RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

LIVRE III. — ADMINISTRATION GÉNÉRALE.

LES FINANCES.

CHAPITRE V. — RECETTES EXTRAORDINAIRES. - VENTES DE CHARGES.

 

 

L'ancienne forme d'élection des magistrats. — La vénalité des charges ; ce qu'on en pensait alors. — Opinion de Richelieu à cet égard. — L'hérédité des charges ; le droit annuel ou Paulette. — Total des recettes extraordinaires pendant le ministère de Richelieu. — Création d'une innombrable quantité d'offices nouveaux ; on en invente chaque jour. — Les abus de fonctionnarisme datent de là. — Attitude du Parlement et des cours souveraines. — Ce que ces offices coûtent à l'État : gages. — Ce qu'ils coûtent au public : taxations, droits divers ; ils font augmenter les autres impôts. — Ce qu'ils coûtent aux fonctionnaires eux-mêmes. — Les offices deviennent de vraies marchandises, des valeurs au porteur.

 

Nous venons de voir dans les chapitres précéderas l'ensemble des revenus ordinaires de l'État ; il nous reste à connaître ces recettes extraordinaires — parties casuelles, selon le terme de jadis — qui, durant le ministère de Richelieu, atteignent souvent et parfois dépassent les recettes normales. Ces deniers extraordinaires, on les demande à l'emprunt et à la vente des fonctions publiques[1].

Il n'est pas inouï, dit Montesquieu, de voir des États employer pour se ruiner des moyens qu'ils appellent extraordinaires, et qui le sont si fort, que le fils de famille le plus dérangé.les imagine à peine[2]. Pour ne pas juger trop sévèrement ces procédés fiscaux du milieu du dix-septième siècle, il faut chercher sans cesse à s'identifier avec l'esprit de l'époque, se faire volontairement une illusion d'optique pour ainsi dire, et replacer cette administration qui, froidement étudiée dans les livres, nous parait si singulière, au milieu de la société vivante qu'elle régissait. Il faut aussi se souvenir de ha grandeur du but : Richelieu subventionnant la moitié de l'Europe, pour la jeter sur l'autre moitié, partant lui-même en guerre sans argent, et ruinant la France pour vaincre l'Autriche, ressemble à l'inventeur qui brûle ses chaises pour chauffer son four, et non au fils de famille qui vend ses terres pour mener joyeuse vie[3]. Seulement, le préteur — et le prêteur dans ce chapitre des recettes extraordinaires, c'est la haute, la moyenne et la petite bourgeoisie — ne s'occupe pas de l'emploi qui sera fait de l'argent, il ne regarde que le crédit de l'État emprunteur, qui est très-mince ; il le traite alors comme un créancier peu délicat traite un débiteur peu solvable. L'un 'cherche des gains usuraires, l'autre se laisse voler parce qu'il ne peut faire autrement, mais il se croit en droit de rançonner à son tour ceux qui lui ont fait signer des traités trop onéreux. Ce ne sont plus là des opérations de finance, ce sont des luttes de finesse, où l'improbité de l'un encourage et excuse l'improbité de l'autre. Mais la paix une fois faite, quand les deux adversaires — emprunteurs et prêteurs — se sont mis d'accord par des concessions mutuelles, on s'aperçoit que des institutions mauvaises ont pris racine, que des créations vicieuses, nées du besoin d'argent d'un jour, existent pour des siècles : telle est la vénalité des charges.

Louis XII, pour faire la guerre d'Italie, vendit par les conseils du cardinal d'Amboise plusieurs offices de cour sans importance ; mais François Ier ne craignit pas, à l'instigation du chancelier du Prat, de rendre vénales, pour se procurer des fonds, les charges de judicature jusqu'alors données à vie par le Roi, ou à l'élection. Henri II l'imita, quoique dès cette époque les États généraux réclamassent le maintien de l'élection des officiers, par le concours de l'ordre judiciaire, des magistrats municipaux et de la couronne[4]. Quand on eut vendu les anciennes charges, on en créa de nouvelles ; Henri III, qui parlait déjà de réduire le nombre effréné de ses officiers, fit néanmoins enregistrer 26 édits de création d'emplois nouveaux[5]. Le branle donné, on ne s'arrêta plus. Cependant l'esprit ancien était si hostile à la vente des fonctions publiques[6], que jusqu'à la fin du seizième siècle, on continua à faire jurer aux nouveaux pourvus l'ancien serment portant qu'ils n'avaient rien promis, donné, ni payé directement ou indirectement pour leurs offices ; on le supprima alors, sentant qu'il n'était pas convenable de faire entrer les officiers dans leur charge par un parjure. Ici, comme en tant d'autres matières, le bien avait chez nous plusieurs siècles d'existence, quand le mal naquit.

Quelques-uns de nos contemporains, sans plaider tout à fait la cause de la vénalité des charges, ont fait valoir en sa Faveur cette circonstance atténuante, qu'elle garantissait l'indépendance de la magistrature ; ce qui garantit l'indépendance du juge c'est l'inamovibilité, et non la vénalité de sa fonction. Or le juge, en France, avait été inamovible bien longtemps avant de devenir propriétaire. Les charges judiciaires furent toujours offices, jamais commissions, selon la vieille distinction de nos aïeux ; toujours elles furent conférées à vie et d'une façon irrévocable. Le magistrat était même plus indépendant encore qu'aujourd'hui vis-à-vis du pouvoir, puisque sa nomination dépendait surtout de la compagnie dans laquelle il voulait entrer. C'était là ce système de cooptation, pratiqué partout alors, qui a conservé tant de force aux Académies, où il est demeuré en vigueur. Tel était l'état antérieur à la vénalité.

État ardemment regretté par tous les hommes de bien sous Louis XIII ; car cette vénalité qui plu. ; tard a trouvé des panégyristes, nul n'eût alors osé la défendre si ce n'est comme mesure fiscale — et beaucoup ne se gênaient pas pour l'attaquer avec violence. Réclamer contre la vente des charges était un sujet à l'ordre du jour ; dans le Inonde on en parlait sans cesse. La liste des ouvrages et pamphlets qui lui sont hostiles serait longue ; rien que sous le règne de Louis XIII, nous en pourrions citer plus de cinquante. On vit cette opinion se dessiner nettement aux États généraux de 1614 : La vénalité des offices, déclare Savaron, n'a apporté que corruptèle en la justice[7]. Cette liberté de vendre et d'acheter toutes sortes d'offices, dit Fontenay-Mareuil, est un des plus grands désordres qu'il y ait dans l'État[8]. Richelieu pensait de même ; il fit là-dessus un discours tout entier. Pour lui, la vente des charges mène à l'anéantissement de la justice, ceux qui les achètent semblant avoir quelque raison de ne penser qu'à chercher de la pratique, pour vendre en détail ce qu'ils ont acheté en gros[9]. Tout ce que les partisans de la vénalité auraient pu invoquer en sa faveur, c'est qu'elle servait à remplir les coffres du Roi : Si ce n'a été, disait un avocat au Parlement, que prétexte inventé pour secourir l'État au besoin, il ne faudrait pas ôter, le voile à notre patrie, en cette rencontre où elle est forcée de reconnaître ce qui en est[10].

