RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

TOME TROISIÈME. — ADMINISTRATION GÉNÉRALE (SUITE).

LA JUSTICE.

CHAPITRE PREMIER. — PARLEMENTS DE PARIS ET DE PROVINCE.

 

 

Leurs membres ; autorité, attributions, immunités. — Devoirs et obligations. — Gages des magistrats ; prix des offices. — Position sociale, la noblesse de robe. — Nominations et réceptions. — Examens, leur peu de valeur. — Hiérarchie judiciaire ; préséance des membres d'un parlement entre eux ; le chancelier. — Ressort des Cours ; créations d'offices nouveaux. — Audiences et vacations ; les palais de justice centres de vie locale. — Esprit judiciaire ; l'égalité devant la loi. — Relations avec le Roi et le ministère.

 

Juger, en France, jusqu'à Richelieu, c'était aussi administrer et presque légiférer. Exerçant à des degrés divers le triple pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, soit qu'ils en fussent régulièrement investis, soit qu'ils l'aient usurpé, les juges gouvernaient le pays. Cette confusion, contraire au bon ordre moderne, était le fondement d'une certaine liberté politique et civile. Des magistrats ne gouvernent pas de la même façon que des fonctionnaires, surtout si ces magistrats sont sans exception, inamovibles, et presque tous héréditaires. L'absolutisme trouve quelque sorte de correctif dans sa durée même ; les traditions du corps formaient un contrepoids permanent à l'extrême autorité du juge. Cette autorité à son tour balançait naturellement l'arbitraire royal. De tout cela résultait la monarchie tempérée que nous avons décrite.

En étudiant la part de collaboration des Cours souveraines à la confection de la loi, l'histoire s'est trop préoccupée de certains édits politiques ou fiscaux que les ministres tenaient absolument à faire passer ; ce sont là les conflits, et en cas de conflit le souverain avait presque toujours le dernier mot. Mais, si l'on recherchait une à une la masse des ordonnances, déclarations et autres décisions royales, et que l'on vit ce qu'en pratique elles étaient devenues, on s'apercevrait que les parlements amendaient, abrogeaient et interprétaient à leur guise, sans que le pouvoir central intervint, soit qu'il l'ignorât, soit qu'il laissât faire. Aussi faut-il, pour parler de l'état légal du pays, savoir, non pas la loi, mais la jurisprudence. Grande difficulté, parce que si la loi est simple et générale, l'usage est multiple et changeant. Les lois n'étaient pas toutes appliquées ; celles qui l'étaient ne l'étaient pas partout, ni dans leur entier. On observait tel article et non tel autre. Par contre, des usages qui n'étaient codifiés nulle part, avaient force de loi en beaucoup de tribunaux. Comme il n'était pas d'endroit où la justice ne pénétrât, pas de choses dont elle ne se mêlât, pas de gens sur lesquels elle ne prétendît avoir juridiction, elle remplissait le rôle de ce qu'on nomme : l'Administration[1].

Ainsi      l'officier de justice d'autrefois, depuis nos seigneurs du parlement de Paris, jusqu'au bailli seigneurial enfoncé dans les boues du plus modeste village, ne ressemble guère que par la robe au magistrat actuel, dépouillé par l'institution du jury de la justice criminelle, étroitement borné en matière civile par des textes précis, dépendant d'un ministre qui distribue l'avancement, et, s'il appartient aux parquets, simple agent soumis aux fluctuations des partis. L'œuvre de la monarchie absolue consista à retirer aux juges presque tout pouvoir législatif, pour le maintenir au Roi seul, et à les dépouiller de l'autorité administrative pour la confier à des serviteurs amovibles : les intendants. Quant aux attributions judiciaires, Richelieu, sans porter la main sur l'organisation existante, créa une justice à côté : les commissaires. Par cette révolution peu bruyante mais très-profonde, le pouvoir royal, sans se modifier dans la forme, se trouva au fond tout autre...

Malgré les imperfections de sa procédure, l'exagération de ses châtiments, l'impuissance de sa police et l'anarchie de ses juridictions, la haute magistrature s'offre à nos veux, au dix-septième siècle, avec une dignité qui commande le respect. Les hommes qui la composent ont un vif sentiment de la sainteté de leur profession. Il s'en faut peu que la religion et la justice n'aillent de pair, et que la magistrature ne consacre les hommes comme la prêtrise. L'homme de robe ne saurait guère danser au bal, paraitre aux théâtres, renoncer aux habits simples et modestes, sans consentir à son propre avilissement. La soutane qu'il porte est celle du clergé, avec cette nuance que souvent le clergé la délaisse, tandis que le plus frivole des jeunes conseillers ne peut s'en affranchir. Qu'il soit de robe longue ou courte, tout autre costume est pour lui indécent[2]. Le bon magistrat doit être intègre et sobre[3], ne point jouer ni chasser, n'être ni parfumé ni teint, ne point rire d'une manière immodérée, ne point parler de choses légères. Il est impossible d'ailleurs, conclut celui qui trace ces préceptes, de trouver un parfait magistrat. Néanmoins plus d'un personnage ressemble au modèle, et monte à son siège comme à un autel.

