RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

LIVRE PREMIER. — LE ROI ET LA CONSTITUTION.

LA MONARCHIE TRADITIONNELLE.

CHAPITRE II. — LE POUVOIR EXÉCUTIF. GRANDS OFFICIERS DE LA COURONNE.

 

 

I

GRANDS OFFICIERS DE LA COURONNE. — Premiers collaborateurs du Roi. — Ce qu'ils sont au début. — Ce qu'ils sont sous Louis XIII. — Histoire du chancelier, seul office politique.

 

On a vu que la France appartient, à l'origine de la monarchie capétienne, à une douzaine de souverains (ducs ou comtes), à peu près indépendants les uns des autres, mais reconnaissant la suprématie de l'un d'eux, l'ancien duc de France, décoré du litre de Roi. Ce titre procure à celui qui en est revêtu une autorité prépondérante, mais non une autorité unique. Ses égaux de la veille (pares), devenus ses grands vassaux, partagent avec lui le gouvernement. Dans les affaires d'intérêt général, ce sont, des collaborateurs nécessaires. Réunis en conseil, en parlement, sous la présidence du Roi, ils prennent part à la confection de la loi, ils en assurent l'exécution. Ceux qu'on nomma plus tard les grands officiers de la couronne, et qui n'étaient alors que les domestiques particuliers du Roi-président, n'avaient point séance dans une pareille assemblée. Le sénéchal, le chambellan ou chambrier, le connétable et le bouteiller du Roi de France étaient des personnages subalternes, peu supérieurs aux officiers de même nom qui remplissaient les mêmes fonctions près des ducs d'Aquitaine ou de Bourgogne. Ces emplois, du reste, étaient tenus près du souverain par des seigneurs de peu d'importance. Le maître étant lui-même peu de chose, il n'était point glorieux d'être son serviteur, et jamais alors un puissant feudataire n'eût accepté cette situation modeste.

Peu à peu, cependant, les anciennes grandes familles s'éteignirent. Les grands fiefs arrivant au Roi par confiscation ou par héritage, celui-ci devint chaque jour plus puissant, et les offices royaux, plus estimés, eurent des titulaires plus considérables. Le chambellan du Roi fut vraiment le chambellan de France. Les grandes charges de l'État furent une annexe naturelle des grandes charges domestiques ; les premiers serviteurs du prince furent les premiers officiers du royaume. L'office de commander les armées se trouva ainsi identifié avec celui de surveiller les écuries, qui incombait au connétable[1]. Les officiers de la couronne, repoussés plus d'une fois par les pairs dans le début, furent alors admis parmi eux dans les conseils[2], et tandis que la pairie, conférée à des familles secondaires, perdait de sa valeur, ces offices, réservés aux princes du sang et aux plus grands seigneurs, en acquéraient une nouvelle, si bien que les pairs sollicitèrent plus tard l'érection de leur dignité en office de la couronne. Officiers et pairs cessèrent bientôt, du reste, de prendre part au gouvernement. Leur titre demeura très-grand, leur fonction devint nulle. Ils ne répondaient plus aux besoins du moment.

Les uns et les autres tenaient le premier rang dans la noblesse, mais, comme les autres nobles, ils étaient uniquement hommes d'épée, et ce n'est pas seulement avec l'épée qu'on gouverne. Tant que la force joua le principal rôle dans l'exercice du pouvoir exécutif, ils suffirent à la tache ; du jour où ce pouvoir fut organisé, ils devinrent des objets de luxe, des hommes de cour.

Si les titulaires des grands offices avaient peu d'aptitudes pour le gouvernement, le Roi, de son côté, ne cherchait pas à le leur confier, il se méfiait d'eux. Il craignait, en choisissant des ministres trop haut placés, de se voir dérober par eux cette puissance qu'il avait mis des siècles à fonder avec tant de peine. Aussi vit-on, sous les derniers Valois, les grands officiers de la couronne, personnages officiels, n'être en fait que des domestiques privés ; tandis que les secrétaires du Roi, personnages privés, sont les véritables fonctionnaires publics. Le grand maitre de France, le grand chambellan, le grand écuyer, sont chargés des diverses branches du service intérieur de la maison royale, mais ils n'administrent pas le royaume. La grande maitrise, bien que donnée sous Louis XIII à un prince du sang., le comte de Soissons, est un emploi d'intendant supérieur de la bouche, de pourvoyeur en chef, avant sous sa dépendance les grand panetier, grand échanson, premier maître d'hôtel, premier tranchant, et plusieurs escouades de simples gentilshommes, panetiers, échansons, tranchants et maîtres d'hôtel. De même que le grand maitre a la salle à manger, le grand chambellan a la chambre, le grand écuyer les écuries, le grand aumônier la chapelle ; et chacun d'eux a sous lui une hiérarchie, l'un, de premiers gentilshommes et de gentilshommes ordinaires ; l'autre, d'écuyers et de pages de différents grades ; le troisième, de chapelains, d'aumôniers et de prédicateurs.