Être propriétaire viager, c'était quelque chose ; être propriétaire héréditaire, c'était mieux encore. La vénalité eut pour conséquence l'hérédité des charges. La vénalité, dit 'au Roi l'orateur du tiers, est cette mère hideuse et effroyable qui a conçu dans ses entrailles une fille si affreuse : la Paulette, ou Droit annuel, que tout le monde déteste comme peste pernicieuse à votre État[11]. La Paulette, à qui son inventeur donna son nom en 1604[12], était une sorte d'assurance sur la vie payée par les possesseurs de charges. Moyennant le payement annuel du soixantième denier (1,66 %) du prix de leur office, l'État leur en conférait l'hérédité. Jusque-là ils pouvaient le vendre, — le résigner, comme on disait, — mais non le léguer par testament. La vente même était entourée de formalités pénibles ; elle devait se faire en public, devant des personnages désignés ad hoc. Par exemple, les fonctionnaires dépendant de la ville de Paris devaient se rendre à l'Hôtel de ville, et pour éviter de perdre leurs offices en mourant sans avoir résigné, ils s'y faisaient porter au milieu des maladies les plus graves ; on en vit qui moururent en chemin[13]. La résignation accomplie, le démissionnaire devait encore y survivre quarante jours pour qu'elle fût valable ; le tout afin d'éviter les transmissions de charges in extremis. Si l'officier en effet était mort en plein exercice, l'office serait revenu au Roi, qui aurait pu le revendre.

Avec le droit annuel, rien de tout cela n'est plus à craindre[14] ; aussi combien n'est-il pas cher aux officiers ! Jamais ils ne le trouveront trop dur. On a beau le renforcer par l'adjonction de deux ou trois taxes supplémentaires, dont la première ne sert qu'à être admis à payer la seconde, la seconde qu'à être admis à payer la troisième, comme on enferme un objet très-précieux dans plusieurs enveloppes successives, — les officiers tremblent encore à la pensée de voir supprimer ce droit d'hérédité, la consolation de leur vieillesse et la sécurité de leur famille[15]. Quand la Paulette, que le gouvernement, par une habileté raffinée, accorde pour une période de temps assez courte (six ou sept ans), arrive à l'époque de son renouvellement, le Roi tient à sa merci ces fières compagnies souveraines. Pendant les quelques mois où il affecte toujours de n'être pas décidé à la maintenir, il fait passer par où il veut toute la magistrature française.

Bien que ce droit annuel tût devenu une recette régulière du Trésor, il continue de figurer aux Parties casuelles, d'ailleurs pour un chiffre assez modique ; car il était calculé, non sur la valeur que l'office avait acquise dans le commerce, mais sur le prix payé à l'État par le premier acheteur

Le principal chapitre des recettes extraordinaires, c'est celui des ventes de charges nouvelles, créées chaque mois, presque chaque jour, durant tout ce ministère[16]. Un milliard de livres environ représente le total des sommes inscrites aux états des années 1624 à 1642. En déduisant le montant des emprunts effectués durant cette période, les ventes d'offices ressortent encore à près de 500 millions, chiffre énorme pour la fortune publique de ce temps[17]. Et si, passant du 'général au particulier, de l'ensemble au détail, nous cherchons ce que chacun de ces offices pouvait rapporter au Trésor, nous verrons qu'ils sont vendus fort bon marché, et que par conséquent, pour produire une somme aussi forte, il a fallu en créer une quantité gigantesque. Pour faire seulement un million, il fallait en vendre des centaines, parfois des milliers. Les offices de greffiers de greniers à sel, de receveurs des consignations, de commissaires des tailles, dépassent à la vérité ce million, mais les maîtres courriers et contrôleurs des postes ne rapportent que 400.000 livres, les greffiers des élections (alternatifs et triennaux) que 203.000 livres ; la création des gardes des petits sceaux, que 31.000[18], celle des visiteurs du fer que 19.000 livres, etc.[19]

Que fera le pouvoir ? Loin de renoncer à des créations peu lucratives, il les multipliera à l'infini, afin d'obtenir une grande rivière chaque année, à l'aide de tous ces ruisseaux infiniment petits. Jamais on ne verra tarir l'imagination abondante de l'homme de finance. La question d'argent revient sans cesse à cette époque, elle gît sous toutes les autres, et apparaît là où l'on s'attend le moins à la rencontrer. Les édits qui, pendant les premières pages, semblent fondés sur les motifs les plus graves, aboutissent à la création de quelques petits offices devant fournir à l'État quelques faibles deniers. L'exorde est ainsi chargé de couvrir de fleurs ce que la conclusion peut avoir de puéril ou de déplaisant. En veut-on un exemple ; il s'agit de la création de contrôleurs, visiteurs et marqueurs de papiers :

Ayant reçu diverses plaintes, dit le souverain, des abus qui se commettent en la forme, fabrique, vente et débit du papier qui se fait en plusieurs villes de ce royaume, en ce que par le passé la qualité dudit papier, qui s'exposait en vente pour écrire ou imprimer, était grandement louable, au lieu que depuis quelques années ladite fabrique était du tout corrompue ; d'où est procédé principalement que les impressions de France, qui voulaient égaler celles de l'antiquité, et étaient grandement recommandées envers les gens de lettres, voire même des étrangers, soient aujourd'hui bien moins recherchées qu'elles n'étaient : en quoi la négociation de la librairie reçoit un notable préjudice, outre que si cet abus était davantage toléré, ce serait en quelque sorte donner lieu à la diminution desdites lettres et sciences libérales.... La littérature et la science elles-mêmes sont ainsi mises en question ; l'édit parait perdu dans des considérations générales, quand brusquement il revient a la réalité : Sur ce, ayant fait examiner plusieurs fois en notre conseil lesdites plaintes, nous aurions trouvé que lesdits abus procédaient principalement de ce que ledit papier n'était visité, ni contrôlé par personnes expressément préposées... ; c'est pourquoi on mettait en vente des offices de contrôleurs, marqueurs et visiteurs, auxquels était attribué un droit de plus de deux et demi pour 100 sur la valeur du papier[20].