En retour de tout ce qu'on exige d'eux, les membres du Parlement jouissent d'une situation hors de pair : Commis par le loi, dit au Dauphin le premier président de Rouen, et assis en son lieu pour exercer sa principale fonction, qui est de rendre la justice, nous portons ses robes, ses manteaux et ses mortiers, habillements et couronnes des anciens rois ; nous séons en ces places si respectées que les princes du sang même, enfants des souverains dont nous sommes les très-humbles sujets, nous les cèdent par honneur... Ceux qui prononcent les arrêts sont assis au-dessous de l'image de Dieu[4]. Ils sont inviolables ; leurs actes font preuve ; ils s'anoblissent eux et leurs familles par leurs charges ; ils ne peuvent être jugés que par leurs pairs. A Aix ceux du Parlement sont respectés comme des Rois ; selon l'ancienne coutume qu'ils conservent de se faire conduire au palais par leurs clients, tel conseiller sera parfois accompagné de cinq à six cents personnes. A Dijon, les magistrats sont qualifiés dans les actes d'État civil de hauts et puissants seigneurs. Les présidents, en voyage, sont complimentés par les corps de judicature partout où ils s'arrêtent ; les simples conseillers sont salués par les autorités locales, on leur offre le pain et le vin d'honneur. Quant à Monsieur le premier qui tient dans la province le timon de la justice, c'est tambour battant et enseignes déployées que les jeunes gens vont au-devant de lui, c'est au bruit des canonnades, et en passant sous des arcs de triomphe à ses armes, qu'il se rend à son hôtel. Et ces honneurs qui l'accueillent à son arrivée dans sa capitale, lorsqu'il vient prendre possession de son poste, se renouvellent, quoique avec moins de pompe, lorsqu'il revient après une absence un peu longue ; on lui fait la petite entrée[5].

Pécuniairement la situation était moins brillante ; les charges coûtaient cher et les gages étaient modestes. Comparons le capital représenté par les offices aux appointements, pensions, profits directs ou indirects qu'on en retirait, nous verrons qu'ils ne rapportent pas plus de 5 à 6 pour 100 dans les parlements ; par conséquent le magistrat n'était pour ainsi dire pas payé, puisque s'il était rentré dans la vie privée, le prix de vente de sa charge lui eût procuré le même revenu qu'auparavant. Une place de conseiller au Parlement qui valait 40.000 écus en 1635, et 55.000 vers 1656, était de 2.000 livres d'appointements ; la même place en province achetée 30.000 à 50.000 livres ne donnait que 1.000 à 1.200 livres de gages, quelquefois moins : les conseillers d'Aix n'ont que 600 livres par an[6]. A ce principal s'ajoutent il est vrai des accessoires : les épices dont nous parlerons plus loin, l'exemption des tailles et parfois de tous impôts[7], la dispense du logement des gens de guerre, de la garde des portes ; le sel au rabais, quelques meubles et vêtements fournis chaque année par l'État, la jouissance de la buvette du palais, restaurant gratuit, que les conseillers ruinés n'ayant plus d'autre ordinaire que celui-là, font tenir sur un bon pied[8]. Les présidents reçoivent en outre des pensions sur le trésor royal, le traitement de conseiller d'État (2.000) et des gratifications pour leur faciliter les moyens de tenir leur rang. Le premier président, à Paris, touche ainsi une vingtaine de mille livres par an, les avocats généraux 5.000, le procureur général 4.000. Mais que l'on rapproche de ces chiffres le prix qu'ils ont payé leurs charges : des 2, 3 et 400.000 livres, et les dépenses auxquelles ils sont astreints, ils font un marché médiocre. Au dernier voyage que j'ai fait à Metz, écrit le P. P. Le Jay à Richelieu, j'ai avancé et fourni 32.000 livres ; juste ce qu'il a reçu depuis deux ans qu'il est en fonction.

Les menues indemnités qu'on leur alloue — à Gassion, président de chambre en Béarn, 100 livres pour s'acheter une robe rouge — ne les enrichissent pas[9]. Il faut que le fils d'un commerçant ait hérité 100.000 écus de bien, au moins, pour oser acquérir une charge de conseiller, et y subsister avec honneur. Si Nos Seigneurs, comme dit une satire de la Fronde, ne vont plus au palais :

Comme au temps passé sur des mules,

Avec un clerc, et sans laquais...

si, dès le début du ministère de Richelieu, il n'y a juge qui n'ait sa porte cochère, un on deux carrosses, six chevaux à l'écurie, doubles palefreniers, quatre laquais, deux valets de chambre, outre le train de Mademoiselle (sa femme) qui est égal ; ce n'est pas que les emplois judiciaires soient devenus plus lucratifs qu'ils ne l'étaient jadis, c'est que leur obtention à prix d'or est le but de presque tous les détenteurs roturiers de la fortune publique[10]. Les Parlements, sauf celui d'Aix, où figurent les grands noms de Provence, les Forbin, Grimaldi, Foresta, Villeneuve, Coriolis, Sabran, etc., et celui de Rennes, où les plus vieilles races du pays étaient représentées, et où l'égalité entre la toge et les armes avait existé dès le début, les Parlements se composaient exclusivement des familles de haute bourgeoisie : Faucon de Ris à Rouen, de Gourgues à Bordeaux, Le Goux de La Berchère à Dijon, Frère à Grenoble, Le Mazuyer à Toulouse, et les autres premiers présidents appartenaient tous à ces couches supérieures du tiers état qui gouvernèrent pendant deux siècles[11].