A la chasse seule président trois seigneurs de marque : grand veneur, grand fauconnier, grand louvetier[3]. Les chefs des charges principales sont les plus qualifiés des ducs et pairs, les moyennes sont tenues par la haute noblesse, mais aucune n'est indigne d'un bon gentilhomme, et l'on ne saurait être pourvu de la plus petite, à moins d'une faveur insigne, si l'on ne compte quelques aïeux.

Les premières supposaient un rang élevé, et grandissaient encore dans l'opinion leurs heureux possesseurs. Ceux-ci étaient les principaux de la France ; ils jouissaient des plus grands privilèges, des plus grands honneurs[4] ; mais de pouvoir politique, ils n'en avaient aucun. Les attributions militaires demeurèrent seules à ceux d'entre eux qui en étaient investis : personne à la tête des troupes ne pouvait remplacer un homme de guerre. Le connétable, les maréchaux, l'amiral, le colonel de l'infanterie, le grand maitre de l'artillerie, eurent, tant qu'ils existèrent, une utilité pratique, parce qu'ils avaient vraiment les qualités de leur emploi. On en détruisit plusieurs, non comme inutiles, mais comme dangereux, et en les détruisant, on dut songer à les remplacer.

Ainsi, de ces premiers grands officiers de la couronne, anciens fonctionnaires des temps féodaux, les uns, ceux de l'ordre civil, passèrent à l'état de décoration du trône, les autres, ceux de l'ordre militaire, furent supprimés ou soumis à des agents nouveaux, les secrétaires d'État.

Un seul subsista, le chancelier. C'était le dernier venu, et le plus dédaigné au début. Il se glissa humblement dans le conseil, s'y affermit, s'éleva sans cesse, et finit par le présider. Si le chancelier conserva et accrut sa place au point où on la voit sous Louis XIII, c'est que ses fonctions répondaient aux nécessités modernes de l'État.

Il assiste d'abord aux délibérations des barons et des évêques. Il les rédige, sans y prendre part. C'est le secrétaire, le greffier du conseil[5]. Au treizième siècle, il obtient voix consultative, il appose sa signature au bas des arrêts, après celles des seigneurs. Sous Louis XI, il les signe seul. En même temps, il cesse de les écrire et abandonne son ancien rôle de scribe à des clercs, secrétaires du Roi, qui deviendront plus tard ses collègues, à leur tour[6].

Sous Louis XIII, le chancelier, qui jusqu'à Henri III avait cédé la préséance aux ducs et pairs[7], ne voit plus au-dessus de lui que le connétable. L'un est chef de la justice, l'autre chef des armées ; l'un est le premier homme de robe, l'autre le premier homme d'épée. Et si le connétable n'avait pas disparu peu de temps après, il est facile de prévoir qu'il aurait été contraint, dans un avenir très-court, de s'effacer devant le chancelier.

La fonction principale de ce dernier est de sceller les ordonnances, édits, déclarations, et autres actes émanés de la volonté royale[8]. Comme on ne pouvait lui ôter sa charge sans lui faire son procès et sans lui ôter la vie, et qu'un ministre inamovible était gênant pour un monarque absolu, on lui interdit, en cas de disgrâce, l'exercice de la fonction dont il conservait le titre. On lui reprenait le sceau de France, que l'on confiait à un magistrat amovible, le garde des sceaux, d'autant plus docile qu'il était moins indépendant. Quelquefois on laissait au chancelier le droit d'entrer au conseil, mais c'était une pure apparence, et, selon le mot de Bellièvre[9] : Un chancelier sans sceaux est un apothicaire sans sucre[10].

Le garde des sceaux, toutefois, n'obtint pas aisément de jouir des honneurs attachés à la dignité de chancelier. Les anciennes rivalités se réveillèrent et donnèrent lieu, plus d'une fois, à des scènes scandaleuses. Le jour de Pâques, Louis XIII assistait aux offices à Saint-Germain l'Auxerrois, sa paroisse. Le duc d'Épernon y étant allé avec MM. de Montmorency, d'Uzès, de Retz et de Montbazon, et voyant le garde des sceaux du Vair assis le plus près du Roi, l'en ôta de force, et le contraignit de se mettre au-dessous d'eux ou de s'en aller, comme il fit[11]. Le garde des sceaux l'emporta plus tard par la protection du monarque.