Le bois, le vin, le charbon, le grain, le cuir, avaient de même des officiers en grand nombre chargés de les peser, de les porter, de les transvaser, vérifier, visiter, compter, marquer, jauger ; sans parler de ceux qui n'avaient nul emploi, sinon de regarder faire les autres. Y a-t-il jamais, eu, dit Voltaire, un législateur, qui en fondant. un État, ait imaginé de créer des conseillers du Roi mesureurs de charbon, jaugeurs de vin, mouleurs de bois, contrôleurs de beurre salé, d'entretenir une armée de faquins deux fois plus nombreuse que celle d'Alexandre ?[21] Ces inventions bizarres ne remontaient point à la fondation de l'État ; elles dataient d'un siècle environ quand Voltaire s'en moquait ; c'est sous le règne de Louis XIII que presque toutes avaient vu le jour[22]. En une seule année, on en créait des myriades : aulneurs de toile, jurés maçons, contrôleurs aux piastres et au foin, clercs de l'écritoire, vendeurs de marée, etc., etc., surgirent tout à coup en ce temps-là[23]. Sous prétexte que la plupart des porcs se trouvent viciés, et corrompus de la lèpre, l'État institue et érige en titre d'office héréditaire des visiteurs et langueyeurs de porcs, chargés de leur tirer la langue pour voir s'ils sont atteints de cette maladie[24].

Ainsi que dans la mythologie grecque et romaine, on supposait l'existence d'un génie protecteur de chaque ville, de chaque maison, de chaque chambre, presque de chaque coin d'une même chambre, de façon qu'il y avait des dieux pour toutes les circonstances de la vie ; et pour toutes les positions sociales ; de même sous ce ministère n'est-il rien ni personne qui ne soit sujet à la création de quelques officiers. Les gens, les bêtes, les marchandises, les transactions, les voyages, tous les actes de la vie publique ou privée, les plus simples allées et venues, les emplois les plus modestes, sont offices ou soumis aux offices : traverser un pont, couper un arbre, vendre une botte de foin, acheter une pièce de drap, monter en coche, quoi que l'on puisse faire de plus vulgaire, la loi l'a prévu, réglé, fixé, tarifé ; elle s'impose, elle s'immisce ; ne lui faites pas obstacle, ou les peines lei plus graves sont suspendues sur votre tête. De là est venue cette maladie épouvantable : le fonctionnarisme, qu'aucune révolution n'a encore pu guérir ; le fonctionnarisme qui est, avec la centralisation, le fléau des pays libres.

Par une sorte de miracle permanent, le Roi chaque jour frappe le sol et en fait sortir : trois maîtres de chaque pont à Paris, vingt-sept notaires au Châtelet, cinq cents nouveaux trésoriers de France, douze cents tabellions royaux en Dauphiné, cinquante mille commissaires des tailles[25]. Tantôt on double, on triple le nombre des anciens emplois, pour soulager les officiers existant qui ont sans doute besoin près d'eux de nouveaux collègues[26] ; tantôt on déclare que certains fonctionnaires sont fort peu diligents à s'acquitter de leur devoir, mais au contraire y font naître tant de difficultés et de retardements que le Roi, tout en les conservant dans leurs postes, croit devoir en créer de nouveaux pour les suppléer et lès surveiller[27]. Le nombre des procureurs postulants (avoués), dit un autre édit, est devenu si excessif qu'ils ne peuvent plus gagner leur vie, en faisant leurs charges avec honneur et conscience, et sont contraints de rechercher divers artifices et subtilités, pour multiplier et tirer en longueur les procès... Sans doute le souverain va les réduire ; nullement, mais il les crée de nouveau en titre d'office, espérant que ce titre d'honneur qu'ils auront d'être nos officiers, en rendra le choix meilleur qu'il n'est à présent. Ils étaient près de 200 déjà dans la capitale, et quelques années plus tard il en fut créé encore 400 nouveaux[28].

On imagine des séries de fonctionnaires qui font sourire ou rêver : des auditeurs de comptes de tutelle experts (189, rien que pour la Provence), chacun assisté d'un greffier[29], des conseillers honoraires dans chaque bailliage, présidial, etc., parce qu'il nous importe grandement d'admettre en nos tribunaux des personnes de bon sens, quoique non lettrées ni graduées. Le bon sens était donc la seule qualité requise pour exercer ces magistratures ; les femmes mêmes sont autorisées à en jouir[30]. Plus d'une fois on lit dans le préambule d'un édit : Nos chers et bien-aimés sujets (de telle ou telle province) nous ayant fait remontrer qu'ils désiraient ardemment.... ; et l'ou terminait par quelques créations d'offices. Aussitôt éclatait un concert de réclamations ; des oppositions étaient formées au Conseil d'État par les chers et bien-aimés sujets, qui insistaient avec énergie pour qu'on abandonnât le projet. On institue par exemple trois présidiaux en Provence pour être agréable aux populations et déférer à leur vœu. Le Parlement, tes États de Provence, les corps de ville s'unissent pour demander la suppression de ces tribunaux, qui a lieu l'année suivante. Le gouvernement arrive à vendre sans vergogne aux villes ou aux provinces l'abolition d'offices inutiles, ou la création d'offices utiles, selon le désir de chaque localité. Il met aux enchères l'honneur pour une cité d'être chef-lieu de généralité. Riom et Clermont-Ferrand y prétendent toutes deux en Auvergne ; Riom offre 20.000 livres, Clermont, 40.000 ; Riom alors pousse jusqu'à 60.000, et le Roi transporte alternativement le bureau des trésoriers de France, dans l'une ou dans l'autre, selon que leur cotisation est plus élevée[31]. Après avoir tout aliéné, l'État vend et revend la qualité de Français ; il en impose l'achat aux étrangers résidant en France. Ordre à tous de payer les sommes auxquelles ils seront taxés, pour jouir des mêmes franchises et libertés que les naturels sujets de Sa Majesté. Ceux qui sont déjà naturalisés auront à financer une seconde fois, parce qu'ils ont payé des sommes si, modiques, que nous n'en avons reçu aucun avantage[32].

