RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

TOME TROISIÈME. — ADMINISTRATION GÉNÉRALE (SUITE).

L’ARMÉE.

CHAPITRE III. — GRADES ET HIÉRARCHIE. - LES OFFICIERS.

 

 

Le Roi, chef de l'armée ; ses rapports avec le cardinal, avec les officiers. — Ses talents militaires. — Richelieu, son autorité sur l'armée ; comment elle s'exerce. — Le P. Joseph. — La France manque, à cette époque, de grands hommes de guerre. — Création du ministère de la guerre ; Sublet de Noyers, secrétaire d'État. — Son omnipotence s'établit. — Maréchaux de France ; gouverneurs de province. — Colonels généraux de l'infanterie, de la cavalerie légère, des Suisses. — Maréchaux de camp. — Grand maître de l'artillerie. — Grades d'état-major : sergents de bataille, aides de camp. — Pouvoirs passagers ; généraux d'armée et lieutenants généraux. — Cumul des charges militaires, on le défend en vain. — Hiérarchie : rapports des supérieurs et des inférieurs. — Carrières des officiers : les académies, écoles militaires. — Solde des officiers ; leurs fonctions onéreuses. — Esprit militaire ; bravoure et dévouement.

 

Le chef direct de l'armée, c'est le Roi ; le Roi, même absent, est censé commander ses troupes eu personne, le quartier du général se nomme toujours le quartier du Roi. Cette prééminence n'était pas vaine[1]. C'est seulement à l'armée que l'histoire rencontre Louis XIII. Ce prince, qui ne s'occupait de rien en France que de ses oiseaux, de ses chiens et de ses chevaux, qui peignait, chantait, faisait pousser des pois verts qu'il envoyait vendre au marché, lardait de la viande avec l'écuyer Georges, confectionnait des châssis avec M. de Noyers et des confitures tout seul, ce prince était brave, et aimait la guerre[2]. Enfant, il formait en compagnies d'infanterie ses camarades de jeux, les exerçait à la mode de Hollande et les menait se battre à la campagne, les uns contre les autres. Homme fait, il conserva son goût pour les choses militaires ; il ne se borna pas à jouer du tambour avec talent, et à fabriquer des canons de cuir, il étudia les manœuvres inventées par Arnaud, du Fort-Louis, tacticien remarquable de l'époque ; enfermé avec Pontis, il faisait pivoter pendant de longues heures des figures de plomb ou des bilboquets ! Zélé capitaine instructeur en temps de paix, le Roi est bon officier à la guerre. Il n'aurait pas fallu peut-être se fier à lui pour combiner un plan de campagne, mais il est expert à ranger en bataille une armée, quelque nombreuse qu'elle soit. Louis XIII et Louis XIV sont aussi différents dans les camps que partout ailleurs. Non-seulement sa grandeur n'attache pas le premier au rivage, mais elle ne le fait jamais hésiter devant une corvée. Il reconnait des bastions, va, vient, tend les cordeaux, s'occupe des vivres, de la paye, s'entretient avec le premier venu[3]. De simples capitaines, Fabert, Puységur, sont familiers avec lui, comme avec un officier d'un grade un peu supérieur. Ce prince, si dur dans le civil, si jaloux d'autorité en politique, est bonhomme, causeur, déférent dans le militaire.

On croit rêver quand on lit sa conversation typique avec Saint-Preuil, gentilhomme fort vaillant, mais brelandier ; conversation rapportée par le Roi lui-même, dans une lettre qu'il adresse à Richelieu[4]. Étant à la fenêtre de ma galerie, écrit-il, j'ai vu venir à moi Saint-Preuil, tout bouffant de colère, lequel m'ayant abordé, m'a dit : Que vous ai-je fait pour me vouloir tant de mal ? je croyais qu'il y eût quelque chose à gagner en vous servant, mais je vois bien qu'il n'y a rien à espérer pour moi... — Saint-Preuil, capitaine aux gardes, servait depuis vingt ans, et ambitionnait un régiment. On lui avait préféré un lieutenant qui n'avait que deux ans de service[5]. — A Chantilly, reprend le Roi, la dernière fois que vous y avez été, vous m'avez demandé de vous défaire de votre compagnie, et je vous l'ai accordé. — Il m'a répondu : Je ne m'en veux point défaire à cette heure. — Moi, je veux que vous vous en défassiez, et me suis tourné devers tout le monde en disant : Voilà Saint-Preuil qui est un insolent, et qui me nie de m'avoir demandé permission de se défaire de sa compagnie ; vous savez tous ce qui en est, et me suis tourné vers Saint-Preuil, et lui ai dit : Vous êtes un hargneux, on ne saurait durer avec vous ; je vous ferai donner vingt mille écus de votre compagnie[6]. — Il m'a répondu orgueilleusement : Non, je n'en veux rien, ôtez-la-moi... Je lui ai répondu : Vous seriez bien attrapé, si je vous prenais au mot, mais je ne le veux pas. — Il m'a répliqué : Voilà deux cent mille francs que j'ai mangés à votre service, sans que vous ayez jamais rien fait pour moi. Je lui ai répondu : Dites cent mille écus que vous avez perdus au jeu...

Sur cela, tout le monde s'est mis entre nous, M. de Tresmes et deux ou trois autres m'ont mené à l'autre fenêtre. Ensuite j'ai fait dire à Saint-Preuil qu'il s'en allât à Paris, que je ne voulais plus avoir affaire à lui, et que je trouvais bon qu'un de ses amis me parlât de ses affaires. Son dessein était de me faire dire quelque chose qui le pût offenser, mais j'ai été bien sage...

Ce prince, qui n'eût pas le talent de se faire aimer de ceux qui l'approchaient, était sensible à l'affection de ses officiers. Il demandait un jour à l'un d'eux avec tristesse : d'où venait que les capitaines qu'il avait faits le quittaient tous, et qu'il n'en restait presque pas un auprès de sa personne ; il comptait sur ses doigts ceux qui l'avaient abandonné[7]... Sa mauvaise santé augmentait, il faut le dire, les défauts de son humeur. L'ennui du Roi, ses accès de mélancolie profonde, — véritable maladie qu'il dissimule, — sont la constante préoccupation du cardinal[8]. Le premier ministre avouait franchement à son souverain qu'il craignait de l'embarquer en de grands desseins auxquels de son naturel il ne se plaisait pas et pendant lesquels il était toujours chagrin contre ceux qui l'y servaient[9]. Autant en effet il avait d'impatience d'entreprendre des guerres quand il n'en avait point sur les bras, autant avait-il d'empressement à les finir une fois qu'elles étaient commencées[10]. Pour prolonger la lutte avec la maison d'Autriche, au moment où, par la volonté formelle du Roi, il était obligé de traiter sérieusement de la paix, le cardinal a recours à tous les stratagèmes. Il alla, dit-on, jusqu'à donner l'ordre au général français de perdre une bataille ; et quand les négociations sont rompues, il doit avec soin dissimuler sa joie, en disant que les péchés de la chrétienté n'avaient pas permis que Dieu les fît réussir[11]. Le Roi qui, dans l'administration et la politique, laisse faire son ministre, qui apprend par cœur, comme un élève docile, pour les dire sans papier, des petits discours, de simples phrases qu'on lui envoie toutes faites, se rebiffe dans les camps. Là, les rapports sont fréquemment tendus ; il est des moments, dit Richelieu, où qui l'eût soufflé, l'eut peut-être jeté par terre. A la Rochelle, Louis XIII se plaint hautement que le cardinal, dans les conseils, prend toujours parti contre lui ; ce qui donna lieu à ce dernier de n'ouvrir plus la bouche en présence du Roi. Mais il se rattrapait sous main, empêchait les généraux d'aider le prince, l'isolait, le dégoûtait de mille manières de l'exécution des projets auxquels personnellement il était hostile[12]. Le monarque, vexé, finissait par lâcher prise, et retournait à Paris, en disant de Richelieu que l'armée, après son départ, ne le respecterait non plus qu'un marmiton[13].

