après dans Tlemcen, au bruit
des salves du Méchouar et des cris de joie de la population des Coulouglis et
des Juifs[61]. » Pendant
cette marche sur Tlemcen, l’armée n’avait pas eu un seul tué, ni un seul
blessé ; pas un coup de fusil n’avait été tiré. Clauzel avait fait, avant
l’entrée de ses troupes dans Tlemcen, diviser la ville en arrondissements, et
il eut soin d’éviter tout contact fâcheux avec les populations turque et
juive qui y étaient restées. Il fit vivre ses soldats avec les ressources
alimentaires de toute nature trouvées dans des silos et dans des maisons
abandonnées ; il économisa ainsi des crédits, de manière à prolonger son
séjour et à retirer de son expédition un résultat plus complet. Abd el
Kader avait emmené les habitants de Tlemcen (Hadar) hostiles aux Turcs, sur le
plateau avoisinant la ville, espérant un prompt départ des Français, comme à
Mascara. L’opération qu’exécuta le 15 janvier contre lui le général Perrégaux
fut très pittoresque. A l’approche des cavaliers indigènes ralliés, les
cavaliers de l’Emir exécutèrent une fusillade à grande portée, puis se
retirèrent. Les fantassins réguliers, se voyant abandonnés, s’enfuirent en se
débarrassant de leurs vêtements amples pour courir plus vite. Les troupes
françaises entamèrent la poursuite : seuls les cavaliers les mieux montés et
les plus habitués aux chemins de montagne purent prendre part « à l’espèce de
chasse qui eut alors lieu ». Le
maréchal Clauzel a décrit cette opération en ces termes : « Une cinquantaine
de Douairs ou Smela, à la tête desquels étaient constamment les commandants
Youssouf et de Richepanse[62], le lieutenant d’état-major
Thomas et le sous-lieutenant de spahis de Villiers, composaient la petite
troupe qui pendant cinq lieues poursuivit avec acharnement Abd el Kader et
ses soldats en déroute. En vain l’Emir remarquant le commandant Youssouf qui le
serrait de près criait-il à ses gens : Lâches, retournez-vous et voyez ;
il n’y a qu’un homme qui vous poursuive ! La frayeur l’emportait sur la
voix du chef et la fuite n’était pas interrompue. Plusieurs fois le
commandant Youssouf se trouva à une très petite distance d’Abd el Kader ; et,
sans les difficultés de terrain qui l’obligeaient à ralentir sa course, il
l’aurait infailliblement atteint. Après cinq heures de galop, les chevaux
épuisés de fatigue furent hors d’état d’aller plus loin et il fallut avec
regret abandonner l’espoir de s’emparer de la personne de l’Emir[63]. » Un brave cavalier Douair
rapporta à Clauzel le drapeau de l’Emir, pris au porte- étendard qu’il avait
tué. Abd el Kader avait laissé 70 fantassins réguliers sur le terrain, et
avait perdu ses chevaux, ses tentes, ses effets ! La
recherche des Hadar, qui étaient allés pendant la nuit se réfugier dans les
montagnes au sud de Tlemcen, fut confiée à l’agha Mustapha ben Ismaël avec
les Coulouglis et la cavalerie arabe, et au chef de bataillon de la
Moricière, avec quatre compagnies de zouaves et quatre compagnies d’élite du
2e et du 17e léger. L’humanité
des soldats français eut encore l’occasion de se manifester au cours de cette
opération : « Les
Arabes auxiliaires, a écrit Clauzel, commençaient à dépouiller les femmes
avec une avidité telle que plusieurs de ces malheureuses étaient obligées de
se cacher dans des buissons pour ne pas rester presque nues exposées aux
regards des hommes. Les soldats français, loin d’imiter cet exemple,
s’empressèrent de protéger les victimes contre les excès de leurs
coreligionnaires. Cette honorable conduite, lorsqu’elle fut connue des Maures
qui n’avaient pas encore fait leur soumission, décida la plupart à rentrer
dans la ville[64]. » La
brigade Perrégaux revint le 17 janvier à Tlemcen, précédée par 3.000
habitants qu’elle y ramenait et suivie par près de 4.000 moutons, bœufs et
chèvres pris sur l’ennemi. Lorsque
Clauzel voulut établir la liaison entre Tlemcen et l’île de Rachgoun, qu’il
considérait comme le port de ravitaillement de la cité, il se heurta aux
contingents d’Abd el Kader et ne parvint pas à passer. Ses troupes se
conduisirent du moins avec une belle vaillance. Le
Maréchal, tout en les félicitant, estimait qu’elles gaspillaient inutilement
leurs munitions ; « c’est aux officiers, écrivait-il le 29 janvier 1836,
d’empêcher des tiraillements qui n’ont d’autre résultat que celui de
consommer des munitions d’autant plus précieuses que l’armée est loin de ses
arsenaux. Une infanterie dont le moral est élevé et la constitution forte
doit conserver assez de calme et de fermeté pour laisser ses adversaires
s’avancer à une très petite portée. Elle exécute ensuite un feu meurtrier à
bout portant, et fond sur eux à la baïonnette. Ce n’est qu’en agissant ainsi,
qu’elle parviendra à établir une supériorité durable[65]. » Les
abus généralement commis par les troupes dans les agglomérations en partie
abandonnées se produisirent à Tlemcen. La gendarmerie rendit compte au chef
d’état-major que « des corvées du bataillon de Tlemcen commandées par des
sous-officiers, enlevaient des bois de construction et des portes dans les
maisons non habitées » ; l’administration brûlait à ses fours des bois de
construction. Des militaires isolés qui arrachaient des poutres et des
poutrelles, et coupaient des treilles, furent emprisonnés[66]. Le colonel (Leroy) Duverger, chef d’état-major des
troupes d’Afrique, dut faire organiser des corvées régulières pour aller au
bois avec des prolonges, en recommandant d’éviter de couper des arbres
fruitiers[67]. Le
projet imaginé par Clauzel de faire vivre ses troupes complètement sur le
pays, afin de pouvoir se passer des crédits non accordés par le Gouvernement,
l’amena à imposer une taxe aux Turcs et Coulouglis qui avaient été ses
dévoués alliés. Ce fut une mesure déplorable. Des Turcs furent jetés en
prison jusqu’à paiement delà somme imposée, et n’en sortirent qu’avec le
consentement de Mustapha ben Ismaël[68]. Deux gendarmes furent mis en
permanence à la disposition du commandant Yusuf[69], chargé de faire rentrer la
contribution et de sévir contre les récalcitrants. Le
capitaine de la Tour du Pin décrivait l’opération en ces termes : « Il
s’agissait de faire payer les habitants. Or, parmi les Arabes, l’idée de
faire payer implique nécessairement trois termes : celui qui donne, celui qui
reçoit, et en outre celui qui prend. Les Coulouglis devaient faire la
première partie ; le Maréchal ou le Gouvernement, la seconde. Youssouf et le Juif
du Maréchal[70] — car le Maréchal a toujours
son Juif comme une vieille femme a son petit chien — se jetèrent sur la
troisième[71]. » Cependant
le 1er février 1836, Clauzel, « prenant en considération la bravoure déployée
par les Turcs et les Coulouglis dans les combats des 26 et 27 janvier », leur
fit don au nom du Roi des Français de 500 fusils déjà remis et qu’ils
devaient payer[72]. Il dut d’ailleurs, en raison
du mouvement d’opinion en France, renoncer à percevoir la contribution[73]. Les braves alliés dont la
résistance depuis plusieurs années avait sauvé la citadelle de Tlemcen
méritaient bien quelques égards ! Lorsque
Clauzel quitta Tlemcen, il confia « la garde et la conservation du Méchouar »
au capitaine Cavaignac, qui disposa à cet effet d’un détachement de 470
hommes d’infanterie, 23 d’artillerie et 15 du génie, formé en quatre
compagnies, et composé de volontaires pris dans tous les corps. La mission de
Cavaignac, sans lui être définie en termes précis, était ainsi résumée dans
l’instruction laissée par Clauzel : « Le drapeau français ayant été arboré
sur les murs du Méchouar, doit être un signe de ralliement et de protection
pour nos alliés, de force et de crainte pour nos ennemis. Dans ses
différentes relations avec les Indigènes, le commandant français s’attachera
avant tout à faire respecter le drapeau et le nom français[74]. » Les
volontaires du détachement, enfermés dans le Méchouar, menèrent une existence
faite de privations matérielles et de résistance morale : « Isolés du monde
entier, a écrit le duc d’Orléans ; étrangers même aux phases de la guerre
dont leur sort dépendait ; guettés sans être combattus par les Arabes, qui
leur faisaient la chasse et non la guerre, et qui venaient en pèlerinage du
Maroc pour tirer un Chrétien à l’affût ; condamnés à se méfier de tout, même
de leur courage ; journellement provoqués ou par des fanfaronnades qui
masquaient une embuscade, ou par le supplice de Tantale, lorsque les Arabes
faisaient paître des troupeaux sous les yeux des soldats privés de viande ;
ces hommes résignés supportèrent, sans un murmure, toutes les épreuves[75]. » Appelés
« les zéphyrs de Cavaignac », ils impressionnèrent par leur allure tous ceux
qui les virent : « Les hommes portaient de longues barbes, a écrit Canrobert
; leurs habits étaient de toile légère, ou de soie de toutes couleurs, avec
de magnifiques épaulettes en paille, des passepoils et des revers en papier
découpé. Et cependant l’allure martiale de cette troupe frappait à la
première inspection ; on la sentait tout entière dans la main de son chef[76]. » L’utilité
de troupes indigènes était de plus en plus reconnue par les chefs de l’armée
d’Afrique, et leur développement envisagé. Le général d’Arlanges avait estimé
qu’une compagnie indigène à Oran pouvait rendre de grands services ; il avait
demandé dès le mois d’octobre à l’organiser et avait été appuyé auprès du
Ministre par le lieutenant général Rapatel. Mais à ce moment les seules
prévisions faites pour l’organisation de troupes indigènes portaient sur des
corps de spahis[77]. Les
zouaves avaient cependant gagné les suffrages de tous, en particulier du duc
d’Orléans. Aussi une ordonnance royale du 25 décembre 1835 créa un second
bataillon de zouaves[78]. Les deux bataillons
formeraient un même corps, aux ordres d’un lieutenant-colonel. Chaque
bataillon aurait six compagnies, dont deux françaises et quatre « arabes » ;
mais le nombre des compagnies pouvait être porté successivement à dix par
bataillon, « si les ressources du recrutement en indigènes le permettaient. » Le
lieutenant-colonel destiné à commander ce corps s’imposait : La Moricière.