Ces mesures fiscales ne donnaient pas toujours les résultats espérés ; il y avait tels offices qui ne se vendaient pas, du moins qui ne se vendaient pas partout. Ici ils s'étaient aisément écoulés, et certaines sortes de fonctionnaires abondaient ; là ils n'avaient pas trouvé preneurs, et les brevets restaient en blanc dans les cartons. Pour tenter l'acheteur, on attribuait à ces offices dédaignés de nouveaux droits ; si cela ne suffisait pas à ranimer la vente, on y ajoutait encore quelque privilège, quelque honneur, par une combinaison analogue à celle du commerçant pli baisse les prix, pour se défaire d'un article peu goûté du public[33].

Il était une catégorie d'offices qui ne manquaient pas d'amateurs : les places dans les cours souveraines ; mais ici les créations ne dépendaient pas de la seule volonté royale. Les Parlements, Chambres des comptes, Cours des aides avaient conservé un dernier vestige de leur indépendance ; ce puissant esprit de corps que rien ne parvint à entamer. Par l'enregistrement de l'édit, par l'examen des candidats, facile en général, mais que l'on pouvait à volonté transformer en une insurmontable barrière[34] ; enfin par cette quarantaine que l'on infligeait aux collègues imposés[35], grandes compagnies réussirent à mettre un frein aux entreprises des financiers, sinon à les arrêter tout à fait[36]. Le souverain risque-t-il quelques érections nouvelles dans leur sein, on remarque dans l'édit une gêne visible ; ce sont des compliments sans fin, de prudents ménagements[37]. Encore les créations de ce genre sont-elles rares sous Louis XIII, et toujours très-mal accueillies. Le Parlement, il faut bien l'avouer malgré la sympathie que' nous éprouvons pour lui, était un peu égoïste. S'il se contentait souvent de murmurer quand il s'agissait de l'intérêt public, il se révoltait tout net quand on touchait à son intérêt particulier. Impose-t-on deux sous pour livre sur ces droits proportionnels des juges que l'on nommait les épices, il arrête aussitôt, — lui qui a enregistré sans mot dire beaucoup d'autres impôts, — que très-humbles remontrances seront faites au Roi, tant de vive voix que par écrit, sur les surcharges des sujets dudit seigneur Roi, et nécessités de son peuple[38].

A la vérité, l'argent que l'État retirait de la vente des charges lui coûtait cher : les gages étaient en moyenne de 10 % du prix des offices[39] ; une charge qui rapportait 1.000 livres ne se vendait guère plus de 10.000, et ces 10.000 même n'entraient pas au Trésor[40] : les trésoriers et contrôleurs des parties casuelles avaient 5 % de toutes les sommes qu'ils encaissaient ; les fermiers qui se chargeaient de la vente à leur compte, et payaient comptant à l'épargne, recevaient régulièrement une commission de 25 %, sans parler de ce qu'ils pouvaient se faire donner en secret pour ci prêts et avances[41] Si nous prenons par conséquent les 500 millions que la vente des offices est censée avoir rapportés sous Richelieu, nous verrons que l'État devait annuellement 50 millions de gages aux titulaires, pour 350 millions tout au plus qu'il avait reçus[42].

Or l'État, c'est tout le monde ; les dettes de l'État, ce sont les contribuables qui doivent en payer l'intérêt. Quand le monarque créait un office nouveau, ou augmentait les gages d'un office ancien, il affectait de croire qu'il n'en coûtait rien au public : Parmi tous les moyens extraordinaires, disait-il, et entre toutes les propositions qui nous ont été faites, nous n'en avons jugé aucune plus innocente que... Ou bien encore : Nous avons mieux aimé consentir à la diminution de notre revenu, que de mettre nouvelle charge sur le peuple[43]... Personne dans le Conseil ne s'y trompait, et Richelieu lui-même parlait dans une lettre confidentielle de ces avis qui, quoiqu'on les qualifiât innocents, foulaient extrêmement le peuple[44]. En effet, on vendait les charges, on en dépensait l'argent, et l'on en devait les gages, que l'on prenait sur lus revenus du Roi ; ces revenus ainsi diminués ne suffisaient plus à payer les dépenses ordinaires, et pour augmenter les recettes on mettait de nouvelles contributions, ce qui fait qu'en somme c'était toujours le peuple qui payait.

Tant s'en faut, s'écriait le premier président de la Chambre des comptes, Nicolaï, qu'il arrive du bien d'une nouvelle création d'officiers, qu'au contraire c'est un brigandage public que l'on arme du prétexte de la justice[45]. La source de tant de moyens extraordinaires que l'on invente chaque jour commence d'être tarie, disait-ou déjà en 1621 ; cinq ans après, on faisait remarquer que les gages et appointements avaient été triplés depuis la mort de Henri IV[46]. A cela, le premier ministre, qui connaissait le mal, puisqu'il le signalait lui-même, ne trouvait rien à répondre, sinon qu'il faut quelquefois saigner les corps les plus abattus, et qui ont déjà perdu beaucoup de sang, pour leur rendre la santé ; qu'ainsi il est impossible de rétablir tout à fait cet État, et le rendre riche pour jamais, si par un nouvel effort on ne tire encore une fois un fonds extraordinaire qui en engendre un autre qui soit ordinaire, et qui dure toujours[47]. Le Roi chercha vainement ce fonds extraordinaire qui devait engendrer une ressource permanente ; tout en le cherchant, il continua à créer des charges pour racheter son domaine, à engager son domaine pour paver des rentes, embrouillant davantage ses affaires à chaque opération nouvelle, et enrichissant uniquement les financiers, qui gardaient toujours aux doigts un peu de l'argent qu'ils maniaient[48].

En créant des offices, en leur payant des gages, et en leur attribuant des droits variés, à percevoir sur le public[49], l'État faisait tort et à lui-même et à la masse des citoyens ; mais en forçant les fonctionnaires à lui payer sans cesse des suppléments de finances, il rendait bien peu enviable à son tour la situation de cette dernière classe de contribuables. Périodiquement on menaçait les officiers de réunir leurs charges au domaine de la couronne ; ils offraient de payer quelque somme d'argent, on acceptait, et on les confirmait de nouveau dans leurs droits[50]. A l'un on impose l'achat de l'hérédité, à l'autre celui d'un supplément de gages, ou d'attributions nouvelles. Chaque augmentation était irrévocablement déclarée la dernière, ce qui n'empêchait point de recommencer l'année suivante. Comment réprimer, dans des conditions pareilles, les abris de pouvoir et les concussions, d'agents que l'on rançonne sans trêve ? On constate officiellement que les trésoriers de France perçoivent autant de remises injustes que de raisonnables ; on en dresse le tableau ; mais au moment de les poursuivre, on a besoin d'argent, on augmente leurs gages, et l'on oublie le reste. Souvent le gouvernement s'aperçoit que des officiers lui volent une certaine somme chaque année ; il se borne alors à leur en faire payer le capital[51]. En d'autres cas, l'augmentation de gages est une amende dont on frappe les coupables : un arrêt ordonne aux greffiers de prendre des gages nouveaux et d'en payer la valeur, afin d'éviter toutes recherches qui pourraient être faites contre eux, pour raison de malversations par eux commises, avec invitation de n'en plus abuser ci-après.