Le cardinal, bien qu'il répète souvent que l'emploi de la guerre n'est pas de sa profession, s'en est continuellement occupé, avec des abbés, des évêques et des archevêques pour lieutenants ; il remettait aux chefs des plans de campagne de son cru, et disait à l'un d'eux, qui se gardait bien de faire aucune objection : Voilà pour vous montrer, monsieur de Ruvigny, que le cardinal de Richelieu, quoiqu'il n'aille pas à la guerre, ne laisse pas d'être grand capitaine. Bien différent de Luynes, qui, réfugié derrière un monticule appelé par dérision[14] le plastron du connétable, s'amusait à sceller pendant que les autres étaient aux mains, le cardinal oubliait tout à fait, au bruit du canon, son caractère ecclésiastique. Revêtu ci d'une cuirasse couleur d'eau, et d'un habit feuille morte brodé d'or, l'épée au côté, une belle plume au chapeau, deux pistolets à l'arçon de sa selle e, il marchait à l'ennemi, escorté de ses pages et de son capitaine des gardes[15]. Généralissime en 1629, il avait des pouvoirs royaux, les mêmes que Wallenstein exerçait en Allemagne : tels que créer et casser les officiers, faire grâce, ordonner des levées d'hommes et d'argent, conclure des traités et des trêves. En tous temps, sans avoir besoin d'être investi d'une mission spéciale, et sauf les susceptibilités personnelles de Louis XIII, il gouvernait l'armée autant que le reste[16], et comme c'était le meilleur maitre, parent ou ami qui fut jamais, que pourvu qu'il fût persuadé qu'un homme l'aimait, sa fortune était faite ; il n'est pas un gentilhomme en passe d'obtenir un grade, jusqu'à celui de maréchal de France, qui ne sollicite très-humblement sa protection. Dans les lettres patentes de grand maître de l'artillerie, délivrées à La Meilleraye, il n'est question que de l'honneur qu'il a d'appartenir à notre cousin le cardinal duc de Richelieu... et des exemples domestiques qu'il sera plus particulièrement obligé de suivre[17]...

L'autorité absolue sur les généraux emportait, cela va sans dire, la direction supérieure des opérations militaires ; elle ne fut pas heureuse. il n'est pas d'exemple d'un homme qui ait conduit une guerre, avec succès, du fond de son cabinet, à des centaines de lieues de son théâtre. Ni le cardinal ni le Père Joseph, son bras droit, ne purent éviter cet écueil, où tombent dans tous les siècles de grands hommes d'État. Ils avaient beau se plaisanter l'un l'autre : Ah, voilà des soldats du Père Joseph ! disait Richelieu quand l'officier battu était un protégé du Capucin ; — Ne vous avais-je pas dit que vous n'étiez qu'une poule mouillée, lui répliquait plus tard du Tremblay, après la reprise de Corbie par nos troupes, — il était mauvais pour le général d'avoir à compter sans cesse avec les vues de la cour. Un ministre éloigné, forcément peu au courant, qui indique en détail ce qu'on doit faire, ordonne un siège, une retraite, une marche en avant, charge un familier, — l'homme du Roi, comme on l'appelle, — de faire exécuter ses instructions, risque de se tromper et se trompe ; d'autant que le chef effectif n'ose pas toujours répondre, comme Hébron au Père Joseph qui, montrant la carte avec son doigt, lui disait : Nous passerons la rivière là. — Mais, monsieur Joseph, votre doigt n'est pas un pont ![18]

Il est juste d'ajouter que, si le cardinal se laissait guider dans ses choix militaires, par des sentiments d'amitié personnelle, ce qui est le propre de tous les hommes, que si La Valette, son fidèle des jours dangereux, Brezé son beau-frère ou La Meilleraye, son cousin, n'étaient pas de grands stratégistes, il ne fut guère mieux secondé par les maréchaux qu'il avait désignés en dehors de toute préoccupation de parti[19]. Louis XIV a eu, lui, beaucoup de chance, — il n'est pas d'autre mot, — sur terre et sur mer ; car enfin ses admirateurs, même les plus forcenés, ne peuvent prétendre qu'il ait formé les grands capitaines ou les grands marins de son règne. Richelieu n'en a pas eu.

C'est en Allemagne, sous son ministère, que se trouvent les généraux illustres, alliés ou ennemis de la France. Le sombre et sanguinaire Tilly, dont les talents militaires avaient grandi dans la guerre des Pays-Bas, la seule école d'alors ; Tortensohn, goutteux, qui commande dans une chaise à porteurs, et surpasse tous ses adversaires par la rapidité de ses manœuvres ; surtout Wallenstein, duc de Friedland et Gustave-Adolphe. De Wallenstein, la puissance prodigieuse nous apparaît à travers les exagérations du roman ; en réalité, aucun général du moyen âge ou des temps modernes ne pourrait se vanter d'avoir été obéi mieux que lui ; les vertus du héros, prudence, justice, courage, s'élèvent, dans son caractère, aux proportions les plus hautes, mêlées à une cruauté froide et à une démesurée ambition. Quand le roi de Suède et lui se rencontrèrent dans cette bataille mémorable, où Gustave trouva la mort, l'un animant ses troupes de paroles qu'il avait à commandement, le second par sa seule présence et la sévérité de son silence, c'était vraiment le sort de l'Europe qui s’agitait là[20]. Pour la France, le succès d'un allié qui devenait trop puissant était même un danger ; le gros Bullion reflétait bien l'opinion en deçà du Rhin, lorsque, annonçant cette catastrophe à Richelieu, il écrivait : Peut-être que ce prince eût donné de la peine, s'il fût venu à bout de ses desseins[21]. Et pourtant nos victoires les plus profitables furent remportées alors par un étranger, un Allemand, le duc de Saxe-Weimar. Héritier de l'armée de Gustave-Adolphe, il conquit l'Alsace pour notre compte, et lorsqu'à son tour il mourut, cette province fut sur le point de nous échapper.

Où Richelieu fut plus heureux, où son esprit d'autorité laissa une trace profonde, c'est dans la hiérarchie de l'armée, dont il est le vrai fondateur, par la création du ministère de la guerre. D'après les règlements de 1619 et 1626, un des quatre secrétaires d'État était devenu seul chargé des choses militaires hors le royaume ; au dedans, il en partageait le souci avec ses collègues[22]. Mais c'est par les faits, bien plus que par les lois, que s'établit l'omnipotence de cet homme de plume sur ces hommes d'épée. Jusqu'à Sublet de Noyers, on voit les secrétaires d'État signer couramment les uns pour les autres sans se gêner, et se remplacer encas de besoin ; simples agents de transmission, ils n'ont ni initiative, ni responsabilité ; c'est au Roi que tout le monde s'adresse. Celui que l'on appelait le petit bonhomme, de Noyers, travailleur tenace et ambitieux, prit le premier une importance extraordinaire. Anticipant sur toutes les charges où il pouvait mordre, donnant l'autorité à des subalternes qu'il dirige, il reçoit et expédie chaque jour de nombreux courriers à tous les chefs de corps. Bien ne se fait encore par son ordre et en son nom, mais tout, ou presque tout passe déjà par ses mains[23]. On commence même à adresser des mémoires à son premier commis, pour parler, s'il lui plaît, à M. des Noyers[24]. Les maréchaux, les colonels généraux, et autres administrateurs militaires, s'étonnent, s'indignent qu'un scribe, un homme de robe longue, prétende leur faire la loi. Brézé mettra pour le faire enrager, des ordures dans les réponses qu'il lui envoie. Allez-vous faire f... avec vos f... ordres, lui écrit-il. N'importe, il faut plier.

