RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

APPENDICE DU LIVRE PREMIER.

 

 

I. — PRÉSÉANCE.

Il nous a paru intéressant de dresser ici, pour le règne de Louis XIII, un ordre de préséance individuelle, allant du Roi au plus modeste fonctionnaire de village. Nous ne pouvions prétendre offrir au lecteur une liste complète des personnages ayant rang dans l'État ; nous avons seulement cherché à faire passer sous ses yeux un assez grand nombre de titres et de situations diverses, pour qu'il puisse se rendre un compte exact de la place respective des corps et des gens à cette époque.

Ces recherches d'étiquette ne sont pas inutiles. La préséance et le cérémonial tiennent naturellement une grande place clans un pays aristocratique. Le Roi d'Espagne reprochant à un de ses ambassadeurs d'avoir négligé une affaire importante pour une cérémonie, celui-ci répondait avec quelque finesse : Comment, pour une cérémonie ! Mais Votre Majesté elle-même n'est qu'une cérémonie ! Les Anglais, dit Richelieu, mettent toute leur grandeur en cérémonies qu'ils pratiquent avec mûre délibération résolue en leur conseil[1]. Chez eux la préséance n'est pas réglée par des arrangements de société, elle ne résulte pas de l'usurpation d'une classe sur l'autre ; elle est, an contraire, partie intégrante de la constitution nationale, résidant, comme dit le Peerage, dans les actes du Parlement, dans les décisions solennelles des cours de justice, dans les règlements publics faits par la Couronne. Il en était de même en France, au dix-septième siècle, bien que la hiérarchie officielle ait toujours été moins bien établie chez nous que chez les nations voisines[2]. Les lacunes, quand il en existait, dans le règlement des droits respectifs de quelques corporations, provoquaient, d'ailleurs, des contestations très-vives, sans parler des incidents plus graves, auxquels plus d'une fois elles donnèrent lieu[3].

Celui qui était supérieur à l'autre prenait en toute rencontre le pas sur lui ; fallait-il s'asseoir, l'inférieur donnait la main au supérieur, c'est-à dire qu'il le plaçait à sa droite ; chacun avait ainsi à sa droite tous ceux qui étaient plus que lui, à sa gauche tous ceux qui étaient moins que lui. Dans les relations quotidiennes, cet usage était rigoureusement observé. Richelieu ne donnait chez lui la main à personne, pas même aux princes : le prince de Piémont, depuis duc de Savoie, reçu chez le Cardinal, passait derrière lui[4]. Même étiquette dans la rue ; chaque carrosse devait s'arrêter devant le carrosse d'un personnage plus considérable ; le cocher qui avait le pas criait à son camarade : Arrête, cocher, et l'on voit cette marque de déférence tenir grande place dans la vie mondaine jusqu'à la Révolution.

L'ordre de préséance n'a jamais été codifié sous l'ancien régime ; il n'y existe rien d'analogue à ce que fit en ce siècle le premier Consul, par son décret du 24 messidor an XII, qui règle encore aujourd'hui la prééminence entre les corps constitués. L'usage seul faisait loi. Quand une dispute s'élevait, les parties portaient leur querelle devant le Conseil d'État, le Parlement ou le Grand Conseil, qui la terminait par un arrêt portant jurisprudence pour l'avenir. Les décisions de ce genre sont innombrables, et nous ont aidé à composer la liste qui suit. Nous avons eu aussi pour nous guider les nombreux Mémoires du temps, les récits officiels de grandes cérémonies publiques, tels que lits de justice, mariages princiers, réunions de conseils, etc. — On sait qu'en ce temps-là il n'était encore publié ni État de la France, ni Almanach de la Cour. — Enfin, à défaut d'autres documents, nous avons relevé le cursus honorum (selon l'expression romaine) d'un grand nombre de personnages. En les voyant gravir les échelons successifs de la hiérarchie civile ou militaire, nous constations les emplois jugés alors supérieurs les uns aux autres.

Cet ordre de préséance est donc aussi exact que possible, il n'est toutefois pas universel. Il 'y avait une préséance spéciale à la cour, une autre an Parlement, une autre au conseil, une autre à l'armée. En temps de paix, les ducs et pairs ont le pas sur les maréchaux de France ; c'est le contraire en temps de guerre[5]. On voit au conseil royal le grand maitre de la garde-robe, le capitaine des gardes, le premier gentilhomme de la chambre, se tenir debout, pendant que des conseillers au Parlement sont assis ; cependant, les premiers étaient en temps ordinaire supérieurs aux seconds. Quand le Parlement marchait en corps, son premier président avait le pas sur les princes du sang, tandis qu'isolé, il passait après mus les ducs[6].

Il est des cas où l'on voit rendre à certaines personnes, pour des motifs passagers, des honneurs dont elles ne jouissent pas d'habitude[7]. Au sacre, les six pairs ecclésiastiques précèdent les cardinaux, par qui ils sont primés en toute autre circonstance. Aux états généraux, il n'y a pas de préséance entre les députés, mais entre les bailliages qu'ils représentent ; ces bailliages ont le pas les uns sur les autres, selon l'ancienneté de leur création[8].

Le Roi,

La Reine régnante[9],

La Reine mère,

Le cardinal de Richelieu[10],

Les électeurs du Saint-Empire,

Les ducs souverains (Savoie, Lorraine, etc.)[11],

Monsieur, duc d'Orléans,

Mesdames, sœurs du Roi,

Le prince de Condé et sa famille,

Le comte de Soissons et sa famille[12],

Les ambassadeurs de Rois, à Paris[13],

Les cardinaux,

Le grand aumônier de France,

Les princes et princesses légitimés de France (Longueville, Vendôme, Verneuil, Angoulême)[14].