Quoi qu’il ne fût chef de bataillon que du 2 novembre 1833, il fut promu
lieutenant-colonel le 21 décembre 1835, et désigné comme chef de corps. S’il
était apprécié par la troupe et par nombre d’officiers, il avait aussi ses
détracteurs. Le capitaine de la Tour du Pin, de l’état- major du maréchal
Clauzel, écrivait au lieutenant-colonel Duvivier : « Vous avez entendu la
fortune inouïe de La Moricière ; il est heureux, il est prospère, il est dans
la force que donne le mouvement ascensionnel. Cependant, je le trouve moins
poussé que jamais par son propre mérite ; il s’enivre du commandement d’une
malheureuse ligne de tirailleurs plus que ne ferait un sous-lieutenant ; dès
qu’il a la moindre responsabilité, il tremble de se compromettre et devient
pusillanime ; il sent que sur la pente de bonheur le long de laquelle il
glisse, il n’a qu’à se laisser aller immobile, tandis qu’un seul faux
mouvement le perdrait[79]. » Le
recrutement des indigènes pour le corps de zouaves était facilité par une
prime de 3 fr. 72 accordée aux « recruteurs arabes » ; contrairement à la
proposition de l’Intendant militaire tendant à la supprimer, le Conseil
supérieur d’administration avait exprimé l’avis, en octobre 1835, de l’élever
pour 1836 à 10 francs par soldat incorporé. Cette augmentation fut décidée le
16 février 1836 par le Ministre de la Guerre[80]. Les
spahis réguliers d’Oran se constituaient assez aisément. D’Arlanges put
rendre compte au général Rapatel le 19 mars 1836 que le 1er escadron était au
complet, à trois hommes près. Il demanda à lui donner comme chef le
lieutenant Mesmer, qui « depuis quatre ans commandait l’escadron indigène »,
et d’y nommer lieutenant indigène Ismaël ould Cadi, « chef de tribu » au
sujet duquel il écrivait : « Ismaël est connu de M. le Maréchal, qui a
demandé la croix pour lui. C’est un homme influent et dévoué, d’une excessive
bravoure et couvert de blessures[81]. » Les
chasseurs d’Afrique prenaient de plus en plus l’esprit de corps, et se
montraient soucieux de leur réputation. Le colonel de Gouy, commandant « le
2e de chasseurs à cheval d’Afrique », se plaignait de ce que ses hommes
fussent confondus avec ceux des bataillons d’infanterie légère d’Afrique,
appelés eux aussi « chasseurs d’Afrique ». Afin d’éviter « cette assimilation
entre les soldats de bataillons recrutés parmi les ateliers de travaux et les
corps de punitions, et les cavaliers entrant volontairement dans les
régiments de chasseurs à cheval d’Afrique », il demandait à ce que ces
derniers fussent appelés « chevau-légers[82]. » Le
maréchal Maison refusa de faire droit à cette demande, parce que le terme de
chasseurs ne figurait dans aucune disposition organique ni dans aucune pièce
officielle pour désigner les militaires des bataillons d’infanterie légère
d’Afrique. « J’ai considéré en outre, ajoutait-il, que c’est sous la
dénomination de chasseurs d’Afrique que ces corps ont fait leurs premières
armes, qu’ils se sont fait respecter de leurs ennemis, qu’ils ont acquis leur
esprit militaire, leur réputation et leur illustration relative, et qu’un
régiment doit tenir d’autant plus à son nom ou à son numéro qu’il l’a porté
dès sa création et qu’il l’a honoré sur les champs de bataille[83]. » Les
bataillons d’infanterie légère d’Afrique par contre entendaient jouir de la
même considération que les autres corps de l’armée. Le commandant du 3e
bataillon à Douèra, Montréal, ayant reçu avis par un ordre du jour que 44 de
ses soldats obtenaient « la faveur de rentrer dans les rangs des régiments de
ligne », écrivit le 10 janvier 1836 une longue lettre au lieutenant général
Rapatel, commandant les troupes, pour lui démontrer que les bataillons
d’Afrique n’étaient pas des « corps de punitions ». Il s’appuyait sur
l’ordonnance du 3 juin 1832, qui y autorisait les engagements volontaires ;
il citait une lettre de Voirol du 29 août 1833, disant que ces corps «
faisaient partie de l’armée et n’avaient pas de régime particulier », qu’ils
pouvaient être « ramenés à un état d’honorable comparaison avec les autres
corps de l’armée », et concluait qu’il ne fallait pas leur enlever leurs
meilleurs sujets pour les affecter ailleurs[84]. Les
Turcs d’Ibrahim, qui se trouvaient à Mostaganem, étaient, aux dires du chef
de bataillon Menonville, du 47e de ligne, une piètre troupe : « C’est un
corps qui a besoin d’une forte épuration, écrivait-il, et d’une organisation
quelconque[85] » ; ils ne faisaient à peu près
rien, touchaient cependant régulièrement leur solde, en présence du bey
Ibrahim et du commandant Abdallah Dasbonne, et prétendaient que, engagés
seulement pour faire la campagne de Mascara, ils étaient retenus
arbitrairement ! Un certain nombre désertaient, en emportant leurs armes qui
passaient ainsi aux mains des dissidents. « Ce corps a été composé d’hommes
ramassés sur le pavé d’Alger, échappés de Tunis et de Constantine, écrivait
Menonville ; on a pris tout ce qui se présentait sans aucune condition :
borgnes, boiteux, infirmes, vieillards caducs en partie, gens incapables de
rendre aucun service[86]. » L’état de cette troupe
turque n’encourageait pas à créer une compagnie d’infanterie indigène ! Des
contacts nombreux s’étaient cependant établis peu à peu entre les troupes
françaises et les Indigènes. Les soldats qui tombaient aux mains des
dissidents n’étaient plus tous impitoyablement massacrés comme aux premiers
jours de la conquête. C’est ainsi qu’Abd el Kader avait envoyé comme présent
au Sultan du Maroc sept hommes, pris pour la plupart à la Macta, et une
vivandière, Justine Pellat, née Boutillon, âgée de 32 ans, femme de Napoléon
Pellat, soldat au 66e[87]. Le consul général Méchain,
chargé d’affaires de France au Maroc, s’efforça dans les premiers mois de
1836 de faire libérer ces prisonniers. Les sept hommes avaient, d’après le
Sultan, embrassé la religion musulmane et avaient demandé à vivre dans ses états,
ce qui, d’après certains témoignages, paraissait exact. La vivandière au
contraire avait refusé d’abjurer. Méchain écrivit de Tanger au général
commandant à Oran : « Honneur à Justine Pellat, du brave 66e ; renfermée dans
le harem du Sultan, elle a résisté à toutes les obsessions des femmes ; elle
a persisté dans sa religion et à vouloir rentrer dans sa patrie. A l’époque
du Ramadan, elle a refusé de jeûner et de se soumettre aux pratiques de la
religion musulmane. C’est le Sultan qui me l’écrit. Aussi, en confiant
Justine Pellat au soldat qui devait la conduire à Mogador, ce souverain lui a
dit qu’il lui trancherait lui-même la tête si quelqu’un manquait à cette
femme. Il est au contraire bien constaté que les sept hommes, ses compagnons
d’infortune, ont tenu une conduite moins honorable[88]. » Quelques-uns
de ces prisonniers, dirigés sur Mogador, furent embarqués pour Marseille[89]. Certains d’entre eux
apparurent comme de fort mauvais sujets, probablement déserteurs[90], et peu désireux de laisser
scruter leur passé. Le
Gouvernement français tenait avant tout à réduire le corps d’occupation
d’Afrique à l’effectif budgétaire. Le maréchal Maison, ministre de la Guerre,
avait écrit dans ce sens à Clauzel les 2 et 5 janvier et le 2 février 1836.