Si les officiers ne se pressaient pas d'acquérir, moyennant finances, les nouveaux droits, on permettait au premier venu de les payer à leur place, et de déposséder de leur charge les anciens propriétaires, en leur remboursant les sommes qu'ils avaient pu verser jusque-là[52]. On force dans chaque tribunal l'avocat du Roi à acheter une charge de juge, qu'il exercera conjointement avec la sienne ; on s'aperçoit que l'on blesse ainsi les règles les plus élémentaires de la justice ; et l'on vend peu après à ces magistrats la permission de les revendre. Aux agents des cinq grosses fermes, on supprime un quartier de leurs gages, puis ou le leur revend, et on les contraint à le racheter, quand bien même ils eussent préféré y renoncer[53].

Une fois saisi par l'engrenage fiscal, le fonctionnaire ne sait où il s'arrêtera ; il doit se soumettre aux contributions qui chaque jour fondent sur lui ; il n'ose démissionner, il est retenu par ce qu'il a déjà payé ; selon l'expression vulgaire : il court après son argent. Plus on augmente ses gages, moins il en touche ; il est plus facile à l'État de grossir le chiffre de sa dette que d'en payer les intérêts[54].

Les officiers en étaient venus à une résistance ouverte contre les augmentations de traitement qu'on voulait leur imposer ; ils se pourvoyaient contre les taxes à la Chambre des comptes et au Parlement, dont les arrêts leur étaient toujours favorables[55]. Il fallait les contraindre par huissiers, sous peine d'amende, et même sous des peines plus graves, à accepter les suppléments de gages ; ces huissiers, c'est presque par la violence qu'on les repousse ; les fonctionnaires fermaient les portes de leurs maisons, et y préposaient des personnes inconnues qui menaçaient les sergents de leur taire violence, s'ils entreprenaient l'effraction de leurs portes. Une loi ranima les sergents intimidés, en leur ordonnant de faire ouvrir de force le domicile des officiers récalcitrants[56]. De plus, vers la fin du règne, l'État fait une banqueroute partielle. On retranche successivement à tous ceux qui ont un emploi public un quartier, puis un demi-quartier de leurs gages[57] ; on ne leur payait donc plus que 62 ½ % de ce qui leur était dû.

Et cependant si nous ne consultons que le prix des charges en cette première moitié du dix-septième siècle, nous le voyons s'élever rapidement. Comment ces innombrables offices, qui se vendaient depuis 80 livres (tels que celui de messager royal à Compiègne) jusqu'à près de 2 millions (comme celui de receveur des consignations au Parlement), trouvaient-ils encore acquéreurs[58] ? Cela tenait à ce que les titulaires récupéraient sur le public sous forme d'épices, dans les emplois judiciaires, ou sur l'État sous forme de remises et de taxations, dans les emplois financiers, les sommes qu'ils étaient tenus de payer au Trésor. Un office bien acheté, disait-on, devait rembourser son maître en deux ou trois ans de sa principale finance[59]. La valeur marchande était naturellement d'autant plus grande, que les bénéfices à réaliser étaient plus élevés ; de même qu'aujourd'hui le cours des actions à la Bourse est proportionné à leur dividende. Ainsi une charge de conseiller à la Cour des aides ne vaudra que 16.000 livres, tandis qu'un office de vendeur de marée ou de trésorier des parties casuelles se négociera sur le pied de 300.000 livres[60]. Le Meilleraye dit à Richelieu qu'il connaissait un homme prêt à donner 800.000 livres de la charge de lieutenant civil. Ne me le nominez pas, dit le Cardinal, il faut que ce soit un voleur. Or à la même époque, il suffisait de débourser 11.000 écus pour devenir conseiller au Parlement de Paris, et 8.000 livres pour être président d'un siège présidial[61]

Par une pente naturelle, les fonctions publiques vinrent à être considérées comme des marchandises d'une espèce spéciale, des valeurs au porteur transmissibles et négociables à volonté. On eut des trésoriers enfants, des receveurs en lisière, exerçant sous la tutelle et avec le contrôle de leur mère ; administrant les affaires du pays à un âge où ils n'auraient pu valablement gérer les leurs[62]. Les membres des tribunaux, des bureaux de finances, n'étaient tenus à rendre service que pendant trois mois par an. Souvent ils ne résidaient pas plus de quinze jours, et parfois ils habitaient une autre ville, et ne venaient pas du tout[63]. Certains, tels que les secrétaires du Roi, étaient si peu au courant de leur besogne, qu'ils laissaient à d'autres le soin d'écrire les actes ; d'où vient, dit un règlement royal, que plusieurs lettres se trouvent mal écrites, dressées contre les formes, avec clauses extraordinaires et inciviles, et bien souvent raturées après le sceau[64]. Ici, ce sont des individus qui dans une même localité exercent deux charges à la fois, de nature très-disparate. Grenetier du grenier à sel, et procureur des eaux et forêts ; châtelain, bailli et vicaire d'un couvent[65] ; là, au contraire, ce sont des charges morcelées et possédées collectivement par quatre ou cinq personnes, qui en ont acheté chacune une portion[66].