Noblesse de robe, très-accessible et plus élastique que la noblesse militaire. Cette caste nouvelle ne se recrutait — c'était son défaut — que de familles ayant fait dans la richesse ou l'aisance un stage d'une génération au moins ; elle n'acceptait qu'avec une extrême répugnance un ancien marchand, et repoussait tout net les fils de personnes viles et abjectes comme sergents, boucliers ou ravaudeurs, quoique plusieurs papes et empereurs, remarque gravement un magistrat du temps, n'aient pas été de meilleure extraction. Socialement parlant, les gens de robe formaient un monde à part, supérieur à la ville, inférieur à la cour, où du reste ils ne tiennent pas plus à aller qu'on ne désire les y voir. Courtisans et parlementaires ont peu de contact ; dans les rares occasions où ils se rencontrent, au bal chez le chancelier par exemple, ces derniers sont mal à l'aise ; leurs femmes, par l'absence de ce je ne sais quoi de grâce et d'entregent que donne le grand monde, par l'air et par l'allure seraient prises volontiers pour les filles de chambre des dames de la cour[12].

Deux abus monstrueux en eux-mêmes : la vénalité des charges d'abord, leur hérédité ensuite, firent la force et la grandeur des corps judiciaires pendant deux cents ans. Nous avons dit ce que nous pensions de la vénalité ; il est certain que durant cent ans — de 1515 à 1615 — elle fut honnie ; le roi qui l'inventa, François Ier, se défendait toujours de vendre les offices ; c'était, disait-il, un prêt qu'on lui faisait, et qu'il rembourserait plus tard. Le remboursement ne fut opéré qu'en 1790. Par la Paulette, déclarait Richelieu, la justice est faite domaniale à des personnes particulières, la porte de la judicature est ouverte à des enfants desquels nos vies et nos biens dépendent[13]. Ici la moralité des hommes tempéra le vice de l'institution, contrairement à ce qui a pu se passer en d'autres temps sous des institutions plus parfaites ; l'esprit traditionnel, la force de la durée, furent assez puissants pour compenser dans la magistrature ainsi constituée l'anomalie de sa base. Bien que les charges judiciaires fussent vénales, en fait il y en avait très-peu sur le marché[14]. Une fois entrées dans le patrimoine de certaines races elles n'en sortaient guère, comme ces valeurs rares, classées dans des portefeuilles opulents, sur lesquelles il n'est pas souvent donné au public de mettre la main. Le fils succédait au père, le neveu à l'oncle, le gendre à son beau-père. Le Parlement devient une vaste famille ; trois ou quatre frères y siègent ensemble dans la même chambre et des parents de tout degré à l'infini. C'était un inconvénient : la loi sur les incompatibilités ne fut jamais observée. De plus il est hors de doute que l'on entrait trop jeune au prétoire, et que l'on en sortait trop vieux. Sans cesse des lettres patentes autorisent un père à continuer gratuitement ses fonctions, nonobstant la résignation par lui faite à son fils, à la condition qu'ils ne pourront opiner concurremment dans la même affaire. La Compagnie dut inviter un conseiller à se reposer, ne pouvant souffrir sa décrépitude, laquelle donnait occasion aux Parisiens de dire que ledit sieur, son clerc et sa mule avaient deux cents ans, tant tous étaient vieux[15]. Mais il était de bons côtés ; ces gens-là se tenaient fortement liés, le gouvernement ne les entamait pas à son gré ; les cours souveraines, entre ces générations qui se substituent si doucement les unes aux autres, prennent le goût d'une stabilité quasi perpétuelle qui ne messied pas à la justice.

L'examen auquel étaient soumis les fils de juges reçus en survivance, aussi bien que les acquéreurs étrangers, était, il faut en convenir, une chose tout à fait nulle. Déjà l'Hôpital remarquait que l'on n'interrogeait que sur des choses triviales. On faisait mainte plaisanterie au sujet de ces examens ; l'un fut reçu, dit-on, grâce à ce seul vocable : Quanquam, qu'on lui avait appris, l'autre dut son succès à l'emploi judicieux du mot distinguo. Bien qu'il fallût répondre en latin, bien que l'on pût être interrogé sur une foule de matières à la fortuite ouverture du livre sur chaque volume du droit, le candidat pipe assez ordinairement la loi, c'est-à-dire qu'il choisit en présence de M. le Premier président celle sur qui il paraît tomber par hasard[16]. La satire s'applique assez bien aux membres des tribunaux inférieurs, médiocrement instruits pour la plupart ; mais elle n'atteint pas la haute magistrature, peuplée de personnages dont l'érudition aussi profonde qu'étendue, attestée par si grand nombre de travaux, défie presque l'émulation de leurs modernes successeurs. Jamais on n'était refusé pour incapacité — on n'en trouverait pas trois exemples sous Louis XIII — mais on l'était parfois pour défaut de moralité ou d'âge. On se moqua beaucoup des trop jeunes conseillers, nommés au Parlement de Metz lors de sa création (1633). Jodelet, l'acteur du Marais, vendit des barbes à leur usage à la grande joie de la galerie. L'opinion exige que l'on ait fait quelque temps fonction d'avocat, porté la robe au palais, avant d'être admis à un office, comme elle tient à ce qu'on ait manié le mousquet comme volontaire, avant de commander une compagnie. Avocat vingt et un ans, d'Expilly est substitut à vingt-quatre, procureur général à la Chambre des comptes de Dauphiné à trente-quatre ans. Il devient avocat général à quarante ans au Parlement de cette province, et président à cinquante-six ans. C'est le type d'une belle carrière d'homme nouveau. L'héritier d'une grande charge est mis en possession beaucoup plus jeune, mais jamais absolument novice. Un président à mortier demande, à titre de faveur, de résigner à son fils, qui a huit ans de service comme conseiller. En principe, il fallait dix ans d'exercice avant de prétendre à une présidence. Quand le Roi, pour les seules places dont il disposât : les premières présidences, violait cette règle, la compagnie refusait carrément de recevoir un chef qui ne lui semblait pas être encore digne d'elle[17].