Il avait ajouté en post-scriptum de sa main le 2 février : « Vous sentirez
que votre responsabilité serait engagée si vous n’exécutiez pas mes ordres
réitérés pour l’évacuation des troupes qui sont encore à Alger au-delà de
l’effectif fixé par le budget[91]. » Il
décida le 23 février d’envoyer le lieutenant-colonel d’état-major de la Ruë à
Alger, pour presser Clauzel d’embarquer les troupes visées par ses ordres,
c’est-à-dire les deux bataillons du 66e, le reste du 10e léger, le 13e et le
59e de ligne, un bataillon d’infanterie légère d’Afrique, deux compagnies de
vétérans et quatre compagnies de discipline. La Ruë devait envoyer au
Ministre un compte-rendu quotidien, et ne revenir en France qu’après l’embarquement
du dernier détachement[92] ! A ce
moment même, Clauzel écrivit au Ministre pour lui demander de conserver
23.000 hommes au lieu de 21.000, jusqu’au 1er janvier 1837[93]. Lorsqu’il reçut le 6 mars les
ordres impératifs dont le lieutenant-colonel de La Ruë était porteur, il « s’exécuta
de bonne grâce[94] » ; mais il demanda
néanmoins que les troupes indigènes, c’est-à-dire zouaves et spahis, fussent
considérées comme en dehors des 21.000 hommes. Ces troupes, y compris les
spahis auxiliaires, s’élevaient à 3.112 hommes[95]. Le
maréchal Maison fit remarquer à Clauzel que l’expédition de Tlemcen avait été
faite contrairement à ses instructions : « Je crains, ajoutait-il dans sa
lettre du 5 mars 1836, que les pouvoirs législatifs ne voient dans vos
opérations une grave déviation des principes qui avaient été posés, et je
conserve peu d’espoir de lutter avec succès contre les préventions que les
résultats de votre dernière campagne ont soulevées dans la Chambre des
Députés[96]. » Par une
curieuse coïncidence, Clauzel expliquait le 9 mars au Ministre comment le
maintien de 2.500 hommes à Oran pendant quelque temps eût produit le meilleur
effet, et il ajoutait : « Je ne puis qu’être satisfait de la situation
actuelle de la colonie : le mouvement commercial prend toujours de
l’extension et les capitaux sont plus abondants sur la place ; les demandes
en concessions de terrains sont nombreuses et la culture prend un
développement marqué. Dans un tel état de choses, il serait bien à désirer
que nos efforts ne fussent pas entravés par les discours prononcés à la
Chambre et que les Arabes, qui ne peuvent pas apprécier les intentions de nos
orateurs, n’en conçussent pas des espérances que leur ont fait perdre nos
derniers événements militaires[97]. » Ainsi
s’opposaient, comme il est arrivé si souvent depuis, l’intérêt bien compris
de la France d’outre-mer et les discours au Parlement de politiciens
incompétents. Quelques
semaines plus tard, en avril 1836, le général Rapatel fit envoyer d’Alger au
Ministre, de la part du maréchal Clauzel, 700 exemplaires d’une brochure
écrite sur les possessions françaises dans le nord de l’Afrique par le
directeur des Finances, Blondel[98], en le priant de les distribuer
aux Chambres. On pouvait lire sur la couverture la légende suivante : « Les difficultés
de la colonisation ne sont ni dans le climat, ni dans le sol, ni dans le
caractère des indigènes... Elles sont dans nous[99]. » Le résumé final, consacré à
rechercher quel était l’intérêt politique et commercial de la France,
contenait parmi bien des préceptes à retenir, les suivants : « Une force
militaire imposante nous est nécessaire ; c’est la sanction donnée aux
mesures politiques ; c’est le moyen de jeter les bases d’un pouvoir solide et
durable ; c’est le secret pour pouvoir rester juste et modéré sans danger...
Faire porter les économies sur le nombre des troupes, ou sur les fonds
destinés à la solde ou aux présents à donner aux Indigènes, c’est un suicide[100]. » Avant
de faire embarquer pour la France les régiments qu’il devait y renvoyer,
Clauzel fit encore deux expéditions destinées à compléter l’effet produit sur
les populations par la prise de Mascara et de Tlemcen : en mars, l’expédition
du Chélif, sous la direction du général Perrégaux, avec les nombreux
contingents indigènes de Mustapha ben Ismaël, El Mézari et du bey Ibrahim ;
au début d’avril, celle de Médéa, sous sa direction personnelle. Il
s’embarqua ensuite le 14 avril pour aller défendre à Paris ses projets
africains, en laissant la direction des affaires au général Rapatel[101]. Le
général d’Arlanges, commandant la province d’Oran, avait été chargé
directement par Clauzel d’établir la liaison de la côte avec Tlemcen, en
partant de l’île de Rachgoun, déjà occupée, à l’embouchure de la Tafna. Cet
officier général, ancien émigré à qui la Restauration avait accordé le grade
de lieutenant-colonel d’infanterie, était, suivant le futur général du
Barail, « un homme qui ne payait pas de mine et qui ne jouissait pas du
moindre prestige aux yeux des soldats... C’était un bon soldat, suffisamment
instruit, d’une incontestable bravoure personnelle, mais un peu au- dessous
de sa situation. Quand il pleuvait, il arborait son képi d’ordonnance
par-dessus le bonnet de soie noire qui lui servait pour dormir, et le
troupier, caustique, riait[102]. » D’Arlanges
se rendit d’Oran à la Tafna par terre avec une colonne de 3.000 hommes et 200
Indigènes auxiliaires commandés par Mustapha ben Ismaël. Un tel effectif
n’était pas suffisant pour remplir une mission que Clauzel n’avait pas pu
mener à bonne fin en partant de Tlemcen avec des forces supérieures.
D’Arlanges, bloqué dans son camp de la Tafna par Abd el Kader, essaya en vain
de rompre le cercle qui l’entourait : au cours d’une sortie, il éprouva des
pertes sensibles et fut blessé ; l’énergique colonel Combe ramena la colonne
au camp, où il retrouva le colonel du génie Lemercier, qui avait heureusement
résisté avec une faible garnison. Rapatel
demanda 3.000 hommes de renfort pour sortir d'Arlanges de cette situation. Le
Gouvernement accorda trois régiments, mais Louis- Philippe désigna le général
Bugeaud pour prendre le commandement à la Tafna : « Le général Bugeaud,
disait la dépêche télégraphique du Ministre à Rapatel, commandera ces troupes
formant 4.500 hommes, ainsi que celles du général d’Arlanges, qui sera sous
ses ordres pendant l’opération dont il est chargé[103]. » La
mission confiée à Bugeaud ménageait peu l’amour-propre du général d’Arlanges.
Le commandant de la division d’Oran, qui avait fait de son mieux, dans des
circonstances vraiment difficiles, décida de rentrer à Oran. Bugeaud,
fort gêné vis-à-vis du camarade du même grade auquel il venait se superposer,
lui écrivait le 11 juin du camp de la Tafna des lignes qui, sous sa plume
généralement assez rude, avaient leur valeur : « Je ne crois pas le moins du
monde, lui disait-il, qu’on ait eu l’intention de vous humilier ; cela n’est
pas possible d’après la manière dont j’ai entendu parler de vous par le
Ministre de la Guerre et par le maréchal Clauzel... Je conçois, mon cher
Général, que vous ayez pu être blessé de certains procédés que je crois être
l’effet du hasard et non de l’intention ; mais, dans le cas présent, il était
naturel et conforme au règlement militaire que, vous amenant un renfort de
4.500 hommes et me trouvant le plus ancien, je prisse le commandement... J’ai
vivement regretté que vous m’ayez quitté ; votre expérience et votre savoir
m’auraient été très nécessaires. » Il ajoutait : « Vous êtes libre de rester
à Oran, et nécessairement vous devez y commander » ; il prenait soin de
signer : « Le général commandant la division de la Tafna[104]. » Ces
égards ne parvinrent pas à adoucir l’amertume du général d'Arlanges. Il
écrivit le 18 juin au Ministre une lettre où il lui exposait ses déboires et
ses humiliations. Il attribuait le traitement dont il était l’objet à des
accusations d’incapacité qui auraient été portées contre lui par Yusuf, à la
suite d’un engagement aux environs d’Oran en décembre 1835. Il se considérait
comme l’objet d’un « mépris poussé jusqu’à ne pas même lui faire donner avis
de sa destitution ». Il ajoutait : « Mon état moral ne me permet pas de
suivre l’expédition ; le ridicule qui m’y suivrait nuirait aux affaires. Ma
mission est remplie, puisque le poste de la Tafna est occupé. Une
reconnaissance faite à propos, quoi qu’on en dise, m’a prouvé l’impossibilité
de communiquer avec Tlemcen. Si je l’avais entrepris, je persiste à croire
que je n’aurais pu réussir. Il y a des antécédents qui le prouvent. Il ne me
reste donc plus qu’à m’en aller m’ensevelir dans mes foyers. C’est ma seule
ambition désormais[105]. » Cette
douleur de vieux soldat est d’autant plus émouvante qu’elle ne l’amenait pas
à critiquer son successeur : « Je n’ai qu’à me louer, disait-il en terminant,
des procédés du général Bugeaud à mon égard. Il apprécie lui-même les dégoûts
dont je suis abreuvé, et a tout fait pour les adoucir s’ils pouvaient l’être.