Les princes et princesses de maison souveraine, dits princes étrangers (Guise, Chevreuse, Elbeuf, Nemours, Nevers)[15],

Les six pairs ecclésiastiques (selon la date de leur sacre)[16],

Le connétable[17],

Le chancelier de France,

Le garde des sceaux,

Les ducs-pairs,

Les maréchaux de France[18],

Le grand maitre de France,

Le premier président du Parlement de Paris,

Le gouverneur de Paris[19].

Le grand chambellan,

Le premier président de la Chambre des comptes,

Le grand écuyer,

Le grand panetier,

Le grand fauconnier,

Les présidents à mortier au Parlement de Paris,

Le premier président de la cour des aides,

Les secrétaires d'État (sous le règne de Louis XIV),

Le colonel de l'infanterie française, Le grand maitre de l'artillerie,

Les gouverneurs de province,

Le surintendant des finances,

Les conseillers d'État ordinaires,

Les maréchaux de camp[20].

L'amiral[21].

Le colonel de la cavalerie légère,

Les lieutenants généraux de province,

Les premiers présidents de parlements de province,

Les chevaliers du Saint-Esprit,

Le général des galères,

Les présideras aux Chambres des enquêtes et requêtes du Parlement de Paris,

Les intendants de province (vers 1640),

Les premiers présidents des Chambres des comptes de province,

Les présidents à la Chambre des comptes de Paris,

Les capitaines des gardes du corps,

Le premier gentilhomme de la chambre,

Le premier écuyer,

Le colonel général des Suisses,

Les mestres de camp, d'un des quatre vieux régiments,

Le grand maître de la garde-robe,

Le premier maitre d'hôtel du Roi,

Les archevêques,

Le lieutenant civil au Châtelet,

Le procureur général et les avocats généraux au Parlement de Paris,

Les premiers présidents de cour des aides de province,

Le maître des requêtes,

Les secrétaires d'État, jusqu'au ministère de Richelieu,

Les intendants d'armée (civils),

Les présidents au grand conseil,

Les présidents à la cour des aides de Paris,

Le procureur du Roi au Châtelet,

Les conseillers au Parlement de Paris,

Les évêques[22],

Les mestres de camp d'un régiment de nouvelle création,

Les intendants des finances,

Le sergent-major au régiment des gardes,

Les capitaines au régiment des gardes,

Les capitaines, dans un des quatre vieux régiments,

Les lieutenants de la compagnie de gendarmes d'un prince ou d'un grand seigneur,

Les présidents à mortier des parlements de province,

Le lieutenant criminel au Châtelet,

Le procureur général et les avocats généraux au grand conseil,

Le procureur général et les avocats généraux à la cour des aides,

Les maîtres à la Chambre des comptes de Paris,

Le général des postes,

Les conseillers au grand conseil,

Les conseillers à la cour des aides,

Le prévôt des marchands de Paris et les échevins[23].

Les correcteurs à la Chambre des comptes.

Les auditeurs à la Chambre des comptes,

Les gentilshommes ordinaires de la chambre du Roi,

Les recteurs, doyens et docteurs-régents de l'Université de Paris[24],

Les trésoriers de l'épargne,

Le premier commis du surintendant des finances,

Le trésorier des deniers extraordinaires,

Les conseillers à la Cour des monnaies,

Les trésoriers de l'argenterie, des ponts et chaussées, etc.,

Les secrétaires du Roi, Maison et Couronne de France,

Les trésoriers généraux des finances de la généralité,

Le contrôleur général des rentes de la généralité,

Les conseillers au Châtelet (à Paris),

Les officiers du présidial (en province),

Les maîtres particuliers des eaux et forêts, capitaines des chasses royales[25],

Les présidents et les juges (élus) des tribunaux d'élections[26],

Les officiers des gabelles[27],

Les officiers de l'écurie et de la cuisine du Roi,

Les juges et officiers des sièges de justices royales,

Le greffier en chef du Parlement de Paris,

Les hommes d'armes de la compagnie des gendarmes du Roi,

Les avocats au Parlement,

Les notaires et secrétaires du Parlement, Les receveurs des tailles,

Les notaires royaux,

Les receveurs des décimes du clergé, Les docteurs en droit et les avocats,

Les notaires seigneuriaux (ou subalternes),

Les procureurs fiscaux des paroisses rurales.

CONFLIT ENTRE LE PARLEMENT ET LA CHAMBRE DES COMPTES LE 15 AOÛT 1638[28].

La Chambre des comptes u ayant avis que les présidents au Parlement avaient résolu d'entreprendre de passer tous à la sortie du chœur de Notre-Dante, avant qu'aucun de MM. les présidents de la Chambre fussent sortis'', fit parler de cette affaire au chancelier, qui, pour éviter de se compromettre, refusa de trancher la question[29].