Et cela leur est d'autant plus dur, qu'entre eux les hommes de guerre s'obéissent peu et à contrecœur. La hiérarchie de l'ancienne armée féodale, où les suzerains commandaient aux vassaux, est brisée depuis longtemps ; la hiérarchie moderne, où l'officier commande à tous les grades inférieurs, et obéit à tous les grades supérieurs au sien, est inconnue. Le capitaine écrit bien au soldat : Monsieur mon compagnon[25], tandis que l'autre lui répond simplement Monsieur, — jamais on n'eût imaginé d'appeler un supérieur par son grade, s'il n'était maréchal de France, — mais en somme, dans les rapports journaliers, on se traite suivant sa position sociale, et non selon sa situation militaire. Un duc et pair avait parfois rang à l'armée au-dessus des maréchaux de camp, et immédiatement après les maréchaux de France[26] ; ceux-ci devaient obéissance à un prince du sang, un légitimé ou même un Guise. L'armée de la Reine mère, en 1620, est commandée en chef par le comte de Soissons, qui a sous lui les ducs de Vendôme et de Nemours, et en troisième ligne le maréchal de Boisdauphin[27].

Cette autorité des princes était, il est vrai, précaire, les maréchaux tenaient à avoir seuls la conduite des troupes ; le duc d'Angoulême écrivait à Bassompierre : Monsieur, cette lettre est pour savoir si vous prétendez que j'ai, ou non, commandement en cette armée... Bassompierre refusait tout net de lui obéir ; à la Rochelle, on dut pour l'empêcher de s'en aller, comme il menaçait de le faire, créer pour lui une armée particulière[28]. Arrive-t-il une brouillerie entre deux gentilshommes de différents grades, l'un ayant très-certainement manqué à son capitaine, on les accommode du mieux possible, en y employant quelque personnage de distinction. Pour se faire écouter du gouverneur de Verdun, Nettancourt, son supérieur hiérarchique, après l'avoir pressé tant qu'il a pu, se sert de toutes les personnes qu'il croit pouvoir l'aider, sans y oublier les Pères Jésuites[29].

Eu face de l'autorité active des maréchaux, se posait l'autorité territoriale des gouverneurs de provinces, de villes ou de citadelles, commandants-nés des forces militaires dans leur juridiction. Le gouverneur de province porte le titre de lieutenant général du Roi et de ses armées. Les régiments devaient prendre de lui l'attache et l'ordre de route, reconnaître en un mot sa suprématie ; mais si les mestres de camp veulent bien lui rendre cet hommage, les maréchaux le lui refusent ; et comme il n'y a rien de positif à cet égard, ils se disputent les uns les autres jusque devant l'ennemi, à qui commandera[30].

Depuis l'abolition de la charge de connétable, — mesure beaucoup moins importante que les historiens ne l'ont dit[31], — les maréchaux vivaient sur un pied d'égalité absolue. Aux époques où l'un deux reçut, avec le titre de maréchal général, la prééminence sur les autres, il soumit à grand'peine ses collègues. Eût-il été, comme Turenne, à la tête des armées du Roi, lorsque les autres étaient encore au collège, nul ne parvint, avant la fin du dix-septième siècle, à faire accepter le privilège de l'ancienneté[32].

Les maréchaux commandaient chacun sa semaine ou son jour, le gros de l'armée, — nommée la bataille, — et jouissaient alors du pouvoir absolu. Mais celui qui avait levé le lièvre et poursuivait l'ennemi, voyait, on s'en doute, de fort mauvaise grâce, un autre profiter le lendemain de ses peines et de son travail. L'envie que chacun a du jour et de la semaine de son compagnon, produit beaucoup d'empêchements de bien faire, disait Richelieu ; le manque d'unité dans la direction était en effet le grand vice. Devant Landrecies sont trois généraux : La Valette, Caudale son frère et La Meilleraye ; les deux premiers se font des politesses, pour se laisser l'honneur de prendre la place, et s'efforcent d'empêcher à tout prix La Meilleraye de la prendre avant eux. Qu'on juge par là de l'ensemble des opérations[33] !

Bien qu'on semble se succéder dans le maréchalat, puisque les candidats demandent toujours le bâton vacant par une mort récente, le nombre des titulaires n'est nullement fixe : quatre au seizième siècle, ils sont dix-sept en 1624 et dix en 1635[34]. On obtenait parfois brevet de la première charge de maréchal à vaquer ; simple promesse qui ne liait aucunement la cour, et qu'elle violait souvent[35].

Être honoré d'un état de maréchal de France, c'était le couronnement ardemment désiré d'une carrière exceptionnelle ; on n'y parvenait généralement que tard, après de longues campagnes ; affaire de vieil homme, que ne pouvaient convoiter les galants de la cour[36]. L'envoi des lettres patentes parfumées au nouvel élu, la remise du bâton par le Roi, devant lequel il prêtait serment à genoux, se faisaient en grande cérémonie[37]. Détail à noter : ces lettres patentes n'avaient aucun protocole fixe, aucune rédaction usuelle ; c'était un morceau composé pour la circonstance, quelquefois long comme pour d'Effiat, quelquefois court comme pour Thoiras, racontant la vie de celui qui en était l'objet, rappelant les services de ses aïeux[38]... Le nouveau maréchal se faisait ensuite présenter au Parlement, où il se tenait debout et couvert, par un avocat qui déduisait sa généalogie, et faisait valoir tout ce qu'il avait de considérable[39]. Au sortir de là, les princes et seigneurs ses amis le reconduisaient à cheval, chez lui où ils étaient festoyés avec grande somptuosité.

Au-dessous des maréchaux de France, mais beaucoup plus puissants qu'eux, étaient placés les colonels de l'infanterie française, de la cavalerie légère, des Suisses, le grand maître de l'artillerie[40] ; nous ne saurions mieux les comparer qu'aux chefs de division actuels du ministère de la guerre, en les supposant inamovibles et souverains dans leur service.

Le colonel de l'infanterie est censé colonel de tous les régiments de fantassins. Les mestres de camp dépendent de lui, il nomme alternativement avec le Roi, à toutes les compagnies, lieutenances et enseignes des régiments entretenus ; dans chacun d'eux est la compagnie colonelle qui porte son drapeau. Tout officier, après avoir été reçu par le régiment devait aller à la tête de ses hommes, recevoir le hausse-col de M. le colonel général. C'est sous son nom que s'administre la justice et seul il a droit de faire arrêter un militaire ! Quand une pareille charge est aux mains d'un homme tel que d'Épernon, on pense ce qu'il en sait faire. Annonce-t-il son arrivée dans la capitale au retour de quelque voyage, non-seulement les meures de camp et les officiers, présents à Paris, vont au-devant de lui jusqu'à Étampes, mais une infinité d'autres, venus expressément pour cela des garnisons de Picardie et de Champagne, aucun capitaine n'y avant manqué sans grand sujet et sans lui en faire des excuses. Mande-t-il un officier dont il est mécontent et qu'il veut mortifier, il répond à sa révérence en lui tournant le dos, se met à table sans dire mot et ne le traite pas autrement qu'il ne ferait un valet, ne lui donnant audience qu'après son diner. On fait pour lui plus que pour le frère du Roi : Le duc d'Orléans entre au Louvre dans son carrosse avec le duc d'Épernon ; le tambour de l'a garde se bornait à appeler selon la coutume pour Monsieur ; d'Épernon met alors la tête à la portière, crie au tambour qu'il est là et aussitôt celui-ci bat aux champs[41]. Le prince a beau être choqué de l'aventure, il ne peut se montrer plus susceptible que le Roi son frère, qui, avant de nommer un capitaine, écrit au colonel général : Je ne l'ai pas voulu admettre à cet emploi, que je n'ai su de vous si vous le jugiez digne de le remplir... Richelieu, qui déclare dans ses Mémoires, que les droits prétendus par le colonel de l'infanterie étaient de très-dangereuse conséquence et du tout insupportables, se résigne pourtant à solliciter de lui des nominations : J'ai cru, lui dit-il modestement, vous devoir donner avis des témoignages qu'on m'a rendus en faveur de (mon protégé) et combien le Roi aura agréable que vous le gratifiiez de ce qu'il vous sera possible[42].