» Bugeaud
fit sentir à ses subordonnés, dès son arrivée au camp de la Tafna, avec les
renforts débarqués du 4 au 6 juin, qu’il y avait quelque chose de changé dans
la manière de commander et dans les procédés employés. Il
réunit les colonels et chefs de corps, leur dit que la guerre d’Afrique,
pleine d’analogies avec celle d’Espagne, devait être faite avec des soldats
allégés, des mulets portant vivres et munitions, sans artillerie ni bagages
encombrants ; il termina en se disant prêt à recevoir les observations et les
conseils de ses auditeurs. Les
colonels et chefs de corps ayant vivement critiqué entre eux les idées de
Bugeaud, le colonel Combe, un des plus excités, se chargea d'aller le
lendemain exposer leurs impressions à leur nouveau chef, et lui dire que les
soldats perdraient courage s’ils n’avaient pas d’artillerie avec eux. Comme
il insistait en élevant la voix, Bugeaud lui répondit : « Monsieur, j’ai en
effet engagé chacun de vous à venir me communiquer ses observations et ses
avis. Mais libre à moi, vous le permettez, d’en tenir compte à ma guise. Sur
ce, Colonel, je vous remercie et je vous prie de vous retirer[106]. » Il n’y avait rien à
répliquer ! Bugeaud
constitua une garnison spéciale pour le camp de la Tafna. Il forma en même
temps une colonne, la conduisit d’abord du camp à Oran, ramena d’Oran à
Tlemcen un convoi de vivres, et revint au camp de la Tafna après avoir
échangé à Tlemcen 300 éclopés contre 200 soldats de Cavaignac et 300
Coulouglis. Pendant ces étapes, il s’en prenait avec raison aux officiers
quand la troupe ne montrait pas un bon moral, et n’hésitait pas à les réunir
pour les blâmer, comme ceux du 24e de ligne. Il quitta de nouveau le camp de
la Tafna le 4 juillet, pour aller à Tlemcen avec un convoi ; le 6, il battit
complètement à la Sikkak les contingents d’Abd el Kader, qui, sous la
conduite de l’Emir en personne, avaient voulu lui barrer la route[107]. Au
cours de cette rapide campagne, Bugeaud avait donné un bel élan aux troupes
de la province d’Oran, et formulé bien des principes dans ses instructions à
ses officiers ou dans ses lettres au Ministre. Il voulait des troupes épurées
par l’entraînement, des officiers jeunes, ardents et énergiques, des soldats
allégés de leur écrasant fardeau. Il jugeait indispensable de faire porter
les vivres de la troupe par des convois réguliers de mulets accompagnant les
colonnes. Il se
déclarait partisan des auxiliaires indigènes, et écrivait au sujet des
Douairs : « Ce sont d’intrépides et habiles cavaliers. Ils sont évidemment
supérieurs à nos cavaliers pour éclairer, tirailler et combattre dans les
terrains difficiles. Mustapha, leur chef, est un homme respectable et de très
bon conseil. Il y a d’autres chefs qui sont aussi fort recommandables par
leur bravoure et leur intelligence. Il serait juste et politique, Monsieur le
Maréchal, de faire un bon traitement à ces hommes qui servent bien notre
cause... Ce sera plus fructueux que les fortifications, que, quelquefois, on
multiplie d’une manière peu judicieuse[108]. » L’humanité
des Français avait eu l’occasion de se manifester une fois de plus au combat
de la Sikkak. Le général Bugeaud avait lui-même arraché à la mort des
fantassins réguliers de l’Emir et des piétons kabyles acculés par les
Douairs, les chasseurs d’Afrique et les voltigeurs à des rochers tombant à
pic sur la rivière l’Isser. Il avait fait ainsi 130 prisonniers, qu’il envoya
en France, où le Ministre ordonna de les bien traiter pour en faire
ultérieurement des agents de bonne entente entre Français et Indigènes. L’occupation
de Tlemcen par Clauzel et la défaite d’Abd el Kader par Bugeaud à la Sikkak
apaisaient les inquiétudes relatives à l’Ouest et devaient faciliter dans
l’Est l’expédition de Constantine que Clauzel n’avait pas cessé d’envisager
et de préparer. La base
maritime de cette expédition était Bône. Le
général d’Uzer, commandant supérieur dans cette ville, ne s’était pas entendu
avec Yusuf, au sujet de qui il écrivait en novembre 1835 à Rapatel : « Le
commandant Joseph part par le bâtiment. Bon voyage ! Dans l’intérêt de la
province de Bône, il serait à désirer qu’il ne revînt plus. Je le souhaite
vivement sans l’espérer[109]. » Il ne
s’était pas entendu non plus avec le lieutenant-colonel Duvivier, commandant
les spahis de Bône. Comme Duvivier avait éprouvé des difficultés à recruter
ses spahis réguliers, Clauzel l’avait engagé à porter son effort sur
l’organisation des spahis irréguliers, ne recevant pas de solde mensuelle,
mais inscrits sur les contrôles, « tenus et habitués à se présenter à tout
appel aux armes », et rétribués seulement pendant les périodes de service
effectif[110]. Cette
organisation des spahis irréguliers avait naturellement amené des contacts
fréquents entre Duvivier et les tribus. Le général d’Uzer avait considéré ces
relations comme une sorte d’empiètement sur ses attributions. Il avait écrit
à son subordonné le 18 novembre 1835 : « Bornez-vous, Monsieur le colonel, à
commander militairement les spahis réguliers, et les auxiliaires les jours de
réunion ; si quelque délit était commis par ces derniers dans l’exercice du
service commandé, le coupable serait soumis à votre juridiction ; hors de là,
le spahi auxiliaire est soumis à la juridiction commune aux indigènes.
Veuillez, Monsieur le colonel, vous conformer à l’avenir à ces dispositions
qui vous laissent tout ce qui est militaire, me réservant toutes les autres
directions[111]. » A la
suite de cette lettre, Duvivier avait quitté le logement que le général
d’Uzer lui avait offert chez lui, et qu’il avait occupé pendant six semaines.
D’Uzer écrivait à Rapatel le 25 novembre : « Il a pris, il y a six jours,
congé de moi en me remerciant des bontés que j’avais eues pour lui ; je ne
l’ai plus revu. Il s’est laissé conduire par Joseph et a adopté toutes ses
idées. Cela est fâcheux ; avec autant de moyens, ils auraient pu être mieux
employés[112]. » Après
cette rupture, Duvivier, déjà en correspondance directe avec Clauzel, avait
écrit aussi au Ministre de la Guerre. Il lui avait envoyé le 1er décembre
1835 des observations sur la situation de son corps, et lui avait signalé en
particulier que des maréchaux des logis, brigadiers et cavaliers, restaient
constamment détachés à la disposition du général d’Uzer[113]. Il
demanda le 15 décembre par la voie hiérarchique son rappel immédiat à Alger,
en raison des « désagréments bien pénibles éprouvés à Bône[114]. » D’Uzer fit modifier les
termes de la demande ; il la transmit à Rapatel, mais il lui écrivit en même
temps : « Vous le connaissez, mon général ; il avait la prétention de prendre
la direction des tribus et je n’ai pas été d’avis de lui céder le seul commandement
qui puisse rendre ma présence utile à Bône... Tant qu’il sera sous mes
ordres, je le tiendrai à sa place ; il a la même latitude que les autres
chefs de corps de la garnison, rien de plus, rien de moins ; je garde toute
sa correspondance, qui est plutôt celle d’un avoué ou procureur que d’un
militaire... Depuis que je sers, je n’ai pas trouvé un officier supérieur
plus difficile et dont les rapports de service soient plus désagréables[115]. » Duvivier
continuait à réclamer contre le général d’Uzer dans des lettres personnelles
adressées au maréchal Clauzel ; il lui envoyait le 31 janvier 1836 un dossier
de lettres « relatives à la manière dont le général d’Uzer entend le service
et les choses relativement aux spahis[116]. » Des
querelles de ce genre nuisent généralement au supérieur comme au subordonné. Le
Ministre communiqua le 4 février 1836 à Clauzel les observations que Duvivier
lui avait envoyées au début de décembre sur son corps des spahis, et lui
signala leur bien-fondé ; mais il le pria en même temps d’infliger huit jours
d’arrêts à Duvivier pour avoir correspondu avec le Ministre sans passer par
la voie hiérarchique[117]. D’Uzer,
calomnié auprès du duc d’Orléans, du Gouverneur général et du Ministre, était
aigri par ces discussions et las de ces luttes. Lorsqu’il apprit que sa
nomination, annoncée par tous les journaux, avait été différée, il décida de
rentrer en France : « Je vous demande, écrivit-il le 1er février 1836 à
Rapatel, de ne pas perdre un instant pour m’envoyer l’autorisation de me
démettre de mon commandement ; je veux partir, et rien ne pourrait me
retenir, pas même quand on m’offrirait de me faire maréchal de France ; on
m’a blessé au cœur. C’est au maréchal et au prince que je le dois, je ne me
le dissimule pas[118]. » Tandis
que d’Uzer prenait cette détermination, le Ministre décidait de lui retirer
son commandement, et l’en informait par lettre du 29 février. Cette lettre
n’eut pas le temps de lui parvenir, car il partit dans les premiers jours de
mars, et elle fut annulée par le Ministre[119]. D’Uzer fut remplacé à Bône par
le colonel (Leroy)
Duverger. Le
général d’Uzer ne se trompait pas : il avait été desservi auprès du maréchal
Clauzel et du duc d’Orléans par Yusuf, lors de l’expédition de Mascara. Le
capitaine de la Tour du Pin écrivait à Duvivier : « Yusuf raconta que vous (Duvivier) aviez eu des démêlés violents
avec le général d’Uzer, pour avoir refusé de signer des états de solde sur
lesquels figuraient, avec l’autorisation du général et au profit de M.