Même parvenue à ce haut point de grandeur, la chancellerie, qui pendant longtemps n'avait pas même anobli son titulaire, continua d'être l'apanage de familles parlementaires, ayant plus de talents que d'ancienneté. Sillery, d'Aligre, Marillac, Châteauneuf et Séguier, sous le ministère de Richelieu, s'ils n'étaient pas les premiers de leur race, ne comptaient pas du moins derrière eux une longue succession d'ancêtres. Mais tous possédaient de brillants états de service judiciaires ou administratifs. Tous avaient fait leurs preuves. Ce n'est pas que la faveur ne décidât de leur choix, mais elle n'en décidait pas seule. II est bien clair qu'on ne pouvait improviser un chancelier, comme on improvisait un grand chambellan. La prééminence du chancelier dans les conseils du gouvernement signale le triomphe de la robe, c'est-à-dire de l'administration civile[12].

 

II

CONSEIL D'ÉTAT. — Qui en fait partie à l'origine. — Comment il gouverne. — Ses arrêts, leur forme, leur autorité. — Tenue de ses séances. — Conseil privé. — Grand Conseil.

 

Le ministère, dans le sens actuel du mot, c'était le conseil. Le conseil d'État était un véritable conseil des ministres. Ce n'est pas que chaque conseiller fût un ministre, ni que les attributions du conseil royal d'autrefois fussent identiques avec celles du conseil des ministres d'aujourd'hui, mais c'est qu'à l'un comme à l'autre appartenait le pouvoir exécutif, dans son acception la plus élevée, la direction générale des affaires. Donner ou retirer à un personnage l'entrée au conseil, c'était l'appeler au gouvernement ou l'en écarter, car le titre de conseiller d'État ne signifiait pas grand'chose en lui-même.

C'est, parait-il, sous Henri III que ce titre se trouve pour la première fois dans un document officiel[13]. Si le mot était nouveau, l'institution était ancienne, seulement sa forme se modifia. Primitivement, le Roi n'avait pas, comme il l'eut ensuite, le libre choix de ses conseillers. A côté de ceux qu'il y appelait par brevet, et avant eux, siégeaient de droit dans le conseil les princes de sa famille, les ducs et pairs, les officiers de la couronne, les chevaliers des ordres. Il en fut ainsi jusqu'à l'avènement de Richelieu[14]. Si les premiers de l'État ne composaient pas exclusivement le conseil du prince, du moins ils en faisaient nécessairement partie. Ils ne devenaient pas illustres parce qu'ils avaient entrée au conseil, ils y avaient entrée parce qu'ils étaient illustres[15]. Louis XI, par exemple, en instituant les chevaliers de Saint-Michel, disait expressément que le Roi n'entreprendra guerres ni autres choses hautes et dangereuses, sans le faire savoir aux chevaliers de l'Ordre pour avoir à user de leur conseil et avis[16].

On remarque, jusqu'à la monarchie absolue, que le peuple et le Roi ont sur la composition du conseil deux idées diamétralement contraires. L'un pense que les conseillers doivent être surtout les représentants de la nation, l'autre estime qu'ils doivent être uniquement ses créatures à lui, et que le dévouement à sa personne doit être leur qualité première. Aux États tenus durant la captivité du Roi Jean, on demanda qu'il plût au Dauphin Charles de composer son conseil de vingt-huit conseillers, qui seraient nommés par les trois ordres, savoir quatre prélats, douze chevaliers et autant de bourgeois, qui auraient l'administration de toutes les affaires avec le droit de pourvoir aux offices vacants, le tout à la pluralité des voix[17]. C'est de la même façon que les hommes d'État du seizième siècle comprenaient aussi le conseil. Seyssel pense qu'il faut communiquer les grandes affaires du royaume à un conseil (qu'il appelle le conseil général), assemblée de personnages des divers états, tant d'église que séculiers, qui seul ait pouvoir de déclarer la guerre et de faire des lois générales[18]. Un autre regarde comme moins dangereux d'avoir un mauvais prince conduit par bon conseil, qu'un bon prince mal entouré[19].