Le dimanche 15 août, toutes les compagnies étaient présentes à Notre-Dame, le Parlement à droite du chœur, la Chambre des comptes à gauche. Le clergé étant sorti pour faire la procession, 31. le premier président du Parlement descend de sa place pour le suivre, le premier président de la Chambre descend en même temps pour prendre son rang à main gauche, mais M. le président Potier (du Parlement) debout, et levant la main, lui dit : N'avancez pas, il faut que tous les présidents marchent devant vous. Le premier président de la Chambre des comptes lui répond, aussi la main haute : Je tiendrai mon rang comme mes prédécesseurs l'ont tenu. Là-dessus il veut descendre de sa stalle, ruais le premier président du Parlement l'arrête, le prend au collet, et répète : Il faut que vous laissiez passer tous les présidents devant vous. Le premier président et les présidents de la Chambre se mettent en devoir de suivre en leur rang, c'est-à-dire sortant un par un, à tour de rôle, après chaque président au Parlement ; mais ils en sont empêchés et repoussés avec violences et menaces, coups de coude et grande clameur. Le premier président du Parlement va jusqu'à prendre une hallebarde, et menace le premier président de la Chambre de le tuer, ce qu'il aurait peut-être fait, s'il n'avait été empêché par trois ou quatre de MM. les maîtres ; un sieur Yvon, conseiller-clerc (au Parlement), tire une épée nue, et menace les présidents de la Chambre de les en frapper ; le sieur de Villoutreys prend un bâton, deux autres conseillers du Parlement commandent à leurs huissiers de se saisir du sieur de Marie, président à la Chambre : Menez-le prisonnier de notre ordonnance, crient-ils, c'est un insolent. Les huissiers veulent exécuter l'ordre, et ils y seraient parvenus, sans trois ou quatre maîtres qui le leur arrachèrent. Ce qui aurait été au grand scandale du public, de sorte que tout l'ordre de la procession s'est troublé ; et s'est rencontré dans la nef de ladite église un tel désordre et confusion, que semblait que les ennemis fussent entrés eu ladite église, le peuple fuyant de côté et d'autre[30].

 

II. — COMPOSITION DU CONSEIL D'ÉTAT.

Le règlement du 1er juin 1621, à Compiègne, décida qu'il n'y aurait plus à l'avenir que huit conseillers d'État ordinaires, et qu'ils précéderaient tous les autres ; ce furent MM. de Roissy, de Bullion, de Bisseaux, de Préaux, de Léon, de Marillac, de Châteauneuf et de Champigny. On leur adjoignit dix conseillers servant par semestre, et treize servant par trimestre. Les noms des conseillers d'État trimestres, comme on les appelait, sont peu connus ; les conseillers semestres furent MM. Fouquet, Viguier, Aubry, Ribier, Haligre, Fremyot, Le Bret, Ollier, Barentin, La Roche-Habert. Tous ou presque tous ont joué un rôle important dans la politique et l'administration.

Le chiffre des conseillers ordinaires fut ensuite porté de huit à douze (26 août 1626) et à dix-huit. Puis on abolit la distinction en ordinaires et trimestres (règlement du 3 janvier 1628), et l'on décida qu'ils serviraient tous par quartiers[31]. N'empêche que l'ancienne division ait été rétablie par la suite, si bien que, d'après les mémoires de d'Ormesson, le nombre des conseillers à l'avènement de Louis XIV était de cent vingt[32]. Outre ceux que nous avons cités plus haut, on voit souvent figurer au conseil royal : MM. de Refuge, de Montholon, de Bragelogne, de Castille, de Thurin, Charpentier, Mallier du Houssaye, du Pré, Seguier de Rancy[33], etc.

Les gages des conseillers étaient de 2.000 livres par an ; ils étaient nominés par lettres patentes adressées à eux-mêmes, les constituant conseillers d'État et privés et de nos Finances ; ils prêtaient serment entre les mains du Chancelier.

 

III. — LES ENTREVUES DU PARLEMENT AVEC LE ROI.

Quelquefois le Parlement refusait l'enregistrement d'une loi, sans demander même à faire des remontrances ; Mais le plus souvent il désirait expliquer au prince les motifs de son refus. De là des rapports assez fréquents entre le Roi souverain et la cour souveraine. Ces rapports pins on moins tendus, plus nu moins cordiaux, c'est le fonctionnement même de la monarchie traditionnelle ; en les étudiant sur le vif, on pénètre dans l'intimité de son histoire. C'est pourquoi nous avons reproduit, au hasard, le récit de quelques-unes de ces entrevues, consignées dans les registres du conseil secret du Parlement, où elles abondent[34].

Un président et un conseiller étaient tout d'abord députés vers le Chancelier pour solliciter une audience du Roi, et savoir quand il lui plairait entendre les remontrances et Le Roi envoyait au Parlement un huissier du cabinet fixer l'heure du rendez-vous. — Les audiences avaient lieu, soit au Louvre, dans le cabinet des Livres, soit à Fontainebleau, soit surtout à Saint-Germain, que Louis XIII affectionnait particulièrement, et où il résidait presque toujours.