Delcambre, beaucoup plus de noms qu’il y avait d’hommes présents sous les armes[120]. » On voit quelle impression
pouvaient laisser des conversations de ce genre ! Yusuf
avait été nommé par Clauzel, dès le 21 janvier 1836, bey de Constantine
; il reçut l’ordre, en mars, d’aller reprendre à Bône le commandement des
spahis réguliers, en remplacement du lieutenant-colonel Duvivier qui
rentrerait à Alger, et d’y joindre le commandement des spahis auxiliaires. Il
eut comme mission de gagner à la cause française, de proche en proche, les
tribus entre Bône et Constantine. Tandis que d’Uzer n’avait guère employé, à
l’égard des tribus, que des moyens de douceur, Yusuf usait de la force au
premier signe de résistance. Comme
le lieutenant-colonel Marey, qui était à Alger à la fois commandant du corps
des spahis réguliers et agha des Arabes, partit en congé pour la France, le
lieutenant-colonel Duvivier fut chargé en mai de ces deux fonctions ; il les
conserva jusqu’au retour de Marey en septembre[121], et sut mériter les
félicitations du lieutenant général baron Rapatel, commandant les troupes en
Afrique[122]. Le
colonel (Leroy) Duverger et le commandant Yusuf
établirent à Dréan un camp d’où ils pouvaient rayonner. Yusuf
se mit en devoir de remplir les fonctions qui lui incombaient. Un officier
écrivait de Bône le 31 mai au lieutenant-colonel Duvivier, commandant les
spahis réguliers à Alger : « On dit que Yusuf fait le bey tout aussi bien
qu’Ahmed. Il porte comme lui un chapelet à la main ; il a de plus beaux
habits que lui, il lève des contributions, comme lui, fait comme lui
distribuer des coups de bâton, et comme lui couper des têtes sans demander la
permission à qui que ce soit ; si les Arabes ne l’aiment déjà guère — ce que
je ne dis pas —, ils le craignent et ils obéissent. On dit qu’il en est qui
se permettent de regretter le régime du général d’Uzer, qui était si paternel
pour eux. On va même jusqu’à dire qu’il en est qui vous regrettent, vous qui
aviez si peu l’air et les allures d’un bey[123]. » Le
nouveau bey possédait « ses drapeaux, sa musique, ses bourreaux, en un mot
tout ce qu’il faut pour être monarque », a écrit du Barail. Il avait des
espions auprès du bey Ahmed, mais le bey Ahmed en avait auprès de lui. Un
jour, Yusuf découvrit une lettre de son propre secrétaire indigène, son khodja,
ne laissant aucun doute sur sa trahison ; il entama avec lui une conversation
très cordiale, au cours de laquelle, en réponse aux protestations de fidélité
du secrétaire, il lui passa la lettre révélatrice. « Aucun mot, d’après du
Barail, ne fut échangé entre eux. Le secrétaire se leva, salua, sortit de la
tente, s’agenouilla, impassible, devant le chaouch (bourreau), qui, moins
d’une minute après cette petite scène muette, lui faisait tomber la tête
entre les genoux, sur le sol. Tout cela s’était passé avec une tranquillité,
une correction parfaites[124]. » Yusuf avait l’immense
avantage de connaître les populations indigènes, et d’employer les moyens
propres à s’assurer leur respect et leur dévouement. Le
colonel (Leroy) Duverger utilisait pour le
mieux les troupes du camp de Dréan. Il fit en juin, avec une colonne composée
en majeure partie de spahis réguliers, de spahis à pied et de spahis
auxiliaires, une reconnaissance à Guelma. Il demanda la formation de deux
nouveaux escadrons de spahis réguliers, où les notables des tribus
souhaitaient être admis. Enfin il fit, en juillet, occuper La Galle par un
détachement de 50 spahis aux ordres du capitaine Berthier. Pendant
ce temps, Clauzel essayait en France d’obtenir les effectifs nécessaires pour
l’expédition de Constantine. Il écrivit à Rapatel le 2 août 1836 qu’il
comptait disposer de 30.000 hommes de troupes françaises, y compris les
zouaves et les spahis réguliers, de 5.000 hommes de troupes indigènes
irrégulières, et de 4.000 auxiliaires soldés ; il lui exposa tout un « plan
d’occupation » des trois provinces, et lui indiqua même la répartition des
troupes. Un
changement de ministère vint modifier ses projets. Le maréchal Maison, avant
de quitter le Ministère de la Guerre, reprocha le 30 août à Clauzel d’avoir
donné à Rapatel des instructions prématurées et préjugé des décisions du
Gouvernement. Clauzel, forcé de renoncer à l’exécution de son programme
d’ensemble dans les trois provinces, tint cependant à exécuter la partie
principale, l’expédition de Constantine[125]. Le
nouveau Ministère autorisa l’expédition en raison des préparatifs déjà faits,
mais à la condition de n’envisager aucun renfort. Le lieutenant général
Bernard, ministre de la Guerre, écrivit d’ailleurs à Clauzel le 18 octobre
qu’il lui laissait l’entière responsabilité de l’opération, dans le cas où
elle se ferait. Le Gouvernement espérait si fermement la démission de Clauzel
qu’il avait fait choix du lieutenant général de Damrémont pour lui succéder.
Mais Clauzel n’était pas homme à reculer, et décida malgré tout l’expédition. La
concentration et la mise en route se firent dans des conditions défavorables.
Les transports par mer furent retardés par le mauvais temps ; les troupes,
fatiguées par le voyage, se trouvèrent entassées à Bône, dans des
casernements malsains et insuffisants, au lieu d’être échelonnées sur la
route de Constantine, comme il était prévu. Les
cinq brigades du corps expéditionnaire formaient un total de 8.700 hommes.
Elles manquaient de moyens de transport, Yusuf n’ayant pu réunir que 350
mulets au lieu de 1.500 nécessaires. Chaque homme portait dans son sac 7
jours de vivres et 60 cartouches. C’est
seulement le 16 novembre que le corps expéditionnaire se mit en marche de
Guelma sur Constantine. Le génie fit de son mieux pour aménager la route ;
mais le 19 novembre, à partir de Sidi-Tamtam, la neige, la grêle, la pluie
transformèrent les chemins en fondrières ; le 20, les hommes ne purent faire
de feu, ne trouvant aucun combustible dans la région traversée ; le 21, les
fantassins passèrent le Rummel avec de l’eau jusqu’à la ceinture, et furent
au cours de cette opération protégés et secourus par les cavaliers. Le 22,
neuf voitures de l’administration chargées de vivres et deux prolonges
d’artillerie enlisées dans les boues durent être abandonnées ; on essaya de
distribuer les vivres aux soldats du 62e chargés de l’escorte ; mais des
désordres se produisirent, des tonneaux de vin et d’eau-de-vie furent
défoncés, et des hommes ivres restèrent sur place, où ils furent massacrés
par les dissidents. Au
cours des tentatives infructueuses faites pour s’emparer de la ville, le
génie fit particulièrement preuve de courage et de dévouement. Après avoir
aidé à la marche des voitures, et avoir passé 36 heures dans la boue, sans
feu ni repos, il arriva le 22 au plateau de Mansoura à dix heures du soir,
exténué. Dès le soir, il fut cependant chargé d’aller voir dans quel état se
trouvait la porte d’El Kantara, qui avait été bombardée par l’artillerie ; le
brave capitaine Hackett fit cette reconnaissance avec quelques sapeurs. Les
hommes du bataillon d’Afrique furent aussi à l’honneur. Dans la nuit du 23 au
24, le colonel Lemercier, du génie, qui dirigea l’attaque d’El Kantara,
employa avec ses sapeurs la « compagnie franche » du 2e bataillon d’Afrique,
organisée à Bougie. Du côté du Coudiat-Ati, où Duvivier attaqua avec le 3e
bataillon d’Afrique, le chef d’escadrons de Richepance et le capitaine du
génie Grand furent tués. Ces
efforts ayant été inutiles, le retour à Bône s’imposa, car les blessés
étaient nombreux, les vivres diminuaient et les munitions risquaient de
manquer. La
retraite qui commença le 24 novembre passe à juste titre pour un des épisodes
les plus dramatiques qu’ait eus à vivre l’armée d’Afrique. La
cavalerie indigène couvrit la colonne en avant. La brigade de Rigny,
avant-garde pendant la marche sur Constantine, joua le rôle d’arrière-garde.