Dans l'opinion publique, ce bon conseil était une délégation des états généraux, une sorte de commission permanente, assistant le monarque pour le guider dans l'accomplissement des réformes utiles[20]. Ce système avait été pratiqué ailleurs avec succès. Les conseils étaient comme l'âme du gouvernement espagnol, d'où dérivait tout ce qui s'y faisait de bon. Ils avaient la direction de tout ce qui concernait la monarchie[21]. S'il n'en était pas ainsi en France, si Richelieu n'eut pas, comme Olivarès, à renverser tout l'ancien ordre de choses pour attirer le pouvoir à lui seul, il commit du moins la faute grave de rejeter du conseil d'État les rares éléments indépendants qu'il contenait, pour le transformer en une pure émanation de la personne royale. C'est bien à tort que plusieurs écrivains considèrent le cardinal comme le créateur des conseils ; quelques règlements rendus sur cette matière et demeurés sans exécution les ont aveuglés sur son œuvre ; ses projets politiques, conçus dans l'opposition, ont été vite oubliés par lui dès qu'il fut au pouvoir. Les quatre commissions : religieuse, militaire, financière et contentieuse, dont il avait tracé le plan avec tant de détails, sont demeurées dans le domaine des rêves[22]. Ce qu'il créa, s'il créa quelque chose, c'est un conseil docile, sans autorité sinon sans valeur, une assemblée de commis, conduite par quelques jurisconsultes laborieux et soumis. Le conseil royal, tel que l'auraient voulu les états généraux, avait vécu[23].

On se rappelle involontairement, en voyant ce que fit le cardinal, l'amertume avec laquelle il critiquait auparavant les allures despotiques de Luynes, son prédécesseur. La plupart des choses d'importance, disait-il en 1620, se font sans prendre l'avis des ministres. On les envoie querir pour exécuter ce qu'on a résolu, et non pour délibérer ce qu'il faut résoudre. On passe en toute occasion par-dessus leur avis. Si le président Jeannin témoigne quelque sentiment libre, on le traite de rêveur[24].

Ainsi dépouillé de puissance propre, le conseil continua à délibérer des affaires publiques, sous l'œil vigilant du souverain ou du premier ministre, et les membres qui le composaient, n'ayant plus guère d'autre besogne, trouvèrent dans le domaine administratif et judiciaire un élément à leur activité.

Le domaine judiciaire appartenait au conseil privé ; le domaine administratif, au conseil d'État proprement dit, subdivisé en deux sections : conseil des dépêches, conseil des finances. Il y eut sous Richelieu divers règlements intérieurs, ayant pour objet de répartir les affaires, quelquefois assez arbitrairement, entre plusieurs sous-conseils. Les uns ne furent pas appliqués, les autres le furent imparfaitement, et pendant peu de temps. Les classifications étant vicieuses, on était obligé de les remanier sans cesse. Il n'y a pas lieu d'en tenir compte[25]. Les sections des dépêches et des finances tendaient elles-mêmes à se confondre ; elles étaient à peu près composées des mêmes personnes, elles empiétaient ainsi souvent l'une sur l'autre, sans que nul songeât à s'en plaindre, et Le Bret lui-même, l'un des conseillers d'État les plus en vue de l'époque, ne parait pas s'en occuper dans les pages qu'il consacre à cette institution[26].

Le conseil d'État, dit-il, ou conseil étroit, ne se tient que dans le cabinet, en la présence du Roi, où n'entrent que les principaux ministres de l'État ; c'est dans ce conseil que l'on traite des plus grandes affaires da royaume, comme de la paix et de la guerre. C'est là où le Roi donne audience aux ambassadeurs, où l'on délibère sur les réponses qu'on leur doit faire, où l'on arrête l'état général de toutes les finances du royaume[27]. Les conseils des dépêches et des finances semblent posséder indistinctement ces attributions. Avant l'arrivée de Richelieu au pouvoir, le surintendant La Vieuville se proposait de faire un conseil des dépêches, dont le cardinal eût été le chef, et dont les membres n'auraient pas eu accès dans le véritable conseil d'en haut. Si ce projet avait été exécuté, la séparation entre les deux eût été réelle, mais il échoua par la disgrâce de son auteur[28].

Le conseil ne rédigeait point procès-verbal de ses séances, comme le faisaient le Parlement et la Chambre des comptes. Si le compte rendu, même sommaire, de quelques-unes est parvenu jusqu'à nous, c'est grâce à la plume, officieuse de quelque témoin auriculaire qui l'a inséré dans ses mémoires particuliers. Non-seulement il n'existe pas de procès-verbal, mais il n'existe même pas de registre des arrêts du conseil. Cette formule : Extrait des registres du conseil d'État, est une pure fiction[29]. Ce que nous possédons, ce que l'on conservait sous l'ancien régime, dans les archives de l'État, c'étaient des liasses de feuilles volantes sur lesquelles avaient été rédigés et signés les arrêts. C'étaient les minutes mêmes, dont on n'avait pas jugé à propos de faire des expéditions authentiques[30]. Un examen attentif de ces feuilles de grandeur et d'écritures différentes nous apprend mieux que toute ordonnance ce qu'étaient les arrêts du conseil et comment ils étaient rendus.

