RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

APPENDICES.

APPENDICES DU LIVRE III.

V. — DIVISION ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE.

 

 

Nous tenons à prévenir le lecteur que les chiffres contenus dans ce tableau n'ont qu'une exactitude relative, malgré les efforts quelquefois pénibles que nous avons faits pour établir un document aussi authentique que possible. La science de la statistique est bien récente, elle remonte à peine à la seconde moitié du dix-huitième siècle ; avant cette époque, il ne faut pas songer à en tirer des enseignements profitables. Sous Louis XIII, c'est encore un chaos.

Le Secret des finances, par Froumenteau, à la fin du seizième siècle, estime à 32.000 le nombre des paroisses de France. D'après les Mss. Dupuy, il serait de 27.900 ; d'après un dénombrement de la Chambre des comptes, il serait de 26.260 ; nous voyons cependant le premier président de la Chambre des comptes dire au Roi en 1623 : Il y a en votre royaume plus de 117.000 paroisses. — Un avis très-utile évalue (vers 1649) le nombre des paroisses à 120.000, et le chiffre des habitants du royaume à 60.000.000. Mss. Godefroy (Bibl. de l'Institut), CXXX, 260. — Le Pouillé général, à cette époque, compte en France 30.419 cures.

Pour dresser le tableau des élections et des paroisses, nous nous sommes servis 1° de l'État de Richelieu conservé à la bibliothèque de l'Arsenal (Mss., 4487) ; il ne porte que dix-sept généralités et cent soixante-trois élections, parce qu'il ne tient pas compte des pays d'États ; 2° du Sommaire Traité de 1622, imprimé dans les Variétés historiques et littéraires d'Édouard Fournier (t. VI, p. 85), qui paraît se rapporter entièrement à l'état contenu dans l'ouvrage de Florimond Rapine en 1614 (p. 528) ; 3° du traité des tailles, aides et gabelles de Lazare du Cros, publié en 1629 pour la première fois ; 4° de la description de l'Europe par François Ranchin, publiée en 1643[1]. Ces trois derniers ouvrages ne contiennent les chiffres des paroisses que pour les pays d'élections, soit en 1640 dix-sept généralités, et souvent ils diffèrent entre eux sur le nombre des paroisses d'une généralité. Qui a tort ? Qui a raison ? Sont-ce là des fautes d'impression, ou des erreurs de calcul ? Nous ne saurions le dire[2]. En contrôlant les unes par les autres ces sources diverses, nous les avons complétées, pour les pays d'États, par le dénombrement de 1709, et par le Dictionnaire des généralités de 1753.

C'est également à ces ouvrages, ainsi qu'aux dénombrements faits par les intendants de 1693 à 1700, que nous avons eu recours pour les chiffres de la population[3]. Ici encore il y a beaucoup de lacunes ; de plus on constate une tendance marquée à l'exagération : La France, dit Richelieu en 1622, a si grande abondance d'hommes, que les villes étrangères comparées aux nôtres passent pour des déserts[4]. La Martinière dit en 1740 : On trouva 20 millions d'âmes du temps de Charles IX, et on jugeait il y a quelques années qu'il y en avait 40 millions[5]. Montesquieu adoptait pour le seizième siècle les chiffres de Puffendorf, qui allait jusqu'à 29 millions pour le règne de Charles IX[6]. Ce dernier, dit avec raison Voltaire, se trompe au moins de 14 à 15 millions. La France ne comptait point alors parmi ses provinces la Lorraine, l'Alsace, la Franche-Comté, la moitié de la Flandre, l'Artois, le Cambrésis, le Roussillon, le Béarn, et aujourd'hui qu'elle possède tous ces pays, elle n'a pas 20 millions d'habitants, suivant le dénombrement des feux fait en 1751. Cependant elle n'avait jamais été si peuplée, et cela est prouvé par la quantité de terrains mis en valeur depuis Charles IX.

Par contre, certains calculs réduisaient notablement la population véritable : eu quelques provinces, dans la statistique par feux, on ne comptait chaque domaine que pour un feu, c'est-à-dire pour une famille on une habitation. On ne trouvait ainsi en Bretagne que 32.427 feux pour 1.145 paroisses, et en Dauphiné que 3.590 feux pour 900 paroisses.

Nous avouons que les chiffres recueillis vers l'année 1700 ne peuvent donner qu'une idée fort approximative de la population de 1610. Tel qu'il est, et malgré les imperfections que nous venons de signaler, le tableau suivant peut toutefois servir de renseignement utile, pour l'époque de Louis XIII, où les documents sont malheureusement nuls.

 

DIVISION ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN 1640.

 

 

 

 



[1] C'est une réimpression des États de l'Europe, publiés par Davity en 1626, et cités par M. de Boislisle, Mémoires des intendants.

[2] Dans le traité de Du Cros, on voit pour Limoges 160 paroisses, et pour Moulins 281, tandis que dans la Description de Ranchin, Limoges en contient 1.600, et Moulins 1.281. Il y a évidemment là une faute d'impression dans Du Cros.

[3] L'étude des mouvements de la population avant 1789, disait récemment M. Levasseur à l'Académie des sciences morales et politiques, est une des plus intéressantes pour l'histoire économique de notre pays ; mais c'est aussi une des plus difficiles. Les matériaux font défaut, ou du moins manquent de précision, et la plupart sont encore inédits.

[4] Mémoires, t. I, p. 260.

[5] Dictionnaire de LA MARTINIÈRE, au mot France.

[6] Esprit des lois, 404, édition Didot.