Comme elle occupait le Coudiat-Ati, elle dut repasser le Rummel, et arriva au
plateau de Mansoura alors que le mouvement était commencé. En raison du
transport des blessés et des malades, le nombre des voitures fut insuffisant
: le génie dut abandonner son matériel ; en outre, une voiture chargée de
blessés ne put être attelée, faute de chevaux, et ses malheureux occupants
furent massacrés. Le
bataillon du 2e léger, aux ordres du commandant Changarnier, fermait la
marche. C’est à lui que revint la tâche difficile d’arrêter les hordes qui,
en pareil cas, harcèlent la colonne. Sa conduite fut héroïque : serré de
près, il se forma en carré sur l’ordre de son chef, laissa arriver les assaillants
à 25 pas, et ouvrit alors sur eux un feu meurtrier. De ce moment, Changarnier
devint légendaire dans l’armée d’Afrique. La
brigade de Rigny n’avait pas seulement à lutter sans répit, mais aussi à
recueillir traînards et éclopés semés par les diverses unités le long de la
route. Le 25 novembre, elle se trouva séparée de la colonne par des distances
parfois considérables ; obligée de s’arrêter pour combattre, elle risqua
d’être entourée par les Indigènes. Le général de Rigny ayant envoyé au
maréchal Clauzel des officiers qui ne purent le joindre, se porta lui-même en
avant ; il arriva irrité et échauffé vers son chef, et eut avec lui une
altercation publique qui occasionna par la suite les plus fâcheux démêlés. Changarnier
et Duvivier restèrent les héros de cette malheureuse expédition, par suite de
leur attitude pendant la retraite : « Dans un moment si grave et si
difficile, écrivit Clauzel au Ministre, M. le commandant Changarnier s’est
couvert de gloire et s’est attiré les regards et l’estime de toute l’armée...
Pendant toute la journée et celles qui suivirent, le bataillon du 2e léger
servit à l’arrière-garde avec la même distinction et fut vaillamment imité,
notamment au passage de la Seybouse, à Medjez- Amar, par le
lieutenant-colonel Duvivier, commandant le bataillon d’Afrique et la
compagnie franche de Bougie[126]. » Les
pertes subies par les troupes étaient, comme à la Macta, sensibles, mais
avaient moins d’importance que l’effet moral produit par l’échec sur les
Indigènes algériens, l’armée d’Afrique et l’opinion publique française. L’expédition
n’était cependant pas sans résultats pratiques. Elle avait permis de
reconnaître en détail la route et les abords de Constantine, et d’établir une
excellente base pour l’avenir à Guelma. Elle avait aussi permis aux troupes
d’éprouver leur force de résistance et leur courage, d’expérimenter la vie en
colonne par le mauvais temps. Dans
son rapport au Ministre du 1er décembre, Clauzel écrivait : « C’est une
grande satisfaction pour moi d’avoir à vous signaler le courage, la patience
et parfois la résignation de nos jeunes soldats. Au milieu de tant de
souffrances, de tant de fatigues et de dangers, ils n’ont pas proféré une
plainte, ils n’ont montré aucun découragement... Dans une situation comme
celle où s’est trouvée l’armée, il a fallu de la part de tous les officiers
une énergie et un courage à toute épreuve. Tous ont compris et rempli leurs
devoirs ; tous ont maintes fois payé de leur personne à la tête des troupes[127]. » La
période d’opérations actives marquée par les expéditions de Mascara et de
Tlemcen, par la défaite d’Abd el Kader à la Sikkak, et par la retraite de
Constantine, avait démontré la nécessité de constituer les colonnes de
soldats acclimatés et entraînés. La
légion étrangère, cédée à l’Espagne, avait été regrettée dès l'expédition de
Mascara. Aussi le Ministre avait-il jugé bon de faire décider, par
l’ordonnance du 16 décembre 1835, qu’une nouvelle légion composée d’étrangers
serait formée sous la même dénomination que l’ancienne. Le 1er bataillon de
ce corps devait seul être organisé de suite ; les autres ne devaient être
créés que successivement et si les besoins du service l’exigeaient. Toutes
les dispositions de l’ordonnance du 10 mars 1831 avaient été remises en
vigueur, afin d’organiser le bataillon sur le modèle des anciens[128]. Le
Ministre avait décidé que le bataillon se formerait à Pau[129]. Le choix de cette ville
pouvait permettre de constituer pour l’ex-légion, qui combattait vaillamment
en Espagne, une sorte de dépôt permettant de combler ses vides. Le bataillon
s’était recruté rapidement, si bien qu’au début de juin 1836 il était à peu
près formé. Le Ministre prit alors le 7 juin la décision suivante : « Pour
que rien ne puisse gêner la faculté, que doit toujours avoir le Gouvernement,
d’envoyer les hommes de la nouvelle légion étrangère partout où il le jugera
convenable, dorénavant les engagements souscrits par des étrangers pour
ladite légion contiendront une disposition additionnelle ainsi conçue : Le
contractant a promis également de suivre la légion, ou toute fraction de la
légion, partout où il contiendrait au Gouvernement de l’envoyer[130]. » Cette
prescription ne pouvait avoir d’effet rétroactif. Le Gouvernement, désireux
d’envoyer des renforts à l’ex-légion en Espagne, usa alors d’un moyen plus
habile que loyal : par ordonnance du 1er août 1836, il licencia six
compagnies, mais il décida de les réorganiser au fur et à mesure que le
nombre d’étrangers se présentant dans la légion le rendrait nécessaire[131] ! Les légionnaires qui
acceptèrent d’aller servir en Espagne formèrent un bataillon et furent ainsi
envoyés à l’ex-légion, en prenant son statut, hors de l’armée française[132]. Comme
le nombre des candidats à l’engagement accourus à Pau était considérable, les
six compagnies licenciées purent être reconstituées dès octobre 1836 ; puis,
deux autres ayant été recrutées, l’effectif du bataillon se trouva au complet
en novembre. Le bataillon, aux ordres du commandant Bedeau, était composé en
grande majorité de Hollandais, ayant bon esprit, mais trop enclins à deux
fautes qui se sont perpétuées depuis à la légion : la désertion et la vente
d’effets[133]. Il alla en décembre à Toulon
s’embarquer pour Alger, et reprendre au sein de l’armée d’Afrique les
traditions d’un corps qui devait y devenir glorieux entre tous. Les
militaires qui avaient été réunis à Pau en prévision d’un renforcement de
l’aide apportée au régime constitutionnel en Espagne donnèrent en outre
naissance à un nouveau corps : le bataillon de tirailleurs d’Afrique. Ce
bataillon fut créé par ordonnance du 28 octobre 1836, pour être employé dans
les possessions du nord de l’Afrique ; il comptait huit compagnies, une de
grenadiers, une de voltigeurs et six de fusiliers, soit en tout, avec
l’état-major et la section hors rang, 810 sous-officiers, caporaux et
soldats, et 8 enfants de troupe. Son uniforme et son armement étaient ceux
des régiments d’infanterie de ligne, « sauf que le schako était remplacé par
la casquette en usage dans tous les corps d’infanterie employés en Afrique,
et que le bouton à numéro était remplacé par un bouton de même forme, à
étoile, avec la légende : « Tirailleurs d’Afrique[134]. » Ce
bataillon a été, par suite de sa dénomination, confondu bien souvent avec
d’autres unités : soit avec les tirailleurs indigènes, quoiqu’il fût composé
d’Européens, soit avec les bataillons d’infanterie légère d’Afrique, dont il
était complètement différent. Il ne devait d’ailleurs pas avoir une longue
existence. La «
légion étrangère » et les « tirailleurs d’Afrique » allaient constituer des
corps spéciaux dont les expéditions de Clauzel et de Bugeaud avaient montré
le besoin. Ces
expéditions avaient puissamment aidé à former et à aguerrir les troupes qui y
avaient pris part. Elles avaient permis aux chefs et aux soldats de mieux
connaître le pays, le climat, les adversaires, et d’acquérir une expérience
pratique que nul enseignement théorique ne peut remplacer. Au cours des marches et combats sous la pluie, la neige ou le soleil, au hasard des bivouacs établis dans la boue ou sur le sol rocailleux, dans les camps où régiments français et contingents indigènes séjournaient côte à côte, s’étaient instruites et amalgamées des troupes qui commençaient, par leur adaptation aux conditions locales, à mériter leur nom d’« armée d’Afrique ». |
[1]
Le maréchal Ministre de la Guerre au maréchal comte Clauzel, gouverneur général
des possessions françaises du Nord de l’Afrique, de Paris, 17 juillet 1835
(minute).
[2]
Voir les détails de son entrée en fonctions dans : Général Paul Azan, Conquête
et Pacification de l'Algérie, pages 121-125.