Le premier président, deux ou trois présidents et six ou huit conseillers étaient députés par la cour. Ils se réunissaient vers sept ou huit heures du matin au logis du premier président, surtout s'ils devaient aller à la campagne. Ils arrivent à Saint-Germain sur les onze heures. Souvent le Roi n'est pas éveillé, nu il est à la messe, ou bien il a pris médecine. Ils attendent jusqu'à midi, et dînent ensemble chez le premier président, qui a toujours un pied-à-terre à Saint-Germain. Quelquefois M. de Montbazon, gouverneur de Paris, venait dîner avec eux ; ils visitaient M. le Chancelier, enfin le Roi les faisait demander — ils revêtaient pour cette audience les robes que le Parlement avait en dépôt dans toutes les résidences royales — M. de La Ville-aux-Clercs venait au-devant d'eux, quelquefois jusqu'à leur logis, pour les introduire avec l'honneur qui leur était dû. Le Roi était dans son cabinet, toujours avec grand monde autour de lui, princes, cardinaux, conseillers d'État, et plusieurs seigneurs allant et venant par la salle. La députation faisait la révérence, et commençait respectueusement ses remontrances. Quelquefois le prince prenait la parole le premier :

Messieurs, approchez-vous, dit le Roi par deux fois, puis il commença : Messieurs, je trouve bien étranges les longueurs que vous apportez à l'exécution de mes édits, desquels je vous, ai déjà parlé tant de fois ; toutes mes affaires se perdent faute d'argent. Si vous saviez ce que fait un soldat quand il n'a point de pain, vous ne feriez pas ce que vous faites ; l'argent que je demande n'est pas pour jouir ni pour faire de folles dépenses ; de n'est pas moi qui parle, mais l'État et le besoin que l'on en a. Ceux qui contredisent à mes volontés sont plus mes ennemis et me font plus de mal que les Espagnols.

Je veux que l'on m'apporte la feuille des avis de ceux qui délibéreront, afin que je connaisse ceux qui me serviront fidèlement. Et s'adressant au premier président : Je me plains aussi de vous, de ce que vous avez mis en délibération mes Édits, quand ils sont par moi enregistrés. Je veux qu'ils soient exécutés, et m'en prendrai à vous. Vous m'avez tous promis Plusieurs fois d'exécuter mesdits édits, et néanmoins vous y manquez. Vous voyez que j'ai affaire de vous présentement, vous vous tenez fort ; je saurai bien le moyen de m'en revenger.

Le Parlement répondait ensuite, s'étendant sur ce que le Roi aimait trop la justice, pour ne pas permettre qu'on vérifiât, et qu'on changeât quelque clause, et ne le trouvât point mauvais. Souvent le Chancelier demandait alors an Roi la permission de dire un petit mot sur le sujet, généralement pour soutenir l'édit. Le surintendant parlait à son tour, on entrait dans le détail des articles ; le Cardinal faisait une observation, on proposait un accommodement. Parfois si l'on ne parvenait pas à s'entendre, les ministres se fâchaient ; le Chancelier menaçait les officiers de leur prendre leurs gages. Richelieu était aussi sec : Messieurs, ce n'est pas tout de promettre au Roi, il faut voir l'exécution ; il leur ordonnait d'apporter la vérification à jour fixe.

Je n'ai point de réplique à faire, ripostait le premier président, à ce qu'il plait à Votre Majesté de nous dire ; et puisque aussi M. le Chancelier parle par votre ordre, je ne lui ferai aucune réponse, bien qu'il se pourrait dire quelque chose là-dessus. — Ce n'est pas le compte du Roi, reprend un secrétaire d'État. Mais sans attendre, le premier président faisait de nouveau la révérence, et prenait congé, en disant qu'il rapporterait à la compagnie ce qu'il a plu à Sa Majesté de lui commander. En général le Roi consentait à recevoir les remontrances écrites, mais il ne donnait quelquefois au Parlement que deux ou trois jours pour les rédiger ; comme par exemple en 1637, sous prétexte qu'il devait quitter Paris. Or les remontrances — véritables amendements à la loi — ne pouvaient être présentées à la légère.

Le premier président demande quinze jours pour les dresser ; le Roi l'interrompt et lui dit : Mon voyage est plus nécessaire au bien de mon État que les remontrances. Il est mardi, vous avez mercredi et jeudi, ce sont trois jours jusqu'à vendredi ; je les veux, n'y manquez point. Le Chancelier se plaignait à son tour, d'un ton dolent, de ce qu'il se pouvait vraiment dire que le Roi dans son Parlement est plus maltraité pour ses araires que ne le sont les particuliers.

Après discussion, le Roi donna Jusqu'au lundi. Le lundi suivant, les délégués se rendirent an château de Madrid ; ils n'étaient porteurs d'aucune remontrance : Il y a certaines règles, dit le premier président, par-dessus lesquelles il est impossible de passer ; la brièveté du temps a été la cause que nous n'avons pas psi exécuter ce que nous désirions. Étant vray que pour faire des remontrances par écrit, l'ordre est tel qu'il faut nommer des députés des chambres, lesquels dressent des mémoires qu'ils doivent communiquer à leurs collègues, pour en connaître les sentiments. Et après, les susdits députés s'assemblent, font rédiger tous les mémoires par écrit, pour corriger, diminuer et augmenter ce qui est nécessaire, et les mettre eu un ordre digne d'être présenté à un grand Roy. Ce fait, étant mises au net, il les faut lire, toutes les chambres assemblées. Tout ce que je vous dis, Sire, est véritable, et est l'ouvrage d'un mois an moins. Il terminait en demandant à remettre les remontrances seulement au retour du Roi.

Je trouve très-mauvais, répliqua le prince, qu'après avoir arrêté vos remontrances y a si longtemps, et le temps que je vous ai donné pour tue les apporter, vous ne m'ayez point obéi. — Et, se levant de sa chaire : Allez, vous êtes des insolents, retirez-vous ; j'aviserai présentement à ce que j'aurai à faire. Ne vous en allez point. — M. le Cardinal a dit : Messieurs, messieurs, retirez-vous ; témoignant par son maintien qu'il fallait éviter la colère du Roi. Louis XIII demeura seul avec son conseil. Les membres du Parlement attendirent environ un quart d'heure dans la salle voisine, puis le secrétaire d'État de la Maison du Rot vint les chercher. Ils rentrèrent donc et s'approchèrent du prince, qui se contenta de leur dire : M. le Chancelier vous dira ce que j'ai résolu. — Sur quoi le Chancelier déclara que c'était un mépris intolérable de n'apporter point les remontrances.