Les premiers présidents, en effet, étaient les seuls magistrats nommés par le Roi. L'usage autorisait quelques cours à dresser une liste de trois noms[18], mais pour la plupart des ressorts, pour Paris notamment, le ministère désignait à sa guise. La politique et les influences jouaient naturellement grand rôle dans ces nominations, niais on comptait avec l'opinion publique. On ne pouvait confier au premier venu le soin de diriger une assemblée de juges héréditaires, à laquelle obéissait une province. Plus le poste est grand, plus est restreint le nombre des candidats possibles. Quelle affaire que de choisir le P. P. du Parlement de Paris ; il faut contenter le barreau, le parquet, les anciens collègues, les gens de lettres, la ville et la cour ! Celui-ci est d'entière probité, cet autre d'éminent savoir, celui-là a bruit d'être de très-bon sens, mais non de grande littérature. Comme ces premiers de cours souveraines, quoique représentants de la volonté royale sont inamovibles — on ne citerait en plusieurs siècles que trois ou quatre premiers présidents interdits de leur fonction[19], — ils n'ont pas de peine à reprendre, une fois installés, la portion de leur indépendance qu'ils avaient peut-être aliénée pour parvenir. L'histoire de leurs rapports avec le gouvernement le prouve assez[20]

Quant à ceux qu'on nommait les gens du Roi : les deux avocats généraux, et un peu au-dessous d'eux le procureur général, leur élévation toute récente — un siècle avant, le greffier en chef les précédait encore aux cérémonies publiques — ne va pas jusqu'à les mettre sur la même ligne que les présidents aux enquêtes ou requêtes, lesquels ne sont eux-mêmes rien de plus, comme rang, que les conseillers de la grand'chambre. Souvent rivaux, en tout cas indépendants les uns des autres : procureur général pour la plume, avocats généraux pour la parole, les membres des parquets d'alors ne ressemblent en rien à la magistrature dite debout, et effectivement peu stable d'aujourd'hui. Ils sont propriétaires de leurs charges comme leurs collègues assis, et, comme les avocats ordinaires, plaident si bon leur semble pour les particuliers[21]. Quoique le premier avocat général passe pour le maitre du parquet, la charte des gens du Roi est que quand l'un d'eux parle, ses collègues se lèvent en même temps que lui, et se découvrent avec lui, pour marquer que sou avis doit être regardé comme leur avis commun[22].

L'autorité des parlements est collective, non individuelle ; la conduite des affaires appartient à la communauté. Ces premiers présidents qui vont par la ville en robe rouge, s'agenouillent à l'église sur un coussin d'écarlate, et font placer après eux, en séance, les fils du Roi eux-mêmes, écrivent à leurs collègues en corps : Messeigneurs, ou Nos très-honorés seigneurs et frères, tandis que le Parlement leur répond : Monsieur ou Notre très-cher sieur et frère[23]. C'est le Parlement en effet : les fiers présidents à mortier dont on prend l'avis tête nue[24], les respectables conseillers de la grand'chambre à laquelle les autres doivent porter révérence et honneur, les maîtres des requêtes inspecteurs des justices secondaires, les ardents et jeunes membres des enquêtes, qui possèdent en commun cette juridiction, contestée peut-être, mais si vaste, dont jouit la cour souveraine[25]

Le chancelier, premier magistrat du royaume, n'eût jamais pensé gouverner ses confrères[26], comme un ministre de la justice, depuis le premier Empire, mène son personnel. Duvair et Marillac prient les parlements de Rouen et d'Aix de les assister de leurs sages avis et conseils ; ce sont des rapports de président à collègues, non de chef à subordonnés. Et pourtant ce garde des sceaux qui donne aux actes de la puissance royale, par l'apposition de la cire verte ou jaune, le caractère authentique dont aucune signature ne saurait tenir lieu[27], est le pivot de toute l'administration. Le conseil d'État se réunit indifféremment au Louvre ou chez lui, sa rue est sans cesse obstruée de longues files de carrosses influents, à la portière desquels s'accrochent des grappes de tenaces solliciteurs.

Quoique nous n'ayons jamais rien eu en plus singulière recommandation que d'abolir en notre royaume la vénalité des offices, et supprimer par mort le nombre excessif de nos officiers, il est arrivé par divers troubles... que non : n'avons pas été seulement traversés en l'exécution de ce louable dessein, mais encore contraints eu diverses occurrences d'en augmenter le chiffre... L'édit de 1630, qui débutait en ces termes, avait pour objet la création de nouvelles charges judiciaires ; il ne fut pas le seul. La multiplication des juges était une conséquence indirecte de la multiplication des soldats. L'argent qu'on tirait des uns passait à payer les autres. Au lieu de réduire le Parlement de Paris aux cent magistrats qu'il avait sous Louis XII, comme on en eut un moment le projet, on lui adjoignit plusieurs fois de nouveaux membres, si bien qu'à la mort de Richelieu il comptait deux cents conseillers, cinquante-six maîtres des requêtes, quatorze présidents de chambre et sept présidents à mortier[28]. Ce nombre est considérable si on le compare à l'état de la magistrature actuelle. Le Parlement de Paris comprenait dans son ressort trente et un de nos départements, et joignait à des attributions plus étendues que celles de nos Cours d'appel, celles de la Cour de cassation en matière criminelle[29]. Moins de trois cents personnes paraissent suffire à la besogne que font aujourd'hui trois cent cinquante ; seulement la population s'est accrue de plus de moitié dans ce même territoire ; d'où l'on peut conclure que les juges d'autrefois étaient moins occupés que les contemporains. On jugeait ainsi à Paris près de la moitié de la France ; c'était un gros vice de l'ancienne organisation. Les sept autres parlements : Bordeaux, Dijon, Rennes, Rouen, Toulouse, Aix et Grenoble, n'avaient guère chacun qu'une province[30]. A ces huit Sénats on en adjoignit deux sous Louis VIII ; le parlement de Pau prit la place (1620) de la chancellerie de Navarre, et du conseil souverain de Béarn qui avaient eux-mêmes succédé à la Cour du vicomte et aux Alcades majors du moyen âge[31] ; le parlement de Metz détrôna, non sans de vives réclamations, la Cour de justice qui se tenait annuellement dans cette ville, et les audiences seigneuriales jusque-là souveraines dans les trois évêchés[32]. Ces mesures d'uniformisation étaient la mainmise du pouvoir central sur ses acquisitions nouvelles.