[3]
Le maréchal Clauzel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 27 septembre 1835.
[4]
Duc d’Orléans, Campagnes de l’armée d’Afrique, 1835-1839, pages 38-39.
[5]
Mémoires du général Changarnier, publiés par Henry d’Estre, Paris, 1930,
page 19.
[6]
Mémoires du général Changarnier, publiés par Henry d’Estre, Paris, 1930,
page 39.
[7]
Le maréchal Clauzel, gouverneur général des possessions françaises dans le Nord
de l’Afrique, au maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, d’Alger, 22
août 1835 (original).
[8]
Promulguée au Moniteur Universel du 5 juillet 1835.
[9]
Voir : Capitaine Paul Azan, La Légion étrangère en Espagne, 1835-1839,
Paris, 1907.
[10]
Journal militaire, 1835, n° 19, page 252.
[11]
Général J. Bernelle et Auguste de Colleville, Histoire de l'ancienne légion
étrangère, Paris, 1850, page 87.
[12]
Le capitaine de zouaves Demoyen au lieutenant-colonel Duvivier, 55, rue Saint-
Dominique Saint-Germain, à Paris, d’Alger, 17 juillet 1835 (original).
[13]
Le lieutenant-général baron Rapatel, commandant les troupes à Alger, au colonel
Bernelle, commandant la légion, d’Alger, 17 juillet 1835.
[14]
Le Gouverneur général au Ministre de la Guerre, d’Alger, 18 juillet 1835.
[15]
Bernelle et Colleville, Histoire de l'ancienne légion étrangère, Paris,
1850, pages 88-89.
[16]
Bernelle et Colleville, Histoire de l'ancienne légion étrangère, Paris,
1850, pages 180 à 184.
[17]
Bernelle et Colleville, Histoire de l'ancienne légion étrangère, Paris,
1850, pages 91-92.
[18]
Voir : Capitaine Paul Azan, La légion étrangère en Espagne, (1835-1839),
Paris, 1907.
[19]
Le maréchal de camp d’Arlanges au général de Castellane, d’Oran, 2 septembre
1835. Campagnes d’Afrique, 1835-1848, pages 5 et 6.
[20]
Ordre général n° 6, d’Oran, 23 novembre 1835 (original).
[21]
Le maréchal Clauzel au maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, d’Alger,
12 novembre 1835 (original).
[22]
Le maréchal Clauzel au maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, d’Alger,
13 novembre 1835 (original).
[23]
Le lieutenant-colonel vicomte Maison au maréchal marquis Maison, ministre de la
Guerre, d’Alger, 13 novembre 1835 (original).
[24]
Le capitaine Carbuccia au lieutenant-colonel Duvivier, d’Alger, 19 novembre
1835, (original).
[25]
Le capitaine d’Elchingen à la duchesse d’Elchingen, d’Alger, 12 novembre 1835
(original). Archives La Moskowa.
[26]
Le lieutenant-colonel vicomte Maison au maréchal marquis Maison, ministre de la
Guerre, d’Alger, 13 novembre 1835 (original).
[27]
Le chef de bataillon de la Moricière à un général, d’Oran, 22 novembre 1835
(original).
[28]
Ordre général, Oran, 21 novembre 1835 (original).
[29]
Maréchal Canrobert, Souvenirs d'un siècle, Paris, Plon, tome I, 1898,
page 222.
[30]
Blanc, Souvenirs d'un vieux zouave, 2e édition, 1880, tome I, page 39.
[31]
Ordre général, n° 10, Oran, 24 novembre 1835 (original).
[32]
Note du conseiller d’État Martineau en date du 18 novembre 1835, au directeur
du personnel et des opérations militaires (original).
[33]
Le chef de bataillon de la Moricière au lieutenant-général Rapatel, d’Oran, 22
novembre 1835 (original).
[34]
Le maréchal de camp marquis Oudinot, commandant la 1re brigade, au maréchal
Clauzel, d’Oran, 23 novembre 1835 (original).
[35]
Le général marquis Oudinot au maréchal Clauzel, du camp du Sig, 1er décembre
1835, 11 h. ½ du soir (original).
[36]
Le colonel (Leroy) Duverger, chef de l’état-major de l’armée d’Afrique, au
général d'Arlanges, commandant à Oran, d’Oran, 31 décembre 1835 (original).
[37]
Le chef de bataillon de la Moricière au lieutenant-général Rapatel, d’Oran, 26
novembre 1835 (original).
[38]
Le maréchal Clauzel au Ministre de la Guerre, 28 novembre 1835 (dépêche
télégraphique de Toulon).
[39]
Le maréchal Clauzel au maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, de
Mostaganem, 14 décembre 1835 (original), page 6.
[40]
Le maréchal Clauzel au maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, de
Mostaganem, 14 décembre 1835 (original), page 12.
[41]
Le maréchal Clauzel au maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, de
Mostaganem, 14 décembre 1835 (original), page 19.
[42]
Capitaine Blanc, Récits d'un officier de l'armée d’Afrique, Paris, 1893,
pages 18-19.
[43]
Capitaine Blanc, Souvenirs d'un vieux zouave, 2e édition, 1880, pages
57-58.
[44]
Capitaine Blanc, Récits d'un officier de l'armée d'Afrique, 1893, page
11.
[45]
Maréchal Canrobert, Souvenirs d'un siècle, édités par Germain Bapst,
Paris, 1913, tome I, page 219.
[46]
Duc d’Orléans, Récits de campagne, 2e édition, Paris, 1890, page 29.
[47]
Le capitaine Forey, du 2e léger, au général de Castellane, 9 décembre 1835.
Cam- pages d'Afrique, 1835-1848. Lettres adressées au maréchal de Castellane,
Paris, 1898, page 31.
[48]
Le capitaine Forey, du 2e léger, au général de Castellane, 9 décembre 1835.
Cam- pages d'Afrique, 1835-1848. Lettres adressées au maréchal de Castellane,
Paris, 1898, pages 24-25.
[49]
Le maréchal Clauzel au maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, de
Mostaganem, 14 décembre 1835 (original), page 33.
[50]
Duc d’Orléans, Campagnes de l'armée d'Afrique, 1835-1839, Paris, Michel
Lévy, 1870, page 69.
[51]
Blanc, Souvenirs d'un vieux zouave, 2e édition, 1880, tome I, pages
60-62.
[52]
Blanc, Souvenirs d'un vieux zouave, 2e édition, 1880, tome I, pages
60-62.
[53]
Le colonel de Gouy, commandant le 2e chasseurs d’Afrique, au général baron
Marbot, commandant la 1re brigade, de Mostaganem, 13 décembre 1835 (original).
[54]
Le maréchal Clauzel au maréchal marquis Maison, d’Alger, 27 décembre 1835.
Fac-similé dans : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie,
page 131.
[55]
Blanc, Souvenirs d’un vieux zouave, 2e édition, 1880, tome I, pages 35 à
38.
[56]
Maréchal Canrobert, Souvenirs d'un siècle, Paris, Plon, tome I, 1898,
page 215.
[57]
Maréchal Canrobert, Souvenirs d'un siècle, Paris, Plon, tome I, 1898,
page 231.
[58]
Duc d’Orléans, Récits de campagne, 1833-1841, 2e édition, Paris, 1890,
page 9.
[59]
Maréchal Canrobert, Souvenirs d'un siècle, Paris, tome I, 1898, page
216.
[60]
Le maréchal Clauzel au maréchal Ministre de la Guerre, de Tlemcen, 23 janvier
1836 (original).
[61]
Le maréchal Clauzel au maréchal Ministre de la Guerre, de Tlemcen, 23 janvier
1836 (original).
[62]
Cet officier a eu comme signatures successives : baron E. de Richepance, et E.
Richepance. Son dossier aux Archives du Ministère de la Guerre porte bien :
baron de Richepance.
[63]
Le maréchal Clauzel au maréchal Ministre de la Guerre, de Tlemcen, 23 janvier
1836 (original).
[64]
Le maréchal Clauzel au maréchal Ministre de la Guerre, de Tlemcen, 23 janvier
1836 (original).
[65]
Ordre général n° 64 du maréchal Clauzel, de Tlemcen, 29 janvier 1836
(original).
[66]
Le Prévôt de gendarmerie au colonel (Leroy) Duverger, chef d’état-major de
l’armée, à Tlemcen. Rapport du 29 au 30 janvier 1836 (original).
[67]
Ordre général n° 66, de Tlemcen, 30 janvier 1836 (original).
[68]
Le Prévôt de gendarmerie au colonel (Leroy) Duverger, chef d’état-major de
l’armée, à Tlemcen. Rapport du 29 au 30 janvier 1836 (original).
[69]
Le Prévôt de gendarmerie au colonel (Leroy) Duverger. Rapport du 31 janvier au
1er février 1836 (original).
[70]
Le « Juif du Maréchal » était son interprète, le Juif Lasry, d’Oran.
[71]
Le capitaine A. de la Tour du Pin au lieutenant-colonel Duvivier, commandant
les spahis à Bône, d’Alger, 25 février 1836 (original).
[72]
Ordre général n° 68, du 1er février 1836, Tlemcen (copie).