Le Roi prit encore une fois la parole pour donner au premier président l'ordre d'assembler le Parlement toutes affaires cessantes, et de lui apporter la feuille (procès-verbal) aussitôt que la délibération sera prise.

Je m'en prendrai à vous, monsieur le premier président, et ceux qui ne voudront pas obéir de bonne volonté, je les ferai bien obéir par force. — Comme on vint à parler des empêchements et des difficultés que faisaient naine les chambres des enquêtes, M. de la Barre, président en la troisième des enquêtes, dit au Roi : J'ai l'honneur d'être président dans vos enquêtes, je n'ai point ouï parler de rien de pareil — Le Roi et M. le Cardinal lui dirent : On ne vous le va pas dire, bon homme. Là-dessus les députés firent la révérence et se retirèrent.

Après ces scènes, le Parlement cédait, il revenait au bout de quelques jours, protestait de sa fidélité, ne parlait que de sa douleur noupareille d'avoir excité le courroux du Roi  qu'il ne pouvait s'en consoler... que ce qu'ils en avaient fait était pour le bien... qu'ils préféraient tous mourir plutôt que de lui déplaire.... A quoi le Roi se bornait à répondre que la vraye obéissance est celle que l'on a sans contrainte.

 

IV. — LA PETITE PRESSE.

Dès le règne de Louis XIII, par conséquent bien avant Loret, bien avant les Gazettes de Hollande, on constate l'existence de journaux satiriques et amusants, analogues à ce qu'on appelle aujourd'hui la petite presse. Leur création coïncide avec celle de la Gazette proprement dite, dont elles sont la parodie et, la contrefaçon.

Tallemant parle dans ses Historiettes (III, 93) d'une gazette rédigée à Bruxelles par Sauvage qui était à Monsieur d'Orléans. C'était le journal d'opposition ; on aimait bien mieux la Gazette de Sauvage que celle de Renaudot. Véritable journal pour rire, il contenait des histoires grotesques comme la Carpe Adriatique, dans le corps de laquelle on trouva, disait-il, des croix, des mousquets, des hallebardes. — Cela courut par toute la France.La dernière imposture qu'il ait faite, c'a été un faux arrêt du Parlement de Grenoble, par lequel un enfant était déclaré légitime, quoique la mère confessa l'avoir conçu durant l'absence de son mari, et cela par la force de l'imagination, en songeant qu'il habitait avec elle. Dans les écoles de médecine on agita la question de savoir si la force de l'imagination pouvait suffire pour faire concevoir.... etc., etc.

A l'appui de cette anecdote de Tallemant, nous ajouterons avoir nous-même retrouvé, par un curieux hasard, le faux arrêt dont il parle ; et ce, là où nul n'irait le chercher sans doute : aux Archives Nationales, dans la Collection Rondonneau (A D I a), où il est inséré à la date du 13 février 1637. Pour qui sait que cette collection est un recueil fort sérieux des ordonnances, édits, arrêts du Parlement et du conseil pendant deux siècles, le fait est passablement comique ; et nous avouons que si nous n'avions eu aussitôt souvenir du récit de Tallemant, la lecture d'un document semblable, manuscrit et revêtu en pareil lien de toua les caractères de l'authenticité, nous eût suggéré des réflexions singulières sur le Parlement du Dauphiné[35].

La Gazette de Sauvage était-elle imprimée ou manuscrite, à la main, selon l'expression du temps, c'est ce que nous ne saurions dire. Cependant il existe à la Bibliothèque nationale quelques numéros de divers petits journaux de l'année 1632, dont l'un ou l'autre pourrait bien avoir été son ouvrage :

Les Quatre Parties du Monde. — Sous ce titre paraissent des plaisanteries assez fades, qui sont censées venir du Paradis, du Purgatoire, des Limbes et de l'Enfer.

Gazettes et Nouvelles ordinaires de divers pays lointains[36]. — Parodie de la Gazette ; suite de fausses nouvelles prodigieuses, et généralement peu spirituelles, malgré les efforts du rédacteur.

Le Courrier véritable. — La Bibliothèque possède deux numéros d'une gazette ainsi nommée, où le bon sel ne manque pas, et qui n'est pas indigne des périodiques du même genre publiés sous Louis XIV[37]. Tout fait présumer que ces numéros, datés, l'un d'avril, l'autre de novembre 1632, sont les vestiges d'une publication qui devait être régulière. On y voit, toujours sous la forme de nouvelles fantaisistes, des entrefilets infiniment plus épicés que ne le comporterait aujourd'hui le journal le plus indulgent ; souvent on y trouve des allusions politiques aux événements du jour

Du camp de Vuermlist, 19 avril 1632. — Le brave et généreux comte de La Routte[38] a été misérablement blessé d'un coup de pertuisance, au-dessous de la mamelle gauche... mais d'autant que sa présence est absolument nécessaire dans le camp, il a seulement envoyé sa chemise teinte de son sang au docteur médecin Grollius, qui par la vertu de son onguent sympathique, ne manque jamais de guérir ceux dont il traite les habits et le linge, pourvu qu'il y ait du sang, les malades et les blessés fussent-ils à cent lieues de lui...

