RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

LIVRE III. — ADMINISTRATION GÉNÉRALE.

LES FINANCES.

CHAPITRE II. — RECETTES. - CONTRIBUTIONS DIRECTES, LA TAILLE.

 

 

I

L'ABSOLUTISME EN MATIÈRE DE FINANCES. — Recettes ordinaires et extraordinaires. — Division administrative de la France. — Pays d'états ; pays d'élections. — Les bureaux de finance des généralités. — Personnel, attributions. — Les tribunaux d'élections. — Les tailles. -Assiette et répartition. — Les asséeurs-collecteurs, difficultés de leur tâche. — Les fonctionnaires fictifs. — Le chiffre des tailles ; il augmente sans cesse. — Il équivaut en 1639 à celui de nos contributions directes actuelles.

 

Elle était bien oubliée, à l'avènement de Richelieu, cette déclaration du roi Louis X le Hutin, par laquelle il reconnaissait, en son nom et au nom de ses descendants,

ne pouvoir lever aucun denier dans le royaume, que du consentement des États généraux, qui en feraient eux-mêmes l'emploi et le recouvrement e. Cependant le vote public et le contrôle permanent des trois ordres eussent été plus nécessaires, en quelque sorte, aux gouvernements du dix-septième siècle que les Chambres de députés actuelles lie le sont aux souverains de nos jours, parce qu'alors le pouvoir central chargé d'établir les taxes n'avait aucun moyen de les bien établir. Il ignorait non-seulement la théorie financière, — la science des principes, — mais aussi la pratique, — les règles administratives les plus élémentaires. — Il devait donc prendre l'avis des citoyens de tout rang. On ne peut faire un crime à Louis XIII et à son ministre de n'avoir pas connu l'économie politique, qui à leur époque n'existait pas ; on ne peut pas davantage leur reprocher de n'avoir pas créé de toutes pièces une administration spéciale, instruite, intègre, et forcée d'être intègre par la surveillance dont elle est l'objet. Ce sont là des institutions qui ne se forment que lentement, à l'aide de réformes successives, d'expériences répétées. Mais à défaut de la science économique, à défaut de l'administration exercée qu'il n'avait pas, Richelieu aurait trouvé dans l'assemblée fréquente des États généraux un puissant élément d'information sur les contributions existantes, un précieux conseil sur les contributions projetées. Ceux qui devaient payer l'impôt auraient ainsi été appelés a donner leur avis sur l'impôt ; en le discutant, ils l'auraient amélioré ; établie par concours, non par contrainte, la taxe eût été moins lourde. En causant, on parvient toujours à s'entendre, quand on le désire de part et d'autre. Supposez un roi modèle, ami du peuple comme Louis XVI, en face d'une nation aussi profondément royaliste, aussi pacifique que la nation française sous Louis XIII, et imaginez ce qu'ils auraient pu faire ensemble, pour l'avenir du pays.

La monarchie absolue développe un tout autre programme : loin d'exciter le peuple à parler par la voie de ses représentants, elle s'applique à le faire taire ; elle est donc responsable de la mauvaise assiette de l'impôt, de son mauvais recouvrement, du mauvais emploi qui en est fait ; elle est responsable de tout, puisqu'elle a voulu tout faire seule. Cette absence de conseil lui a été si funeste, que, malgré les talents de plusieurs contrôleurs généraux, malgré le génie d'un Colbert, les finances de la France depuis Richelieu jusqu'à la Révolution furent presque constamment dans l'état le plus déplorable, et que la misère fut certainement plus grande durant Cette période qu'elle ne l'avait été dans le siècle précédent, où la civilisation était pourtant moins avancée. En matière financière comme en matière politique, l'absolutisme fut donc un grand mal.

Personne en effet n'est universel. Le cardinal de Richelieu fut un admirable ministre des affaires étrangères, un habile ministre de la guerre, et un ministre des finances tout à fait nul ; or comme il était le ministre unique, comme à lui seul il formait un cabinet tout entier, il en résulte que les parties qu'il négligeait ou qu'il ignorait étaient livrées à une scandaleuse anarchie[1].

Aussi la France offre-t-elle sous son ministère le spectacle singulier et attristant d'une maison de grand seigneur où le maître se ruine sans savoir ni comment ni pourquoi. Le règne de Louis XIII est une des périodes les plus désastreuses de notre histoire financière. Jamais il n'avait été levé autant d'impôts, jamais le produit n'en fut dissipé plus ouvertement, une fois encaissé ; cet argent si péniblement extrait de la poche des contribuables vint se fondre et disparaître comme par enchantement dans les mains des agents du Trésor royal.

Si les mots de budget, d'exercice, de compte général des finances, sont relativement nouveaux clans notre langue, les idées qu'ils représentent ne l'étaient déjà plus dans la seconde moitié du dix-huitième siècle. Chaque année, on dressait un état par estimation (budget) pour l'année suivante ; on arrêtait un état au vrai (compte général) de l'année précédente, constatant les recettes et les dépenses réellement effectuées. Mais sous le règne de Louis XIII, il n'existe encore rien de semblable. Si Richelieu fait rédiger à titre exceptionnel un état général des finances en 1639, il est tellement incomplet et tellement fautif, qu'il sert à démontrer les erreurs du Cardinal en ce genre, plutôt qu'à initier les générations suivantes au détail de son administration fiscale[2].

La création de recettes et de dépenses nationales régulières et périodiques ne remonte pas, comme on sait, bien haut dans ' le moyen âge. Il n'y a de budget national qu'autant qu'il existe une nation, et la nation ne se forme pas tout d'un coup ; de là une distinction assez bizarre aujourd'hui, mais jadis parfaitement rationnelle, entre les revenus que le Roi tirait de son domaine, de ses bois, ne. ses droits seigneuriaux, — seuls qualifiés revenus ordinaires, — et l'ensemble des contributions directes ou indirectes que l'on désignait indistinctement sous la rubrique : Revenus extraordinaires. Ces désignations subsistaient encore sous Louis XIII, bien que depuis longtemps elles n'eussent plus de raison d'être, bien que la taille, les aides et les gabelles fussent devenues depuis des siècles, des impôts annuels et ininterrompus. Nous avons eu plusieurs fois l'occasion de remarquer que dans l'ancienne France les choses changeaient, tandis que les noms demeuraient. De gré ou de force, à juste titre ou par usurpation, le Roi avait établi des impôts divers sur ses sujets, mais ses propres trésoriers appelaient encore ordinaires les revenus dont il jouissait comme propriétaire ; extraordinaires, les contributions qu'il percevait comme Roi.

Nous n'avons pas adopté cette distinction. Selon la logique, les recettes ordinaires sont celles que procurent des impositions et des rentes annuelles ; les recettes extraordinaires sont celles que procurent des impositions et des rentes fortuites, des parties casuelles, selon le langage du temps : ventes de charges, aliénations de rentes, etc. Ces recettes ordinaires sont tantôt des impositions, c'est-à-dire des contributions directes sur les personnes et sur les biens, comme.la taille et ses accessoires ; tantôt des perceptions ou contributions indirectes sur les marchandises, comme les aides et les gabelles[3].

La taille est, sous Louis XIII, le seul impôt direct ; elle tient la place des quatre contributions directes d'aujourd'hui (foncière, portes et fenêtres, personnelle-mobilière, patentes). Elle en représente encore une autre, qu'on songe à établir, l'imposition sur le revenu. La taille a été jugée en général avec sévérité ; cette sévérité est-elle outrée ? Nous ne le pensons pas, au contraire. Jamais il n'a pu exister dans un État même barbare un impôt plus mal combiné, plus mal réparti entre les provinces et entre les individus, plus mal perçu et coûtant plus cher à percevoir, que la taille personnelle à cette époque[4]. Le bon impôt par excellence doit être : proportionnel, — n'exigeant de chacun que selon ses facultés, — clair et défini dans l'époque et dans la quotité, commode à percevoir sans gêner le contribuable, économique à recouvrer. La Taille ne possède aucune de ces qualités, et se distingue par des caractères précisément opposés. C'est surtout un impôt purement arbitraire dans les pays d'élections. Terre, capital, travail, il atteint tout, mais il n'atteint pas partout ces trois sources de la richesse, et il ne les atteint pas chez tous. Il faut connaître, pour bien saisir le système, la division administrative du territoire. La France comprenait alors soixante-douze de nos départements actuels[5], répartis entre vingt-trois généralités, qui se subdivisent elles-mêmes en deux cent trente et une élections, ou divisions équivalentes, et trente et un mille cinq cent quatre-vingt-douze paroisses environ. Une généralité comprenait donc en moyenne trois de nos départements ; une élection correspondait à peu près à un arrondissement ; une paroisse rurale à une commune d'aujourd'hui[6]. La province était une division naturelle du sol, presque aussi ancienne que le sol lui-même, contemporaine et peut-être antérieure à la formation même de la Gaule, une nationalité véritable que les armées romaines respectèrent, que les barbares consacrèrent, et que la troisième dynastie effaça. La généralité, au contraire, était de création royale, plus régulière dans ses proportions. Tantôt elle embrassait plusieurs provinces dans sa circonscription, comme Tours, qui joignait à la Touraine le Maine et l'Anjou ; tantôt elle ne s'étendait que sur une portion de province, comme Rouen, Caen et Alençon, qui se partageaient la Normandie. On avait établi les généralités peu à peu. Dans le dernier quart du seizième siècle, il n'y en avait que dix-sept. Selon les besoins administratifs on démembra les plus grandes pour en former de nouvelles[7] : Soissons, Orléans, Moulins, Limoges, furent ainsi dotés successivement de bureaux de finances depuis Henri III jusqu'à Louis XIII. Sous ce règne, la généralité de Bordeaux demeurait encore prodigieusement grande, elle administrait la Guyenne et la Gascogne tout entière, et comprenait même dans son ressort le Béarn et la Navarre ; on donna à Montauban la moitié de cet immense territoire[8]. Mais les créations de circonscriptions nouvelles n'avaient pas toujours un caractère d'utilité publique ; le plus souvent c'étaient de simples mesures fiscales, multipliant les charges pour les vendre ; ainsi quand on retirait à Caen la matière de la généralité d'Alençon[9], on était guidé non par le désir de rendre service aux populations, mais par celui de remplir les coffres du Roi. L'ancien et le nouveau bureau n'avaient guère à administrer chacun que l'étendue d'un département[10] ; et comme leur personnel était toujours le même, quelle que fût leur importance, les traitements qu'il fallait lui payer annuellement venaient encore absorber une partie de l'impôt direct. Mais le Trésor ne considérait que le bénéfice immédiat de la vente des charges. Aujourd'hui si l'État, ayant besoin d'argent, veut faire des économies, il supprime quelques emplois et quelques fonctionnaires ; il y a deux siècles, dans le même cas, c'était le contraire, il en créait de nouveaux. Et s'il ne lui était pas possible d'en créer de nouveaux, il augmentait les gages des anciens, ce qui revenait à leur dire : Il vous est alloué par an 1.000 livres de plus que vous ne receviez précédemment ; vous allez donc verser au Roi une somme de 12.000, 14.000 ou 16.000 livres, pour représenter le capital de ce supplément de gages. C'était un emprunt forcé de l'État sur ses agents. On leur imposait des augmentations d'appointements, que, bon gré, mal gré, ils étaient obligés de subir, quand bien même ils eussent préféré y renoncer. Souvent même les officiers[11] se résignaient volontiers à payer ce supplément de capital, quand ils étaient menacés de voir surgir de nouvelles charges qui auraient déprécié les leurs. Ainsi l'on avait songé en 1626 à créer des généralités à Angers, Chartres, Troyes, Agen ; on y renonça sur les plaintes très-vives des trésoriers existants, dont on augmenta les gages ; ce qui revenait à faire payer à ceux qui étaient déjà en fonction l'argent qu'on aurait retiré de la vente des fonctions nouvelles[12].

Le gouvernement agissait de même pour les élections, ces subdivisions de la généralité. Qu'on se figure aujourd'hui un décret augmentant le nombre des arrondissements administratifs afin d'augmenter le nombre des sous-préfets, des receveurs particuliers, des juges, et l'on aura l'équivalent du procédé d'autrefois. En quinze ans, on créa vingt élections nouvelles, depuis celle de Bar-sur-Aube en 1627, jusqu'à celle de Marennes en 1642, qui ne comptait en tout que seize paroisses[13]. La multiplicité des officiers, disaient pourtant au Roi les députés de la Chambre des comptes, est très-pernicieuse, mais surtout celle des élus (officiers de l'élection), qui tirent le sang au peuple comme des sangsues, et ne peuvent que s'enrichir des dépouilles de vos pauvres sujets[14]. Malgré ces plaintes, on rétablissait en 1534 les élections particulières — sortes de sous-élections qui venaient compliquer singulièrement les degrés de juridiction et le service du recouvrement. On n'osa, il est vrai, les maintenir ; au bout d'un an on les supprimait[15], mais en les supprimant en principe, on permit aux acquéreurs de ces offices de rester en fonction jusqu'à ce qu'ils eussent été remboursés, et comme le Trésor était toujours à sec, ils n'étaient pas encore rentrés dans leur argent au bout de neuf ans[16]. Au milieu de ces remaniements continus de la carte financière, les limites de beaucoup d'élections demeuraient souvent douteuses ; certaines paroisses étaient imposées à la fois par trois élections qui prétendaient les posséder dans leur ressort. Ce pauvre peuple est quelquefois travaillé de trois endroits, et ruiné sans espérance de ressource[17].

Plus on avance dans l'histoire de la monarchie, plus l'autonomie de la province disparaît devant l'autonomie de la généralité. Cependant, au début du ministère de Richelieu, cinq provinces parmi les plus grandes possèdent encore une vie propre, une administration indépendante : le Dauphiné, la Bourgogne, le Languedoc, la Provence, la Bretagne, ont jusqu'alors résisté à la centralisation royale[18]. Chacune d'elles est censée former une généralité, mais le bureau des finances qui siège au chef-lieu existe à peine ; les élections, divisions secondaires, n'existent pas[19]. Le Roi a bien dans leur capitale[20] une colonie d'agents financiers, mais il n'a pu pénétrer encore dans l'intérieur. Vis-à-vis de ces provinces, il est un peu dans la situation où les Européens se trouvaient encore eu Chine, il y a une trentaine d'années ; libres de fonder des comptoirs sur les côtes, mais non de s'établir dans le cœur du pays. La Bretagne ne connaît d'autre division que celle de ses diocèses, la Provence que celle de ses vigueries, le Dauphiné que celle de ses bailliages ; ailleurs, en Bourgogne ou en Languedoc, les États provinciaux ont substitué à ces ressorts religieux ou judiciaires de nouvelles juridictions : les recettes particulières, dont ils ont eux-mêmes tracé les limites ; et défini les fonctions. Leur éloignement de Paris, leur réunion tardive à la couronne, ont jusqu'alors épargné à ces heureux pays de sentir la lourde main du fisc. Chez eux, tout se fait par l'autorité de leurs délégués, réunis en assemblées périodiques sur le modèle des États généraux du royaume. Aussi nomme-t-on ces cinq provinces frontières les pays d'états, en opposition aux dix-sept généralités de l'intérieur dites pays d'élections. Par rapport à la division actuelle, sur soixante-douze de nos départements, les pays d'élections en comprennent quarante-sept, les pays d'états vingt-cinq ; soit plus du tiers de la France. Ce tiers ne ressemble en rien aux deux autres tiers ; bases de l'impôt direct, assiette, recouvrement, quotité, tout y est différent. Ce sont là deux Frances qu'il faut étudier séparément. L'une jouit du gouvernement parlementaire, il s'y est fondé tout seul, c'est presque la liberté ; l'autre supporte le pouvoir absolu, œuvre de la politique humaine, c'est le règne de l'arbitraire. Voyons d'abord ce dernier.

En pays d'élections, avant l'établissement définitif des intendants, vers la fin du ministère de Richelieu, les fonctions administratives proprement dites, celles qu'exercent aujourd'hui les préfets et sous-préfets, étaient partagées entre les corps judiciaires et les corps financiers. Les parlements et présidiaux d'une part, les trésoriers de France et les élus de l'autre, administraient le pays[21]. Le personnel d'un bureau de finances — ainsi nommait-on le corps des fonctionnaires siégeant au chef-lieu de la généralité — était arrivé à se composer d'une cinquantaine d'officiers, partagés en trois catégories bien distinctes : la première chargée de l'assiette des impôts directs, de l'ordonnancement de toutes les dépenses, et du contentieux financier ; la seconde chargée du recouvrement et de la comptabilité ; la troisième, du contrôle[22]. Les services-de l'assiette et du recouvrement des taxes étaient donc séparés comme ils le sont encore aujourd'hui[23] ; mais la première catégorie composée des présidents et trésoriers de France, au nombre de dix à quinze, cumulait les attributions actuelles de l'administration des contributions directes, des préfets et chefs de service ordonnateurs dans le département, des conseils généraux et des conseils de préfecture ; confusion déplorable, puisque ces mêmes officiers qui avaient réparti les taxes se formaient en tribunal pour juger leur propre répartition, et se trouvaient par là juges et parties. Cet inconvénient qui se faisait déjà sentir en première instance, au tribunal de l'Élection, était d'autant plus grave qu'il n'y avait pas de contrôle dans l'assiette. Les trésoriers de France, qui faisaient les rôles, avaient à les vérifier, à les contrôler eux-mêmes, puis à les juger s'il survenait des réclamations. On créa, il est vrai, des commissaires des tailles, chargés de l'inspection des rôles dans chaque commune, mais ce furent des officiers fictifs, munis de titres sans réalité, inventés pour être vendus, et sur lesquels il ne faut pas se faire illusion. En créant des commissaires des Tailles qui toucheront, mais ne travailleront pas, disait au souverain le premier président de la Chambre des comptes, vous forcez les paroisses à augmenter la Taille pour payer les collecteurs. Et prophétisant juste, il ajoutait : Il est à craindre que la Taille ne vienne à tel excès, par ces moyens indirects et obliques, qu'enfin le pauvre peuple ne soit contraint de quitter ses maisons et son labourage, ne pouvant plus tirer de la terre des aliments pour se nourrir et payer l'impôt ; ce dont nous voyons déjà des dispositions et des commencements, à notre très-grand regret[24].