Il n'y a pas, dit un voyageur anglais, de sessions à Paris comme à Londres (mot qui prouve entre parenthèses combien s'identifiaient, dans l'esprit des étrangers, les deux parlements de France et d'Angleterre), mais une seule session non interrompue, excepté pendant le temps des vendanges, de sorte que toute l'année les gens de loi se réunissent au palais pour discuter les affaires[33]. Les vacances — vacations en style judiciaire — étaient plus ou moins longues selon les cours, depuis Aix qui rentrait le 2 octobre, jusqu'à Pau qui ne recommençait à siéger que le 1er décembre[34]. Pendant l'année chaque compagnie avait ses fêtes particulières et ses anniversaires chômés : une dizaine à Paris, une quarantaine à Toulouse. Par ordonnance de Charles Vil était enjoint aux gens de justice de venir au palais incontinent que six heures seront sonnées, ou au moins dans un quart d'heure après. Sous Louis XIII, où beaucoup d'hommes d'affaires donnent leurs rendez-vous entre six et sept heures du matin, où l'on peut faire des visites aux dames dès huit heures dans l'intimité, les -juges ne sont plus cependant aussi matinaux. Les audiences ont lieu de huit à dix heures du matin depuis la Saint-Michel jusqu'à Pâques, et de sept à dix pendant le reste de l'année[35]. C'est à ces audiences du matin qu'à Paris, dans la Chambre Dorée, on traite les choses d'État et publiques, que l'on juge les causes importantes, à jeun ; selon le mot d'un président on ne doit pas tenir pour avis bien digéré ce qui se fait après dîner. Dès l'aube, on criait dans la grand'salle, aussi librement que sur le pont Neuf, les pamphlets du jour où parfois les magistrats étaient attaqués ; tandis que dans la galerie, pleine d'une poussière étouffante, les langues des promeneurs allaient leur train, et que les boutiquiers d'en bas, debout devant leurs échoppes, guettaient la pratique.

Le prétoire — le plaid — n'est pas seulement le centre de la vie politique, commerciale et mondaine, il est le foyer d'un sentiment généreux : l'amour de la loi, la volonté de rendre tous les citoyens égaux devant elle. Dans l'enclos du palais toute distinction cesse, toute juridiction étrangère disparaît ; ici, l'évêque doit cacher sa croix et le gentilhomme ôter ses éperons. Tout individu qui introduirait des gens armés dans cette enceinte commettrait un crime[36]. Devant les magistrats un prince de maison souveraine déposait comme un simple particulier. Le prince de Condé, quoique chef du conseil royal, est forcé, dans une instance qu'il soutient au Parlement, de subir un curateur, parce qu'il n'a pas encore atteint sa majorité. Le comte de Sault, lieutenant du Roi en Dauphiné, ayant comme tel séance au-dessus du doyen du Parlement, est obligé pour exposer sa plainte, en un procès, d'aller se confondre à la barre dans la foule des justiciables. Sont-ils accusés ? les plus grands personnages sont ouïs sur un escabeau, tels que les prévenus ordinaires ; et que leur posture soit modeste, qu'ils ne mettent pas le poing sur la banche, et n'avancent pas un pied plus que l'autre ! les juges ne souffrent aucune affectation d'insouciance. Ils envoient à la conciergerie pour lui faire abattre les cheveux et la barbe, un seigneur qui durant son interrogatoire avait plusieurs fois retroussé sa moustache[37]. Les reines, dans leurs affaires privées, sont soumises aux formes de la justice ; leurs créanciers peuvent les poursuivre ; ceux de la reine Marguerite ne s'en firent pas faute, et l'esprit gouailleur d'alors s'en amusa. Marie de Médicis étant régente de France, plaida contre divers particuliers tant à la Chambre des comptes que devant le Parlement[38].

Quand La Bruyère insinue plaisamment : Qu'il n'est pas absolument impossible qu'une personne qui se trouve dans une grande faveur perde un procès, sa raillerie s'applique aux juges de tous les siècles autant qu'à ceux du sien. Les modernes pas plus que les anciens, les pays démocratiques pas plus que les aristocratiques ne sont à l'abri de la pression ni de la séduction. Celui que l'on nommait, en langage juridique, le sieur cardinal de Richelieu usa plus d'une fois de l'une ou de l'autre, dans ses procès privés : J'entretiens de mon mieux, lui écrit Bouthillier, tous vos serviteurs de la grand’chambre ; celui qui préside va très-bien, et l'ai assuré que vous ferez tout ce qu'il sera possible pour lui. Cependant ils n'étaient pas rares les juges incorruptibles, comme ce M. de Turin que Henri IV fit appeler au sujet d'un procès dont il était rapporteur, et qui intéressait le duc de Bouillon : M. de Turin, lui dit le Roi, je veux que M. de Bouillon gagne son procès. — Eh bien, Sire, il n'y a rien de plus aisé ; je vous l'enverrai, vous le jugerez vous-même. — Et il s'en alla : Sire, dit peu après l'un des assistants, vous ne connaissez pas le personnage, il est homme à faire ce qu'il vient de dire. Le Roi envoya chez lui sur-le-champ ; on le trouva occupé à charger les sacs de procédure sur le dos d'un crocheteur pour les faire conduire au Louvre[39].