[73]
Capitaine de Mont Rond, Histoire de la conquête de l‘Algérie de 1830 à 1847,
Paris, 1847, tome I, page 272.
[74]
Instruction pour M. le capitaine Cavaignac, par le maréchal Clauzel, Tlemcen,
février 1836 (copie).
[75]
Duc d’Orléans, Campagnes de l'armée d’Afrique, 1835-1839, page 289.
[76]
Maréchal Canrobert, Souvenirs d’un siècle, tome I, page 261.
[77]
Le maréchal Maison, ministre de la Guerre, au maréchal Clauzel, de Paris, 30
novembre 1835 (original).
[78]
Journal militaire officiel, année 1835, n° 41, 2e semestre, page 413.
Ordonnance du Roi portant organisation du corps de zouaves à deux bataillons,
25 décembre 1835.
[79]
Le capitaine A. de la Tour du Pin au lieutenant-colonel Duvivier, commandant
les spahis à Bône, d’Alger, 25 février 1836 (original).
[80]
Le maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, au Gouverneur général des
possessions françaises dans le Nord de l’Afrique, de Paris, 16 février 1836
(original).
[81]
Le maréchal de camp d’Arlanges, commandant à Oran, au lieutenant général
Rapatel, d’Oran, 19 mars 1836 (original), et état joint.
[82]
Le général Perrégaux au maréchal Clauzel, d’Oran, 31 décembre 1835 (original).
— Le colonel de Gouy au général Perrégaux, sans date (original, joint à la
lettre précédente).
[83]
Le maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, au maréchal Clauzel,
gouverneur général, de Paris, 24 mars 1836 (original).
[84]
Observations sur les bataillons d’Afrique adressées au lieutenant général baron
Rapatel, par le chef de bataillon Montréal, Douèra, 10 janvier 1836 (original).
[85]
Le chef de bataillon Menonville au colonel Barthélemy, de Mostaganem, 16 juin
1836 (original).
[86]
Le chef de bataillon, Menonville à un général, de Mostaganem, 17 juin 1836
(original).
[87]
Justine Pellat est appelée par erreur Justine Pilu dans certains documents, par
exemple dans la correspondance du consul général Méchain. Son mari,
Claude-Napoléon Pellat, né à Grenoble le 5 mai 1806, était fusilier au 66e de
ligne en 1835.
[88]
Le consul général Méchain au lieutenant général commandant la province et la
place d’Oran, de Tanger, 25 janvier 1836 (original).
[89]
Le consul général Méchain au maréchal de camp d'Arlanges, commandant la
division d’Oran, de Tanger, 20 avril 1836 (original).
[90]
Thiers, ministre des Affaires Étrangères, au Ministre de la Guerre, de Paris, 2
mai et 9 mai 1836 (originaux).
[91]
Le maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, au maréchal comte Clauzel,
gouverneur général, de Paris, 2 février 1836 (original).
[92]
Le Ministre de la Guerre au lieutenant-colonel d’état-major de la Ruë, de
Paris, 23 février 1836 (minute).
[93]
Le maréchal Clauzel au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, 29 février 1836
(original).
[94]
Le maréchal Clauzel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 6 mars 1836. Dépêche
télégraphique et lettre originale comme duplicata.
[95]
Le maréchal Clauzel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 7 mars 1836 (original).
[96]
Le maréchal marquis Maison au maréchal Clauzel, de Paris, 5 mars 1836 (copie).
[97]
Le maréchal Clauzel, gouverneur général, au maréchal Ministre de la Guerre,
d’Alger, 9 mars 1836 (original).
[98]
Le lieutenant général baron Rapatel, commandant les troupes en Afrique, au
maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, d’Alger, 22 avril 1836
(original).
[99]
Aperçu de la situation politique, commerciale et industrielle des
possessions françaises dans le nord de l'Afrique, au commencement de 1836,
par L. B., Alger, avril 1836.
[100]
Aperçu de la situation politique..., par L. B., Alger, pages 62-63.
[101]
Voir : Général Paul Azan, Conquête et pacification de l'Algérie, pages
137-140.
[102]
Général du Barail, Mes Souvenirs, tome I, page 15.
[103]
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel, commandant les troupes à Alger, de
Paris, 23 mai 1836 (minute).
[104]
Le général Bugeaud au général d’Arlanges, du camp de la Tafna, 11 juin 1836
(original).
[105]
Le maréchal de camp d’Arlanges au Ministre de la Guerre, d’Oran, 18 juin 1836
(original).
[106]
Comte H. d’Ideville, Le maréchal Bugeaud, tome II, Paris, 1882, pages
17-18.
[107]
L’intervention de Bugeaud en ces circonstances est exposée en détail dans :
Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, pages 145 à
153.
[108]
Le général Bugeaud au maréchal Ministre de la Guerre, lettre-journal de
Tlemcen, 24 juin 1846, et Rachgoun, 29 juin (original), pages 9-10.
[109]
Le maréchal de camp d’Uzer au lieutenant général Rapatel, commandant les
troupes de la Régence, de Bône, 25 novembre 1835 (original).
[110]
Le maréchal Clauzel au lieutenant-colonel Duvivier, d’Alger, 12 novembre 1835
(original).
[111]
Le maréchal de camp d’Uzer, commandant supérieur, au lieutenant-colonel
Duvivier, commandant les spahis réguliers et auxiliaires à Bône, de Bône, 18
novembre 1835 (original).
[112]
Le maréchal de camp d’Uzer au lieutenant général baron Rapatel, de Bône, 25
novembre 1835 (original).
[113]
Le lieutenant-colonel Duvivier, commandant les spahis, Bône, 1er décembre 1835
(copie jointe à la lettre du Ministre à Clauzel du 4 février 1836).
[114]
Le lieutenant-colonel Duvivier au maréchal comte Clauzel, de Bône, 15 décembre
1835 (original). D’Uzer lui retourna cette lettre en le priant de la rédiger à
l’adresse du lieutenant général Rapatel, à qui il la transmettrait.
[115]
Le maréchal de camp d’Uzer au lieutenant général baron Rapatel, de Bône, 15
décembre 1835 (original).
[116]
Le lieutenant-colonel Duvivier, commandant les spahis, au maréchal comte
Clauzel, de Bône, 31 janvier 1836 (original).
[117]
Le maréchal marquis Maison, ministre de la Guerre, au maréchal comte Clauzel,
gouverneur général des possessions françaises dans le Nord de l’Afrique, de
Paris, 4 février 1836 (original).
[118]
Le général d’Uzer au baron Rapatel, de Bône, 1er février 1836 (original).
[119]
Le Ministre de la Guerre au maréchal Clauzel, de Paris, 15 mars 1836
(original).
[120]
Le capitaine A. de la Tour du Pin au lieutenant-colonel Duvivier, commandant
les spahis à Bône, d’Alger, 25 février 1836 (original).
[121]
Séance du conseil d’administration du corps de spahis réguliers, Alger, 1er
septembre 1836, reddition de comptes (original).
[122]
Ordre général n° 223, Alger, 1er septembre 1836 (ampliation).
[123]
Un officier au lieutenant-colonel Duvivier, commandant les spahis réguliers à
Alger, de Bône, 31 mai 1836 (original).
[124]
Général du Barail, Mes Souvenirs, tome Ier, page 55.
[125]
Voir : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, pages
153-158.
[126]
Le maréchal Clauzel, gouverneur général, au Ministre de la Guerre, de Bône, 1er
décembre 1836 (original).
[127]
Le maréchal Clauzel, gouverneur général, au Ministre de la Guerre, de Bône, 1er
décembre 1836 (original).
[128]
Journal militaire officiel, 1835, n° 39, 2e semestre, page 367.
Ordonnance du Roi qui prescrit la formation d’une nouvelle Légion composée
d’étrangers, sous la dénomination de Légion étrangère, Paris, 16 décembre 1835.
[129]
Journal militaire officiel, 1836, n° 1, page 8. Exécution de
l’ordonnance qui prescrit la formation d’une nouvelle Légion composée
d’étrangers. Paris, 2 janvier 1836. (Circulaire de la Direction du Personnel et
des Opérations militaires).
[130]
Journal militaire officiel, 1836, n° 16, 1er semestre, page 417.
Décision ministérielle relative aux engagements volontaires pour la Légion
étrangère, Paris, 7 juin 1836. (Circulaire de la Direction du Personnel).
[131]
Journal militaire officiel, 1836, n° 24, 2e semestre, page 113.
Ordonnance du Roi qui licencie six compagnies du bataillon de la Légion
étrangère, formées en vertu de l’ordonnance du 16 décembre 1835. Paris, 1er
août 1836.
[132]
Capitaine Paul Azan, La légion étrangère en Espagne (1835-1839), pages
203-214.
[133]
Remarques du général Harispe, inspecteur général. Grisot et Coulombon, La
légion étrangère, Paris, 1888, page 49.
[134]
Journal militaire officiel, année 1836, n° 31, 2e semestre, pages 351 et
suivantes. Ordonnance du Roi qui prescrit l’organisation d’un nouveau corps,
sous la dénomination de bataillon de Tirailleurs d’Afrique.