La deuxième catégorie des officiers du bureau des finances se composait des comptables ; ils étaient une quinzaine environ à se partager les fonctions actuelles du trésorier-payeur général. Le taillon, les épices, les gages des officiers, les rentes d'état, les Ponts et Chaussées avaient leur receveurs et leurs payeurs spéciaux, presque toujours au nombre de trois[25] ; la troisième catégorie comprenait un pareil nombre de contrôleurs — chaque receveur avait un contrôleur de sa gestion — chargés de vérifier les opérations de trésorerie effectuées par leurs collègues. Ils faisaient la besogne de nos inspecteurs des finances, mais seulement pour la recette et la dépense du chef-lieu de la généralité ; des contrôleurs semblables avaient au chef-lieu de l'élection une mission analogue. Ce chiffre de trois receveurs et de trois contrôleurs pour chaque nature de recettes semblerait bizarre à qui ne connaîtrait pas l'organisation singulière de cette époque. Le gouvernement, malgré son désir de multiplier les offices pour en tirer profit, n'aurait pu charger plusieurs receveurs, payeurs et contrôleurs, de remplir dans le même bureau, ensemble, et en même temps, le même emploi. On régla que les comptables n'exerceraient plus leurs fonctions que tous les deux ans, et l'on en créa de nouveaux qui alternèrent avec les anciens ; ceux-ci furent appelés receveurs alternatifs. Au bout de quelques années, l'expédient ayant réussi, on adjoignit aux deux premiers comptables un troisième collègue, qui n'opérait que tous les trois ans, et auquel l'usage donna le nom de triennal. Il y avait donc pour chaque office de finance trois fonctionnaires, payés tous les ans, mais ne travaillant qu'une année sur trois : l'ancien, l'alternatif et le triennal[26]. A la longue, on finit par trouver cet état de choses si naturel, qu'en créant un office nouveau, on en pourvut toujours trois titulaires à la fois ; le calcul était fort simple, trois offices se vendaient plus cher qu'un seul.

Au-dessous de la généralité, l'élection. — Les officiers qui la composaient, au nombre d'une trentaine environ, avaient dans leur ressort le même emploi que ceux de la généralité ; comme eux ils étaient administrateurs et juges[27]. Comme juges, ils tenaient deux audiences par semaine, et les procès ne manquaient pas[28]. Un monde d'avocats, de procureurs (avoués), de sergents (huissiers), gravitait autour de ces tribunaux qui les faisaient vivre ; seuls autorisés à instrumenter en matière fiscale, ils étaient perpétuellement en querelle avec les sergents et les procureurs des tribunaux ordinaires[29]. Ces élus, — dont le nom avait depuis longtemps cessé d'être exact, puisqu'ils achetaient leurs charges, — qui avaient à leur discrétion, par l'assiette de l'impôt, la bourse de leurs concitoyens, étaient dispensés de posséder les connaissances juridiques élémentaires, exigées des autres magistrats[30]. Aussi jouissaient-ils de peu de considération. Les élus sont gens ignares et non lettrés, d'après l'édit de leur création, et c'est en ce point que l'édit, grâces à Dieu, est bien observé[31].

A ne consulter que certains édits et certaines ordonnances, l'assiette, et, comme on disait, le département (répartition) des Tailles, paraissent se passer le plus régulièrement du monde. Il y a dans les Règlements du temps de quoi faire sur tous les points une administration admirable, s'ils eussent été observés. Comme on ne les observait presque jamais, il faut prendre garde de confondre les intentions et les faits, ce qui devait être, et ce qui était réellement. Le brevet de la Taille devait être envoyé dans les provinces par le surintendant, chaque année au mois de juillet, au plus tard, pour l'année suivante. Les trésoriers de France devaient faire le département des Tailles pour chaque élection, et l'envoyer au Conseil au mois d'août, et les commissions pour la levée devaient être expédiées dans la fin du mois de septembre ; les trésoriers devaient les envoyer aux élus à la fin d'octobre, et ceux-ci devaient répartir l'impôt entre les paroisses le plus également qu'il leur serait possible[32]. On pourrait croire que chacun a ainsi son rôle nettement tracé ; dans la pratique, les choses se passaient tout autrement, et les actes législatifs, fort nombreux, mais toujours sans exécution, ne servaient qu'à accroître le désordre. Tous les édits, déclarations, arrêts sur le fait des tailles, dit Colbert, ont rendu cette jurisprudence aussi incertaine que les autres. Les officiers des élections et des généralités faisaient souvent de leur propre autorité des règlements particuliers[33]. Il se commet d'infinis abus à l'assiette et au département des Tailles, dit le Roi, et il se fait plusieurs levées extraordinaires dont nous n'avons aucune connaissance[34] ; et ce, sans parler des impositions de guerre, que jusqu'à la prise de la Rochelle, les huguenots levaient impunément, dans les provinces où ils étaient les plus forts[35].

Les rôles étaient confectionnés de la manière la plus arbitraire. De temps à autre, on faisait une révision générale, en tenant compte des changements de domicile, et des mouvements de la population[36] ; le Roi en chargeait l'honneur et la conscience des trésoriers généraux, mais ceux-ci ne paraissent pas s'embarrasser outre mesure de ce soin, d'autant que chaque année l'assiette changeait sans aucune règle, au gré des répartiteurs de tout rang.

La taille personnelle, celle que l'ou payait dans les pays d'élections, n'avait aucune hase. rixe ; les officiers de la généralité étaient libres d'augmenter ou de diminuer à leur guise la part contributive de chaque élection. Les officiers de l'élection avaient tout pouvoir pour agir de même envers les paroisses, et n'y manquaient pas. Leurs malversations étaient si ordinaires, qu'à peine y a-t-il un élu qui ne décharge sa paroisse, que beaucoup tirent de celles qui leur sont indifférentes, et qu'ils s'en trouvent de si abandonnées, qu'ils ne craignent point de se charger de crimes, en augmentant à leur profit les impositions à la charge du peuple[37]. Puis, du haut en bas de l'échelle administrative, chacun empiète sur les droits de ses inférieurs : les élus sur ceux des asséeurs de paroisse, les trésoriers sur ceux des élus, le Conseil royal sur ceux des trésoriers. Les élus, au mépris des lois, ne se bornent pas à fixer la cotisation des villes, bourgs et villages de leur circonscription, ils déterminent encore celle de chaque individu, et font par ce moyen plus de quatre millions d'exempts[38]. Ils vont quelquefois si loin dans leurs injustices, que les trésoriers, ne se contentant pas de faire le département général de la Taille entre les élections, faisaient encore la répartition entré les paroisses, sous prétexte que les élus soulageaient les villes où ils résidaient, et ne les cotisaient à sommes raisonnables. Les élus refusaient de mettre les rôles ainsi faits en recouvrement ; ils en faisaient d'autres en opposition, et finissaient par obtenir gain de cause au Conseil[39]. L'envoi des intendants de justice, police, finances, vint compliquer encore des rouages qui fonctionnaient déjà si péniblement. A partir de 1640, les commissions des tailles et des subsistances furent adressées directement par le Conseil aux nouveaux intendants, avec le pouvoir de présider le bureau des finances, et le droit de nommer des subdélégués dans les élections. Les trésoriers dé France réclamèrent en vain près du Conseil et du surintendant, en vain ils firent le vide autour de l'intrus, et le laissèrent travailler seul ; il n'en résulta qu'un plus grand arbitraire dans la répartition. L'intendant, privé d'expérience, opéra à peu près au hasard sans prendre l'avis des élus, ni des receveurs des tailles. Les subdélégués qu'il envoya entrèrent aussitôt en conflit avec les anciens officiers qui légalement jouissaient encore de leurs anciens droits. La cour des Aides soutint les élus, l'intendant soutint ses commis, et soutenu lui-même du Conseil, il l'emporta. Depuis quinze ans, disaient amèrement les trésoriers de France, on a permis toutes les entreprises qui ont été faites sur nos fonctions[40]. Le nouveau système passait pour économiser neuf millions, mais augmentait l'autorité de l'arbitraire, et le peuple eut sujet de regretter les anciens abus[41].

Une fois les rôles terminés à l'élection, tant bien que mal, il fallait déterminer la cote de chaque taillable. Dans les villes abonnées, cette dernière répartition était faite de droit par le maire assisté des échevins. Un maire de ville et ses échevins étaient gens de conséquence, et les élus ne se seraient pas avisés d'entrer en lutte avec eux ; ils savaient se défendre. Tout autre était la situation des communautés rurales, pour lesquelles, avons-nous dit, la part de chaque habitant avait été souvent déterminée d'avance par le tribunal du chef-lieu. Si ce tribunal avait respecté les prérogatives de la paroisse, cette besogne appartenait aux asséeurs-collecteurs. Ici l'assiette et le recouvrement se confondaient dans les mêmes mains ; ceux qui avaient dressé les rôles devaient aussi faire rentrer l'argent.

Le dimanche après la messe, à la pluralité des voix, les paysans nommaient chaque année quatre asséeurs-collecteurs, si la taille dépassait 1.500 livres, deux seulement si elle n'atteignait pas ce chiffre[42]. Ce n'était pas là une charge enviée ; chacun, à tout prix, essayait de s'exempter de cette corvée, la plus grande oppression que puissent ressentir les contribuables. Ceux que l'on désignait en éprouvaient un tel préjudice, que la plupart en étaient ruinés. On va le comprendre ; ils étaient tenus de faire les frais de la collecte, sans pouvoir en espérer le remboursement ; leurs droits (réduits à deux deniers pour livre en 1633) étaient employés au remplacement des non-valeurs. La plupart, artisans et laboureurs, gagnant leur vie et celle de leur famille du travail de leurs mains, passaient la plus grande partie de leur temps à courir la campagne pour recueillir les fonds ; ils souffraient de très-grandes nécessités, les riches et aisés se faisant décharger par faveur et monopoles. Forcés de payer pour les autres, en cas de déficit, les assesseurs étaient si misérables que plusieurs se trouvaient réduits à mendier leur vie, ou à finir leurs jours dans les prisons[43]. Nous n'inventons rien, nous laissons la parole au Roi, à son conseil, aux corps les plus autorisés ; ce sont eux, et non des ennemis du gouvernement, des pamphlétaires obscurs, qui se chargeront de nous révéler le mal.

Peu à peu ces malheureux, qui avec toute leur bonne foi et tous leurs efforts avaient déjà tant de difficulté à faire la récolte des deniers royaux, cessent d'exercer librement leurs fonctions, et même d'être rémunérés. L'autorité, puis les gages, passent à des officiers nouveaux qui ont acheté leurs charges pour en toucher les droits, mars qu'on ne voit jamais dans la paroisse : les commis, commissaires, greffiers[44]. Le collecteur rural garde pour lui la peine et la responsabilité. Sous prétexte de lui venir en aide, les fonctionnaires de la ville ne craignent pas de le tromper, suivant leurs intérêts ; comme le Collecteur ne sait ni lire ni écrire, il est facile au commissaire des tailles de changer les chiffres ou les noms, de les altérer et varier à sa fantaisie[45].

Aucune vérification n'est possible ; il n'y a au greffe des bureaux des trésoriers de France ni départements, ni rôles des taxes ; ce qui pourtant serait nécessaire pour empêcher les surimpositions et exactions qui se font sur le peuple[46]. Les exactions, en effet, sont nombreuses, la liste en serait longue, et les moyens de les commettre sont aussi ingénieux que possible. Un des plus usités consistait à faire un premier rôle des tailles-ordinaires en y comprenant de grandes sommes, sous des noms supposés, afin, disait-on, de modérer les premières taxes de ceux qui étaient portés au rôle. En même temps on dressait un second rôle des mêmes sommes, comme non-valeurs à réimposer, d'où procédaient une infinité de procès que les particuliers surtaxés gagnaient contre les paroisses. Les procès en surtaxe étaient si fréquents d'ailleurs, que presque tous les gens aisés obtenaient des dégrèvements : les pauvres seuls n'en obtenaient jamais, parce qu'ils n'avaient pas les moyens de plaider ; mais comme ils n'avaient pas non plus les moyens de paver leurs taxes, ils étaient par ce seul fait réduits à l'aumône[47].

Et le chiffre des tailles, principal et accessoires, allait toujours augmentant. On parle sans cesse de le diminuer, le pays le demande par toutes ses voix, le gouvernement le promet à toute occasion ; et cependant chaque année, par une progression constante, l'impôt s'élève. En 1614, les États généraux sollicitent la réduction d'un quart[48]. En 1626, Richelieu dit aux notables : Il faut augmenter les recettes, mais non par nouvelles impositions que les peuples ne sauraient plus porter[49]. La même année le Roi dit au parlement de Rennes qu'il a pris le dessein général de soulager son peuple de la plus grande partie des tailles, ce qu'il a commencé dès cette année, et qu'il veut continuer à l'avenir[50]. La décharge projetée n'est pas énorme, 600.000 francs par an sur plus de 30 millions, — mais on s'engageait à la continuer pendant cinq ans. On aurait doux 3 millions de moins à payer en 1632[51] ; l'acte royal dit formellement. Pure illusion ! Au lieu de baisser, les tailles montent de 3 millions. En 1634, même comédie Louis XIII, tenant un lit de justice, promet de diminuer la taille, nouvellement augmentée d'un quart ; il espère que les contribuables en recevront plus de 6 millions de décharge. Le surintendant des finances Bouthiller tenait effectivement à faire un soulagement, et à en mettre ure clause spéciale dans les commissions ; mais ce soulagement demeura un rêve du bon surintendant[52]. On promulgua, il est vrai, un édit solennel, qui a induit en erreur plusieurs historiens ; en réalité, les tailles s'élevèrent à 39,650.000 en 1635, à 40,738.000 en 163G. À la fin de cette année-là, on fit miroiter aux yeux des peuples des promesses plus séduisantes encore qu'en 1634 ; ce n'était plus un quart, c'était la moitié des tailles dont le Roi déchargeait les contribuables pour l'année 1637[53]. Inutile d'ajouter que cette nouvelle décharge n'eut pas lieu. L'impôt direct descendit à 39.500.000 en 1637, mais pour remonter en 1638 à 45.695.000 et en 1639 à 43.551.000[54]. Le souverain repousse d'ailleurs toute la responsabilité de ces augmentations : si ses sujets ont souffert, ce n'est pas sa faute, les impositions qui se lèvent à notre profit, dit-il, étant de beaucoup moindres que celles qui se faisaient du temps du feu Roi, es années 1609 et 1610[55]. Mensonge manifeste, puisque le budget ordinaire de la France est le quintuple environ sous Louis XIII de ce qu'il était sous Henri IV, puisque la taille en particulier, qui ne montait pas en 1610 à plus de 11.400.000 livres, atteint en 1643 près de 44 millions[56] !

Or 44 millions de livres, multipliés par six pour avoir leur valeur actuelle, représentent à notre époque 264 millions de francs, soit à peu près le produit des contributions foncière, personnelle-mobilière et des portes et fenêtres pendant l'année 1880. Et ce n'était pas tout. Dans cette somme, figurent le principal de la taille, la solde des prévôts, les crues des garnisons et de la cavalerie[57]. Il faut y ajouter les étapes et la subsistance, qui montent à trois quarts et demi de la taille ordinaire, et qui se lèvent conjointement et par même rôle[58]. Au seizième siècle, après les grandes guerres d'Italie, on avait, il est vrai, institué le taillon a pour soulager le peuple du logement et de la nourriture des gens de guerre s ; c'était, dans le principe, une contribution militaire, dont le connétable avait l'administration[59]. Peu à peu, d'extraordinaire le billon devint ordinaire, il se confondit avec la taille, et pour solder les troupes et les faire vivre, l'État eut recours à des levées nouvelles[60]. Surcharger les peuples de gens de guerre, disait Richelieu, avant de prendre en main le gouvernement, c'est aliéner entièrement les cœurs, et perdre la force principale du prince, qui consiste en l'affection de ses sujets[61]. N'empêche que chaque année, sous son ministère, les peuples eurent à payer des impôts de guerre de plus en plus durs, soit pour les étapes et subsistances de l'armée, soit pour ses quartiers d'hiver. Jusqu'en 1633, les troupes en campagne vivaient aux frais des provinces qu'elles occupaient. Le pain, le vin, la viande, les fourrages, leur étaient fournis en nature par l'habitant ; mais comme la guerre était localisée sur quelques frontières, la charge était écrasante pour le petit nombre de ceux qui la supportaient presque constamment. Ils émigraient ; les contrées qui servaient de champ de bataille se changeaient en déserts. Le gouvernement décida que les vivres seraient payés à l'avenir au prix du dernier marché[62]. A la solde, on joignit pendant l'été une indemnité en argent, qui permettrait aux troupes de se nourrir à leurs frais. Pendant l'hiver, des munitionnaires royaux se chargèrent de fournir les vivres dans les garnisons. Deux impositions nouvelles, réparties entre toutes les provinces du royaume par les intendants, vinrent alors se greffer à la taille ancienne[63], et pourvurent aux besoins de l'armée : l'une, étapes et subsistances, pour les six mois de campagne ; l'autre, quartiers d'hiver, pour les six mois de paix. Sur la première, ou préleva en outre les primes d'engagement des soldats ; sur la seconde, leur équipement et l'entretien de leurs armes[64]. Les chiffres de ces deux contributions variaient sans doute selon l'effectif des troupes ; nous ne pouvons les suivre d'année en année, faute de documents authentiques ; mais nous connaissons ceux de 1639, dont nous allons tenter de reconstituer le budget, pièce à pièce, Le quartier d'hiver monta à 16 millions environ[65]. Les étapes et subsistances s'élevèrent à 9.600.000[66] ; soit en totalité 25.600.000. Additionnées avec le principal de la taille, qui, d'après les états officiels, atteint en ce même exercice 43.550.000, ces contributions donnent pour l'impôt direct un total de 69.150.000 livres. Les droits des collecteurs, ceux des commissaires des tailles, ceux des trésoriers de France, sont compris dans ce chiffre. Au lieu de prélever leurs commissions sur le produit de l'impôt, ils augmentent tout d'abord les taxes d'une somme équivalente à ces commissions. Ceux qui ont, par exemple, 2 ½ % de la taille qu'ils perçoivent, ajoutent leur 2 ½ ; ceux qui doivent toucher 5 % font de même ; en passant par leurs mains, le rôle, déjà si chargé, se gonfle encore, et chacun s'assure, avant de le mettre en recouvrement, que ses intérêts personnels y sont sauvegardés[67].

Aux 69.150.000 livres de tout à l'heure, s'ajoute 1 million que la Bretagne paye au Roi, sous le nom de don gratuit, et qui doit titre assimilé à la taille. La somme de 70.15.0.000 livres ainsi obtenue équivaut aujourd'hui à 420.900.000 francs.

Voilà ce que devaient payer les contribuables, en 1639, pour l'impôt direct, et la France ne comptait pas alors 17 millions d'habitants[68]. Si du moins chacun avait porté selon ses forces sa part du fardeau, si la situation géographique et, la position sociale n'avaient pas créé entre les Français des différences profondes, selon qu'ils étaient Normands ou Languedociens, Auvergnats on Provençaux, d'épée ou de charrue, magistrats ou commerçants, le fardeau, bien que lourd sans aucun doute, n'eût pas été insupportable. Mais la disproportion est si grande, la répartition est si injuste, qu'elle explique les réclamations indignées de ceux qui ont vu souffrir, qu'elle justifie et autorise la révolte de ceux qui souffrent.