Le rédacteur conte ainsi les victoires que Gustave-Adolphe venait de remporter en Allemagne : De Gottemberg, 17 avril 1632. — Quatre mille Impériaux ont été forcés en la ville de Wuetsbourg par une compagnie de cent Lappes (Lapons) seulement, que le capitaine Rosterlen a amenés depuis peu de la haute Laponie. Mais ce n'est pas chose étrange que cent hommes, pour ainsi dire invulnérables, en puissent passer quatre mille par le fil de l'épée... C'était une chose émerveillable que de voir ces assaillants n'avoir pour toutes armes que deux petits poignards, avec lesquels, après s'en être servis comme d'échelles pour monter sur les remparts, aussi vite que des écureuils, on les voyait venir à l'assaut de tous côtés, et tuer plus de gens par la seule réflexion, et par le bond que faisaient sur leur peau les coups de canon et de mousquet qu'on tirait incessamment sur eux, que s'ils eussent eux-mêmes tiré les coups dont ils étaient vainement frappés. C'est la première exécution qu'ils aient encore faite, et si l'on ne trouve d'autres armes offensives et défensives contre celte sorte de gens, il est à craindre que leur prince, avec cette poignée d'hommes inconnus, ne se rende bientôt le maître de toute l'Allemagne.

Il fait un portrait satirique de Bullion, qui venait d'être nommé surintendant des finances : Nous recevons tous les jours une grande satisfaction dans nos esprits, de voir que les fils des meilleures familles de Dôle et de Besançon, qui nous ont été envoyés pour apprendre la civilité et politesse, y font de grands progrès, et ont appris déjà à se curer les dents à table avec la pointe du couteau, tiennent de fort bonne grâce la main dans leurs chausses, goûtent bien le vin, et se servent fort proprement de la verillette et du fausset[39].

La plupart des articles paraissent être de simples charges, sans malice, destinées à faire rire le lecteur ; à radins qu'ils n'aient eu au moment de leur apparition un double sens qui nous échappe : A Lisbonne. — Je vous envoyerai par le premier courrier la relation merveilleuse des voyages de Don Petro Ruys de Villandras Montessana, lequel a trouvé trois mondes où il y a plusieurs beaux monastères, dont les abbés ne se réservent point de pensions sur les bénéfices qu'ils confèrent... outre ce a présenté au Grand-Negus un baril d'olives de Lucques, pour lequel il lui a fait présent d'un royaume qui contient six cents lieues de long et quatre cents lieues de large, tout de désert sablonneux, dont il peut tirer annuellement 2.511 maravédis, sans y comprendre le revenu de la chasse aux Licornes.

A Rostoch. — Le Juif errant est passé depuis trois jours par cette ville, monté sur le cheval Bayard ; les poils (le sa barbe lui sont devenus si gros pour sa grande vieillesse, qu'ils semblent être des plumes d'oysons. Il montre par grande rareté l'oreille de Malchus et la lanterne de Judas. Il sait guérir les cors aux pieds, apaiser les douleurs de la pierre et des gouttes (de la goutte) par un discours sur la sobriété et continence ; et dit qu'il a laissé son équipage et tout son train à Bintam, qui le suit à petites journées.

De Constantinople. — Le Grand Turc (à la circoncision d'un de ses fils) a fait des chevaliers du Croissant, lesquels ne pourront avoir que soixante-quinze femmes, et seront tenus de les connaitre toutes six fois chaque lune.

On lit dans ce Courrier véritable des histoires invraisemblables, racontées alors en manière de farces. et que nos inventions contemporaines ont presque transformées en réalité : Le Sophi de Perse, dit-il par exemple, a montré aux ambassadeurs du grand Roi de Mogol ses admirables grottes dans lesquelles, par le seul mouvement de l'eau, tontes sortes d'ouvriers, les uns de bronze, les autres de marbre, travaillent en perfection à toutes sortes d'ouvrages.

Il ne prévoyait pas le phonographe, celui qui écrivait cette nouvelle burlesque : Le capitaine Vosterloch est de retour de son voyage des terres australes, qu'il avait entrepris par le commandement des États (de Hollande), il y a deux ans et demy. Il nous rapporte entre attires choses, qu'ayant passé par un détroit au dessous de celui de Magellan, il a pris terre en un pays où la nature a fourni aux hommes de certaines éponges qui retiennent le sous et la voix articulée, comme les nôtres font les liqueurs. De sorte que quand ils se veulent mander quelque chose, ou conférer de loin, ils parlent seulement de près à quelqu'une de ces éponges, puis les envoyent à leurs amis, qui, les ayant reçues, en les pressant tout doucement, en font sortir tout ce qu'il y avait dedans de paroles, et scavent par cet admirable moyen tout ce que leurs amis désirent.

Le second numéro se termine par une pièce de vers, intitulée Boutique des Perroquets :

Vous dont les caprices divers

Fouillent au sein de mes voisines

Tout ce que les plus doctes plumes

Ont donné de prose et de vers,

Quittez ces rompeurs de cervelles,

Pour voir le trafic des nouvelles

Qu'on m'apporte de mille endroits...

Mon savoir n'est point limité

Dans une simple connaissance,

Qui par crainte ou par impuissance

N'effleure que l'extrémité[40] ;

Je scay l'intérêt des familles,

Les secrettes amours des filles,

Le nœud de toits les différeras ;

Je tiens le registre des races,

Et sur les communes disgraces

Le profit des plus apparens.