Peu à peu, la création de ces offices devint tout à fait semblable à l'émission d'un emprunt d'État ; d'autant plus que souvent le Roi mettait en vente des augmentations, de gages, sans spécifier sur quelles fonctions, mais selon que chaque officier en voudra prendre et acquérir[67]. On jouissait de ces gages, si l'on justifiait en avoir payé le capital, et l'on justifiait le payement du capital par la possession de la quittance. C'est la quittance qui vous constituait officier. Les quittances représentent donc de véritables titres de rente émis par des banquiers. Souvent le nom y demeurait en blanc, ce qui permettait de les faire circuler plus aisément de la main à la main[68]. Bien des gens achètent ainsi ces offices, dans un but de spéculation, pour les revendre. Jusqu'à ce qu'ils les aient écoulés, ils en touchent les gages : l'un a cent cinquante présidences dans le ressort de Paris[69], l'autre neuf cents charges de prud'hommes visiteurs des cuirs[70]. Quelquefois des villes sont propriétaires de plusieurs charges de commissaires des tailles ; placement très-sage, puisqu'elles rentrent ainsi partiellement dans leur argent. De grands seigneurs conservent des stocks importants d'offices : Tresmes et Blerancourt ont les greffes de Bourges, Toiras a les courtiers de vin de la Rochelle[71] ; c'est une monnaie avec laquelle le gouvernement paye ses créanciers, c'est une façon pour un particulier de placer ses économies. On ne sait pas bien encore si l'on doit ranger les fonctions publiques dans la catégorie des biens meubles, ou dans celle des biens immeubles, mais on n'éprouve aucune peine à les vendre en justice, à les partager comme des terrains, par lots, entre frères et sœurs[72].

 

 

 



[1] Il eût été plus régulier de faire figurer aux recettes les créations de rentes, aux dépenses le payement des arrérages. Mais nous avons préféré offrir aux lecteurs un tableau complet de la dette publique, au chap. VIII, Emission et payement des rentes.

[2] Esprit des lois, 298. (Édit. Didot.)

[3] La formule de début, pour les édits de création de rentes ou d'offices nouveaux, était toujours à peu de chose près celle-ci : Les dépenses extraordinaires qu'il nous convient faire pour la solde des gens de guerre, que nous sommes contraints entretenir, tant dedans que dehors notre royaume, pour la conservation d'iceluy, nous faisant rechercher tolites sortes de moyens extraordinaires pour y subvenir..., etc.

[4] Augustin THIERRY, Essai sur l'histoire du tiers état, p. 102. (En 1560.)

[5] Édit de mai 1579. — Cf. MALLET, Comptes rendus de l'administration des finances. On a vu au chapitre II, la Taille, la création des officiers alternatifs et triennaux.

[6] La vente des offices au plus offrant est le comble de tous nos malheurs, au lieu que par les ordonnances de France, Angleterre et Espagne, les acheteurs devaient être déclarés infâmes ; lesquelles ordonnances il est besoin de rétablir ! (BODIN, République, p. 749.)

[7] RAPINE, Relation des États généraux de 1614, 110.

[8] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 141 et 34.

[9] Cf. ses Mémoires en 1615 (t. I, p. 90 et suiv.). Il faut, dit-il ailleurs, défendre de céder ni vendre les charges de la maison du Roi, de la guerre, etc. En effet, l'ordonnance de janvier 1629 contient à cet égard des prescriptions formelles. (Art. 190.) Cependant, le Roi donnait lui-même de l'argent à des Gentilshommes pour acheter ces charges. (RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 35.)

[10] Arrêt du Parlement du 22 février 1629.

[11] RAPINE, Relation des États de 1614, p. 132. — Tallemant appelle la Paulette une invention qui ruinera peut-être la France. (T. IV, p. 7.) — La Reine donne parole aux États généraux, en 1615, de supprimer la Paulette. (FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 82, 129.) On la supprime en 1617, mais pour la rétablir en 1620. En 1630, on la continua encore pour sept ans (27 janvier, 21 décembre). Richelieu écrivait à cette date : La Paulette est une affaire qui nous embarrasse bien fort. (Lettres et papiers d'État, t. IV, p. id4.) En 1637, nouvelle continuation (3 mars) ; en 1641, seconde suppression ; en 1042, nouveau rétablissement.

[12] Charles Paulet, fermier des parties casuelles, père de la fameuse Angélique Paulet, l'une des précieuses de l'hôtel de Rambouillet.

[13] Édit de février 1633.

[14] Le droit annuel eut aussi pour conséquence de faire hausser la valeur des offices. (PONTCHARTRAIN, Mémoires, p. 341.)

[15] On payait d'abord le marc d'or (droit de sceau) avant d'obtenir les provisions des offices, vénaux ou non. Il variait de 13 à 1.512 livres, en passant par dix-huit tarifs gradués (édits du 24 novembre 1631 et du 3 mars 1633). Puis on payait le droit d'hérédité, égal au 5e, 6e ou 8e de la valeur de l'office, puis le droit annuel, le tout sans préjudice, bien entendu, du prix principal de l'office, s'il venait d'être créé par l'État, et qu'on l'achetât de lui. (Arrêt du Conseil d'État du 24 avril 1627.).

Les offices non héréditaires payaient un droit de résignation égal au quart de leur valeur. — Cf. édit du 20 novembre 1631.

[16] La division faite à l'Épargne, et reproduite par Mallet en Parties casuelles et Deniers extraordinaires, est assez factice. — La déclaration du 27 mars 1626 et l'édit de mai 1640 déterminent limitativement les recettes qui doivent figurer dans les deniers extraordinaires : création de rentes et offices domaniaux ; mais ces règles ont été souvent violées.

[17] Sous Mazarin, de 1643 à 1649, les deniers extraordinaires sont annuellement inférieurs de neuf millions à ce qu'ils étaient auparavant.

[18] Dans chaque grenier à sel, élection, justice présidiale, sénéchaussée, etc. — Défense de rien faire qui ne fût scellé du petit sceau. — Ce petit sceau n'avait qu'une fleur de lys, à la différence du grand, qui en avait trois.

[19] Voyez l'Appendice à la fin du volume ; les Mss. Godefroy, CXXXI, 80 et 244 ; CXLIV, 294 (Institut), et le vol. 833, fol. 69 et 81, aux Archives des affaires étrangères. (France.)

[20] Edit de juin 1633.

[21] L'Homme aux quarante écus (édition Didot), p. 116.

[22] Un de nos auteurs, dit Furetière, a dit qu'une charge était le chausse-pied du mariage ; ce qui a rendu nos Français si friands de chargés qu'ils en veulent avoir à quelque prix que ce soit. Roman bourgeois, t. I, p. 33.

[23] Cf. passim les édits de 1620 à 1643.

[24] Lettres patentes de juin 1627.

[25] Plumitif de la Chambre des comptes ; remontrances du premier président. — Édits d'avril et d'août 1621, de mars 1625, d'avril et de mai 1627, de février et juin 1633, de mai et de décembre 1635, de février 1640, et passim. (Cf. MONTEIL, Notes de l'histoire des Français, t. VIII, p. 439.) Bien ne peut donner idée de cette profusion, si ce n'est la lecture même des pièces.