 

II

TAILLES RÉELLES ET PERSONNELLES. — L'administration des pays d'états. —Elle est équitable et libérale. — Tentatives de Richelieu pour la détruire. — Les provinces se révoltent ou se rachètent. — Il échoue partout, sauf en Dauphiné. — Le cadastre ; il est demandé depuis plusieurs siècles. — Comparaison des pays d'états avec les pays d'élections. — Leur part est trop légère. — Comparaison des pays d'états avec les départements actuels correspondants. — Les villes abonnées.

 

Et d'abord la disproportion territoriale. — Le système d'assiette que nous venons de décrire n'existe que dans les deux tiers de la France : les pays d'élections. Dans l'autre tiers, les pays d'états, nous ne voyons rien de semblable. Là-bas, l'impôt direct (taille personnelle) était un impôt sur le revenu ; ici, c'est un impôt foncier (taille réelle). Par la façon dont il était fixé, le premier était arbitraire ; par les exemptions accordées aux riches, dans leurs personnes et dans leurs biens, il était vexatoire. Au contraire, le second est invariable ; il a pour base la terre, et rien que la terre. Qui n'a pas de terre ne paye rien. Les terres elles-mêmes ne payent pas toutes ; les nobles sont exemptes, les roturières sont taxées. C'est un état de choses défectueux pour l'ensemble du pays, mais nullement odieux à la province où il règne. La terre noble, à jamais exempte, se vendra un peu plus cher ; la terre roturière, à jamais taxée, subit une légère dépréciation. Qu'importe ! pensent les habitants, le privilège n'est pas attaché à un homme, mais à une chose. Que le noble vende sa terre noble au roturier, elle demeurera toujours affranchie ; qu'il achète une terre roturière, elle ne cessera jamais d'être taillable. Chacun sait à quoi s'en tenir, et personne ne songe à réclamer.

La taille réelle existe ainsi dans cinq provinces : Bourgogne, Dauphiné, Provence, Languedoc et Bretagne. Il faut y ajouter les petits États du sud-ouest : la Navarre, qui s'administre à part, avec ses trésoriers de l'épargne séparés[69] ; le comté de Foix, Béarn, Bigorre, Marsan, dont l'indépendance est proportionnée à leur éloignement du pouvoir central. Ici point de fonctionnaires avides, qui sous des noms multiples grugent le peuple ; point de ces procédés sauvages de recouvrement, qui dans les pays de taille personnelle poussent les populations au désespoir. Le brevet de la taille est expédié chaque année aux états provinciaux ; c'est aux députés des trois ordres qu'il appartient de faire les rôles. L'opération est des plus aisées ; une sorte de cadastre assigne à chaque fonds de terre la dette qui lui incombe[70] ; à cet impôt obligatoire, la province joindra un don gratuit au souverain, produit d'une contribution additionnelle dans les bonnes années, d'un emprunt contracté par les états, dans les mauvaises[71]. Si des plaintes s'élèvent, on les écoute ; si des différends surviennent entre deux paroisses, on les apaise à la session suivante. Tout se passe patriarcalement, et comme en famille. Chacun étant intéressé à agir avec économie, ou ne vote que les dépenses absolument nécessaires ; chacun devant payer de sa poche, on n'exécute que les travaux vraiment utiles.

Certes, ce n'est pas encore la perfection ; souvent les terres maigres ou peu revenantes sont autant ou plus imposées que celles qui rapportent beaucoup, ce qui est un extrême grief au peuple, sans que le Roi en profite d'aucun denier[72]. C'est l'inconvénient de tous les impôts à base fixe, ils ne sont pas aussi souples que les autres, ils ne se plient pas aussi aisément aux variations de la fortune publique ; notre cadastre actuel mériterait parfois les mêmes reproches que le cadastre rudimentaire de Louis XIII. Il est probable que ce dernier n'était presque jamais révisé, que l'impôt n'était pas partout dans un rapport identique avec le revenu[73]. Mais n'en est-il pas de même aujourd'hui ? Si médiocre qu'on veuille supposer ce système, il faisait l'admiration et l'envie des provinces qui en étaient privées, et le bonheur des provinces où il fonctionnait. En effet, l'établissement d'un cadastre était vieux en projet dans notre pays ; à la fin du quinzième siècle, des demandes pressantes étaient déjà formulées à ce sujet. Publicistes, hommes de guerre, États généraux, tous sont unanimes. Il n'y a là-dessus qu'une opinion, pendant près de trois cents ans, chez ceux qu'anime l'amour du peuple et du bien public. Il faut, dit nettement Bodin, que les tailles soient réelles pour soulager les pauvres[74]. Les États de 1614 le souhaitaient ; à l'assemblée des notables de 1626, Chevalier, premier président de la Cour des aides, en fit la proposition[75] ; le maréchal Fabert remit à Mazarin un mémoire dans le même sens[76], et Vauban parle avec enthousiasme de l'organisation de cet impôt dans la généralité de Montauban[77]. Il n'est pas un économiste, au contraire, qui ne flétrisse énergiquement la taille arbitraire, le fléau éternel de la France[78]. Deux qualités recommandaient donc l'impôt direct tel qu'il se pratiquait dans les pays d'États : la fixité de sa base, la justice relative de sa répartition. Ce que les amis de l'impôt progressif osent à peine proposer aujourd'hui : l'exemption absolue du journalier, de l'artisan, de tout homme qui ne possède rien, existait en fait avec la taille réelle.

C'est pourtant cette taille réelle que Richelieu voulut remplacer par la taille personnelle ; ce furent ces pays d'États que, dans son amour d'uniformité, il tenta d'assimiler aux autres provinces, par la création des élections[79]. A vrai dire, la recherche de l'uniformité ne fut pas son unique motif. Ce qu'il espérait trouver en établissant ces juridictions nouvelles, c'était de l'argent : l'argent que rapporterait la vente des charges, qu'on pourrait jeter dans le gouffre toujours béant et toujours vide du trésor royal. Des écus et du silence, voilà ce que le Cardinal demandait à la nation ; en échange, il lui donnait de la gloire. Mais pour payer et se taire, il faut avoir perdu peu à peu l'usage de la liberté. On n'était dans ce cas ni à Dijon, ni à Aix, ni à Grenoble. Quand les populations de ces capitales apprirent que des élections avaient été créées sur le territoire de leur province, que leur sort allait devenir aussi misérable que celui de leurs voisins d'Auvergne ou de Champagne, quand elles virent que les gages seuls de ces nouveaux fonctionnaires absorbaient annuellement des deux ou trois cent mille livres[80], elles se levèrent en masse. A Dijon, le peuple prit les armes, et brûla les maisons de ceux qu'il croyait favoriser l'établissement des élus, entre autres celle du premier président du Parlement[81]. Des gentilshommes, des magistrats, se joignirent à l'émeute ; pour demeurer indifférent, il fallait être tout à fait vendu à la cour. Mêmes troubles en Provence : le Parlement est à la tête de la sédition. Les présidents Coriolis et Laroque s'écrient : Peuple, armez-vous ! il faut tuer tous ceux qui voudront établir les élus ! — Il faut mourir la pique à la main, disent plusieurs conseillers. On fut sur le point de précipiter l'effigie du Roi. Consuls de ville, syndics ruraux, noblesse et populaire, tous sont unanimes dans leur réprobation. Il fallut pour rétablir l'ordre cinq mille hommes et six cents cavaliers[82]. En Languedoc, on fut moins violent, mais aussi ferme. Au lieu de se battre, on se racheta. Les États avaient été tout d'abord suspendus pour leur résistance, ils négocièrent ; ils obtinrent moyennant de fortes sommes qu'ils s'imposèrent eux-mêmes, que l'édit serait abrogé, et qu'on n'en parlerait plus. Ce fut une rançon payée au Roi par ses sujets, pour échapper aux griffes des officiers royaux ; la chose parut toute naturelle à celui qui en profita, et à ceux qui l'avaient offerte. Bien plus, ce fut de la part du souverain une faveur insigne de l'accepter. Les États le comprenaient si bien qu'ils reconnurent par un léger cadeau (50.000 écus) l'intérêt que le gouverneur de la province avait porté, en cette circonstance, à ses administrés[83]. Partout ailleurs l'affaire finit par s'arranger à l'amiable : la Bourgogne paya pour se délivrer des élus, la Provence paya aussi. — En Bretagne, on n'avait rien osé innover. — Quelques dons gratuits à l'Épargne firent sans doute oublier à Richelieu les soi-disant désordres et profusions extrêmes qu'il prétendait être faites par les États à l'oppression des sujets du Roi[84] ; désordres et profusions dont on ne parla à l'avenir que lorsqu'on voulut tirer de nouvelles sommes de ces provinces. La menace d'introduire les élections fut un épouvantail dont on se servit plus d'une fois à leur égard. Les pays d'États se retrouvèrent donc vers la fin de 1631 à peu près dans la même situation fiscale qu'auparavant ; un seul demeura atteint, le Dauphiné[85].

Là, malgré les révoltes des peuples et les remontrances de la magistrature, l'autorité royale demeura la plus forte, et cette introduction violente d'une administration détestée souleva des haines si vivaces, qu'à la veille de la Révolution française, après un siècle et demi, elles n'étaient pas encore éteintes. On avait créé en 1627 dix élections, on les réduisit à six, à la supplication des procureurs-syndics et des communautés villageoises[86] ; puis, sous prétexte de donner aux États de Dauphiné quelque satisfaction, on fit une combinaison de la taille réelle et de la taille personnelle, capable de rendre cette province plus malheureuse qu'aucune autre dans le royaume, puisque les roturiers pouvaient y être assujettis à deux charges à la fois[87]. Les tailles étaient bien déclarées réelles et prédiales, et devaient être payées par tous les héritages roturiers, quels que fussent leurs possesseurs ; mais aussitôt après avoir proclamé le principe, on accordait un si grand nombre d'exemptions aux biens de l'Église, de la noblesse et de la magistrature[88], qu'il ne restait certainement pas un tiers de domaines taillables[89]. En cas de vente, ces biens devaient être soumis à l'impôt, ce qui violait le principe de la réalité, au préjudice des non nobles. Ceux-ci d'ailleurs devaient être astreints à l'impôt foncier pour leurs terres, et à l'impôt sur le revenu pour leur commerce, meubles, bestiaux, et autres moyens secrets. Situation unique en France, ils cumuleront ! Et l'on imagine ce qu'une organisation semblable mettra d'autorité aux mains des agents du fisc, et de mécontentement au cœur du contribuable[90].

Nous avons reconnu et vanté ce que le régime des pays d'États avait de bon, nous ne pouvons cacher ce qu'il avait de défectueux ; après ses qualités, nous devons signaler ses vices. Les terres soumises à la taille réelle n'étaient pas assez nombreuses ; celles qui étaient taxées ne l'étaient pas à leur juste valeur ; bref, les pays d'États ne portaient pas leur juste part des charges publiques. Le cadastre féodal qui servait de base à l'impôt datait d'une époque où les immeubles étaient pour la plus grande part entre les mains de la noblesse et du clergé ; les privilèges de ces provinces, en les protégeant contre des empiètements abusifs, y empêchaient aussi des améliorations nécessaires. Les Rois, qui n'hésitaient jamais à violer ces privilèges quand ils étaient assurés de l'impunité, y regardaient de plus près lorsqu'il s'agissait d'une population nouvellement française, — on ne veut pas rendre le séjour de la maison commune trop pénible aux nouveaux venus, — on leur fait les honneurs de la France. Quand cette population était remuante, les monarques s'abstenaient tout à fait de l'inquiéter. C'est ainsi que la Bretagne, unie à la couronne sous Louis XII, ne fut comprise pour la première fois au rôle de la taille que sous Henri III, en 1580, et pour une contribution dérisoire de 96.000 livres[91]. Il en était de même sous Louis XIII, pour la Navarre, les comtés de Foix et de Bigorre, où vivaient, au pied des Pyrénées, des peuples guerriers, jadis habitués à voir leurs chefs au milieu d'eux, très-jaloux de leur indépendance, et maintenant frontières de France vis-à-vis de l'Espagne[92]. Ceux-ci ne payent que pour le principe ; on les dressera bout doucement à supporter le fisc, comme on accoutume peu à peu un jeune cheval à porter la selle. Le principal est de ne pas indisposer ces sujets récemment acquis. Au contraire, les généralités voisines de Paris, dont le gouvernement croit n'avoir rien à craindre, sont surchargées sans mesure. La part de la Normandie est toujours trop considérable ; en 1448, elle équivalait au quart des impositions du royaume[93] ; sous Richelieu, elle en forme le sixième.

Pris dans leur ensemble, les pays d'États, grands et petits, forment le tiers de la France, tant sous le rapport du territoire que sous celui de la population[94] ; ils possèdent aussi la troisième partie de la richesse nationale ; ils devraient donc payer le tiers de l'impôt direct. Sur les 43.551.000 livres de la taille, sans doute, pensons-nous, ils vont en supporter 14 millions ou un chiffre approchant, en plus ou en moins. Point du tout ; ils n'ont à leur cote qu'une somme dérisoire de 4.441.558 livres (le dixième environ de la taille), tandis que les deux autres tiers de la nation, les pays d'élections, doivent se répartir entre eux 39.249.000 livres[95]. Si nous comparons entre elles certaines provinces de même population, de même étendue, de même richesse, nous les voyons imposées trois, quatre ou cinq fois plus les unes que les autres, selon qu'elles ont gardé leurs États provinciaux ou qu'elles sont tombées aux mains des officiers d'élection. Il y avait un moyen bien simple de mettre fin à une inégalité si choquante ; c'était, non pas de chercher à détruire les États là où ils existaient, mais de s'appliquer à les établir là où ils n'existaient pas. Ainsi chaque généralité aurait pu se défendre, et réclamer contre l'exemption partielle de ses voisines. On ne s'avisa de ce système que sous le règne de Louis XVI, quand il était déjà trop tard, et que les bons esprits comme les mauvais avaient perdu, en face d'abus trop prolongés, cette sérénité et cette modération indispensables à qui veut opérer des réformessages.

En 1639, le Languedoc, pays d'État, paye 2.283.000 livres de tailles, pendant que la Guyenne et Gascogne en payent 5.256.000[96]. Pourtant les deux provinces se valent à tous les points de vue, leur prospérité agricole et commerciale se balance. Nous n'en dirions pas autant de la Normandie et de la Bretagne, bien que la population soit à peu près identique[97]. L'une est riche, l'autre est pauvre ; mais bien que riche, la première est trop chargée (7.152.000 livres) ; bien que pauvre, la seconde est trop dégrevée (1.519.000, y compris le don gratuit). Veut-on une comparaison décisive, qu'on prenne l'Orléanais et la Provence : l'un a la Beauce et ses blés, mais il a aussi la Sologne et ses déserts. L'autre a Marseille, le commerce de la Méditerranée et les huiles. Voilà deux provinces à peu près équivalentes comme superficie, comme nombre d'habitants[98]. Eh bien, l'Orléanais, pays d'élections, est imposé de 2.668.000 livres de taille, tandis que la Provence, pays d'États, ne figure au rôle que pour 591.000 livres.

Nous avons eu la curiosité de reconstruire dans la France actuelle l'ancienne division territoriale du dix-septième siècle, afin de constater les changements qu'une répartition plus équitable de l'impôt a pu de nos jours apporter dans son assiette. Nous sommes arrivés aux résultats suivants. En 1876, le produit des contributions directes[99] figure au compte général des finances pour 389.790.000 francs. Sur cette somme, 39 millions de francs sont à la charge des quinze départements qui jadis ne faisaient pas partie de la France ; des 350 millions de francs restants, les vingt-cinq départements formant les anciens pays d'États payent 84 millions, ce qui ne serait pas beaucoup éloigné du tiers, si l'on retranchait les 66 millions du seul département de la Seine, où la ville de Paris a pris une extension tout à fait disproportionnée[100]. En examinant séparément quelques-unes des anciennes généralités, nous remarquons que les trois départements actuels de l'Orléanais sont inscrits au rôle de l'impôt direct pour 9.919.200 francs (soit, divisée par 6, une somme correspondant à 1.653.200 livres), tandis que les trois départements actuels de la Provence y sont inscrits pour 13.211.300 francs (soit une somme correspondant à 2.201.800 livres). La Provence a donc vu sa charge presque quadruplée depuis Louis XIII, l'Orléanais a vu la sienne diminuée de près des deux cinquièmes. De même la part contributive de la Bourgogne n'atteignait sous Richelieu que 414.000 francs, tandis que les quatre départements formés par cette ancienne province supportent aujourd'hui 15.704.500 francs (qui équivalent à 2.617.400 livres en 1639). Au contraire, la Normandie, qui devait, comme nous l'avons dit, verser annuellement au Trésor royal 7.152.000 livres, n'est grevée aujourd'hui que de 35.664.000 francs (chiffre qui correspond à 5.944.410 livres[101]).

Ces observations ne nous paraissent pas sans importance. On s'explique en les méditant cette misère terrible du peuple en certaines contrées, ces révoltes périodiques qui n'ont jamais lieu contre les tailles que dans les pays d'élections, et notamment cette insurrection des Nu-pieds, qui désola la Normandie en 1639[102].

Nous avions été frappé souvent des plaintes que nous lisions contre la taille dans les ouvrages financiers d'autrefois ; nous nous étonnions même de ce concert de réclamations ; nous nous étonnions encore davantage de cette difficulté du recouvrement, de ces désastres causés par les agents du fisc ; maintenant nous les comprenons. Ce serait une naïveté d'accuser les ministres d'alors de s'être appliqués sciemment à ruiner les peuples, et pourtant, par leur incurie dangereuse, par leur coupable ignorance, ils arrivent fatalement à ce résultat. Ainsi les deux tiers de la France, les pays d'élections, à peu près 11 millions d'hommes, ont à supporter les 10/11e de la taille, environ 40 millions d'impôt ; et il semble que par un triage méthodique, on ait successivement dispensé de contribuer à cette charge tous ceux qui avaient quelque moyen de le faire.