Bien que moins puissants, les deux colonels des Suisses et de la cavalerie légère, — on entendait par là toute la cavalerie française, sauf la maison du Roi, — avaient chacun dans son ressort, une autorité très-étendue, qui s'exerçait jusque sur le champ de bataille. Comme un grand maitre de l'artillerie doit pouvoir visiter les lieux où il compte mettre des batteries, l'officier qui avait provision de cette charge se trouvait, partout où il était, libre d'inspecter les positions de toute l'armée et de disposer souverainement des canons[43].

Il n'est pas d'autres colonels en France que ces colonels généraux ; et ce titre est si bien supérieur dans l'opinion à tout autre, que d'Ornano ou Gassion qui le portaient, comme les étrangers, par tolérance, ne le quittent que lorsqu'ils sont maréchaux de France[44].

Immédiatement après les colonels, venaient les maréchaux de camp. Commission temporaire jusqu'au règne de Henri IV, la fonction de maréchal de camp était devenue sous Louis XIII un grade fixe, dont on était investi par brevet ; Le Roi, y disait-on, voulant reconnaître... (suivait ici le détail des services) a retenu, ordonné et établi le sieur..., en la charge de maréchal de ses camps et armées, pour dorénavant en jouir et en faire les fonctions aux honneurs, autorités, prérogatives, prééminences et appointements qui lui appartiennent. Cette autorité fut grande jusqu'au règne de Louis XIV. Un maréchal de camp en 1630, c'était presque autant qu'un maréchal de France en 1660. Vers cette dernière époque ceux qui n'ont point servi et qui ne font quasi même que de naitre, sont faits maréchaux de camp, de sorte que ce bel emploi en est tellement avili, que pas un de ceux qui le méritent n'y veulent plus demeurer et ne s'en tiennent récompensés[45]... Le maréchal de camp, pas plus que le maréchal de France, n'a, en vertu de son titre, ni la propriété, ni même la direction perpétuelle d'une troupe. En temps de paix il est le plus souvent sans emploi. Il en est de même de tous les grades conférés par brevet, major de brigades, sergent de bataille[46], aide de camp (parfois nommé aide-maréchal de camp), lieutenant-colonel, spécialement attaché à la personne d'un mestre de camp, et maréchal des logis[47]. Ce sont là des situations à côté, pouvant très-bien se cumuler avec le grade de mestre de camp ou de capitaine[48].

Non-seulement un maréchal pouvait demeurer mestre de camp, en gardant le régiment qu'il avait avant sa promotion, mais il pouvait le devenir, si après cette promotion, il lui plaisait d'en acheter un, comme fit Puységur ; il pouvait l'être deux fois, s'il possédait deux régiments comme Arnaud[49]. Schomberg et La Curée, tous deux maréchaux de camp, sont en même temps l'un colonel des reîtres et lieutenant des chevau-légers du Roi ; l'autre capitaine des chevau-légers et d'une compagnie de gendarmes[50]. La fonction de capitaine se transmettant par héritage, le premier venu peut se trouver capitaine sans y penser, fût-il comme nous en avons vu, maitre des eaux et forêts à Montargis[51]. Il n'y avait en ce dernier cas que demi-mal, parce que celui qui n'était pas du métier, s'empressait de vendre une charge qu'il ne pouvait exercer. Les gentilshommes au contraire tenaient beaucoup à conserver une troupe qui leur appartenait en propre, qui avait longtemps été au feu avec eux. Ce cumul étant destructeur de toute hiérarchie, on défendit dès 1641, aux officiers, de quelque qualité qu'ils fussent de tenir plusieurs charges en la guerre ; on les mit en demeure d'opter ; niais l'usage devait être bien enraciné, puisqu'il fut plus de cinquante ans à disparaître[52].

Dans cette énumération des grades militaires sous Louis XIII, nous omettons volontairement ces titres éphémères de général-major, de conducteur des bandes françaises, de général des bandes italiennes[53], que prennent des particuliers ambitieux, dans leur province, ou que le gouvernement accorde à certains personnages, pour les distinguer de ceux qui n'ont qu'un régiment. Il en est de même des fonctions temporaires, comme celles de général d'armée ou de lieutenant général. Général d'armée voulait dire général en chef, commandant aux maréchaux de France. Marillac, dit Richelieu, étant maréchal de France, fut bien assez hardi de vouloir avoir la qualité de général d'armée et demanda des lettres du Roi à toutes les troupes, pour se faire reconnaître comme tel[54]. Quant au lieutenant général qui, sous Louis XIV, devint le grade intermédiaire entre maréchal de France et maréchal de camp et subsista tel jusqu'à nos jours, il n'est encore qu'un pouvoir, passager, qui cessait à la paix, ne donnait droit à aucuns gages spéciaux, était porté tantôt par des maréchaux de France, sous un prince, tantôt par de simples mestres de camp[55].

Les historiens se sont donc trompés lorsqu'ils ont fait remonter au règne de Louis XIII, la création des lieutenants généraux, en tant que grade ; tous donnent, du reste, des listes différentes de ceux qu'ils pensent y avoir été nommés. Le fait certain, c'est qu'on appelle, en ce temps-là, lieutenant général, le commandant en second d'une armée[56]

A cette fonction, comme à toutes les autres, le premier venu peut Cire nommé. Nous nous sommes jusqu'à présent servi du mot gradé pour désigner les emplois des hommes de guerre. Ce mot n'est pas exact. Grade (gradus) veut dire degré ; degrés que l'on monte un à un et l'un après l'autre. Or, les carrières militaires de l'époque, si nous tentions de donner aux grades leur sens moderne et réel, viendraient aussitôt nous infliger un démenti. La noblesse demandait[57] dans ses cahiers de 1614, que chacun fût obligé de monter en grade de degré en degré, ce vœu ne fut pas réalisé. Aucune loi ne s'opposait à ce qu'un gentilhomme fût nommé d'emblée maréchal de camp ou maréchal de France, sans avoir aucun titre militaire ; le cas est fréquent. II s'ensuit à plus forte raison qu'un capitaine, un mestre de camp, un enseigne peuvent obtenir ce qu'on appelle aujourd'hui de l'avancement, en sautant d'un bond toute la hiérarchie. Étudiant la vie de ceux qui ont occupé les plus hautes charges militaires, nous voyons les uns gravir lentement chacun des échelons jusqu'au sommet, les autres l'atteindre du premier coup, sans toutefois y parvenir plus jeunes. Guébriant, qui fut maréchal de France à quarante ans, avait servi comme soldat en Hollande et à Venise, était capitaine à vingt-huit ans au régiment de Piémont, à vingt-neuf ans au régiment des gardes, à trente-cinq ans maréchal de camp[58]. La Motte-Houdancourt, cornette des chevau-légers à dix-sept ans, capitaine d'infanterie à dix-neuf ans, mestre de camp à vingt-huit, sergent de bataille à trente et un ans, devenait à trente-deux ans maréchal de camp et à trente-huit maréchal de France[59]. Turenne lui-même qui, après dix-huit ans de service, obtint le bâton de maréchal, avait débuté comme simple soldat et avait successivement occupé tous les emplois. Au contraire, les maréchaux de Boisdauphin, de Thémines, de Gramont, n'avaient fait aucun grade ; les maréchaux de la Force, de Saint-Géran, de Lavardin, n'en avaient fait qu'un ou deux, mais cela ne veut pas dire qu'ils eussent peu servi. Quand le Roi envoie à un gentilhomme un brevet de maréchal camp, ce n'est pas en général pour se faire connaître en cette qualité à l'armée, comme le ministre l'écrivait à un diplomate, M. de Charnacé, dont il fit par occasion un guerrier[60], c'est plutôt parce que depuis l'âge le plus tendre il a passé d'une bataille à un siège et d'un siège à l'autre, faisant à l'État un cadeau perpétuel de sa vie[61].