Il est une autre vertu qu'on ne peut refuser aux parlements : l'esprit de bon ordre, le loyalisme ; ils sont vraiment nationaux et conservateurs. Quelle ardeur contre les ennemis de l'État ! Louis XIII s'adresse à eux avec confiance pour obtenir des arrêts contre les États de Languedoc qui ont trempé dans la révolte de Montmorency, contre l'archiduc au sujet de la mouvance du comté de Saint-Pol, contre le duc de Lorraine pour ce qu'il nomme le rapt commis en la personne du duc d'Orléans, à l'occasion de son second mariage. Le même souverain n'a-t-il pas mauvaise grâce ensuite à menacer quelques magistrats qui lui résistent de les envoyer dans une compagnie de mousquetaires pour y apprendre l'obéissance[40] ? Ces parlementaires dont la doctrine politique se peut résumer en cette phrase d'une harangue de l'un d'eux : Sire, votre peuple vous doit tout, et vous lui devez justice ! idée qui revient sans cesse dans leurs rapports avec le pouvoir royal, ces parlementaires n'avaient peut-être pas la piété monarchique de Richelieu, qui ôtait son bonnet toutes les fois qu'en public il prononçait le nom de Sa Majesté, mais tout en critiquant le gouvernement, ils ne cessaient de l'aimer[41].

Qu'on nous permette, sur cette opposition si dynastique, l'observation suivante : les historiens indulgents aux parlements du dix-septième siècle sont précisément les amis de la royauté. Les plus sévères pour les cours souveraines sont les adversaires déclarés de la forme monarchique, qu'ils ne veulent pas voir améliorer mais détruire : les révolutionnaires de droit divin.

 

FIN DU TOME TROISIÈME

 

 

 



[1] Nous le verrons à l'Administration provinciale. Tome IV.

[2] FLOQUET, Parlement de Normandie, IV, 29, 221. — LA BRUYÈRE (éd. Louandre), 336. — CAMUS, Désordres des Trois Ordres, 31, — Aff. Étrang., t. 807, f. 150. — La robe courte devait descendre pour le moins au-dessous du genou. DE BOISLISLE, Chambre des comptes de Paris, 95.

[3] Il faut que le magistrat ressemble à l'olive, qui hait l'odeur, l'ombre et le voisinage de la vigne. LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements, liv. VIII.

[4] FLOQUET, Parlement de Normandie, I, 479. Les parlements, y compris celui de Paris, siégeaient presque tous dans les anciens palais des souverains. Celui de Toulouse était installé au château Narbonnais, ancienne demeure des comtes de Toulouse, on, disait-on, les magistrats romains avaient rendu la justice. DE BASTARD, Parlements de France, I, 185. — Par la formule de jugement : Notre dite Cour, le Roi, bien que son nom ne fût pas mentionné, semblait prononcer lui-même l'arrêt.

[5] LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements, p. 589. — Voyage de J. BOUCHARD en 1630, p. 18. — Arch. com. d'Avallon, CC. 229 ; CG. 15. — Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, C. 9 ; de la Sarthe, G. 21. — CABASSE, Histoire du Parlement de Provence.

[6] TALLEMANT, VIII, 182. — Aff. Étrang., t. 813, f. 5.37. — Arch. Haute-Garonne, B. 516. — Au Parlement de Dombes, les conseillers avaient 100 livres par an, mais ce parlement, payé par le duc d'Orléans, n'était guère plus qu'un présidial. — CABASSE, Parlement de Provence, II, 3. — DE BASTARD, Parlements de France, I, 112. — A Toulouse et à Dijon les offices de conseillera valaient de 30 à 50.000 livres, à Bennes, 35.000, à Rouen, 20 à 30.000. Voyez notre t. II, tableau IX, Les salaires, et l'ouvrage de LEBER, Essai sur la fortune privée.

[7] A Rouen, plusieurs conseillers abusent du droit de faire entrer du vin en franchise, dont ils n'auraient dû profiter que polir leur consommation personnelle. En 1635, il entre sous le nom des privilégiés jusques à 13.000 pièces de vin. Tel en faisait venir 500 pièces qu'il vendait en fraude. FLOQUET, Parlement de Normandie, IV, 481. — DE BEAUREPAIRE, États de Normandie, année 1614.

[8] En 1641, elle montait à 23.000 livres par an au Parlement de Paris. Le boulanger seul avait 2.100 livres, le buvetier de la grand'chambre 9.590. (Conseil secret du Parlement, Arch. nat. X1.a 8387, le 14 décembre 1641.) 23.000 livres représentent à peu près 140.000 francs d'aujourd'hui, et le Parlement ne comptait pas 300 membres. Au Sénat, en 1885, la buvette n'a pas coûté plus de 14.000 francs. L'éclairage de la cour coûtait 3.170 livres, le chauffage, 1.045. Les gages n'étaient pas saisissables. Arrêt du conseil 17 mars 1623. — LA ROCHE-FLAVIN, loc. cit., 589.