Répandues dans les dix-sept généralités de taille personnelle, on aperçoit un grand nombre de villes dont la part a été fixée à une somme invariable, par une grâce spéciale ou par un traité ancien. Ce sont les villes abonnées, et l'abonnement leur est tout à fait profitable, car leur cote est en général dérisoire ; c'est une réduction qui exonère le citadin, mais qui accable le plat pays d'alentour. D'autant plus que, malgré les défenses répétées, les bourgeois des villes franches — souvent on les nomme ainsi — font valoir par leurs mains leurs terres des environs, et parviennent à éviter totalement l'impôt. Ils ne résident infra muras que durant le mois de décembre, avant la confection des rôles, et retournent ensuite travailler aux champs[103]. Quelquefois la franchise était consentie par le Roi à certaines localités en échange d'une taxe d'autre nature, ou pour prix d'un service public dont elles se chargeaient[104] ; le plus souvent l'abonnement était un pur effet de la clémence royale[105]. Paris, Rouen, le Havre, Clermont-Ferrand, Tours, Amboise, Sainte-Menehould, Cognac, Dieppe, Quillebœuf, Châteauroux, et bien d'autres, étaient abonnés[106]. Riom, qui avait été exempté au siècle précédent, fut abonné à 6.600 livres, puis rentra dans le droit commun[107]. Ce ne fut pas sans protester bien haut ; en effet, l'abonnement était si avantageux que plusieurs paroisses des élections de Saintes et de Marennes, menacées de perdre le leur, demandaient à verser en une fois un supplément de 120.000 livres, pour avoir la faveur de le conserver. La baronnie de Soubise, abonnée à 4.000 livres, et taxée au juste prix à partir de 1639, dut en payer dès lors 25.000 livres par an[108]. L'abolition de ces tolérances rencontrait bien des obstacles ; les villes ne manquaient pas de protecteurs qui eussent l'oreille d'un intendant ; elles avaient de l'argent pour soutenir des procès, des avocats pour exprimer leurs doléances. Les communautés rurales n'avaient souvent rien de tout cela, et leur part de l'impôt grossissait sans cesse.

 

III

LES EXEMPTIONS DE TAILLES. — Elles sont relativement récentes. — La noblesse, le clergé, presque tout le tiers état sont dispensés. — Le peuple des campagnes paye seul. — Efforts stériles du gouvernement pour faire cesser cet état de choses. — Il s'aggrave sans cesse. —L'édit de 1634. — Plus de 4 millions d'exempts. — Comparaison de ce que payent les artisans et laboureurs en 1639 et en 1882 pour l'impôt direct.

Non-seulement il y avait des provinces et des villes qui payaient peu, mais il y avait aussi des individus en grand nombre qui ne payaient rien : outre les localités semi-exemptes, on voit des gens tout à fait exempts. Noblesse, clergé, presque tout le tiers état, étaient affranchis des tailles ; le peuple seul, et surtout le peuple des campagnes, était grevé. Cet abus n'était pas aussi ancien qu'on pourrait le croire, il était inconnu aux premiers siècles de la dynastie capétienne. Dans leur rudesse primitive, les actes législatifs du moyen âge contiennent un très-vif sentiment de la justice. Tout le monde, dans le principe, avait été assujetti à l'impôt direct ; les ecclésiastiques même le payèrent quelque temps, puisque nous savons qu'ils en furent exemptés[109]. La noblesse, rendant le service militaire en personne, en était seule dispensée, mais non pas entièrement. Sous le règne de saint Louis, le gentilhomme qui possédait une terre sujette à la taille seigneuriale de l'époque en demeurait redevable à qui de droit[110], à moins de la faire valoir lui-même. En certaines circonstances, la noblesse même était taxée pour tous ses biens. Sous Philippe de Valois on l'imposa de douze sous et demi par vingt-cinq livres de revenu des terres ; et pourtant, seule encore, elle payait l'impôt du sang[111]. Une ordonnance de Charles VII portait que ses sujets sans exception seraient compris au rôle[112]. Un auteur du temps était donc bien en droit d'écrire sous Louis XIII que les tailles devraient être payées par tous indistinctement selon la parole de Dieu, la raison naturelle, et les ordonnances de nos Rois[113].

Cependant la liste des exempts, déjà bien longue, s'allongeait tous les jours au temps de Richelieu ; mille charges de justice, ou de finance, ou de guerre, mille emplois brillants ou grotesques, effectifs ou imaginaires, exemptaient leurs possesseurs. On n'avait, pour éviter la taxe, que le choix des moyens ; il y en avait de toutes sortes. Dès qu'un homme avait quelque bien, — écus en son coffre ou pignon sur rue — qu'il portait le vêtement bourgeois, et qu'il était considéré dans sa cité, sa première pensée était d'esquiver l'impôt roturier. Pour jouir de l'exemption, il n'était pas nécessaire d'être gentilhomme ou prêtre : les deux premiers ordres étaient dispensés en masse et de droit, mais le troisième l'était presque tout entier par une suite de dispenses individuelles[114]. Les officiers, depuis le premier président du Parlement de Paris, jusqu'aux sergents des sièges royaux ; depuis les Chambres des comptes et Cours des aides, jusqu'aux derniers huissiers des tribunaux d'élections, tous ceux en un mot qui de près ou de loin touchaient à l'État par un côté quelconque, qui avaient acheté une charge quelle qu'elle fût, jouissaient de l'exemption. Les plus humbles préposés au recouvrement de l'impôt, tous les agents des contributions directes ou indirectes, commis des fermiers, regrattiers, — marchands de sel au détail, — étaient exempts de l'impôt[115].

Certaines catégories d'exempts avaient une telle élasticité que de nouveaux venus y trouvaient sans cesse de nouvelles places ; tels étaient les officiers commensaux du Roi, de la Reine, des fils, filles, frères et sœurs des Rois, des premiers princes du sang. Bien des gens riches se faisaient comprendre parmi les officiers privilégiés des princes, sans toutefois rendre aucun service, ni même avoir jamais approché de leurs personnes[116]. Le titre régulier d'officier de la maison du Roi s'étendait déjà à l'infini, puisque les huissiers de la grande prévôté de l'Hôtel, les clercs, appariteurs et bedeaux de Notre-Dame de Paris, de la Sainte-Chapelle, et de toutes les églises de fondation royale, étaient réputés commensaux de Sa Majesté. A la faveur des panonceaux et bâtons royaux qu'ils mettaient à leur porte, tous garantissaient des tailles et du logement des troupes leurs maisons de ville ou de campagne[117]. D'autres professions libérales ou manuelles avaient droit aux mêmes dispenses. Tous les médecins, tous les procureurs (avoués), tous les professeurs ou employés des Universités, les maires et consuls des villes, les vétérans ayant servi vingt-cinq ans, les verriers, salpêtriers, monnayeurs, ouvriers en soie, chevaucheurs d'écurie, maitres de poste, messagers et courriers (les facteurs d'aujourd'hui) et bien d'autres n'étaient pas soumis à l'impôt[118].

Et les familles des exempts profitaient de l'exemption du chef ; — ce ne fut que par un édit de Louis XV que la dispense de certains officiers devint personnelle[119]. Puis les exempts ne payaient la taille pour aucun de leurs biens ; le fait, bien qu'il ait été contesté, est néanmoins exact[120]. Quand les fermiers des exempts payaient la taille, c'était pour le bénéfice personnel qu'ils retiraient de leur ferme, non pour le revenu qu'ils en fournissaient au propriétaire[121]. Dans des conditions pareilles, avec des exemptions aussi larges, on juge qu'il ne reste à imposer que les plus pauvres, les plus abandonnés, les plus faibles. Ce grand filet que le fisc jette sur le pays est fabriqué et tendu de telle sorte, que les gros poissons l'évitent nécessairement, que les moyens trouvent toujours une maille assez large pour leur livrer passage, et que les petits y sont pris, sans aucune chance de salut[122].

Plus d'une fois le gouvernement s'effraya à la vue de tant de privilèges ; il songea à diminuer ces exceptions, si nombreuses que dans les classes aisées elles étaient devenues la règle générale. Les officiers du Roi, dit-on, ne devraient être exempts que selon le nombre de ceux qui l'étaient du temps de François Ier[123]. Le monarque demande aux notables de rechercher quelque moyen si sûr et si effectif pour l'assiette des tailles, que les pauvres, qui en portent la plus grande part, soient soulagés. Là-dessus réponse des notables : Les moyens ont été jusqu'ici très-difficiles... la descharge des privilégiés est la charge du peuple. Après ce court dialogue par écrit, notables et Roi pensent à autre chose[124]. Toutefois, en 1634, le gouvernement, dit M. Henri Martin, publia sur les tailles le règlement le plus large, le plus sage et le plus populaire qui eût paru depuis Henri IV. Il le publia, mais il ne l'exécuta pas, et, peu de temps après, il le révoqua. Tous les historiens ont pris pour argent comptant ce règlement solennel et fort connu, que des édits peu solennels et peu connus détruisirent en moins d'une année[125] : Nous savons, disait le souverain, que les tailles ne sont pas excessives, pourvu qu'elles soient également départies. Mais les plus puissants des paroisses jouissent de l'exemption, sous prétexte de certains offices imaginaires. Or ces offices, qualifiés d'imaginaires par l'édit de 1634, d'autres édits des années précédentes les avaient créés en les déclarant indispensables à la prospérité publique, — contradiction tout au moins plaisante[126].

On révoqua donc un grand nombre de ces dispenses d'impôt, mais on en maintint un nombre au moins aussi grand. Tous officiers de judicature ou de finance ne jouiront à l'avenir d'aucune exemption, excepté... ceux que comprenait une liste longue de deux pages, par laquelle le prince rendait d'une main ce qu'il avait pris de l'autre. Quelques jours après commença d'ailleurs, sourdement, la restitution générale des privilèges à ceux qui étaient censés les avoir perdus. Maîtres des postes, commissaires des guerres, prévosts et archers de la connétablie, officiers commensaux, receveurs du taillon, commis des gabelles, puis les ecclésiastiques, puis les anoblis récents, enfin tous ceux qui pouvaient avoir conçu quelque inquiétude sur l'existence de leur droit sont successivement calmés et rassurés par un nouvel octroi de ce droit[127], jusqu'au jour prochain où l'édit de 1634 sera lui-même abrogé en entier par un acte législatif[128]. Tous les exempts furent dès lors remis en même état qu'auparavant, sauf peut-être les femmes descendant des frères de la Pucelle d'Orléans qui cessèrent d'anoblir leurs maris : unique résultat de la réforme. Une nouvelle révocation de privilèges eut lieu en 1640, elle fut aussi vaine que la première[129]. Pourtant tous les héritages, rentes, offices, meubles et autres biens, étaient possédés par les exempts ; déjà l'on constatait beaucoup de non-valeurs, les dépenses ne pouvaient être faites à temps, et les meilleurs projets, faute d'argent, demeuraient lettre morte. Légèreté ou impuissance, on ne sait que penser d'un ministère qui signale de tels maux et ne les guérit point.

Les exemptions étaient encore multipliées par des fraudes innombrables : les uns, qui n'avaient droit qu'à une exemption partielle, s'arrangeaient toujours pour ne rien verser dans l'escarcelle du collecteur[130] ; les autres déménageaient sans cesse, et comme il fallait un an et un jour de résidence pour être inscrit au rôle, nul ne savait où les prendre. Les protégés particuliers des seigneurs portent peu ou point de contributions[131]. Un roturier s'arrange pour qu'un de ses fils devienne prêtre, et par une donation entre-vifs lui abandonne le plus clair de son bien qu'il soustrait ainsi à la taille[132]. Un prélat sollicite la décharge de son évêché, un gouverneur celle de la cité confiée à sa garde[133]. Le comté de Beaufort en Vallée est acheté par Richelieu, et peu après les habitants sont dispensés de l'impôt[134]. Parfois le peuple achète cette dispense, par un cadeau secret, à un prince peu scrupuleux[135].

Comment s'étonner après cela d'entendre tant de clameurs dans les provinces, selon le mot d'un édit royal[136] ; des plaintes si amères dans les ouvrages des financiers, des remontrances si sévères à la barre du Parlement, dans la bouche éloquente de l'avocat Talon : Considérez, Madame, disait-il à la Reine, au commencement de sa régence, quand les victoires de Condé étonnaient l'Europe, considérez les privilèges de la pauvreté, ils sont plus grands que ceux du sanctuaire ; les peuples réduits à la nécessité ont pour franchise l'exception de leur propre misère !... Que les peuples qui mesurent le bonheur de leur siècle par l'abondance ou la disette du pain qui leur est nécessaire n'aient pas occasion de se plaindre que la voix et la main de l'exacteur portent la désolation dans leur famille, avec autant de licence et plus d'impunité que le passage des troupes étrangères, auxquelles il est loisible de résister ![137]

Ces critiques ne furent pas écoutées. Tout le monde voit aujourd'hui combien le mauvais système fiscal de la monarchie a contribué à la révolution de 1789 ; mais beaucoup de gens appelaient depuis longtemps sur ce mauvais système fiscal l'attention des gouvernants. Dès la fin du seizième siècle, Huraut disait : A proprement parler, le Roi n'a en France que ce que le peuple lui donne[138]. Je me sens obligé d'honneur et de conscience, disait Vauban au dix-septième siècle, de représenter à Sa Majesté que de tout temps on n'a pas eu assez d'égard en France pour le mens peuple[139]. Et, vers lé milieu da dix-huitième siècle, mt publiciste écrivait : Si l'on souffre que le fardeau des impôts soit rejeté sur le peuple, il tombera bientôt sous le poids, et il entraînera dans sa chute toutes les parties du corps politique[140]. Plus on va, plus la nation élève le ton, plus elle cesse d'être endurante et sympathique. Si toute personne payait, on ne verrait pas tant de familles ruinées vagabonder par les champs. Mais, ô malheur de la France ! le laboureur ne peut assez faire pour payer les tailles, et faut qu'il abandonne tout[141]. Celui qui s'exprime ainsi, vers 1630, qui demande que tous les sujets du Roi soient compris indifféremment aux rôles, admet cependant l'exemption de la noblesse, du clergé, et des compagnies souveraines. Il est respectueux des hautes classes, des pouvoirs constitués ; aucun esprit de révolution ne l'anime. Tout au plus veut-il soumettre à l'impôt les gentilshommes qui demeurent fainéants et casaniers en leurs maisons, sans faire service au Roi. En somme, il distingue le privilège qui lui paraît juste, du privilège qui lui paraît vexatoire. S'il n'y avait que ces trois sortes de personnes d'exempts, le peuple n'aurait pas encore sujet de se plaindre. Un siècle après, les abus ne changeant pas, le langage s'aigrit : les privilèges, dit-on alors, sont autant d'infractions à la loi. Puisque le gouvernement ne semble pas en état de se réformer lui-même, périsse le gouvernement ! Tel est à peu près le mouvement de l'opinion. S'il y avait des exemptions à accorder, s'écrie un auteur, à la veille de la Révolution, ce devrait être en faveur de ceux qui n'ont pas la force d'en supporter les charges ; tout au contraire, la misère des malheureux leur est un titre pour devenir plus misérables[142]. Envers les directeurs de la société, le respect se changera peu à peu en haine ; le monarque lui-même n'y échappera pas, et pourtant jamais nation ne fut, durant une plus longue suite de siècles, plus profondément attachée à sa dynastie, et nul n'oserait soutenir qu'avec des princes comme Henri IV ou Louis XVI, le peuple n'aurait pas conservé longtemps encore les mêmes sentiments[143].

Pour que le cultivateur si attaché à la terre, si économe, si tranquille, abandonne son home, pour qu'il se fasse bohémien, lui et toute sa famille, qu'il demeure errant, sans patrie et sans abri, il faut qu'il soit bien malheureux ; que payait-il donc ? Quelle était sa part de l'impôt direct ? Quels étaient ses moyens d'y subvenir ? Autant de questions que l'on se fait en étudiant l'assiette de la taille. Il n'est pas aisé d'y répondre, parce qu'on doit éviter les exagérations dans un sens ou dans l'autre, et que les documents statistiques font défaut. Pour connaître la part contributive des taillables, il faut savoir le chiffre officiel des exempts. Un édit de 1631 créa des fonctionnaires uniquement chargés de faire dans les paroisses un état des feux, taillables et non taillables. Ces fonctionnaires n'ayant jamais existé sérieusement, on ne trouverait ces chiffres nulle part, mais on peut essayer de les reconstituer[144].

80.000 familles nobles, anoblies ou passant pour telles, fournissant à peu près 400.000 individus ; 300.000 ecclésiastiques, dont 130.000 réguliers, et 70.000 séculiers ; voilà pour les deux premiers ordres[145]. Plus, 5.000 officiers commensaux, qui avec leurs familles faisaient 20.000 personnes[146] ; 150.000 hommes constituant le personnel de l'armée et de la police, soldats où officiers. A ces premières catégories, il faut ajouter : les officiers de justice et leurs familles (à raison de quatre personnes seulement par famille) : 120.000 ; les officiers de finances (tailles, aides, gabelles), et assimilés, avec leurs familles : 600.000 ; les médecins, procureurs, professeurs, régents, appariteurs, scribes, étudiants, maires et consuls des villes, leurs femmes et enfants : 40.000 ; les maîtres de poste, courriers et messagers, charrons, charpentiers et fondeurs de l'artillerie, ouvriers monnayeurs, ouvriers verriers, ouvriers en soie : 200.000. Nous obtenons ainsi un chiffre de 1.830.000 individus, qui est plus que doublé par l'adjonction de 1.200.000 domestiques, au service des exempts, de 1.000.000 de fermiers et laboureurs, travaillant pour le compte des mêmes exempts ou des bourgeois de villes franches, et passant pour leurs domestiques. Le total de ceux qui ne payent pas la taille s'élève ainsi à 4.030.000 environ. — Bien entendu, nous ne donnons ici que des évaluations approximatives, mais basées sur des calculs sérieux[147].

Comme dans les pays de taille réelle, l'exemption personnelle ne sert de rien, et que ces pays, formant le tiers du territoire, contiennent sans doute aussi le tiers des exempts[148], il faut retrancher de ces 4.030.000, 1.343.000 personnes. La population résidant dans les pays de taille personnelle se décomposera donc ainsi : 2.686.000 privilégiés, 8.300.000 taillables. Leur charge est énorme ; en principal et accessoires, tailles et quartiers d'hiver ; il est levé annuellement sur eux, dans les dernières années du ministère de Richelieu, 62.922.000 livres d'impôt direct[149]. Ils avaient donc une cote moyenne de 7 livres 10 sous, en admettant qu'il n'y ait pas de fraudes, que chaque paroisse et chaque habitant porte sa juste part. Or, sept livres dix sous étaient une somme fort considérable pour un laboureur qui ne gagnait que 6 ou 8 sous par jour, ou 80 livres à l'année[150], car il ne travaillait que deux cents jours par an[151]. La moitié de ceux qui payent la taille, dit un témoin oculaire, la payent de leur labeur sans avoir un pouce d'héritage[152]. L'autre moitié se compose de petits propriétaires ruraux, plus misérable§ encore que les ouvriers, puisqu'ils ont davantage à redouter le collecteur.

Si l'on compare la situation des taillables de 1639 à celle des contribuables de 1880, on verra que la part contributive de chaque Français d'aujourd'hui, dans l'impôt direct, ressort en moyenne à 11 francs, tandis qu'elle était sous Louis XIII de 45 francs (7 livres 10 sous x 6) pour ceux qui devaient la taille personnelle. Cette moyenne actuelle de 11 francs est du reste encore exagérée, puisque à notre époque certains commerçants, et surtout certains propriétaires fonciers, sont inscrits aux rôles pour des sommes immenses[153], tandis qu'alors il n'y avait pas de grosses cotes dans la taille, les taillables étant presque tous également misérables. Par conséquent l'homme vivant du travail de ses mains payait quatre fois et demi plus sous Louis XIII que de nos jours.