On commençait jeune le métier des armes et l'on s'y préparait dès l'enfance ; dans la plupart des grandes villes existaient sous le nom d'académies des écoles militaires officielles, dont les directeurs étaient nommés et subventionnés par le Roi ; la noblesse y apprenait l'équitation, l'escrime de l'épée et de la pique, la bague, la voltige et les mathématiques[62]. A l'heure où l'adolescent du dix-neuvième siècle prépare son baccalauréat, celui du dix-septième portait déjà le mousquet depuis plusieurs années, et avait fait campagne. Feuquières et Cinq-Mars servaient à treize ans, Turenne à quatorze, La Rochefoucauld à seize, Thémines à dix-sept ; un gentilhomme de dix-sept à dix-huit ans, qui est l’âge militaire, dit Savary, est réputé majeur pour le fait de la guerre, et peut engager ses immeubles pour l'achat de ses armes et de ses chevaux[63]. Au-dessus de vingt ans, on était bien vieux pour commencer la carrière ; d'autant plus que, — nous l'avons dit ailleurs[64], — quelles que soient la fortune et la famille du néophyte, il fallait apprendre comme cadet avant d'enseigner comme capitaine : le duc d'Enghien servit simple volontaire à l'armée du comte de Guiche devant Charlemont[65].

L'apprentissage fini, il est vrai, on pouvait avancer très-vite en temps de guerre ; beaucoup de maréchaux de camp avaient de trente à quarante ans. Ce système était-il moins bon que celui en vertu duquel les troupes, devant l'ennemi, se trouvent presque exclusivement commandées par des vieillards[66] ?

Toutefois, s'il était facile à un homme valeureux de se signaler, il ne l'était guère de s'enrichir. Quelques habiles, tenant les grandes charges, savent en tirer parti ; le colonel de l'infanterie touche 64.000 livres[67]. Bassompierre se faisait 100.000 francs comme colonel général des Suisses[68]. Ces grands seigneurs mangeaient à plusieurs râteliers. Le grand écuyer qui a 1.200 livres de gages ordinaires, a 7.200 livres pour sa livrée et ses chevaux, autant pour l'entretien de ses pages, 6.000 pour son n plate et 10.000 pour son appointement, ce qui finit par constituer un revenu fort lucratif[69]. Mais les autres, depuis l'enseigne qui touche à peu près 20 sous par jour, jusqu'au maréchal de camp, qui à chaque paye d'un mois et demi, reçoit de 5 à 600 livres, n'ont pas de quoi faire des économies[70].

La plupart des mestres de camp n'auraient pu subvenir à leurs besoins sans les pensions de 2 et 3.000 livres qu'ils recevaient en sus de leurs gages ; sans cesse on trouve dans les archives des états de pensions que le service du Roi requiert être payées comptant, sur lesquels figurent presque exclusivement des officiers pauvres, — les riches sont effacés, — pour les aider à se disposer à la campagne[71]. Quelquefois on lève un impôt pour tenir lieu d'appointements au gouverneur d'une forteresse, ou bien on lui fait don de quelque somme disponible[72]. Ces bienfaits de diverse nature sont plutôt des remboursements que des avances. — Bienfaits très-problématiques au reste, lorsqu'ils consistent en créances irrécouvrables que l'État abandonne à un particulier, faute de pouvoir en rien tirer lui-même[73].

Richelieu dit avec franchise en plus d'une circonstance : Il faut prendre quelque personne de qualité qui veuille dépenser au lieu de gagner[74]. Au gouverneur d'Antibes, en propose l'abandon du produit d'un droit féodal pendant six ans, s'il fait réparer à ses frais les fortifications de cette place. Il accepte, mais, méfiant, tient à ce que les lettres de don soient enregistrées au Parlement, avant de mettre la main à la poche. Le Roi, mécontent de cette attitude, refuse de son coté de rien faire, jusqu'à ce que le gouverneur ait déboursé[75].

Les appointements réguliers eux-mêmes étaient fort irrégulièrement soldés. La France qui trouvait 50.000 écus pour attirer au service du Roi un général ennemi, Jean de Wert, qui faisait offrir à Wallenstein une somme aussi forte qu'il pourrait l'exiger, lorsqu'il songea à trahir l'Empereur[76] ; la France payait, comme à regret, son propre état-major. En 1328, les maréchaux de France font au Roi une lettre collective, sous la signature de La Châtre, leur doyen, pour demander le payement de leurs gages, tant de l'année passée que de la présente[77]. Un sieur Lénilé a un emploi de maréchal des logis des armées, à 100 livres de gages ; depuis cinq ans il n'a rien touché. Il avait, en outre, acheté, avec la dot de sa femme, une charge de commissaire des guerres, pour 36.000 livres ; on la supprima quelques années après, sans qu'il ait jamais reçu un sou[78]. Le Trésor envoie des à-compte (10 pour 100 aux capitaines d'infanterie de l'armée d'Allemagne) ; ou bien pactise, prend des engagements. Le gouverneur du château de la Chaulme, écrit Villemontée, demande d'être payé de quatre années de montres qu'il évalue à 25.000 livres (y compris la fourniture des piques) ; je lui ai réduit le tout à 12.000 livres et soutenu que c'était son bien et son repos de les prendre, et sortir de cette place qui lui est extrêmement à charge, et capable de le ruiner s'il arrivait de la guerre[79]... Monseigneur le cardinal, dit le gouverneur de Navarreins, est très-humblement supplié de considérer que le sieur de Poyane n'a pas touché un sou de Sa Majesté, pour l'entretien de quatre cents hommes qui sont en garnison pour son service en cette ville, depuis cinq ans[80].

Saint-Chamond a perdu, dit-il, depuis vingt-cinq ans, 200.000 écus au service du Roi, et n'a pu même obtenir de lui une chambre dans le bourg de Saint-Germain, pour se mettre à couvert. Le frère aîné du célèbre duelliste La Chapelle, dans la supplique qu'il adresse, pour empêcher la condamnation de son cadet, s'exprime ainsi : Le feu baron de Molac, notre père, après avoir exposé cent et cent fois sa vie, reçu nombre de plaies, fait dix ans la guerre à ses dépens, payé des rançons, nous a laissés à sa mort chargés de 100.000 écus de dettes[81]. Depuis le temps que je suis hors de chez moi, écrit un gentilhomme qui demande à aller passer quelques jours dans son château, mes chétives affaires peuvent facilement dépérir, et ma petite condition est telle, que n'ayant jamais guère acquis des biens de la fortune dans le métier de la guerre, peu de chose m'abat ou me relève[82]. Ce qu'un cadet a souvent de mieux à faire, s'il embrasse la profession des armes, c'est de quitter, sans esprit de retour, le manoir paternel, en renonçant d'avance à tout héritage, en faveur de ses frères qui se chargent de nourrir et d'entretenir, sa vie durant, lui, ses gens et ses chevaux[83]. Nous n'irions pas d'ailleurs jusqu'à affirmer que les gentilshommes fussent, dans les camps, des modèles d'ordre et de prévoyante administration ; ce serait trop demander à des gens qui risquent leur peau au jour le jour ; ils se dédommagent des privations d'hier par les profusions de demain. Une ordonnance royale parle des excessives dépenses qu'ils font, de leur façon de vivre splendidement, qui se remarque particulièrement en leurs tables, où il se voit plus de menues viandes, lors même qu'ils sont dans le pays ennemi, et dans la difficulté de se procurer des vivres, que s'ils étaient au milieu du royaume et dans l'abondance... Le Roi ordonne, sous peine d'encourir sa disgrâce, qu'il n'y aura que deux services[84].