[9] Arch. Basses-Pyrénées, B. 178, 321, 348. On donne 75 livres à l'huissier de la chambre criminelle pour s'acheter une baguette. (Ibid. 3599.) — Arch. dép. Isère, B. 2922. — Aff. Étrang., t. 787, f. 220 ; t. 806, f. 224 ; t. 809, f. 145. Le Jay avait abandonné son office pour  150.000 livres bien qu'il en valait 500.000. Fieubet, premier président de Provence, paya par ordre du Roi à Lainé, son prédécesseur, 75.000 livres. (Arch. Guerre, XXTI, 204.) Les autres charges de P. P., en province, valaient de 120 à 150.000 livres.

[10] SAVARY, Le parfait négociant, I, 336. — FLOQUET, Parlement de Normandie, IV, 306. — E. FOURNIER, Variétés historiques, III, 47. Au XVIe siècle l'homme le plus riche s'appelait milsoudier, c'est-à-dire qu'il pouvait dépenser 50 livres par jour.

[11] DE CARNÉ, États de Bretagne, I, 110.

[12] FAUGÈRE, Journal d'un voyage à Paris en 1657, p. 411. — LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements, 346.

[13] A propos d'une capitulation du Parlement devant le ministère, Morgues de Saint-Germain (ce correcteur d'imprimerie, devenu curé, puis libelliste) dit : Le Parlement n'a pas été retenu par la belle Astrée, mais par la belle Paulette. Aff. Étrang., t. 801, f. 121.

[14] Les offices nouvellement créés dans les parlements ne sont pas vendus en bloc, à un partisan, comme les autres charges. Le Roi les écoule directement ; parfois il les laisse au rabais à un personnage qu'il veut obliger. L'historiographe Dupleix avait ainsi reçu une partie de la finance d’une place de conseiller au Parlement de Bordeaux. Aff. Etrang., t. 800, f. 371, 428.

[15] Aff. Étrang., t. 791, f. 28, 114. — Arch. Haute-Garonne, B. 287, 398. — LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements, p, 622. — MONTCHAL, Mémoires, I, 159. — Le même reproche peut être adressé aux présidiaux.

[16] Arch. Lot-et-Garonne, B, 15. — TALLEMANT, X, 32. — LA ROCHE-FLAVIN (loc. cit.), p. 53. — DE BASTARD, Parlements de France, I, 126. — Les membres d'une autre cour étaient dispensés de l'examen s'ils changeaient de ressort. — Au bout de 25 ans on obtenait des lettres de vétéran, sorte d'honorariat qui conservait les privilèges de la charge.

[17] Ce fut le cas de Le Goux de la Berchère, nommé premier président de Dijon à vingt-huit ans. Aff. Étrang., t. 806, f. 97. — TALLEMANT, IV, 228.

[18] A Toulouse par exemple ; mais le souverain conservait le droit de prendre le titulaire en dehors de cette liste, pour certaines considérations provenant du temps. Aff. Étrang., t. 800, f. 356. — LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements, 53.

[19] Richelieu n'en a pas trouvé d'autre que le Sr Léger qui, sous Henri II, fut déposé et fait abbé de Saint-Victor, pour s'être émancipé de parler au Roi, en une harangue, plus licencieusement qu'il ne devait. Aff. Étrang., t. 801, f. 45 ; t. 787, f. 30 ; t. 701, f. 178. — CABASSE, Parlement de Provence, II, 242.

[20] Quoique n'étant pas vénaux en principe, les offices de R. P. l'étaient devenus presque partout, en fait. Le Roi permit au P. P. de Harlay, qui se retira en 1611, de recevoir de son successeur une certaine récompense. Une fois le précédent créé, tous les titulaires en obtinrent autant par la suite. Le Roi fixait lui-même la somme que le nouveau pourvu devait payer aux héritiers de son prédécesseur : 100.000 livres à Rouen, 150.000 à Toulouse. (Aff. Étrang., t. 791, f. 91 ; t. 800, f.120.)— Arch. Haute-Garonne, B. 515. LA ROCHE-FLAVIN (loc. cit.), p. 53.

[21] Lettres et papiers d'État, I, 612. — LA ROCHE-FLAVIN, Treize livres des Parlements. — G. PATIN, Lettres (éd. Reveillé-Parise), II, 113. — Arch. Haute-Garonne, B. 535. Un arrêt du Parlement de Toulouse défend aux gens du Roi d'entrer au greffe. Ils doivent prendre communication des registres de la cour derrière les barreaux.

[22] Voyez dans l'Hist. du Parlement de Normandie, par FLOQUET (IV, 285), les querelles de l'avocat général du Vicquet avec le procureur général Le Jumel qui vont jusqu'à s'injurier dans une audience solennelle. — Le procureur général choisissait toujours ses substituts comme bon lui semblait.

[23] Le P. P. termine ses lettres au Parlement par : Votre très-obéissant serviteur et frère. Le Parlement termine les siennes au P. P. par : Les gens tenant le parlement du Roi, vos frères. Aff. Etrang., t. 806, f. 156.

[24] Les présidents à mortier prenaient rang au-dessus des ducs et pairs, tandis qu'à la chambre haute d'Angleterre (1643) les juges qui y avaient séance étaient assis aux bas sièges, pour voir ordonner ce qu'il plairait aux lords, et donner leur avis, s'ils en étaient requis. LA BOULLAYE LE GOUEZ, Impressions de voyage, p. 425.