Au point de vue économique, la disproportion de l'impôt des pays de taille réelle, avec les pays de taille personnelle, se compensait, en quelque manière, par la différence des salaires. Si le laboureur qui, vers la fin du règne de Louis XIV, gagnait 120 livres en Brie, n'en gagnait que 50 en Bourgogne, cela tenait peut-être à l'immunité dont il jouissait en Bourgogne, et à la charge qu'il supportait en Brie ; niais il faut croire que, malgré tout, la vie était meilleure encore dans les pays d'États, puisque les peuples ne s'y plaignent jamais, et qu'en pays d'élections ils réclament toujours.

 

IV

RECOUVREMENT DES TAILLES. — Henri IV et Richelieu. — Indifférence financière du Cardinal. — Difficultés de la levée. — Les contraintes. — Les campagnes sont ruinées. — Misère du peuple. — Fuziliers et garnisaires. — La solidarité des individus et des paroisses. — Révoltes en Guyenne, Limousin, Gascogne, Berry. — Révolte des Nu-pieds en basse Normandie. — La répression, Gassion et Séguier.

 

Henri IV, quand il allait par pays, s'arrêtait pour parler au peuple, s'informait des passants quelles denrées ils portaient, quel était le prix de chaque chose. Et remarquant qu'il semblait à plusieurs que cette facilité populaire offensait la gravité royale, il disait : Les rois tenaient à déshonneur de savoir combien valait un écu, et moi, je voudrais savoir ce que vaut un liard ; combien de peine ont ces pauvres gens pour l'acquérir, afin qu'ils ne fussent chargés que selon leur portée[154]. Parole admirable, qui servit de règle à ce grand prince, et qui à trois siècles d'intervalle suffit, il nous semble, à lui gagner les cœurs ! L'amour du peuple est le trait distinctif de son caractère politique ; certes il voulait la France grande et forte, mais avant tout, il voulait les Français heureux. Richelieu, lui, voulait le Roi puissant et les Français soumis ; son objectif étant différent de celui de Henri IV, sa manière d'agir fut aussi tout autre. Henri, qui administrait le royaume en bon père de famille, aimait certes la gloire, mais il ne voulait pas la faire payer trop cher à ses sujets. Comme un paysan qui amasse sou à sou de quoi acheter la parcelle de champ qu'il convoite, il mettait de côté chaque année quelques millions, qu'il envoyait grossir son magot à la Bastille[155]. S'il eût vécu, et qu'il eût voulu, comme le dit Sully, faire la guerre à la maison d'Autriche, il eût fait la guerre sur ses économies. La prévoyance bourgeoise de ce roi victorieux n'a-t-elle pas un caractère particulièrement grandiose ? Avec son grand bon sens, il sait que les lauriers sont des dépenses de luxe, et pour les acquérir, il ne prendra pas sur le capital de la nation. Richelieu, au contraire, est pressé ; inquiet dans sa toute-puissance, il n'a ni le temps ni le droit d'attendre. Coûte que coûte, il faut entreprendre tout de suite, c'est là sa raison d'être ; il faut réussir, sa position en dépend. D'argent, il n'en a pas, mais il part quand même en campagne, sans souci des voies et moyens, dont il laisse le soin à des subalternes. Ceux-ci ont un mot d'ordre concis et impératif : Remplir les caisses. Qu'ils s'y prennent comme ils le voudront !

Il ne faut pas plaindre l'argent... dit Richelieu ; l'argent n'est rien, pourvu que nous fassions nos affaires... pour mieux défendre son royaume, il faut moins épargner sa bourse... et puisqu'il n'y a que Dieu qui fasse quelque chose de rien, il faut nécessairement augmenter les recettes de l'Épargne[156].

Dans ces conditions, les impôts augmentent à vue d'œil, et comme leur assiette est mauvaise, plus ils augmentent, plus leur recouvrement devient coûteux et difficile. Et d'abord, là où il n'y a rien, le Roi ne perd pas ses droits ; on défend aux habitants qui ne doivent pas plus de 30 sous de grande taille (environ trois livres avec les accessoires) de réclamer devant les tribunaux. Ils auront à les payer, sans autre forme de procès[157]. Ceux qui peuvent plaider n'y gagnent rien d'ailleurs ; pour une simple opposition en surtaux, il se fait ordinairement deux ou trois cents livres de frais, soit que les paroisses se défendent, soit que les oppositions se jugent contre elles par contumace[158]. Les sergents des tailles ayant dix sous par chaque contrainte, contraignent cinq ou six fois l'année de pauvres taillables à leur payer cette somme de dix sous, si bien que les contraintes montent beaucoup plus que le principal[159]. Les fermiers n'ont presque plus un meuble en leur possession, tellement ils craignent de le voir saisir ; en effet, ils sont incapables souvent de payer la dixième partie de ce qu'on leur demande. Malheur à eux en ce cas : les sergents s'empareront de leurs bêtes et ustensiles de labour, de leur lit, et du pain qu'ils trouveront dans la huche. Si cela ne suffit pas, ils enlèveront les portes, les fenêtres, le toit même de la maison, qu'ils laissent découverte[160]. En Normandie, les tailles se sont accrues, au point d'avoir tiré la chemise qui restait à couvrir la nudité du corps, et empêcher les femmes en plusieurs lieux, par vergogne, de se trouver aux églises[161].

Le peuple perd le goût du travail ; il ne cherche plus à lutter contre la misère[162]. A quoi bon travailler, puisque le fruit du travail ne serait pas pour lui ? Cependant il reste encore quelques pièces d'or au fond des campagnes : tant pis pour ceux qui les possèdent, il leur faudra payer la part des mendiants. Les habitants des paroisses sont rendus solidaires les uns des autres, et comme depuis longtemps la paroisse est ruinée, que les communaux sont vendus[163], forcés de percevoir la taille à leurs risques et périls, les derniers des cultivateurs aisés sont à leur tour écrasés par la contribution commune, abandonnent leurs maisons, et disparaissent. Cette iniquité, que Colbert en 1666 6t cesser, fut la cause principale de fréquentes révoltes[164].

Bientôt ce ne sont plus seulement les citoyens d'une même paroisse, ce sont les paroisses d'une élection tout entière qui répondent les unes pour les autres. Les nouveaux intendants font du zèle ; d'ailleurs ne sont-ils pas responsables eux-mêmes devant le premier ministre, de la l'entrée des sommes que l'on attend pour les armées, sommes qui sont dévorées d'avance ? Le mal arrive ainsi à son comble. Les receveurs font battre la campagne à quantité d'archers, sergents et recors ; les tailles ne se recouvrent plus qu'à main armée, au moyen de garnisaires appelés fuziliers. On peut croire que ce sont les troupes étrangères qui font ravage, et que c'est la France qui est le pays conquis[165]. 100 soldats courent la généralité d'Alençon pour lever la taille ; une compagnie de 50 hommes est envoyée par le receveur de Lisieux, dans le vicomté d'Orbec ces hommes rompent les portes des maisons, démaçonnent les granges, battent les blés, qu'ils vendent à vil prix, ainsi que les pailles à demi battues, brûlent les charrettes et charrues, et, disent tristement les États de Normandie, aux massacres près, ne se pourrait rien faire de plus horrible par l'ennemi[166].

Quelquefois il fallait prendre le village d'assaut : le seigneur, sur la demande de ses paysans, se mettait à leur tète, faisait sonner le tocsin, et la population construisait des barricades à l'entrée du bourg. Les fuziliers, eux, campaient au dehors, et plaçaient des vedettes vis-à-vis des vedettes des assiégés. On se livrait des batailles, où la victoire était longtemps indécise. Pour que les gens des campagnes risquassent ainsi leur vie, tout au moins leur liberté, ne fallait-il pas qu'ils eussent été poussés à bout, et que l'impôt fût intolérable ?

Ailleurs il n'y a pas de lutte, parce qu'il n'y a plus personne. Le silence s'est fait dans les champs. Sur la frontière de l'Est, dans les généralités de Soissons, Picardie et Champagne, beaucoup de paroisses sont désertes, d'autres pillées et brûlées, le peuple ruiné s'est enfui. Le gouvernement est bien forcé de l'avouer : le travail a cessé en divers endroits du royaume[167]. Bien que la guerre ne se fût pas faite en général sur notre territoire, le pays était aussi désolé à cette époque qu'après les troubles de la Ligue, ou les invasions des Anglais ; et l'arbitraire fiscal qui régnait chez nous, effrayait tellement nos voisins, que les Flamands par exemple, avec qui nous nous battions, étaient résolus à courir toutes sortes de dangers, plutôt que de se soumettre à une si dure servitude[168].

Cette servitude, les Français eux-mêmes cessent bientôt de l'accepter. Ils ne comprennent pas pourquoi leur monarque traite si mal ses propres sujets, sans nécessité apparente. Exaspérés, ils se lèvent à la fin : les Francs, avait dit l'orateur du tiers état en 1614[169], ont secoué le joug des Romains, pour l'insupportable fardeau qu'ils leur avaient imposé. Il désirait être mauvais prophète, mais on devait craindre que les charges extraordinaires du peuple, et l'oppression qu'il ressentait, ne lui donnassent sujet de se divertir par désespoir. En effet, à la guerre étrangère, on est plusieurs fois menacé de voir s'adjoindre la guerre civile. Des troubles éclatent à Lyon, et cinq séditieux sont pendus[170]. Une révolte éclate en Guyenne sous prétexte de quelques impositions nouvelles. Les cabaretiers de Bordeaux donnent le branle ; on tue les receveurs des tailles et autres personnes de cette condition, on met le feu à l'hôtel de ville ; les paysans s'arment d'eux-mêmes, et commettent plusieurs cruautés[171]. De Guyenne, le mouvement se propage dans le Midi ; en Gascogne il augmente grandement. Ils ont tué, écrit Richelieu, les principaux officiers d'Agen, et trente ou quarante soldats des régiments nouveaux. Le pis est que les régiments de ce pays-là ne veulent pas servir contre leurs compatriotes[172]. L'année suivante, les paysans mutinés de Limousin et de Poitou s'avancent en armes jusqu'à Blanc en Berry. Une partie des peuples de Saintonge et Angoumois se soulève, et refuse de payer les tailles[173]. L'insurrection de Gascogne, un instant apaisée, reprend de plus belle ; les rebelles, sous le nom de Croquants, tiennent la campagne contre le duc de la Valette, chef de l'armée du Roi. Ils livrent une bataille où quatorze cents des leurs sont tués ; ce qui ne les empêche pas de se retirer à Bergerac, avec du canon, au nombre de cinq à six mille[174]. En Rouergue, à Villefranche, se produit quelques années plus tard une nouvelle révolte Contre l'impôt. L'intendant n'ose quitter l'élection de Cominges, de peur que, le dos tourné, les cinq élections de Gascogne, qui obéissent et payent le moins, fassent de même. Le comte de Noailles arrive dans le pays, le bruit se répand qu'il est venu pour faire payer la taille dans les paroisses ; aussitôt le peuple se rassemble, et met le siège devant son château ; il n'est délivré que par le régiment d'un de ses amis, le comte de Langeron, qui se saisit des plus mutins et les fait pendre.

Du reste, ce n'est point à la noblesse que l'on en veut. Toutes ces séditions ne ressemblent en rien aux jacqueries du moyen âge, dirigées contre les châteaux. C'est Contre la maison du receveur, contre le grenier à sel ou le bureau des douanes que la haine se tourne ; c'est contre eux que les coups seront portés. Cela s'explique : jadis c'était le seigneur tout-puissant qui pressurait quelquefois ses vassaux ; maintenant c'est le Roi absolu qui, sans le savoir, par des taxes maladroites, extorque à ses sujets leur pain quotidien. Dans cette campagne nouvelle, le gentilhomme sera plus ou moins ouvertement d'accord avec le paysan, le magistrat avec l'ouvrier. Le mécontentement est général ; partout où il n'éclate pas, il gronde sourdement ; pour qu'il éclate, le motif le plus léger suffira. Le verre est plein, une goutte d'eau y tombe, et il déborde.

Ainsi la grande insurrection des nu-pieds en Normandie (1639) a pour cause apparente : à Caen, et dans l'Avranchin, l'interdiction du sel blanc, dont les habitants avaient coutume de se servir ; à Rouen, et dans tout le nord de la province, l'établissement d'un droit de marque sur les draps[175]. Mais ce ne sont là que des prétextes. En temps ordinaire, les Normands sont les moins séditieux et les plus calmes des Français ; s'ils se soulèvent, c'est qu'ils sont las de quinze années d'exactions, et qu'ils veulent en finir. Les placards affichés dans les campagnes appelaient le peuple aux armes pour la défense et la franchise de la patrie, oppressée des partisans et des gabeleurs. L'évêque d'Avranches raconte qu'au lieu de dire : Salvum fac Regem, ses diocésains ne disaient plus que : Domine, salvum fac gregem[176]. En effet, c'est le troupeau qui inspire de l'intérêt, c'est lui qui est sacrifié par le pasteur à ses projets belliqueux.

Un édit établissant la gabelle[177], dans les élections de Valognes, Avranches, Mortain, Coutances et Carentan avait été envoyé à1a nouvelle Cour des aides de Caen pour être enregistré ; les juges s'étant trouvés en nombre égal pour et contre la vérification, elle fut différée jusqu'à nouvel ordre ; néanmoins le peuple la redoute et s'agite. L'impôt sur le sel, dont il est à peu près exempt dans cette partie de la province, viendrait accroître sa gêne ; il est décidé à le repousser par tous les moyens possibles. Au mois de juillet 1639, Charles de Poupinel, sieur de la Besnardière, lieutenant criminel au présidial de Coutances, étant allé à Avranches, on crut qu'il venait pour abolir l'usage du sel blanc, et établir la gabelle dont son beau-frère était le fermier. En réalité il était fort homme de bien, nullement mêlé aux partis de son beau-frère, et il ne venait que pour l'exercice de sa charge. N'importe ! cette fausse nouvelle entra si bien dans l'esprit des paysans, que ceux-ci, capables de tout entreprendre par leur extrême misère, telle qu'ils ne craignaient rien pis que ce qu'ils souffraient, l'attaquèrent en son hôtellerie, et le tuèrent ainsi que deux de ses serviteurs[178]. Aussitôt après, les cultivateurs des environs se soulevèrent, si nombreux qu'en moins de quelques semaines, ils formaient une armée de vingt mille hommes, l'armée de la souffrance, sous les ordres d'un général improvisé, qui se faisait nommer Jean Va-nu-pieds, et n'était autre, parait-il, qu'un ecclésiastique du pays[179]. Nu-pieds fut aussi le sobriquet que la troupe se décerna elle-même, comme pour justifier sa prise d'armes, et la légitimer en quelque sorte par l'indigence où elle était réduite. Ses étendards portaient une ancre de sable sur champ de sinople, avec l'image de saint Jean-Baptiste surmontée de cette devise : Fuit homo missus a Deo cui nomen erat Joannes. Son chef envoyait des circulaires menaçantes, qu'il ordonnait être lues au prône dans toutes les communes. Il écrivait aux juges de Saint-Lô, de son camp près Avranches, pour s'excuser auprès des habitants de ne les avoir pas visités encore, les assurant qu'il irait à bref délai les délivrer des impôts nouveaux. Le programme des nu-pieds était en effet d'empêcher la levée de tous impôts établis depuis la mort du roi Henri IV. Ils tinrent la campagne jusqu'à la fin de l'automne, faisant une exacte recherche de ceux qu'ils croyaient auteurs de levées extraordinaires et ne faisant nul mal aux autres, ce pourquoi le peuple, loin de les attaquer, leur fournissait secrètement des vivres. MM. de Matignon, lieutenant général en basse Normandie, et de Canisy, gouverneur d'Avranches, ne tentaient même pas de réprimer ces désordres, et fermaient les yeux, soit par impuissance, soit par connivence avec les rebelles. Pendant ce temps, les paysans des environs de Vire entraient de force dans cette ville, et traitaient si rudement le sieur de La Montagne-Pétouf, président en l'élection de Bayeux, qu'ils le laissaient pour mort sur la place ; ils agirent de même avec plusieurs autres, et s'organisèrent en troupe comme ceux d'Avranches.

Le populaire de Caen, sous la conduite d'un nommé Bras-nus, se souleva à son tour, et saccagea les maisons de ceux qui étaient chargés du recouvrement des contributions. A peine les receveurs des tailles osaient-ils paraître à la campagne, crainte d'être assommés. Cependant M. de Matignon laisse les révoltés dégrader une maison en sa présence, cherche à les gagner par la douceur, et n'arrête le chef qu'après avoir épuisé les moyens de persuasion. Si ces gentilshommes, dont la bravoure et le dévouement au Roi sont incontestables, semblent faire ainsi cause commune avec l'émeute, ou la combattent avec tant de mollesse, c'est qu'ils savent à quel point le cœur des peuples est ulcéré, et comme ou lui a donné sujet de l'être. A Bayeux, à Falaise, en plusieurs autres villes, les mêmes faits se produisent ; on pille les maisons du fisc, on empêche la perception 'des deniers royaux. Les gens de Coutances tentent plusieurs fois de détruire le château du Mesnil-Garnier, demeure d'un trésorier des parties casuelles, qui n'échappe que grâce à sa forte garnison[180].