Pour bien des officiers, leur compagnie ou leur régiment représente tout leur avoir. Depuis le capitaine de vieux régiment, qui a payé sa charge 4 à 5.000 écus, jusqu'au mestre de camp des gardes qui achète la sienne 200.000 livres[85], beaucoup ont aventuré sur leur propre tête, un capital dont une mort subite risque de priver leurs enfants. Péricard, évêque d'Avranches, réclame ainsi pour ses neveux orphelins, Sully pour ses petits-fils, n'étant pas raisonnable que les fils de ceux qui sont morts en servant le Roi, perdent les biens avec la vie de leurs pères[86]. Avec l'opposition de la Chambre des Comptes, à l'enregistrement des dons faits en pareil cas pour forme de récompense, avec les ordonnances nouvelles qui s'y montraient également hostiles, il devenait difficile à ceux qui n'étaient pas appuyés de hautes influences, de se faire indemniser.

Jusqu'à la fin de la monarchie, cette considération d'intérêt n'empêcha pas la noblesse d'aller se Faire tuer pour la France, personnifiée dans son souverain. Sous Louis XIV, on voyait à l'armée neuf frères d'Imécourt, dont cinq étaient capitaines sous les ordres de leur père. En deux générations, dix membres de cette famille périrent à la guerre. Le régiment des gardes, depuis son institution jusqu'à l'année 1637, avait eu dix mestres de camp, dont sept avaient été tués à l'ennemi. Pendant la même période, sur sept mestres de camp du régiment de Navarre, il en mourut cinq dans les combats, trois sur six du régiment de Champagne et trois sur cinq de celui de Picardie[87]. Ces chiffres, vraiment extraordinaires, n'étonnent pas, quand on voit dans le récit des combats d'alors, la bravoure que les chefs y déployaient. Ces seigneurs qui ne savent que devenir, lorsqu'il leur faut demeurer enfermés au logis, qui confessent, comme Brezé, que la tête leur tourne de lire[88], se sentent à leur aise au milieu de la mousqueterie. Interrogé au procès de Montmorency, s'il avait reconnu le duc dans le mêlée de Castelnaudary, M. de Guitaux répond, avec une éloquence inconsciente, que le voyant tout couvert de sang, de feu et de fumée, il eut de la peine à le connaitre, mais qu'enfin lui ayant vu rompre six de leurs rangs, et tuer des soldats dans le septième, il jugea bien que ce ne pouvait être autre que lui[89]... Lutzen, Piccolomini, général autrichien, avait sept chevaux tués sous lui, et recevait six blessures sans se résoudre à fuir. Gustave-Adolphe y tomba percé d'une grêle de balles, il était déjà frappé au bras et dans le dos, et se maintenait néanmoins à cheval. C'est là ce que l'on appelait bien faire ; les riches et les élégants, comme Bellegarde ou Miossens, qui prenaient en temps de paix tant de soin de leurs corps, ne montraient pas à la guerre moins de témérité que ces vieux braves, qui n'avaient pour revenu que leurs épées, et auxquels un coup de fauconneau avait déjà emporté la moitié du visage[90].

 

 

 



[1] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 95.

[2] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 20, 128, 134. — TALLEMANT, t. III, p. 69. Il imitait aussi les artifices des eaux de Saint-Germain, par de petits canaux de plume. Il rasait bien, et coupa un jour la barbe à plusieurs officiers.

[3] ARNAUD D'ANDILLY, Mémoires, p. 415. — RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 477. — PONTIS, Mémoires, p. 515, 517, 541, 580. — PONTCHARTRAIN, Mémoires, p. 482. — FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 120, 155. — M. TOPIN, Louis XIII et Richelieu, p. 261.

[4] Arch. Aff. Étrang., t. 811, fol. 11. — Nous la reproduisons parce qu'elle est inédite.

[5] De Saint-Preuil (qu'on appelait le brave Saint-Preuil) était en 1622 enseigne dans la compagnie colonelle du régiment de Picardie, fut ensuite capitaine au régiment des gardes, devint gouverneur d'Arras, et maréchal de camp (1638). Il eut la tête tranchée en 1642. C'est lui qui en 1632 avait fait prisonnier le duc de Montmorency.

[6] Somme considérable, puisque le prix courant était de moitié.

[7] PONTIS, Mémoires, p. 586.

[8] Saint-Simon lui adresse ci-dessus des rapports. — Arch. Aff. Étrang., t. 808, fol. 805. — LA ROCHEFOUCAULD, Mémoires, p. 381.

[9] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 557 ; t. II, p. 470,622.

[10] BRIENNE, Mémoires, p. 26.

[11] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 561. — MONTGLAT, Mémoires, p. 120.

[12] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 456, 514. — Arch. Aff. Etrang., t. 787, f. 44.

[13] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 584.

[14] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 349 et passim. — TALLEMANT, t. III, p. 47.

[15] PONTIS, Mémoires, p. 560. — RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 246.

[16] Arch. Aff. Étrang., t. 794, fol. 320, — Lettres et papiers d'État, t. III, p. 490. RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 359. — SCHILLER, Guerre de Trente ans, p. 281

[17] MONTGLAT, Mémoires, p. 133. — Arch. Aff. Étrang., t. 781, f. 59. — Arch. Guerre, XXVI, 89. — L'influence de Richelieu s'étendait même sur les officiers français au service de l'étranger. — Aff. Étrang., t. 800, fol. 79.

[18] TALLEMANT, t. IV, p. 53. — En 1637, Richelieu envoie un agent chargé de proposer au comte d'Harcourt et au maréchal de Vitré, séparément et à l'insu l'un de l'autre, une entreprise de voir ce qu'ils en penseraient, et de donner à celui qui proposerait de l'exécuter, le pouvoir de commander en chef, et à l'autre l'ordre de lui obéir. Le tout avec le plus grand secret. — RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 210.

[19] RETZ, Mémoires, Ire partie. — Avec le cardinal de la Valette, dit TALLEMANT, Richelieu vivait tout autrement qu'avec les autres ; il le traitait civilement et respectueusement, car il lui avait la plus grande obligation qu'on puisse avoir à un homme, en souvenir de sa conduite à la journée des Dupes.

[20] Sur le duc de Friedland, assassiné par ordre de l'Empereur, à l'âge de cinquante ans, voyez notre t. II, et SCHILLER, Guerre de Trente ans, traduction Carlowitz, p. 156, 409. — RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 4.3.

[21] Arch. Aff. Étrang., t. 803, fol. 339.

[22] Arch. Aff. Étrang., t, 782, f. 83. Les fortifications continuaient à être réparties entre eux quatre, selon les provinces.

[23] LA CHÂTRE, Mémoires. — ROMAN, Mémoires, p. 661. — Arch. Guerre, XXV, 398 ; XXVIII, f. 200 et passim.

[24] Ce premier commis était Timoléon Le Roy, qui obtint lui-même, en 1639, brevet de secrétaire du Roi, et demeura en fonction sous Le Tellier. Arch. Guerre, XXXI, 214, et LVI, 67, 303.

[25] Ou Monsieur mon camarade.

[26] Il n'y avait même aucune règle fixe, puisque le duc de Montmorency gouverneur de Languedoc, avait sous ses ordres des maréchaux de France qui, il est vrai, le supportaient impatiemment. RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 421. Ce fut pourquoi le Roi le créa maréchal lui-même, quoiqu'il y en eût déjà beaucoup.