[26] Édit d'octobre 1635. Commission des parties casuelles.

[27] Édit de mars 1631. Contrôleurs des restes.

[28] Édit de février 1620 ; arrêt du 6 mai 1622 ; déclaration du 8 janvier 1639. Voyez l'Appendice : Etat de divers avis.

[29] Édit de juillet 1639.

[30] Édit d'avril 1635. — On en vint à créer des charges dans des juridictions étrangères au pouvoir royal : les officialités, où l'on installa des conseillers, avocats et procureurs (édit de mai 1639).

[31] Édits d'avril et mai 1639.

[32] Ce devait être une taxe sur les Juifs, un peu déguisée, puisqu'on promet aux intéressés de les décharger de toutes poursuites pour raison des transports d'or, d'argent, ou de pierreries, hors du royaume.

[33] Gages, épices, taxations, chevauchées, revenus fixes et revenus variables, hérédité, etc. ; on déployait toutes sortes de séductions. On faisait à leur juridiction la part aussi large que possible. Au bout de peu de temps, des conflits naissaient entre les nouveaux officiers et les anciens qui se prétendaient lésés ; et l'on retirait une à une aux nouveaux pourvus presque toutes leurs attributions.

[34] Pour ne pas recevoir de nouveaux conseillers, en 1636, on déclare qu'un sieur Colombel, qui avait enseigné le droit pendant vingt-cinq ans aux jeunes gens pourvus d'office, et les avait fait recevoir... n'est pas de la qualité requise, ayant été homme mercenaire, et fait une profession sordide. Et bien qu'il fût notoirement homme de grande littérature, que la plupart des conseillers reçus depuis quinze ans eussent été de ses écoliers, il fut néanmoins interrogé de telle sorte, qu'il demeura plusieurs fois muet, ne pouvant répondre aux objections qui lui étaient faites, les unes en grec, les autres dans l'histoire, et autres remarques curieuses étudiées. (TALON, Mémoires, p. 52.) Il fut refusé d'abord, et ne passa que plus tard.

[35] Le Roi interdit la troisième Chambre des enquêtes, parce qu'on n'y distribuait point de procès aux conseillers nouvellement créés, et qu'on ne prenait point leur avis. L'exécution des édits de création dépend de la bonne grâce de la compagnie où les officiers doivent être reçus. (TALON, Mémoires, p. 58.)

[36] Bullion écrit à Richelieu : Nous n'avons pu venir à bout des offices de maîtres des requêtes de nouvelle création, ni de la Chambre des comptes, les officiers étant plus revêches que jamais. (Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 708.) — Une autre fois, on fut obligé de marcher avec des troupes contre le parlement de Rouen qui refusait d'enregistrer.

[37] Cf. l'édit d'août 1631, créant deux conseillers à la Cour des aides. Le Roi rappelle qu'il a toujours différé, ... pour témoigner que la dignité desdites compagnies nous est en singulière recommandation, leur pouvoir et fonction étant de tel poids, et si convenable à la grandeur de notre État, etc.

[38] Arrêts du Parlement, 22 juin 1629, 9 mars 1630.

[39] Cf. les arrêts du Conseil d'État des 31 décembre 1625 et 15 décembre 1627. — Richelieu dit avoir songé à créer des offices sur la base du denier 30 ; ce n'est là qu'un beau rêve. (Mémoires, t. II, p. 27.) Il avoue dans son Testament politique (t. II, p. 167) que le prix ordinaire des charges est le denier huit ; la Chambre des comptes aurait voulu que les officiers n'aient pas leur charge à moins du denier 16 ; mais elle n'y parvint jamais. Rodin dit (République, p. 910) qu'on paye les gages aux officiers à raison de 10 ou 20 %.

[40] Déclaration du 27 mars 1628.

[41] Cf. le Ms. français 18510, et l'Appendice à la fin du volume. Le prince de Condé dit que le Roi ne reçoit jamais que le tiers du prix de la vente. (RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 440.)

[42] Soit environ 14,33 %. Il faut y ajouter l'exemption de tailles, d'autant plus importante pour les officiers, qu'ils auraient été imposés assez haut. — En 1664, à Paris, dit Forbonnais, le prix d'achat des offices était évalué à 152 millions ; il leur était attribué 24 millions de gages.

[43] Déclaration du 31 juillet 1626, et passim. — Quand on créait des alternatifs et des triennaux (doublant ainsi et triplant les anciens offices), l'édit portait : qu'il valait mieux augmenter quelques officiers déjà établis, dont la fonction et exercice étant connu à nos sujets, leur sera moins onéreuse que la création de nouveaux officiers, etc. (Édit de janvier 1631.)

[44] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 627, et Mémoires, t. I, p. 470.

[45] A. de BOISLISLE, Pièces justificatives pour servir à l'histoire des premiers présidents, pièce 491. — Richelieu disait la même chose aux États généraux en 1615 (Mémoires, t. I, p. 84), et en 1625 aux notables (Lettres et papiers d'État, t. II, p. 161).

[46] A. de BOISLISLE, Pièces justificatives pour servir à l'histoire des premiers présidents, pièce 491, et Mss. Godefroy, CXXXII, fol. 22.

[47] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 331, et édit de juin 1627.

[48] Lettres patentes, juillet 1634 ; Bail Landrin, 26 avril 1635. En supprimant un office, il fallait le rembourser : ainsi un édit qui supprime quatre sièges d'élection en Dauphiné, crée en même temps et du même coup 34.000 livres de rente sur les gabelles du Lyonnais.

[49] Ces droits étaient si nombreux parfois, que les officiers les faisaient percevoir en commun par un fermier. (Arrêt du Conseil privé, du 11 juin 1632.) Cf. TALLEMANT, t. IV, p. 222.

[50] En 1621 pour les notaires ; ou pour l'hérédité des offices en 1641 (édits d'octobre 1641 et du 25 janvier 1642).

[51] Arrêt du Conseil d'État du 24 septembre 1627.

[52] Arrêts du Conseil d'État des 29 octobre 1620, 3 mars 1621 et 24 février 1624, — Quand on dédoublait les charges, il y avait de fréquentes collisions entre les officiers anciens et les alternatifs.

[53] Édit de juin 1635.