Des troubles identiques avaient lieu à Rouen. Le mécontentement des cours souveraines, de la noblesse et des plus notables des villes et de la campagne, n'aurait causé aucun mouvement ; ceux qui ont de l'honneur et du bien à perdre ne s'engagent pas facilement à troubler le repos public, mais les nouveautés introduites à la foule du peuple excitèrent sa fureur[181]. Un nommé Jacob Hais venait d'obtenir, moyennant 800.000 livres, la levée, à son profit, d'un impôt sur la teinture des draps, impôt fort impopulaire qui avait été plusieurs fois repoussé[182]. Au mois d'août il arrive à Rouen, et entre chez un drapier pour marquer une pièce d'étoffe. Sous prétexte d'aller chercher son patron, un des ouvriers sort, et ameute le peuple devant la porte ; Hais se réfugie dans l'église cathédrale, on l'en chasse ; on le frappe sur le parvis. Il va s'éloigner, quand un portefaix lui jette aine pierre dont il est blessé à la tête ; il tombe aux environs de la Cour des aides. La populace l'accable alors de coups de bâton ; en un instant il est lapidé, criblé de coups de poignard et autres ferrements, et l'on contraint ceux qui mènent des charrettes de passer sur son corps. Le présidial informe, mais sans chaleur, et le Parlement refuse de s'occuper de l'affaire. La foule, se voyant impunie, devient plus audacieuse, et prend conscience de sa force. Les traitants effrayés demandent qu'on les protège ; le premier président leur répond qu'ils connaissent mal le peuple de Rouen, dont il sera toujours obéi sur un simple commandement. M. de Paris, l'intendant, qui n'était pas fort hardi, et qui, d'ailleurs, avait eu maille à partir avec la populace quelques mois auparavant, quitte la ville[183]. Quelques jours après, les ouvriers drapiers mettent à sac la maison du receveur des droits sur le salpêtre et la poudre. Ce fonctionnaire avait imaginé d'orner la façade de son domicile de figures de canons et de mousquets en plâtre, avec cette inscription : Arsenal pour le Roi. Cette inoffensive inscription causa sa perte. Le peuple, s'imaginant que c'était un magasin pour brider la liberté de la ville, s'assembla, brisa les portes et les fenêtres, jeta les meubles dans la rue, démolit le toit, et finit par mettre le feu à la maison. Des portefaix, des vendeurs d'eau-de-vie, conduisaient la masse ; si les arquebusiers municipaux essayaient d'intervenir, ils étaient accueillis par des huées et des coups de pierres. Le lendemain et les jours suivants, répétition des mêmes scènes. On va en troupe piller les bureaux des tailles ou des aides, et les maisons des marchands de blé ; le peuple ne se demande pas si c'est là le vrai moyen de ne plus payer d'impôts, et d'avoir toujours le pain à bon marché ; machinalement, il s'attaque à ceux qui l'ont fait souffrir et jeûner. En tout temps les mouvements populaires sont les mêmes, absurdes et féroces. Le chef des insurgés de Rouen, un nommé Gorin, horloger[184], tenait en main une barre de fer au bout de laquelle était gravée une fleur de lys, dont il frappait trois coups contre la porte du logis qu'il voulait piller. Aussitôt la horde qui le suivait, se mettait en devoir de saccager et de brûler la maison et les meubles, sans en tirer aucun profit. Ces furieux mettaient pourtant quelque délicatesse dans leurs dévastations : ainsi ils se faisaient un point d'honneur de respecter les propriétés bourgeoises. S'attaquent-ils à la demeure d'un receveur du droit sur les cuirs, et quelques pierres ont-elles été lancées par mégarde contre la maison d'à côté, le peuple, sur les réclamations d'un voisin, se fait aussitôt montrer le point de séparation des deux immeubles, et dit à ce propriétaire qu'il ne craigne rien, qu'il ne lui sera fait aucun tort. A-t-on mis le feu aux meubles, et le même voisin fait-il observer qu'on risque ainsi d'incendier les maisons du quartier, immédiatement la foule éteint le feu, et va brûler son butin plus au large, sur la place Saint-Ouen. Les égards sont réciproques. Quand l'autorité fait appel aux bourgeois contre l'émeute, les uns répondent qu'ils n'ont point d'armes, les ayant vendues pour payer l'impôt ; les autres, qu'ils serviront le Roi contre ses ennemis, mais ne prendront point la querelle des monopoliers.

En effet, rien ne s'oppose pendant plusieurs semaines aux entreprises des séditieux. Le Tellier, receveur général des gabelles, dont la maison subit un siège en règle, n'a d'autre ressource que de se défendre lui-même avec ses gens. Mal lui en prend, car la populace, irritée de cette résistance, veut à tout prix le mettre à mort ; le Parlement le tient en prison pour le sauver, et ne réussit qu'avec peine à l'y maintenir. Les conseillers ont beau promettre aux émeutiers que le procès du financier et de ses complices sera fait d'urgence, et qu'ils seront pendus dans l'après-midi, ceux-ci répondaient qu'ils ne se souciaient point du procès, et qu'ils les pendraient bien eux-mêmes sans arrêt.

Richelieu, uniquement occupé de politique extérieure, apprit avec étonnement ces révoltes, que rien ne lui avait fait présager ; il s'en montra tout d'abord fort affecté. Je vous avoue, écrivit-il en colère à Bouthillier, que je ne sais comment vous ne pensez un peu plus que vous ne faites, aux conséquences des résolutions que vous prenez dans votre conseil des finances[185]. En effet, le Cardinal ne peut tout voir par lui-même ; il laisse aux conseillers liberté de tout faire pour avoir de l'argent, mais aussi il les rend responsables de tout ce qu'ils font. Je ne sais pas le remède à ces désordres..., disait-il, il faut essayer d'y remédier par prudence et par adresse, car d'espérer maintenant des gens de guerre pour cet effet, c'est chose du tout impossible[186]. On en trouva cependant.

Jean de Gassion, maréchal de camp[187], entra en Normandie vers le mois de novembre, à la tête de huit régiments d'infanterie, formant environ 4.000 hommes[188], et de plusieurs cornettes de cavalerie. Il laissa à Vernon et aux Andelys un détachement de 500 hommes, et marcha droit sur Caen, qui fut désarmé. Un intendant était attaché à l'état-major ; il devait juger et condamner les coupables[189]. Beaucoup furent pendus sommairement, d'autres roués vifs, et après leur mort leur corps mis en quartiers[190]. Ils moururent, dit le président Bigot, sans aucune repentance de leurs fautes. La population tranquille de la cité assista non sans pitié à leur supplice, et lorsque Gassion alla au prêche, le dimanche suivant, le ministre l'invita devant tous ses coreligionnaires à remplir sa mission de manière à ne point changer ses lauriers en cyprès. Caen étant soumis et taxé à 60.000 livres de contribution de guerre, le général se dirigea sur Avranches, où s'était cantonnée l'armée des nu-pieds. Il y arriva vers le milieu de décembre. La ville, bâtie au sommet d'une colline, était défendue par de solides murailles. Les nu-pieds occupaient un des faubourgs, à mi-côte, entre les remparts et les grèves du Mont-Saint-Michel. Au lieu d'y attendre de pied ferme les troupes royales, ils se divisèrent en deux bandes ; l'une garda les barricades, et l'autre s'avança jusqu'au bord d'une rivière qui coupe la route habituelle d'Avranches, et au passage de laquelle elle comptait rencontrer l'armée de Gassion. Mais celui-ci gagna la ville par un autre chemin, fondit à l'improviste sur les séditieux, et ordonna à ses soldats de forcer leurs retranchements. Malgré leur petit nombre, les nu-pieds se mirent en défense, et firent une décharge générale de mousqueterie ; les troupes du Roi se couchèrent à plat ventre ; seul le marquis de Courtomer étant demeuré debout pour animer ses hommes par son exemple, fut atteint et mourut sur place. Pressés par l'armée régulière, les nu-pieds abandonnèrent bientôt le faubourg ; beaucoup furent tués dans le combat ou dans la fuite, d'autres furent pris ct pendus séance tenante, quelques-uns se noyèrent dans les grèves, en essayant de gagner le Mont-Saint-Michel. Aussitôt après leur défaite, la ville se rendit sans résistance[191]. La petite armée de Gassion fut alors envoyée à Rouen, pour prêter main-forte au chancelier Seguier qui venait d'y arriver, muni de pleins pouvoirs. La capitale de la Normandie fut traitée avec la dernière rigueur. Son Parlement fut suspendu, et ses membres, exilés à Paris, y battirent le pavé sans qu'on s'occupât d'eux pendant plusieurs mois. Le lieutenant criminel de Narbonne remplaça le procureur général, et des commissaires choisis au hasard remplacèrent les conseillers[192]. Aucun de ces désordres ne serait arrivé, disait le gouvernement, sans la connivence ou lâcheté de ceux qui ont l'autorité et le pouvoir de les empêcher. Les magistrats furent donc responsables pour les villes, et les gentilshommes pour les campagnes. On fit une sorte de loi des suspects, ordonnant de rechercher ceux qui s'étaient absentés pendant les émotions. Les capitaines et centeniers de la garde bourgeoise devaient les dénoncer à M. le chancelier. La Cour des aides fut interdite pour avoir défendu de lever des impôts en sou ressort, par édits non enregistrés. Or, ce faisant, la Cour des aides avait eu pourtant la loi et la raison de son côté. Les trésoriers de France furent traités de même pour avoir refusé de rétablir à Rouen les bureaux de recette, démolis par l'émeute ; le maire et les échevins furent supprimés, la mairie et l'échevinage abolis, le revenu de la ville confisqué au profit du Roi, et ses privilèges révoqués. Les soldats de Gassion logèrent chez l'habitant, qui dut les nourrir à ses frais, eux et leurs chevaux ; heureux encore quand les gens de guerre n'abusèrent pas de la situation, et ne traitèrent pas leurs hôtes en ennemis, et leur maisons en ville prise d'assaut. Le bonheur des peuples, disait en même temps un édit royal, consiste en la fidélité et en l'obéissance qu'ils rendent à leur souverain ; leur malheur, au contraire, se rencontre toujours dans leur infidélité. C'était, pour le ministère, la morale de la situation et la réponse aux plaintes qui s'élevaient de toutes parts[193]. Richelieu complimenta vivement Gassion et Seguier : On ne saurait faire un trop grand exemple ; outre le châtiment des particuliers, faut raser les murailles des villes. On doit remarquer cependant que la gazette garda le silence sur les exécutions de Rouen, aussi bien que sur celles de Caen ou d'Avranches. Seguier proposa de raser l'hôtel de ville de la capitale normande, — volontiers il eût proposé de raser la cité tout entière, — mais le Cardinal recula devant là démolition de ce monument[194].

La Normandie, dévastée du nord au sud et de l'est à l'ouest par les soldats de Gassion, demeura, après les nu-pieds, plus mécontente et plus misérable qu'auparavant ; certaines paroisses où la taille avait donné 10.000 livres avant 1639, en rendirent à peine 1.000 ; il fallut de longues années pour réparer ces désastres. Quant aux financiers, ils se firent donner par le Trésor des indemnités si fortes, qu'ils se trouvèrent encore avoir gagné à la sédition[195].

 

 

 



[1] Les surintendants ne lui a disent jamais mot des traites et partis qu'ils font n. S'ils lui demandent conseil, il leur répond : Je confesse tellement mon ignorance en affaire (le finance, que le seul avis que je vous puisse donner est de vous servir de ceux que vous trouvez plus utiles. (Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 728.) En 1635. (Et Mémoires, t. III, p. 259.)

[2] Michelet dit : L'histoire de Richelieu est obscure quant au point essentiel : les ressources, les voies et moyens. De quoi vivait-il ? On ne le voit ni dans les Mémoires ni dans les pièces. Un ouvrage estimable qu'on vient de publier sur son administration (celui de M. Gaillet) ne dit presque rien des finances. Comment le pourrait-il ? (Richelieu et la Fronde, p. 12.)

[3] Les mots imposition et perception avaient ainsi sous Louis XIII un sens restreint que nous n'y attachons plus aujourd'hui.

[4] Les finances, dit l'Encyclopédie, peuvent être considérées sous trois rapports : dans leur fiscalité (au point de vue des ressources qu'elles procurent, frais et facilité de perception) ; dans leurs rapports avec la politique (égalité de toutes les provinces et de tous les citoyens) ; dans leurs relations avec le commerce et l'industrie, et avec les gouvernements étrangers. A tous ces points de vue, il faut convenir que la taille était déplorable.

[5] Cf. le tableau : Division administrative à l'Appendice. — Ne faisaient pas partie de la France en 1640 : les départements des Alpes-Maritimes, de Belfort, de Corse, du Doubs, de Meurthe-et-Moselle, de la Meuse, du Nord, du Pas-de-Calais, des Pyrénées-Orientales, de la Haute-Saône, de la Savoie, de la Haute-Savoie, de Vaucluse et des Vosges, quinze en tout.

[6] Cf. le tableau annexé à la fin du vol. — Les vingt-trois généralités étaient celles d'Alençon, Amiens, Bordeaux, Bourges, Caen, Châlons, Limoges, Lyon, Montauban, Moulins, Orléans, Paris, Poitiers, Riom, Rouen, Soissons, Tours, Bourgogne, Bretagne, Grenoble, Montpellier, Toulouse, Provence. Bien que la généralité n'ait été dans le principe qu'une division financière, on peut dire que dès le règne de Louis XIII, elle devient la division administrative par excellence.

[7] Édit de 1519. — Les dix-sept généralités étaient à cette époque Amiens, Bordeaux, Bourges, Caen, Châlons, Lyon, Paris, Poitiers, Riom, Rouen, Tours, Toulouse, Montpellier, Nantes, Dijon, Grenoble, Aix.

[8] Édit de janvier 1635, créant une généralité à Montauban, avec deux présidents trésoriers de France, seize conseillers-trésoriers, etc. Sous Louis XIV, on forma avec le Béarn et la Navarre, démembrés à leur tour de Montauban, la généralité d'Auch. On créa aussi la généralité de la Rochelle, prise sur celle de Poitiers.

[9] Édit de mai 1636. Même personnel qu'aux autres généralités.

[10] Caen : le département de la Manche, pins les arrondissements de Caen et de Vire. Alençon : les arrondissements de Bernay et de Falaise, et le département de l'Orne, moins l'arrondissement de Mortagne.

[11] On sait qu'en langage du temps officier veut dire Fonctionnaire jouissant d'un office, propriétaire d'une charge. Le mot est employé indifféremment pour les offices de finance, de judicature, ou autres.

[12] Édit de février 1626. — Nous voyons cependant un édit d'avril 1638, créant une généralité et un bureau de recette générale à Angers ; mais il demeura sans exécution. (Tous les édits, arrêts et autres pièces, figurent dans la collection Rondonneau. Arch. nationales, ADI4, à moins de mention contraire.)

[13] Bar-sur-Aube (arrêt du conseil d'État, 14 juillet 1627) ; Issoire, Brioude, Aurillac, Roanne, Salers, Sarlat, Thiers, Château-du-Loir (édit de décembre 1629) ; Mayenne (édit de décembre 1631) ; Cognac, Sainte-Menehould, la Charité, Saint-Sever, Libourne, Riom, Montmorillon (édit de mai 1635) ; Bellac (édit de mars 1639) ; Saint-Lô (édit d'avril 1639) ; Marennes (édit de mars 1612).

[14] 23 avril 1624. — (A. DE BOISLISLE, Chambre des comptes de Paris, Pièces justificatives.)

[15] Édits de décembre 1637e et de mai 1635. Utiles jadis, les élections particulières étaient devenues sans objet, par suite de l'augmentation du nombre des élections principales. Leur ressort était généralement borné à la moitié des paroisses qu'elles avaient eues. Au-dessous de l'élection était une division purement judiciaire, correspondant au canton actuel, et qui se nommait sergenterie et châtellenie en Normandie, doyenné à Amiens, juridiction à Bordeaux, prévôté à Châlons, bailliage à Dijon, etc.

[16] Édit d'avril 1636. — Arrêt de la Cour des aides, 28 mars 1643, maintenant dans leurs charges les élus des élections particulières.

[17] Cahier de la noblesse en 1614. (Recueil des États généraux, t. XVI, p. 255.)

[18] Il faut y ajouter la Navarre et le Béarn.

[19] Dans les pays d'élections, il y avait dix trésoriers de France par généralité, sauf à Amiens et à Rouen, où il y en avait onze, à Montauban et Alençon seize ; à Rennes, au contraire, il n'y en avait que deux, à Aix que sept, en Dauphiné que cinq. — Sommaire Traité de 1622.

[20] Quelquefois aussi dans une ville principale, témoin le Languedoc qui forme cieux généralités : Toulouse, Montpellier.

[21] Les comptes des receveurs du domaine étaient d'abord examinés par les baillis et sénéchaux, ceux des receveurs des aides et des tailles par les élus, puis par le bureau des trésoriers de la généralité. Ces derniers examinaient également avec les présidiaux les comptes des receveurs des Gabelles. C'était aussi au bureau des finances qu'il appartenait de faire la procédure nécessaire pour changer un village d'élection. (Bibliothèque de l'Arsenal, Mss. 4060, Quintessence des Finances. — Édit de janvier 1629.)

[22] La généralité créée à Montauban en 1635 comprenait : deux présidents-trésoriers de France, seize conseillers-trésoriers, un trésorier garde-sceau, un avocat du Roi, un procureur, trois receveurs généraux, trois contrôleurs généraux, trois receveurs généraux du taillon, trois contrôleurs du taillon, trois receveurs et payeurs des gages des officiers, un receveur des épices, trois conseillers, trésoriers et payeurs des rentes, trois contrôleurs des rentes, trois trésoriers des ponts et chaussées, trois contrôleurs des ponts et chaussées, greffiers, maîtres clercs, procureurs postulants (avoués actuels) et huissiers. — Dans le projet de création d'une généralité à Angers, étaient compris quatre présidents, et dix-huit trésoriers de France.

[23] Un projet de loi a été déposé à la Chambre, dans le but de réunir les services de l'assiette et du recouvrement des contributions directes. (Rapport du 18 décembre 1880, Journal officiel du 14 janvier 1881.)

[24] 26 septembre 1624, Plumitif. (Chambre des Comptes de Paris, par A. DE BOISLISLE.)

[25] L'impôt des Gabelles était régi par un personnel entièrement séparé, qui n'avait aucun lien ni pour l'administration, ni pour le contentieux, avec les autres officiers de finances.

[26] Il y eut même un quatriennal receveur de l'épargne, mais on le supprima dans les premiers temps du règne de Louis XIV.

[27] Une élection comprenait en général, vers la fin du règne, 1 président civil, 1 président criminel, 1 lieutenant principal civil, 1 lieutenant particulier, 1 premier élu assesseur, 1 élu examinateur, 9 élus, 3 contrôleurs, 2 avocats du Roi (ancien et alternatif), 1 procureur, 3 receveurs des aides et tailles, 3 receveurs du taillon, 3 greffiers, 2 maîtres clercs, 2 sergents collecteurs, 6 procureurs postulants, 2 huissiers, 1 contrôleur des actes. (Cf. édit de mars 1635, décembre 1632.) Les présidents et le lieutenant avaient préséance sur leurs collègues. (Édit du 23 août 1624.)

[28] Les élus connaissaient de l'enregistrement des baux généraux et particuliers, de la vérification des procès-verbaux, des lettres d'assiette et d'octroi, des désunions de paroisses, des registres et contraintes des receveurs, des lettres patentes d'anoblissement, de l'entérinement des privilèges. (Arrêt de la cour des aides, 6 février 1635.) En matière financière, ils jugeaient en dernier ressort quand la réclamation n'excédait pas 30 livres, et condamnaient sans appela 50 livres d'amende. L'appel de leurs jugements n'était pas suspensif. Le président était tenu de dire toujours le premier son avis l'audience ; c'est le contraire aujourd'hui qui a lieu dans les cas analogues. (Règlement du 14 mars 1626.)

[29] Arrêt du Parlement du 1er février 1625.

[30] Les élus, dit le Guidon général des Finances, sont juges subalternes et non lettrés (pas même bacheliers en droit).

[31] FURETIÈRE, Roman bourgeois, t. II, p. 48.