[25] Étienne PASQUIER, Recherches, liv. II, chap. lu. — FLOQUET, Parlement de Normandie, IV, 287 ; CABASSE, Parlement de Provence, II, 176 ; DE BASTARD, Parlement de France, I, 156 ; II, 93. — Le P. P. du Parlement de Paris est appelé tout court : M. le P. P. du Parlement même en présence des autres P. P. de province. Ceux-ci, au Parlement de Paris, n'ont rang qu'après les présidents à mortier.

[26] C'était une question très-discutée de savoir si un chancelier pouvait juger lui-même et présider un tribunal criminel. Aff. Étrang., t. 806, f. 72. — CABASSE, loc. cit., II, 32 ; FLOQUET, loc. cit., IV, 289.

[27] Aff. Étrang., t. 782, f. 95 ; t. 806, f. 253. — MONTCHAL, Mémoires, II, 393.

[28] Aff. Etrang., t. 791, f. 28 ; t. 796, f. 233 ; t. 797, f. 37. — Les édits d'octobre 1632, d'août et de décembre 1636, créèrent de nouveaux offices dont plusieurs, il est vrai, furent supprimés par édit d'avril 1637. Il existe aux Aff. Étrang. (t. 806, f. 93) une liste des membres du Parlement de Paris, avec leurs adresses en 1632, écrite de la main de Bullion. Le chiffre des magistrats fut au inventé à proportion dans les parlements de province. V. CABASSE, Parlement de Provence, II, 210.

[29] Notre cour de cassation compte 49 membres : les cours d'appel qui se partagent l'ancienne juridiction du Parlement de Paris, sont celles de Paris, ayant 91 magistrats, d'Amiens, Angers, Bourges, Lyon, Orléans, Poitiers et Riom, ayant ensemble 211 magistrats.

Voyez le tableau des ressorts en 1640, à l'Appendice.

[30] En 1638 on créa un Parlement à Nîmes, mais on le supprima un an après, sur la demande des États de Languedoc. Le Parlement de Toulouse avait en son ressort plusieurs districts de Guyenne, notamment l'arrondissement de Lectoure. Aff. Étrang., t. 799, f. 30 ; t. 803, f. 114.

[31] Voyez Arch. des Basses-Pyrénées (Invent. sommaire).

[32] RICHELIEU, Mémoires, I, 211. — Édit de janvier 1633. Le Parlement de Metz eut 7 présidents, 54 conseillers, 1 procureur général, 2 avocats généraux, 4 substituts, 4 greffiers, 8 huissiers, 24 procureurs, etc. Les magistrats servaient seulement six mois par au : les uns de février à août, les autres d'août à février.

[33] Voyage de Th. CORYATE à Paris, en 1608, p. 19.

[34] La rentrée avait lieu le 5 novembre à Metz, le 26 novembre à Grenoble ; partout ailleurs le 12 novembre.

[35] LA ROCHE-FLAVIN (loc. cit., 419) parle d'un conseiller de sa chambre grand paresseux qui n'arrivait jamais qu'à neuf heures du matin, et qu'on décida de ne plus comprendre dans la distribution des procès. Peine grave au point de vue des épices. — Id., ibid., 314, 561. — Arrêt du Parlement du 24 avril 1632. — Aff. Etrang., t. 800, f. 84. — CORYATE, Voyage à Paris, p. 13. — La noblesse demande, en 1614, que la lecture des arrêts pût être faite, à l'audience, avant six heures du matin, pour leur assurer une véritable publicité. PICOT, États Généraux, IV, 49.

[36] Arch. Basses-Pyrénées, B. 3824. — FLOQUET, Parlement de Normandie, IV, 261. — DE BASTARD, Parlements de France, I, 155.

[37] Mémoires d'ARNAUD D'ANDILLY, 409 ; de RICHELIEU, II, 532. — LA ROCHE-FLAVIN, loc. cit., 311. — CABASSE, Parlement de Provence, II, 39. — Dans le procès criminel fait à Monsieur, en 1642, le chancelier va chez lui, avec ses gardes contre sa coutume, et remet son chapeau sur la tête aussitôt après l'avoir salué. MONTGLAT, Mémoires, 131.

[38] Aff. Étrang., t. 778, f. 86. — Arrêt de la chambre des comptes de Paris du 27 octobre 1620. — Arch. Haute-Garonne, B. 293. — Mémoires de TALON, 84. — Henri III déposa en parole de roi devant un maitre des requêtes au profit du comte de Ponthieu ; Louis XI, en une circonstance analogue, fut examiné par un magistrat.

Les reines régentes écrivaient au Parlement : Chers et bien amis ; non régentes elles lui écrivaient : Messieurs. Les princes du sang terminent leurs lettres par : Votre obéissant meilleur ami ; les cardinaux par : Votre entièrement meilleur frère ; les connétable et chancelier par : Votre affectionné serviteur. Le Parlement leur répond par ce protocole : Les gens tenant le parlement du Roi, bien vôtres.

[39] TALLEMANT, II, 81. — Lettres et papiers d'État, III, 803. — LA BRUYÈRE (éd. Louandre), 359.

[40] Aff. Étrang., t. 802, f. 233 ; t. 808, f. 217. — Arch. Somme, B. 19. CABASSE, Parlement de Provence, II, 223. — SAINT-AULAIRE, Hist. de la Fronde, I, 20.

[41] Lettres et papiers d'État, IV, 520. — Aff. Étrang., t. 781, f. 313 ; t. 783, f. 9 ; t. 784, f. 63. — DE BEAUREPAIRE, Cahiers des États de Normandie, I, 111.