[54] En 1635, les officiers d'élection disent n'avoir touché depuis dix ans aucune chose de leurs gages, à raison des diverses taxes forcées qui ont été faites sur eux (Arrêt du Conseil d'Etat, 9 mai 1635 ; édit de janvier 1625.) En 1631, les officiers des gabelles se plaignent d'avoir payé huit millions depuis 1622, et déclarent ne pouvoir payer les surtaxes nouvelles. (Arrêt de la Cour des aides du 21 juin 1631.) Cf. Remontrances des trésoriers de France, etc., citées plus haut. Mss. Joly de Fleury.

[55] Arrêt du Parlement du 14 juillet 1627 ; arrêt de la Cour des aides du 6 octobre 1627 ; Remontrances des secrétaires du Roi, de juin 1625.

[56] Arrêts du Conseil d'Etat, des 26 mars 1636 et 7 octobre 1637.

[57] Le demi-quartier fut rétabli par la suite ; le quartier ne le fut jamais jusqu'en 1789.

[58] Mss. Godefroy, CXXXI, fol. 81. — Lettres et papiers d'État, t. VIII, p. 167. En 1640, François Sabathier, ancien trésorier des parties casuelles, avait acheté cette dernière charge 1.900.000 livres. Il passait pour immensément riche, avait été adjudicataire des poudres, et finit par faire faillite. Il se releva néanmoins par la protection de Richelieu, dont sa femme, une demoiselle de la Roche-Posay, était un peu parente. En 1642, dit Arnauld, sa fille fut baptisée à Montrouge au milieu d'une étrange magnificence. (Cf. sur lui TALLEMANT, t. III, p. 53, et Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 759.)

[59] BOURGOIN, Chasse aux larrons, p. 15.

[60] Archives nationales, E 78a, arrêt du Conseil d'État, 8 janvier 1624. — TALLEMANT, t. IX, p. 218. — Mss. français 18510, fol. 75. — En 1618, le trésorier de l'Épargne refusait 500.000 livres de son office. (BOURGOIN, Chasse aux larrons.) Vingt ans après, elle valait le triple. — Au dix-huitième siècle, les charges réunies de la Chambre des comptes formaient un capital de 27 millions et demi. (A. DE BOISLISLE, Chambre des comptes.)

[61] TALLEMANT, t. II, p. 187 ; t. IX, p. 68. D'après LEDER, Appréciation de la fortune privée, 198, l'office de conseiller à la Cour des aides aurait valu en 1665 80.000 livres ; celui de conseiller an Parlement de Paris, 100.000 livres. Le lecteur peut comparer les prix des offices suivants : contrôleur des parties casuelles, 120.000 livres (arrêt du Conseil d'État, 30 septembre 1637) ; trésorier de la cavalerie légère, 35.000 livres (Plumitif, P. 2762, 74) ; élu à Troyes et à Meaux, !s.000 livres (500 livres de gages) ; conseiller au siège présidial de Nîmes, 3.000 à 4.000 livres ; conseiller-maitre à la Chambre des comptes de Bretagne, 16.000 livres (1.260 livres de gages) ; grenetier au grenier à sel de Crespy, 1.200 livres (150 livres de gages) ; trésorier général du Taillon à Lyon, 10.000 livres ; conseiller au grenier à sel d'Annonay, 3.000 livres (E 78a. Arrêts du Conseil, janvier 1624) ; lieutenant général au bailliage de Metz, 8.000 livres ; de Toul, 4.000 livres ; de Verdun, 5.333 livres ; conseiller au bailliage de Metz, 1.000 livres ; maitre des eaux et forêts à Beaumont en Argonne, 966 livres. (Arrêt du Conseil d'État du 14 février 1643, Rondonneau.) Cf. aussi les prix donnés dans les Mémoires de BIGOT DE MONVILLE, de 1620 à 1640.

[62] Le cas n'était pas rare : la Chambre des comptes reçoit un Octave de Périgny, receveur des aides et tailles de Gannat, à la charge que Marguerite Joly, sa mère, demeurera responsable de tout son maniement, jusqu'à ce qu'il ait vingt-cinq ans ! Plumitif, P. 2763, fol. 169.

[63] Arrêt du Conseil d'Etat, 9 février 1636. — TALLEMANT, t. IX, p. 62.

[64] Règlement d'août 1624. — De même, les gardes du petit sceau n'exerçaient pas leurs offices, et les affermaient à des personnes de si basse condition, que les notaires, greffiers et sergents méprisent de faire sceller de nos armes les actes qui le doivent être. (Déclaration de juin 1637.)

[65] A Montrichard. — Arrêt du Conseil privé du 15 mars 1633. — On insérait cette clause dans les édits de créations d'offices : Permettons de les exercer à toutes personnes, encore qu'elles fussent pourvues d'autres offices, et sans que pour ce, elles soient obligées de faire leur résidence habituelle sur les lieux. (Édits d'avril 1634 et de mars 1633.)

[66] Arrêt du Conseil d'Etat, 6 mai 1623. — Les greffiers des affirmations avaient quatre deniers pour livre de remise, permission à quiconque le désire, d'acheter seulement un denier sur les quatre.

[67] Déclarations d'octobre 1635 et du 21 août 1637. — Cf. l'arrêt du Conseil d'État du 6 mai 1622.

[68] Nous avons trouvé un spécimen d'une trentaine de quittances, signées et enregistrées, les noms en blanc, formant une liasse, dans les Mss. Godefroy, CXLIV, fol. 37 et 71. Elles sont relatives aux trésoriers de France, et paraissent avoir fait, quarante ans plus tard, l'objet d'un trafic assez malhonnête.

[69] Arrêt de la Chambre des comptes du 22 août 1641.

[70] Il lui en restait 800 qu'il ne pouvait débiter, à cause des grands outrages et rebellions des communautés de tanneurs. Il les avait payés 600.000 livres. — Charles Paulet afferme tous les greffes des bureaux de finance en 1638. (Déclaration du 29 mars.)

[71] René Potier, comte de Tresmes, sieur de Sceaux et de Bourg-la-Reine, capitaine de cinquante hommes d'armes, gouverneur des comtés du Mans, le Perche et Laval, chambellan de Henri IV, capitaine des gardes (1611) ; chevalier des ordres, conseiller d'État. Il était fils de Potier, baron de Gèvres, et neveu de Potier-Blancmesnil. Richelieu prétend qu'il trempa avec son cousin d'Ocquerre dans la conspiration de Chalais. En 1648, le comté de Tresmes fut érigé en duché-pairie. — Pour Potier-Blerancourt et Toiras, voir plus haut.

[72] Édit de février 1626. — Arrêt du Parlement du 22 février 1629. — BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 92.