[32] Ordonnance de janvier 1629, art. 344. — L'art. 345 ordonne : de tenir en double un registre de toutes les levées qui se feront en chaque paroisse, tant au profit du Roi (tailles, taillon, subsides), qu'au profit de la paroisse. Un des doubles devait rester dans la paroisse, l'autre entre les mains du commissaire des tailles, qui avait ordre d'en envoyer un extrait au conseil. Tous deux devaient être signés du curé, du commissaire des tailles, des asséeurs et collecteurs, et de deux anciens de la paroisse. Bien entendu, tout cela demeura à l'état de projet.

[33] Arrêt de la cour des aides du 22 novembre 1625.

[34] Ordonnance de janvier 1629, art. 345.

[35] Lettres patentes du 1er février 1621.

[36] Lettres patentes du 30 septembre 1635. — On nommait cette révision : changement d'octroi. En Normandie, on en fit un en 1623 et un autre en 1638.

[37] RICHELIEU, Testament politique.

[38] RICHELIEU, Testament politique.

[39] Arrêts  du conseil d'État des 11 mars et 29 juillet 1620. — En Guyenne, dès 1624, les trésoriers de France avaient des subdélégués dans les élections, pour faire le département de la taille.

[40] Règlement pour la levée des tailles du 22 août 1642 (Archives nationales), et Remontrances des présidents, trésoriers de France, généraux des finances, et grands voyers en la généralité de Paris, pour remédier aux désordres qui se sont produits depuis quelques années. (Bibliothèque nationale, 1643. Mss. Joly de Fleury.) — Parmi les trésoriers de France à Paris, sous le règne de Louis XIII, on peut citer : Vincent Hotman, qui succéda à son père en 1639, et dont la tante, Marie Hotman, avait épousé Vincent. Boulder de Beaumarchais, trésorier de l'épargne. On voit un Jean Hotman, ambassadeur près des protestants d'Allemagne ; Philippe Hainan, contrôleur général de l'argenterie, et François Hotman, correcteur à la chambre des comptes. — On cite également Vallée de Chenailles, président des trésoriers de France ; il était huguenot, et possédait à Chenailles-sur-Loire une maison où il reçut mademoiselle de Montpensier, et nombre de personnes considérables. Son grand-père avait été pendu en 1573. Guy Patin parle aussi du procès d'un M. de Chenailles, conseiller au Parlement, menacé d'une condamnation à mort en 1657.

[41] FORBONNAIS, Recherches et considérations sur les finances de la France, 1758, t. Ier (à l'année 1640).

[42] Pour être choisi comme collecteur, il fallait payer au moins cent sous de principal de la taille. (Édit de mars 1633.)

[43] Édits d'avril 1621 et de mars 1633.

[44] Édit de mars 1636, créant tin commis héréditaire pour l'expédition des rôles.

[45] Cahiers des États de Normandie (1618), par M. DE BEAUREPAIRE, t. I, p. 177.

[46] Remontrances des trésoriers de France (citées plus haut), Mss. Joly de Fleury.

[47] Édits d'octobre 1632, de septembre 1638 et de novembre 1644. — L'abus était très-fortement enraciné.

[48] LA LOURCÉE et DUVAL, Recueil sur les États généraux, t. XVI, p. 173.

[49] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 301.

[50] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 398.

[51] Déclarations des 16 février et 31 juillet 1626.

[52] Édit de janvier 1634. — Lettres et papiers d'État de Richelieu, t. VIII, p. 101. — Cf. les Comptes rendus de l'administration des finances de France, pendant les règnes de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, par MALLET, premier commis des finances sous Desmarets, contrôleur général de 1708 à 1715. — Claude Bouthillier, sieur de Pont et de Fossigny, — fils de Denis Bouthillier, sieur de Pont-sur-Seine, avocat, — fut conseiller au Parlement, secrétaire des commandements de la Heine mère, 1627, secrétaire d'État (1629-1632), chargé des affaires étrangères (1632-1644), surintendant des finances, d'abord conjointement avec Bullion, puis seul ; mort en 1655, en disgrâce. Il avait épousé une demoiselle de Bragelogne, et fut père de Léon Bouthillier, comte de Chavigny. Le frère du surintendant était archevêque de Tours. Par les femmes, dit Tallemant, ils étaient parents de Ravaillac. Bouthillier fut l'ami d'Arnaud d'Andilly, qui en fait grand éloge.

[53] Déclaration du 18 décembre 1636.

[54] État général des finances de France, dressé par le commandement de Mgr le cardinal de Richelieu. Bibliothèque de l'Arsenal, Mss. 4487, fol. 1 à 6. — En 1641, on fit remise de la moitié des deniers imposés en 1635, 36, 37 et 38, et non encore recouvrés ; nous ne savons si cette mesure reçut son effet, ni à combien pouvaient monter les dettes ainsi abolies. Tout porte à croire que c'étaient là des cotes irrécouvrables. (Cf. arrêt du Conseil d'État, 4 juillet 1644.)

[55] Edit de janvier 1634.

[56] Voici les chiffres de la taille à quelques époques. Ils peuvent servir de points de comparaison avec celles-ci. Sous Henri III, 31.600.000 ; à l'avènement de Louis XIII, 17.000.000 ; à l'avènement de Louis XV en 1715, 45.500.000. — Il faut se souvenir qu'un nouvel impôt direct, la capitation, avait été inventé par Baville, dans les dernières années du dix-septième siècle.

[57] Un autre impôt, l'équivalent, était compris dans le brevet dé la taille. — Les marchandises qui se vendaient dans les villes avaient été frappées, sous le roi Jean, d'un droit de 5 pour 100 au profit du Trésor. Ce droit, censé temporaire, et destiné uniquement à payer la rançon du monarque, fut maintenu ; mais presque tomes les villes s'en rachetèrent par le payement annuel d'une somme fixe : l'équivalent D'indirect, cet impôt devint ainsi direct et fut perçu par les receveurs des tailles. — Cf. DU CROS, Traité des tailles, aides et gabelles, et l'édit du 5 février 1624.

[58] Bibliothèque de l'Institut, Mss. Godefroy, vol. 280, fol. 60. — Cahiers dressés par les procureurs-syndics de Bresse, le 19 février 1649, sur les mémoires des communautés, pour être remis aux députés aux États généraux, convoqués en la ville d'Orléans.

[59] On demanda, en 1615, la direction du taillon pour M. de Bouillon, premier maréchal de France, tant qu'il n'y aurait point de connétable. (FONTENAY-MAREUIL, p. 89.) — Ceci tendrait à prouver qu'à la mort du dernier connétable de Montmorency, le taillon fut administré par les officiers de finance ; car M. de Bouillon n'obtint pas satisfaction.

[60] Cf. État de la France, 1648 : Ceux qui payent le taillon ne laissent pas d'être chargés du logement des gens de guerre.

[61] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 260. (En 1622.)

[62] Règlement du 9 octobre 1629 ; et RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 453.

[63] La France était divisée à cet égard en six régions, correspondant aux armées sur pied. Dans le tableau qui fut dressé, la Bretagne n'est pas comprise, et il est fort possible qu'elle n'ait rien payé de ces deux impôts. — (Règlement du 24 juillet 1638.)

[64] Règlement du 24 juillet 1638. — Lettres et papiers d'État, t. V, p. 512. — Nous nous occuperons des étapes, subsistances et quartiers d'hiver à l'Armée, dans le volume suivant.

[65] Archives des affaires étrangères, — France, — vol. 834, fol. 317. Extrait de l'État de l'épargne pour 1639.

[66] Règlement du 24 juillet 1638 (total des levées de la subsistance). Un édit de décembre 1633 dit que les étapes et subsistances excèdent en général 6.000.000 de livres en principal et 5.400.000 livres levées au profit des particuliers (soit 11.400.000 livres).

[67] Les états de Normandie demandent au Roi (1620) de supprimer huit deniers pour livre qui se lèvent en plus des deux sols, au soulagement grand pour son peuple, et nulle diminution à ses finances. (Cahiers des états, — BEAUREPAIRE, t. I, p. 203.) — Trois deniers pour livre sont ajoutés au brevet de la taille par les trésoriers généraux, à leur profit, en vertu du pouvoir qui leur est attribué par l'édit de février 1626. — L'édit du 18 janvier 1631 ordonne que les 2 sols 6 deniers attribués à certains offices, au lieu d'être prélevés sur la taille, seront levés en sus du département.

[68] En 1880, le produit des quatre contributions directes (fonds généraux) est porté au budget pour 402 millions environ.

[69] L'un d'eux fut Gédéon Tallemant, cousin de l'auteur des historiettes, qui mourut fort riche en 1634.

[70] Les tailles personnelles se lèvent sur l'individu, au lieu du domicile, sans avoir égard à l'endroit où sont situés ses biens. Le contraire a lieu pour les tailles réelles : bien que le domicile soit ailleurs, on paye selon ses biens. (DU CROS, Traité des Tailles.)

[71] Le Languedoc fait présent au Roi de quatre cent mille livres, tous les quatre ans.

[72] A raison de quoi, les charges excédant le revenu de ses terres, le propriétaire est contraint de les abandonner, et Sa Majesté perd les droits qu'elle y prenait. (Mss. Godefroy, CXXXVI, Fol. 248. — Mémoire non signé.)

[73] En Hollande existait déjà l'impôt foncier du cinquantième du produit des terres ; mais une quotité fixe n'était sans doute pas en usage dans nos pays d'états.

[74] République, p. 887. — En Bretagne, dit Rapine, les impositions se font par feu, au lieu de se faire par paroisses ; à ce point de vue encore, elles sont supérieures aux autres. (Recueil sur les États de 1614, p. 529.).

[75] Elle ne réunit que trois voix ; les autres membres la trouvèrent dangereuse — (?) dangereuse, sans doute pour eux, qui auraient été astreints à l'impôt.

Nicolas Chevalier, baron de Griffe, châtelain de Sénèché, sieur de Villeville, Gentilly et Auron, premier président de la Cour des aides de Paris, fut en 1617 du parti de Luynes. Il offrit au marquis de Montpouillan, fils du maréchal de La Force, dix mille écus pour se rendre en Allemagne, après sa disgrâce en 1618, et lui ouvrit ses coffres en disant qu'il ne pouvait lui refuser sans le désobliger extrêmement. — Il perdit sa femme en 16361 une mourut subitement d'un breuvage donné par un empirique italien. — Chevalier laissa sa fortune au président de Maisons, son neveu par alliance.

[76] Cf. Archives nationales, KK. 1072.

[77] Dîme royale. — Nous ne savons s'il a réellement fonctionné, ou s'il est demeuré à l'état de projet. — L'impôt frappait les biens eu égard à leur contenance et non à leur revenu, ce qui avait, dit-il, pour but d'encourager les améliorations de culture.

[78] ÉON DE BEAUMONT. — Mémoire pour servir à l'histoire générale des finances, 1760. — Du Cros dit que dans le principe, la taille était de 4 livres pour 100 livres de revenu, 2 livres au-dessous de 100 livres, et 1 livre au-dessous de 40 ; mais il ne donne aucune preuve de cette assertion.

[79] Les députés de Bourgogne offrent 1.800.000 livres au Roi, pour la révocation des tribunaux d'élection créés dans leur pays, mais l'uniformité que Sa Majesté désire établir dans son royaume lui fit refuser ces offres (RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 149.)

[80] Témoin en Languedoc, où furent établis en 1629 vingt-deux bureaux d'élection ; ce qui infligea à la province une contribution de 216.040 livres. (Forbonnais dit 220.000.) — Témoin en Dauphiné, où l'édit de mars 1628 créa dix élections, à vingt-sept fonctionnaires chacune, plus, un bureau des trésoriers de France à Grenoble, d'une vingtaine d'officiers, soit près de trois cents personnes, qui recevaient tous des appointements. — (Édits de décembre 1627 et de septembre 1628.)

[81] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 187. — Nous aurons occasion de revenir sur ces faits, dans le livre suivant, l'Administration provinciale.

[82] Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 170. (En 1630.)

[83] Richelieu accuse Montmorency d'avoir touché cette somme pour l'affaire des élus. (Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 357.)

[84] Cf. RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 27, 331 et 409. — M. Caillet, dans son Administration du cardinal de Richelieu, cite ces tentatives comme des faits à sa louange.

[85] On avait établi des bureaux d'élection dans la Navarre et le comté de Foix, mais on fut forcé par lei habitants de les supprimer au bout d'un an.

[86] Édit de septembre 1634. — Leur ressort était si peu étendit, que les officiers étaient presque sans emploi.

[87] Arrêt du conseil d'État du 31 mai 1634 (au rapport du conseiller Talon).

[88] Étaient exempts : les biens ecclésiastiques possédés par l'Église avant 1556 ; les biens des gentilshommes anoblis avant 1559, à condition que ces biens fussent dans leur famille depuis 1628 ; les biens des officiers de justice et de finance, anoblis avant 1602, à condition qu'ils possédassent leurs biens antérieurement à cette date. Ainsi l'on se contentait de trente-deux ans pour les uns, et l'on exigeait soixante-quinze des autres ; mais les biens de ces derniers étaient tous nobles indistinctement. (Arrêt du 31 mai 1634.)

[89] En effet, malgré les mutations de la propriété pendant près d'un siècle, sur 3.500 domaines, il y en avait, en 1709, 1.500 affranchis des tailles eu Dauphiné, tandis que dans la généralité de Rouen, par exemple, sur 160.518 feux, il n'y en avait que 4.621 de privilégiés. (Dénombrement de 1709.)

[90] Il y eut sans doute quelques changements dans l'assiette de l'impôt aux autres pays d'Etats, puisque les députés de Bresse demandaient en 1649 que les nobles payent la taille des biens ruraux qu'ils possèdent, ainsi qu'il était usité au temps de la domination de Savoye. (Mss. Godefroy, vol. 280, fol. 64.)

[91] Bibliothèque nationale, fonds Brienne, Mss. 146. — Les états précédents n'en font pas mention.

[92] En 1633, la Navarre paye 12.500 livres ; le Béarn, 51.740 ; le comté de Foix, 12.990 ; le Bigorre, 13.435 ; le Marsan, 9.780 ; le Nebouzan, 2.950.

[93] Cahiers des Etats de Normandie, ROBILLARD DE BEAUREPAIRE, t. III, ch. XI.

[94] La population de la France étant de 16.318.000 habitants environ, celle des pays d'États est de 5.284.000. — Sur les soixante-douze départements actuels, ils en formaient vingt-cinq.

[95] Si le lecteur additionne ces deux chiffres, 39.882.902 et 3.800.944, il aura un total de 43.691.846, tandis que le total donné par les états officiels (Mss. 4,487, Bibliothèque de l'Arsenal. Les mêmes états se trouvent dans plusieurs bibliothèques) est de 43.551.745. Il y a là une erreur évidente ; mais nous ne savons si elle provient d'une faute d'addition ou d'une erreur de copie pour un de ces chiffres en particulier, ou pour le chiffre total. C'est ainsi que Manet donne, pour cette même année 1639, le chiffre de 43.098.146 ; mais il y a pour deux pays d'États et pour cinq généralités des erreurs (de copie sans doute) qui ont causé des erreurs de calcul. Quoi qu'il en soit, et dans l'absolue impossibilité où nous sommes de vérifier, nous avons accepté le total comme bon, et les chiffres de chaque province comme exacts. Les conclusions historiques et économiques que l'on peut tirer de l'étude de ces chiffres n'en sont pas atteintes ; nous prévenons ici, une fois pour toutes, que nous avons toujours procédé de la même manière.

[96] Le Languedoc avait 1.641.000 habitants ; la Guyenne, 1.788.000 ; mais il faut déduire de ce dernier chiffre les pays d'États du Sud-Ouest : Navarre, Béarn.

[97] 1.740.000 en Normandie et 1.655.000 en Bretagne — Depuis cette époque, la population a beaucoup augmenté en Bretagne. En 1876, elle atteignait 3,016.000 ; en 1801, elle n'était pas encore de beaucoup supérieure à deux millions. En Normandie, au contraire, elle n'était que de 2.554.600 en 1876, et le département de la Seine-Inférieure entre seul dans ce chiffre pour 500.000.

[98] L'Orléanais avait 607.000 habitants et 1.899.000 hectares ; la Provence, 639.000 habitants et 1.927.000 hectares. Aujourd'hui, les trois départements de l'ancien Orléanais ont 915.000 habitants, les trois départements de l'ancienne Provence, 987.000 habitants.

[99] Fonds généraux.

[100] Sous le rapport de la population, ces vingt-cinq départements contiennent aujourd'hui (recensement de 1876) environ 10.263.000 habitants, soit le tiers de la France, qui renferme 31.065.000 habitants. — Déduction faite des habitants compris dans l'ancienne Flandre, l'ancien Artois, l'ancienne Franche-Comté, etc., et généralement dans tous les pays qui alors ne nous appartenaient pas.

[101] Encore les cinq départements de l'Eure, Seine-Inférieure, Manche, Calvados, Orne, sont-ils à eux tous plus étendus que l'ancienne province de Normandie, puisqu'ils contiennent le Perche (arrondissement de Mortagne), qui autrefois faisait partie du Maine.

[102] Les chiffres qui précèdent sont empruntés, pour l'époque contemporaine, à l'Annuaire statistique du ministre du commerce, année 1881. — On peut faire pour chaque province la même comparaison : le Languedoc paye sous Louis XIII 2.283.000 livres, et aujourd'hui 25.458.800 francs, qui, divisés pas 6, donnent 4.243.000 livres. — Au contraire, la Guyenne et Gascogne payent sous Louis XIII 5.236.000 livres, et aujourd'hui 29.830.700, qui, divisés par 6, donnent 4.971.709 livres.

[103] Édit de janvier 1634.

[104] Pour exempter des tailles plusieurs communes du Bordelais, on ordonna la levée à Blaye d'un droit fixe de 30 sols par barrique de vin, et de droits proportionnels d'entrée et de sortie, cuir tontes les marchandises allant dans les villes situées sur la Garonne, la Dordogne et la Gironde. (Déclaration du 18 septembre 1637.)

Ingrandes, Saint-Patrice et autres villes du littoral de Poitou, étaient exemptes de tailles, à la condition d'entretenir les dunes et levées pendant six ans. (Plumitif, P. 2759, fol. 12, Archives Nationales. — Cf. aussi les registres à la date du 1er février 1620.)

[105] La principauté d'Yvetot était entièrement exempte, mais c'est le seul exemple. — Arrêt du Conseil d'État, juillet 1633.

[106] Édit de janvier 1634, mars 1635. — Plumitif, P. 2757, fol. 9.

[107] Arrêt du Conseil d'État, 18 août 1620.

[108] Edit de mars 1642. — Après la prise de la Rochelle, la ville fut déclarée sujette à la taille, mais abonnée à 4.000 livres par an, chiffre insignifiant. (Déclaration de novembre 1628.) — Le comté de Bigorre, qui contenait 266 villages, était abonné à 16.614 livres, somme appelée lès Lances, c'est-à-dire anciennement la paye de quatre lanciers et demi. (Mss. Godefroy CXXXV, fol. 214.)