Le Roy de Suède et Weymar,

Fridland et le duc de Bavière[41]

Souvent fournissent de matière,

Mais on en parle en Calemar.

Une querelle, un mariage

D'un qui a mangé tout son bien,

Donnent des sujets pour en dire ;

Mais on ne saurait assez rire

D'un avis qui ne coûte rien....

 

 

 



[1] Mémoires, t. II, p. 84.

[2] Cf. FONTENAY-MAREUIL, p. 223.

[3] Voyez plus loin le récit de la scène qui interrompit la célébration du mou de Louis XIII, en 1638. — Quelques années auparavant, les ambassadeurs d'Espagne et de Venise se querellèrent tellement dans une rencontre officielle, — l'Espagnol ne voulant point rendre l'Excellence au Vénitien qui l'en avait traité, qu'ils en vinrent des injures aux coups, et n'eussent point cessé, si on ne les eût point séparés. (FONTENAY-MAREUIL, p. 15.)

[4] Ce qui faisait dire à son oncle, le grand prieur de la Porte : Qui eût cru que le petit-fils de l'avocat la Porte eût passé devant le petit-fils de Charles-Quint ? (TALLEMANT, t. II, p. 171.)

[5] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 290. — RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 146 — Les ducs qui n'avaient point de grades ne servaient que comme volontaires. Le Dauphin à l'armée aurait pris lui-même l'ordre du connétable.

[6] TALON, Mémoires, p. 79. — Déclaration du 8 avril 1642.

[7] BRIENNE, Mémoires, p. 36.

[8] Les prétentions étaient parfois assez plaisantes : en 1614, le député de Montargis veut passer avant tous les autres, dans sa province, à cause de l'antiquité de la ville de Montargis, ainsi appelée quasi mons regis, et de ce qu'au château il y avait une place destinée anciennement aux maires du palais qui rendaient la justice. (RAPINE, Relation, etc., p. 71, 82.)

[9] Sur la préséance dans la famille royale, cf. PONTCHARTRAIN, Mémoires, p. 480, 418.

[10] C'était une situation tonte personnelle ; le Cardinal, sur la fin de son ministère, ne quittait même plus son fauteuil pour la Reine Anne. (MONGLAT, p. 133 ; RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 28, 80, 597 ; FONTENAY-MAREUIL, p. 39.) — Le 17 avril 1642, une ordonnance de Louis XIII donna aux cardinaux français et étrangers la préséance sur les princes du sang ; mais après la mort de Richelieu, elle cessa d'être observée. (Lettres et papiers d'État, t. II, p. 6.)

[11] Cf. MONGLAT, p. 90 ; PONTIS, p. 580.

[12] Les femmes jouissaient des honneurs de leur mari. Quand une princesse du sang, ou légitimée, épousait un personnage de position moindre que la sienne, il lui fallait un brevet spécial pour conserver son rang, témoin la duchesse de Longueville et la duchesse de La Valette sous Louis XIII.

[13] Ils avaient le même rang dans toute l'Europe. (RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 166 ; t. II, p. 361.) Les ambassadrices étrangères étaient traitées comme les duchesses françaises, avec réciprocité pour nos ambassadrices à l'étranger. (Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 681.)

[14] Cf. BRIENNE, p. 28, 67. Quelques seigneurs leur disputaient ce rang. (FONTENAY-MAREUIL, p. 223.)

[15] Ils étaient tous égaux ; cependant Guise et Nemours prétendaient tous deux la préséance.

[16] Et sans s'occuper de la qualité de duc ou de comte, sauf l'archevêque duc de Reims, qui a toujours le premier rang. — Sur les pairs ecclésiastiques, cf. Archives nationales, K, 616.

[17] Jadis il avait eu le pas sur les cardinaux. (BRIENNE, Mémoires, p. 30 ; BODIN, République, p. 465.)

[18] FONTENAY-MAREUIL, p. 416. — Archives nationales, K, 616. — Les maréchaux prétendaient passer devant les pairs créés depuis leur promotion au maréchalat.

[19] Il y avait entre ce dernier et le premier président du Parlement lutte perpétuelle de préséance. (ARNAULD D'ANDILLY, Mémoires, p. 425.)

[20] C'était, sous Louis XIII, le premier grade militaire au-dessous de maréchal de France.

[21] Ce n'était pas à cette époque un grade comme de nos jours, mais une fonction.

[22] Au-dessous des évêques dans la hiérarchie sacerdotale venaient les abbés des grandes abbayes, les dignitaires des grands chapitres, les curés, trésoriers et dignitaires de chapitres ordinaires, enfin les prévôts, doyens et chanoines.

[23] Il y avait une préséance spéciale entre les diverses branches de commerce. On sait que les six premiers corps étaient les drapiers, les épiciers et apothicaires, les merciers et joailliers, les pelletiers, les orfèvres et les bonnetiers.

[24] Guy Patin dit que les médecins avaient le même rang qu'eux. (Lettres, t. II, p. 539, édit. Reveille.) Arrêt du grand conseil, du 23 juin 1637.

[25] Arrêt du Parlement du 13 août 1630.

[26] Arrêt du Conseil d'État, 19 février 1633 ; du grand conseil, 22 avril 1626 ; de la cour des aides, 11 mars 1623.

[27] Arrêt du grand conseil du 16 octobre 1628. Édit du 2 mars 1633.