[27] RICHELIEU, Mémoires, t. Ier, p. 224. La position des princes de Lorraine était exceptionnelle. Sous la Ligue, le duc de Mayenne avait fait des maréchaux qui furent reconnus par le Roi. En 1636, on ne voulait point mettre un maréchal de France sous les ordres du duc de Parme, à cause de la réputation de cette charge, ou ne lui accorde qu'un maréchal de camp. — Id., ibid., t. III, p. 36.

[28] En 1628, devant la Rochelle. — Arch. Aff. Etrang., t. 789, f. 143.

[29] Arch. Aff. Etrang., t. 796, f. 164, 314, 316 ; t. 797, f. 108. Accord entre Châteauneuf et Coëtquer.

[30] LA FORCE, Mémoires, t. III, p. 370, dit que dans les provinces dont les gouverneurs sont officiers de la couronne, ils commandent conjointement avec les maréchaux. — Lettres et papiers d'État, t. Ier, p. 435. — RICHELIEU, Mémoires, t.   Ier, p. 492. — Arch. Aff. Etrang., t. 784, 353. — DANIEL, Histoire de la milice, t. II, p 11.

[31] Cf. DANIEL, t. I, p. 173, et l'Histoire des grands officiers de la couronne. La rédaction de l'édit de janvier 1627, portant cette suppression, est bizarre et embarrassée t on y dit successivement le pour et le contre. On ne parait pas éloigné de la rétablir de temps en temps, lorsque les occasions s'offriront et néanmoins on la déclare éteinte à jamais.

[32] Sous Louis XIII, Lesdiguières fut maréchal général, en 1621, avant d'être connétable. — FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 157. — Lettres et papiers d'État, t. III, p 805. — RICHELIEU, Mémoires, t. Ier, p. 238 et 299.

[33] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 316. - TURENNE, Lettres, édition Michaud, p. 346. — RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 146, 276. - Voyez, à l'Appendice, la liste des maréchaux de France sous Louis XIII.

[34] Quatorze en 1630, treize en 1652, seize en 1651, vingt en 1703. — Le tiers état, en 1614, demandait qu'il n'y en eût plus que quatre, et qu'ils fussent d'origine française. PICOT, États généraux, t. IV, p. 166. — Arch. Arr. Étrang., t. 796, f. 271. — DANIEL, Histoire de la milice, t. II, p. 6.

[35] PONTCHARTRAIN, Mémoires, p. 467. — Le duc d'Angoulême (1626) avait un brevet pour succéder au connétable. — Aff. Etrang., t. 781, f. 180.

[36] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 203. — FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 121.

[37] Au connétable, le Roi remettait l'épée. — En Angleterre, le maréchal porte un bâton d'or dont les deux bouts sont de fer. — BRIENNE, Mémoires, p. 39.

[38] Arch. Aff. Étrang., t. 798, f. 2 et suivantes. — Pour Thoiras, il commence ainsi : La récompense des bonnes actions excite un chacun à bien faire, aussi avons-nous toujours eu soin de reconnaitre les services de ceux qui se sont employés vertueusement... Pour d'Effiat, il est dit : La noblesse française, qui a toujours été estimée te bras droit de cet Etat, n'ayant pour principal but dans la prodigalité qu'elle fait si librement de son sang, que la gloire...

[39] Il n'avait point de séance, comme maréchal, mais comme simple conseiller, au rang de sa réception. On le mettait aussi en possession, en l'auditoire de la maréchaussée. — PONTCHARTRAIN, Mémoires, p. 478. FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 72.

[40] Arch. Aff. Étrang., t. 789, f. 31. — PONTIS, Mémoires, p. 478, 534. — Le grand maitre de l'artillerie parait être cependant inférieur aux maréchaux de camp. — DANIEL, Histoire de la milice, t. Ier, p. 593.

[41] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 34, 115, 126, 140. — PONTIS, Mémoires, p. 484, 503. — DANIEL, Histoire de la milice, t. p. 270, 201 ; t. II, p. 264. — Le colonel général avait été fait officier de la couronne sous Henri III, et le grand maure de l'artillerie sous Henri IV. — Supprimée en 1643, à la mort de d'Épernon, maintenue pour son fils, la première charge fit abolie définitivement en 1661.

[42] Lettres et papiers d'État, t. Ier, p. 375. La mansuétude de Richelieu, à l'égard de d'Épernon, est une chose qui nous a toujours semblé assez mystérieuse.

[43] Lettres et papiers d'État, t. V, p. 619. Le grand maitre a, dans sa juridiction, bon nombre d'offices auxquels il pourvoit. — Arch. Guerre, XXVIII, 185 ; XLII, 158. — Arch. Aff. Etrang,, t. 783, f. 208. — DANIEL, Histoire de la milice, t. Ier, p. 240 ; t. II, p. 461, 528. — PONTIS, Mémoires, p. 584. — FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 115,

[44] Tous deux étaient pourtant maréchaux de camp depuis longtemps. — Aff. Étrang., t. 783, f. 27. — TALLEMANT, t. V, p. 170. Il y eut à la fin du règne un colonel des étrangers qui parlent la langue française. — En Allemagne, ce grade de colonel était courant. On voit des colonels aides de camp de Wallenstein. — Il y a aussi des qualifications de fantaisie, comme e colonel général des régiments français en Hollande prise par Gaspard de Colligny (Arch. Haute-Garonne, B. 418), et des titres passagers comme colonel général de la cavalerie allemande.

[45] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p, 12. — TALLEMANT, t. III, p. 63, 200. — DANIEL, Histoire de la milice, t. II, p. 29.

[46] Appelé aussi maréchal de bataille. — Arch. Guerre, XXVI, 113.

[47] Le major de brigades Fait exécuter par quatre ou cinq régiments les ordres des généraux. PONTIS, Mémoires, p. 607. Le sergent de bataille ou l'aide de camp commande l'armée en l'absence du maréchal de camp. DANIEL, Milice, t. II, p. 75. — Lettres et papiers d'État, t. Ier, p. 412, 628. — Arch. Guerre ; XXIV, 51, 109. — RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 80.

[48] Les grades de la note ci-dessus sont supérieurs à celui de mestre de camp ; voici maintenant l'assimilation des autres aux grades ordinaires du régiment. Le sergent-major et le lieutenant-colonel (quand il y en a) correspondent au capitaine, l'aide-major au lieutenant, le maréchal des logis et le prévôt à l'enseigne. En outre, l'aumônier et le chirurgien correspondent au sergent. Règlement du 24 juillet 1638. — PONTIS, Mémoires, p. 582, 483. — Mémoires de LA VALETTE, t. I, p. 6.

[49] Puységur, maréchal de camp, était lieutenant-colonel du régiment de Piémont, il en devint colonel plus tard. Arnaud possédait le régiment des Carabins et celui de Champagne. Un seul officier possède six compagnies. Lettres et papiers d'État, t. I, p. 391.

[50] D'Estrades (1640) est aide de camp des armées, et lieutenant-colonel ; de Refuges, aide de camp, est capitaine au régiment de Piémont. BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 202. — Aff. Etrang., t. 805, f. 169.

[51] Arch. Guerre, XLII, p. 189.

[52] Arch. Guerre, LXVII, 63. — Dans le règlement de 1668, on ordonne encore aux officiers parvenus au grade de maréchaux de camp de vendre leurs régiments.

[53] Comte de Papenheim en 1628. — Aff. Etrang., t. 789, f. 120. — Arch. Lot-et-Garonne, B. 43. — Arch. Guerre, LXII, 196, — Le sieur de la Saludie, simple capitaine au régiment de Normandie, demande le commandement des troupes qui sont et seront dans l'Électorat de Trèves ; Richelieu lui refuse, parce que, dit-il, il serait ainsi devenu général d'armée.

[54] Mémoires, t. II, p. 106. — Aff. Étrang., t. 795, f. 236. — BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 341, fait mention de certains grades qui n'existaient que dans l'armée allemande. — On appelait aussi généraux des camps et armées, les trésoriers généraux, Plumitif, P. 2759, p. 141.