[109] Leur exemption était si peu inattaquable que, sous Louis XIII même, elle fut deux fois mise en question.

[110] Si gentilhomme avait maison qui soit taillable, en quelque manière que le gentilhomme l'ait, soit d'héritage, ou d'achat, ou d'autre chose, elle ne sera pas taillable. Mais s'il l'avait louée on affermée à des coutumiers, il ne la pourrait garantir de taille. Les Etablissements selon l'usage de Paris et d'Orléans, et de Cours de Baronnie. (Louis IX, 1270.) Dans la nouvelle édition de la Société d'Histoire de France, par M. VIOLLET, t. I, p. 169.

[111] Remontrances des trésoriers généraux (citées plus haut), 1643.

[112] LAZARE DU CROS, Traité des tailles, 1629.

[113] En 1445.

[114] Les ministres et pasteurs de la religion réformée l'étaient au même titre que les curés catholiques. (Arrêt du Conseil d'État, 17 juillet 1624.)

[115] Arrêt du Conseil du 20 avril 1639. — Édit de juin 1635.

[116] Règlement du 28 février 1635.

[117] Déclarations du 17 avril 1635 et du 17 mars 1634.

[118] État de la France pour 1648. Arrêt du Conseil d'État, 27 septembre 1636.

[119] En 1766.

[120] Arrêt de la Cour des aides de juillet 1633.

[121] C'est là ce qui a donné lieu de croire que les exempts payaient pour les biens qu'ils ne faisaient pas valoir eux-mêmes. Les maîtres des postes pouvaient même tenir à ferme un nombre illimité de terres, sali, être astreints à payer aucun impôt, sous ce prétexte que les chevaux et valets qu'ils avaient à nourrir, les obligeaient à faire de grandes provisions de vivres et de fourrages. (Déclaration de novembre 1635.)

[122] Les autres pays ne connaissaient pas davantage l'égalité devant l'impôt. — Dans la République de Valteline, il y avait aussi des exempts. (RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 317.)

[123] 1625. — Lettres et papiers d'État, t. II, p. 161.

[124] 1626. — Lettres et papiers d'État, t. II, p. 326.

[125] Témoin M. Clamageran dans son excellente Histoire de l'impôt ; c'est le cas de tous ceux qui n'ont consulté qu'Isambert, lequel n'indique pas la centième partie des actes publics.

[126] Édit de janvier 1634.

[127] Lettres patentes du 16 avril 1634 ; déclarations des 6 mai, 15 mai, 27 mai 1634 ; édit de juillet 1634 ; arrêts du Conseil d'État des 26 et 29 juillet 1634. — II y avait eu une recherche de noblesse en 1590, il y en eut une autre en 1666, mais il n'y en eut pas sous Louis XIII, où l'on défendit même aux élus de faire apporter aux gentilshommes leurs titres, qualités et armoiries.

[128] Édit d'octobre 1636.

[129] Édit de novembre 1649. — Le clergé même n'en était pas excepté ; Richelieu écrivait s Bullion : L'affaire des curés et autres ecclésiastiques que l'on veut mettre à la taille, est capable de révolter tous les esprits les mieux affectionnés au temps.(Lettres et papiers d’Etat, t. VI, p. 707.)

[130] Chevaliers du guet, leurs lieutenants, exempts et archers, 1.500 personnes en tout, exemptés jusqu'à 30 livres (édit, octobre 1631). — Arrêt du Conseil d'État, 19 mars 1633. — Les syndics héréditaires des paroisses sont modérés dans leurs cotes (Édit, septembre 1638.)

[131] Règlement du 22 août 1642.

[132] P. CLÉMENT, Histoire de Colbert, t. I, p. 180.

[133] Lettres et papiers d’Etat, t. I, p. 18.

[134] Arrêt du Conseil d'État, 5 mars 1636.

[135] Les habitants d'une paroisse prièrent un jour le prince de Condé de trouver bon qu'ils s'avouassent de lui, pour être exemptés des gens de guerre. — Mais, leur dit-il, que me donnerez-vous ?Monseigneur, nous vous ferons un présent. L'affaire s'arrangea sur cette base. (TALLEMANT, t. III, p. 179.)

[136] En février 1631. — Sur les tailles.

[137] TALON, Mémoires, p. 158.

[138] Discours, 30 (en 1591). En 1530, Bodin écrivait : Les riches ont accoutumé de charger les pauvres, et de s'exempter par tout le royaume de France. (République, p. 181.)

[139] Dîme royale, p. 15.

[140] Voyez EON DE BEAUMONT (1758), Mémoire pour servir à l'histoire générale des finances. — RICHELIEU (Mémoires, t. I, p. 84) dit la même chose.

[141] DU CROS, Traité des tailles, aides, gabelles. — Il comparait les riches à ce cheval qui, pour n'avoir voulu porter sa part de la charge de l'âne, fut contraint de porter toute la charge, et encore la peau de l'âne.

[142] ÉON DE BEAUMONT, ibid. — Une ordonnance de 1302 dispensait de la taille ceux qui avaient moins de cent livres de revenu.

[143] Le prince de Condé (Henri II) passant à la chasse près d'un paysan, celui-ci se mit le ventre en terre, sans que le jeune prince le saluât même de la tête. Son gouverneur, le marquis de Pisani, l'en reprit fort aigrement, et lui dit :Monsieur, il n'y a rien au-dessous de cet homme, il n'y a rien au-dessus de vous ; mais si lui et ses pareils ne labouraient la terre, vous et vos pareils seriez en danger de mourir de faim. (TALLEMANT, t. I, p. 106.)

[144] Édit de février 1631. — On les nommait contrôleurs du régalement et assiette des tailles en chaque paroisse. Créés clans un but fiscal, ils, ne contrôlèrent absolument rien. D'ailleurs, on permettait à n'importe qui de prendre ces offices pour plusieurs paroisses, même pour une élection entière. Un arrêt de la Cour des aides, du 24 avril 1632, ordonnait de mettre chaque année au greffe de la cour un état des officiers ayant droit à l'exemption des tailles. — Il ne fut jamais exécuté. (Pour les chiffres de la population, cf. le tableau annexé à la fin du volume : Division administrative.)

[145] Y compris les pasteurs protestants. — Pour la noblesse, nous sommes d'accord avec le Dictionnaire d'Expilly ; M. Taine (Ancien Régime, p. 530) évalue les nobles, au moment de la Révolution, à 140.000 personnes environ ; pour le dix-septième siècle, cette évaluation est au dessous de la vérité. — Monteil donne pour le clergé le chiffre total de 335.000 personnes ; peut-être y a-t-il un peu d'exagération,

[146] La maison du Roi comprenait seule plusieurs milliers de personnes, depuis le grand maitre jusqu'aux hâteurs de pot, ou valets de serdeau. Aux environs de Paris, les officiers des chasses, y compris les simples gardes, en faisaient partie ; mais aussi beaucoup sont déjà comptés dans la noblesse, parce qu'ils étaient nobles ; de même le haut clergé contenait bon nombre de cadets de noblesse ; il nous a fallu tenir compte de cette déduction.

[147] Cf. Mémoire géographique de DUVAL, 1651 ; — les Recherches et Considérations de FORBONNAIS ; — les États de la France depuis le commencement, en 1648, pendant les premières années. — Les Notes d'A. MONTEIL (vol. VIII), dans son Histoire des Français. — La Dîme royale de Vauban. — Le règlement du 24 juillet 1638, pour les effectifs de l'armée.

[148] Tout au plus le tiers, parce qu'en pays d'États il y avait beaucoup moins d'officiers qu'en pays d'élections.

[149] Dont 39.882.000 de taille, 23.040.000 de subsistances et quartiers d'hiver. Nous savons, en effet, par le règlement de juillet 1638, que ces derniers impôts étaient répartis proportionnellement an principal de la taille.

[150] Aujourd'hui, le salaire moyen d'un ouvrier rural est de 2 fr. 50 c. ; celui d'un ouvrier de ville, de 3 fr. 12 c.

[151] Les jours ouvrables. — Sous le règne de Charlemagne, on ne connaissait que hait on neuf fêtes par an ; au quinzième siècle, il y en avait une quarantaine ; au dix-septième, il y en avait plus de quatre-vingts, sans compter les dimanches, les grandes fêtes, leurs vigiles, leurs octaves et leurs lendemains, ce qui revient au chiffre de 200 jours de travail, donné par Forbonnais. Jadis le nombre des fêtes avait été le même dans toute l'Europe ; mais depuis la Réforme, qui permettait environ 50 jours de travail de plus que la religion catholique, la balance se trouvait affaiblie de plus d'un sixième à notre préjudice.

[152] DE CROS. — Mallet (Comptes rendus) dit : Il n'y a plus que les laboureurs et les paysans qui y soient assujettis. Vauban dit qu'il y avait 2 millions de laboureurs non propriétaires ; sur les 16 millions d'habitants, il estimait à 10 millions le nombre des habitants répartis dans les campagnes. Forbonnais estimait à 6 millions le nombre des individus n'ayant pour vivre que leurs journées de travail.

[153] Il est des propriétaires aujourd'hui qui payent, à notre connaissance, 150.000 francs par an d'impôt foncier ; et ce ne sont pas les plus riches.

[154] MATHIEU, Histoire de Henri IV.

[155] Chacun sait qu'à sa mort le trésor de la Bastille était d'une vingtaine de millions.

[156] Les extorsions même, ajoute-t-il, qui étaient intolérables de leur nature, sont rendues excusables par les nécessités de la guerre. (RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 620 ; t. II, p. 514. — Lettres et papiers d'État, t. II, p. 299 ; t. III, p. 913.)

[157] Édit de février 1631.

[158] Édits de septembre 1638 et de janvier 1634.

[159] Cahiers des États de Normandie, H. DE BEAUREPAIRE, t. II, p. 32, en 1623. — L'édit de mai 1635 dit absolument la même chose, ainsi que les Remontrances des trésoriers de France pour la généralité de Paris, citées plus haut.

[160] Edit de janvier 1634, et FORBONNAIS, Recherches.

[161] États de Normandie, 1634.

[162] Un jour, le Roi donna vingt écus d'or à un paysan, près de Saint-Germain ; celui-ci les prit, et frappant sur son gousset, dit : Y vous reviendront, Sire, y vous reviendront ! Vous mettez tant de ces tailles, de ces diableries sur les pauvres gens ! (TALLEMANT, t. X, p. 166.)

[163] Cf. BODIN, République, p. 861.

[164] Arrêt du Conseil d'État, 29 mai 1630. — Déclaration du 16 juin 1635. — Aussi c'était une faveur insigne d'être dispensé de l'emploi de collecteur. (Arrêt du Conseil d'État, 10 août 1641.)

[165] Arrêt du Conseil d'État, 12 février 1642. — TALLEMANT, t. X, p. 126. — Les villes elles-mêmes étaient ruinées : un sieur Corbin, de Bourges, se plaint qu'on lui ait vendu à vil prix dix-sept chefs d'animaux, pour le corps des habitants de Bourges.

[166] Cahier des États de Normandie, t. III, p. 110. — D'autres gens qui se prétendent huissiers saisissent tout le bétail d'une paroisse, Composent avec les particuliers pour faire mainlevée à chacun, et ainsi tirent pour leurs salaires ce qui aurait payé la taille, silex deniers étaient venus directement au Roi.

[167] Arrêt du Conseil d'État, 11 mai 1641. — BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 350.

[168] MONGLAT, Mémoires, p. 29. (En 1635.)

[169] Savaron.

[170] Gazette du 11 février 1633.

[171] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 672.

[172] Lettres et papiers d'État, t. V, p. 71. (En 1635.)

[173] BASSOMPIERRE, Mémoires, t. I, p. 339. — RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 101.

[174] Lettres et papiers d'État, t. V, p. 786.

[175] BIGOT DE MONVILLE, Mémoires, p. 2. — D'après MONGLAT (Mémoires, p. 87) et TALLEMANT, les communes se soulevaient contre la solidarité des tailles. — Alexandre Bigot, chevalier, baron de Monville, vicomte de Blacqueville, président au parlement de Normandie, né en 1607, fils de Charles Bigot, conseiller au Parlement, épousa 1° Geneviève Le Roux, fille du sieur de Tilly et de Marie de Bellièvre ; 2° Jeanne-Charlotte de Nouveau.

[176] Péricart, évêque d'Avranches, né en 1588, mort en 1639. — Mémoires de BIGOT DE MONVILLE, p. 185.

[177] Pour l'usage du sel blanc, dans les élections formant le département actuel de la Manche, voyez plus loin Gabelles.

[178] BIGOT DE MONVILLE, Mémoires, p. 8 et suiv. — MONGLAT, Mémoires, p. 87. — TALLEMANT, t. V, p. 173.

[179] Jean Morel, vicaire de Saint-Saturnin à Avranches. — D'après M. Laisné, cc serait un prêtre, secrétaire de Jean Quétil, écuyer, sieur de Ponthebert ; d'après le P. Griffet, un curé des environs ; d'après d'autres, ce serait M. de Ponthebert lui-même. — Les autres chefs des nu-pieds étaient Champmartin, La Loy, Duval, La Barsilière, La Lande, Rigodière. (GRIFFET, Histoire de Louis XIII, t. III, p. 249.)

[180] Le Mesnil-Garnier est aujourd'hui une commune du canton de Gavray, à 25 kilomètres de Coutances. — Thomas Murant, sieur du Mesnil-Garnier (terre érigée pour lui en baronnie en 1606, et plus tard (1672) en marquisat de Morant), sieur de Courcelles et d'Estreville, était fils d'un sergent de Caen ; il devint secrétaire du Roi, puis trésorier de l'épargne, de 1616 à 1628 ; — acheta la charge de trésorier de l'Ordre du Saint-Esprit qu'avait le marquis de Puisieux, et la céda lui-même à Bouthillier en 1633. — Tallemant en parle dans ses Historiettes et raconte qu'il fut l'amant de madame de Puisieux (t. II, p. 93).

[181] BIGOT DE MONVILLE, Mémoires. — Le même dit : Paris, Aligre et Pascal sont les trois qui pressuraient la Normandie depuis deux ans. — Claude de Paris, maitre des requêtes, intendant à Rouen (1638-1643). — Étienne d'Aligre, né en 1592, fils du chancelier de ce nom, que Richelieu avait disgracié en 1626, fut conseiller d'État (1635) à la mort de son père, intendant à Caen (1638), garde des sceaux (1672), chancelier de France (1674). Un de ses frères fut lieutenant général ; un autre, abbé de Saint-Evroul. — Étienne Pascal, né en 1588, intendant à Rouen (1639), eut pour fils le grand Pascal, qui, pendant l'intendance de son père, construisit pour lui une machine admirable, faisant infailliblement toutes sortes de règles d'arithmétique. Elle coûtait malheureusement 400 livres, et, pour la faire, il fallait que l'inventeur fût présent. — On voit un Blaise Pascal receveur des tailles en Auvergne en 1636.

[182] Il avait demandé cette concession depuis quatorze ans. Jacob Hais, surnommé Rougemont, avait été en 1636 maréchal des logis de chevau-légers.

[183] Un impôt non vérifié étant perçu sur les cartes à jouer, les artisans tentèrent de piller le bureau du receveur, et n'ayant pu le forcer, allèrent chez M. Paris, qui était l'homme du conseil, et le requirent an nombre de deux ou trois cents, avec paroles insolentes et menaçantes, de faire cesser cet impôt. (Id., ibid.)

[184] Il se nommait de son vrai nom Noël du Castel ; son père était coutelier. Le père et le fils avaient été longtemps prisonniers pour dettes.

[185] Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 500. — En même temps, il adressait au Conseil une réprimande officielle : Messieurs du Conseil trouveront bon que je leur dise qu'il est de leur prudence de regarder si bien dorénavant aux établissements nouveaux qu'ils voudront faire, qu'il n'en puisse arriver d'inconvénient pareil à ceux de Normandie. (Mss. français, 18510, fol. 266.) Le 27 août 1639.

[186] Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 497.

[187] Jean de Gassion (1609-1647), fils cadet d'un président au parlement de Pau et d'une demoiselle Marie d'Esclaux, fit la campagne de Savoie eu 1630, commanda un régiment étranger à l'armée de Gustave-Adolphe (1633) et se distingua dans les campagnes suivantes. Il fut colonel de la cavalerie légère, maréchal de camp, puis maréchal de France (1643). Richelieu l'avait surnommé la Guerre, et il était fort redouté des ennemis. Son frère le marquis de Gassion fut procureur général, puis président au parlement de Pau, conseiller d'État, et intendant en Béarn.

[188] Régiments de Champagne, de Piémont, de Bourgogne, de la Marine, de Bretagne, de la Meilleraye, de Turenne et de la Bourdonnaye.

[189] Le Roy, sieur de La Poterie, conseiller d'État, intendant de justice.

[190] BIGOT DE MONVILLE. — On en prit dix à Caen, et on donna la vie à un, à condition qu'il pendrait les autres. Il le fit, quitta le pays, et devint ermite. (TALLEMANT, t. V, p. 173.)

[191] BIGOT DE MONVILLE, ibid. — MONGLAT, Mémoires, p. 87. — PÈRE GRIFFET, Histoire de Louis XIII, t. III, p. 251. — Un nommé La Loy, que l'on disait avoir tué Courtomer, fut arrêté plus tard à Fougères. — Jean Nu-Pieds se sauva seul, presque tous ses officiers furent tués. Du côté du Roi, il n'y eut de tués que quinze soldats et sept ou huit officiers. — Le Père Griffet raconte que pendant la bataille, le comte de Tourville, père du célèbre maréchal, était posté sur les grèves du Mont-Saint-Michel avec soixante chevaux.

[192] On remarquait au parlement de Rouen, en 1640, parmi les présidents : Bretel, sieur de Gremonville, Nicolas Turgot, Alexandre Bigot, de Lannoy, sieur de Cricqueville ; et parmi les conseillers : René le Coigneux, de Becdelièvre, sieur d'Ocqueville, Guillaume de Bautry, Louis Anjorrant, Jacques de Bonneville, François de Vigneral, Pierre de Montaigu.

[193] Archives des affaires étrangères, France, vol. 835, fol. 34 et passim. — Archives nationales, déclaration de décembre 1639, règlement du 31 décembre 1639, arrêts du Conseil d'État des 3, 4, 7, 14 et 29 janvier 1640. — La taxe de remplacement pour les fantassins était fixée à 7 sols 6 deniers ; pour les cavaliers, à 34 sols.

[194] Lettres et papiers d'État, t. VII, p. 253. — A Gassion il écrivait : Vous ne pouviez donner plus de satisfaction au Roi que vous avez fait. (Ibid., t. VIII, p. 360.)

[195] COLIGNY-SALIGNY, Mémoires, p. 9. — Son père fut envoyé en 1641 pour pacifier les esprits. (Mémoire présenté en 1641 par Séguier. — Arrêt du Conseil d'État du 14 janvier 1640.)