[28] Extrait du plumitif de la Chambre à cette date. Cf. Pièces justificatives, par M. DE BOISLISLE. Le Parlement, dans son registre (X1 a, 8387), ne mentionne rien au sujet de cette procession ; il dit simplement qu'il y s assisté, ce qui tend à prouver qu'il était dans son tort.

[29] La Chambre et le Parlement étaient dans l'usage de croiser leurs membres ; c'est-à-dire que lorsqu'on devait passer un par un, à la file, le premier président du Parlement passait le premier, le premier président de la Chambre des comptes le suivait, et ainsi de suite, alternativement, un membre du Parlement et un membre de la Chambre.

[30] Des scènes analogues avaient eu lieu à l'entrée de l'église entre les membres des deux compagnies, notamment les présidents de Novion (du Parlement) et Aubery (de la Chambre).

[31] A la même époque, on y introduisit quatre évêques (ceux de Bourges, Cahors, Lisieux, Senlis) et quatre gentilshommes d'épée (MM. de Brèves, de Béthune, de Rambouillet et de Marillac).

[32] Sous Mazarin, après la Fronde, dit Choisy, on réforma le grand nombre des conseillers d'État, que les guerres civiles avaient introduits ; il n'y eut plus que douze ordinaires, et douze semestres, plus trois conseillers d'épée et trois d'église. (Mémoires, p. 578.)

[33] M. de Refuge, d'abord maitre des requêtes et intendant de justice à l'année en 1615 ; Bassompierre en parle comme d'un personnage de rare vertu (Mémoires, p. 98.) Tallemant conte sur son fils une étrange aventure. (X, 61.)

François de Montholon (ou Monthelon), baron de la Guerche, fils de François, sieur d'Aubervilliers, † 1626, intendant de la maison de Montpensier, appartenait à une famille de robe illustre au seizième siècle.

Léon de Bragelogne, sieur des Gares, conseiller au Parlement, puis conseiller d'État, avait une fille mariée à Claude Bouthillier. Son cousin, Émery de Bouthillier, permuta avec Richelieu l'évêché de Luçon, moyennant une pension de 5.000 livres et une abbaye. On voit des Bragelogne dans toutes les branches de l'administration ; l'un, Jérôme, fils du conseiller d'État, est trésorier de l'ordinaire des guerres (1620-1643) ; un autre, trésorier de France à Moulins (1621) ; un autre, conservateur du domaine à Calais, etc. Le Dictionnaire des anoblissements les fait descendre d'un bourgeois de Paris anobli en 1462. — Cf. TALLEMANT, t. III, p. 85.

Nicolas Jeannin de Castille, fils de François de Castille, qui tenait les Trois Visages, rue Saint-Denis, et que la princesse de Conti fit nommer receveur général du clergé, épousa la fille du président Jeannin, et ajouta le nom de sa femme au sien. Il fut en 1620, à la retraite de son bran-pire, intendant des finances et contrôleur général. Il devint marquis de Montjeu, et son fils fut conseiller au parlement de Paris. Sa sœur avait épousé Henri de Talleyrand, comte de Chalais. Cf. TALLEMANT, t. IX, p. 167.

De Thurin (ou de Turin), d'abord maitre des requêtes et conseiller au parlement de Paris ; il eut deux filles, l'une bossue, l'autre boiteuse ; celle-ci épousa M. de La Renouillère, puis M. de Saint-Mars. TALLEMANT (t. II, p. 81) conte une anecdote qui lui fait grand honneur.

Claude Manier, sieur du Houssay (Vendenois), intendant des finances ; il exerça cette charge dès 1623, et ne la quitta qu'en 1658. Sa terre fut érigée en marquisat en 1678, et passa dans la maison de Mont-huissier. Son frère François fut évêque de Troyes en 1641. On voit en 1637 le seigneur du Houssay ambassadeur à Venise, et chargé de missions dans toute l'Italie. Ayant perdu sa femme vers 1640, et se voyant menacé de cécité, il obtint son rappel. Nous ignorons si c'est le même que l'intendant. Il y avait aussi un Mailler président au Parlement, et un autre maréchal des logis de la Reine.

[34] Archives nationales, X1 a 8387, fol. 122 et suiv., et 166 et suiv. (C'est le premier volume qui nous reste de cette collection.)

[35] Les termes de l'arrêt sont trop gaulois pour être reproduits ici.

[36] De la boutique de M. Jacques Vaulemenard, musicien ordinaire de la basse Andalousie, ce 9 janvier 1632.

[37] Le premier porte cette mention : Au bureau des postes établi pour les nouvelles hétérogènes ; le second : On les vendit à l'enseigne du Divertissement nocturne, rue du Mauvais-Passage. Le format est un in-4° petit ; le premier n'a que quatre pages, le second en a huit. — Ces exemplaires sont très-rares.

[38] Tilly fut en effet blessé à cette époque.

[39] On railla plus d'une fois Bullion sur son goût pour la bonne chère : Richelieu écrit un jour au Roi qu'il n'a point montré telle dépêche à Bullion, pour ne point troubler la digestion d'un perdreau qu'il avait pris. (Lettres et papiers d'État, t. V, p. 239.)

[40] Allusion à la Gazette de Renaudot, tenue, pour exister, à ménager tout le monde.

[41] Le duc Bernard de Saxe-Weymar, général au service de la France. — Wallenstein, duc de Friedland, généralissime des armées de l'Empereur.