[55] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 203. — Arch. Guerre, XLII, 24 et 26 ; tel un Italien, le marquis de Pomare.

[56] Sur le titre de lieutenant général voyez les Mémoires de BASSOMPIERRE, p. 194. ; de FONTENAY-MAREUIL, p. 100 ; de LA l'Once, note de l'éditeur, t. III, p. 55 ; de RICHELIEU, t. III, p. 242 ; la Chronologie militaire, de PINARD, t. IV, p, 7, qui compte sous Louis XIII vingt-deux lieutenants généraux, et en oublie beaucoup ; les Arch. Guerre, XXXII, 61, 63, et XLII, 66, 70 ; DANIEL, Histoire de la milice, t. Ier, p. 190 ; t. II, p. 23. Après avoir servi comme lieutenant général, on sert souvent comme maréchal de camp ; on est toujours nominé lieutenant général sous tel chef, ou dans telle armée, termes qui ne sont jamais employés dans les brevets de maréchaux de camp, ni dans les lettres patentes de maréchaux de France.

[57] M. PICOT, États généraux, t. IV, p. 169.

[58] PINARD, Chronologie militaire.

[59] MONGLAT, Mémoires, p. 123.

[60] Lettres et papiers à État, t. V, p. 78.

[61] Lettres et papiers d'État, t. V, p. 556. — RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 225, 159. Témoin d'Argencourt, ou Pagan, de la maison napolitaine des ducs de Terra-Nuova, ingénieur volontaire qui prit part à tous les sièges du règne, et qui écrivit des ouvrages de fortifications. — On envoie aussi brevet de maréchal de camp au marquis de Sourdis, au marquis de Ville qui se trouvaient dans le même cas. Arch. Guerre, XXIV, 455 ; XXXII, 40.

[62] Arch. Guerre, LVI, 254, et LXXI, 221. — Brevets pour la conduite de l'Académie d'Aix et de l'Académie royale de Paris. — Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, C. 569. — Arch. dép. de la Haute-Garonne, B. 391. — Variétés historiques d'É. FOURNIER, t. III, p. 57. — Chose singulière dans la liste générale des métiers, les maîtres d'escrime sont classés au cinquième et dernier rang, entre les jardiniers et les rémouleurs.

[63] Arrêt du 5 juin 1690. — SAVARY, Le parfait négociant, t. Ier, p. 284.

[64] La noblesse, ses devoirs, t. Ier. — RETZ, Mémoires, t. Ier, p. 22.

[65] Mémoires de MONTGLAT, p. 77 ; de FONTENAY-MAREUIL, p. 111 ; de PONTIS, p. 449, 551 ; de l'abbé ARNAUD, p. 454 ; de LA ROCHEFOUCAULD, p. 383. — TALLEMANT, Historiettes, t. V, p. 19.

[66] Saint-Géran était maréchal de camp à vingt-huit ans ; Lavardin à trente-cinq ; Turenne à vingt-quatre ; Brézé à trente-trois ; La Motte-Houdancourt à trente-deux ; Feuquières à trente-neuf ; Saint-Chamond à trente-sept ; Fontenay-Mareuil à trente et un ; Marillac à quarante-cinq le comte d'Harcourt, l'un des meilleurs généraux du temps, servait depuis l'âge de dix-neuf ans, sans titre, lorsqu'il devint à trente-huit ans général de l'armée d'Italie.

[67] Plumitif de la chambre des comptes, P. 2762, f. 92. RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 129.

[68] TALLEMANT, t. IV, p. 198. — FAUGÈRE, Journal d'un voyage à Paris, p. 344. — DANIEL, Histoire de la milice, t. II, p. 14, donne des chiffres exagérés pour les appointements de maréchal de France.

[69] 31.600 livres. Arch. Aff. Étrang., t. 812, f. 320, et t. 808, fol. 309. Le colonel de la cavalerie légère n'avait, lui, que 1.600 livres par mois.

[70] LA VALLETTE, Mémoires, t. Ier, p. 6. — MONTEIL, Histoire des Français, notes, t. VIII, p. 361. — Aff. Étrang., t. 783, fol. 187. Le duc d'Angoulême proposait d'augmenter de 100 livres par montre la paye des mestres de camp.

[71] Arch. Aff. Étrang., t. 787, f. 222 ; t. 806, f. 189 à 206. — Beaucoup de gouverneurs, de lieutenants-colonels recevaient aussi une pension de 1.000 livres. — Plumitif de la chambre des comptes, P. 2763, fol. 10, 34, etc.

[72] Arch. Guerre, XXXII, 87,94 ; XLIX, 51, 61. — On donne 10.000 livres au colonel du régiment qui a fait prisonnier de guerre le général Coloredo. — On impose 6.000 livres pour Saint-Preuil sur l'élection de Doullens.

[73] Arch. Aff. Étrang., t. 794, f. 22. — Le Roi fait cadeau à Richelieu des dettes envers le Trésor, de Feydeau, mort insolvable. — C'est peut-être 50.000 écus, dit Marillac à Louis XIII, et néanmoins ce n'est rien. — Et quand ce serait quelque chose, répondit gaiement le Roi,... pour M. le cardinal !...

[74] Lettres et papiers d'État, t. III, p. 603. — Voyez au début de notre t. II.

[75] Arch. Guerre, XXVI, 74.

[76] SCHILLER, Guerre de Trente ans, t. 357, 314. — Lettres et papiers d'État, t. V, p. 369.

[77] Arch. Aff. Étrang., t. 790, f. 128. — Le maréchal de Châtillon a, sur quatre chapitres différents, des appointements qui s'élèvent, en tout, à près de 30.000 livres, mais, à la fin de l'année, il n'a rien reçu. Ibid., t, 797, f. 120.

[78] Arch. Guerre, XXX, 290.

[79] Aff. Étrang., t. 811, fol. 354. — Arch. Guerre, LVI, 149.

[80] Aff. Étrang., t. 800, f. 66. — On ne manquait pourtant pas de candidats à ces fonctions : Monseigneur, écrit à Richelieu M. de Soyecours, il y a trente ans que je sers Sa Majesté ou bien le feu roi son père, et je n'ai encore eu aucune marque d'honneur ; je tiens cette place (des Baux) assiégée ; s'il plaisait au Roi m'en donner le gouvernement, je vous en aurais une extrême obligation. Ibid., t. 800, fol. 159.

[81] Arch. Étrang., t. 781, f. 16 ; t. 785, f. 159.

[82] Arch. Aff. Étrang., t. 796, f. 196, et t. 804, f. 109.

[83] Arch. dép. Lot-et-Garonne, B. 57.

[84] En 1641. — Arch. Guerre, LXVII, 135.

[85] Arrêt du Parlement du 19 juillet 1642. — Lettres et papiers d'État, IV, 265. — RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 465. — DE BOISLISLE, Pièces justificatives pour l'histoire des premiers présidents de la chambre des comptes, 27 novembre 1617. — FAUGÈRE, Journal d'un voyage à Paris en 1657, p. 47. — Il parait que les compagnies baissèrent de prix vers cette époque. — Voyez sur ces prix notre t. Ier, Fortune de la noblesse.

[86] Arch. A ff. Étrang., t. 706, p. 242. — Lettres et papiers d'État, t. II, p. 359.

[87] DANIEL, Histoire de la milice, t. II, p. 265, 374, 395.

[88] Aff. Étrang., t. 808, f. 126. Lettre à Bouthillier.

[89] Aff. Étrang., t. 803, f. 268.

[90] Nous renvoyons le lecteur, à ce sujet, aux chapitres III et IV de la deuxième partie la Noblesse et sa décadence, t. I, où nous avons déjà traité le même sujet.