Chaque conseiller, intendant des finances ou maitre des requêtes apportait à la séance ses rapports rédigés, mais sans conclusion. La forme de ces documents était presque invariable. Ils débutaient généralement par ces mots : Sur la requête présentée au Roi[31]..., suivis de l'exposé de l'affaire. Puis sous cette rubrique : Vu par le Roi en son conseil..., venait la liste des pièces produites ou l'ensemble des considérants. Tel était le rapport. L'auteur se bornait à inscrire à la suite, comme une pierre d'attente, ces mots : Le Roi en son conseil... Le rapporteur concluait, sinon par écrit, du moins verbalement ; on votait, et un secrétaire écrivait, après ces mots : Le Roi en son conseil, le résultat du vote, c'est-à-dire l'arrêt du conseil. La décision ainsi prise était généralement succincte, trois ou quatre lignes au plus. L'exposé fait par le rapporteur servait de préambule, car d'après cette manière de procéder, le rapport même des conseillers devenait l'arrêt original. Quelquefois on demandait le changement d'un mot, l'adjonction d'une phrase. La modification était faite séance tenante, et l'on signait. On voit ainsi des minutes signées, et constituant, par conséquent, l'acte authentique, bien qu'elles soient surchargées de corrections non approuvées. Ces corrections et additions, parfois très-importantes, sont d'une autre écriture ; si bien que rien ne s'oppose à ce qu'elles aient été faites après signature de l'original. Nous voyons par exemple, en 1624, le nom de Bullion, trésorier de France en Dauphiné, ajouté en interligne à un arrêt qui ne concernait que Scarron, et qui peut ainsi s'appliquer à tous les deux[32]. Il arrivait même que le rapporteur faisait seul l'arrêt en écrivant sa conclusion après les mots : Le Roi en son conseil[33]... Mais s'il avait trop présumé de son autorité, si l'on reformait ses conclusions en conseil, ou barrait la fin de son rapport et sa signature, pour rédiger à la suite-ra décision nouvelle. Puis chacun signait au bas de la page, où il pouvait, selon la place blanche qui restait libre[34].

Le nombre des signatures et la qualité des signataires variaient à l'infini. Ceux-là seuls signaient qui étaient présents au vote, mais ils ne signaient pas tous. Il n'y a jamais moins de trois noms au bas d'un arrêt, mais il y en a souvent cinq, six, ou davantage. Le rapporteur de l'affaire, le chancelier, le surintendant des finances, des intendants, de simples conseillers, y inscrivent leurs noms. Le Bret, de Machaut, Spifame, Brulart de Léon, de Mesmes, y figurent au commencement du ministère de Richelieu[35]. Quelquefois on y voit le parafe d'un grand seigneur, d'un maréchal de France, d'un prince du sang. Le prince de Condé avait ce droit honorifique de signer toujours avec le chancelier, quand il était à la cour. C'est ce qu'on appelait avoir la plume[36].

Les arrêts du conseil d'État sont innombrables. La section des finances seule en rendit environ quarante-huit mille en dix-neuf ans. Pour comprendre cette quantité prodigieuse, il faut se souvenir que les secrétaires d'État ne prenaient point d'arrêtés. Presque tous les actes administratifs issus de l'initiative du monarque ou d'un ministre devaient revêtir la forme d'arrêts du conseil. Ils correspondent ainsi non-seulement aux arrêts de notre conseil d'État actuel, mais encore aux arrêtés ministériels et aux décrets simples. Quand on voulait leur donner plus de poids, on les votait en présence du Roi. C'était d'ailleurs l'exception ; car le Roi, en plusieurs mois, ne paraissait pas plus de trois ou quatre fois au conseil[37]. Son assistance aux réunions était seule capable pourtant de leur communiquer, en certains cas, une autorité souveraine ; par exemple, quand le conseil entrait en conflit avec le Parlement ou les autres cours. Le chancelier ayant demandé à Talon s'il doutait de la puissance et de l'autorité du conseil du Roi, le célèbre avocat général lui répondit qu'il reconnaissait l'autorité du Roi dans son conseil et dans son cabinet, lorsqu'il y était présent[38]. Le conseil et le Parlement étaient en effet fort jaloux l'un de l'autre, fort susceptibles tous deux, et leurs rapports s'en ressentaient. Ces rapports étaient assez étranges. Le conseil d'État agissait au nom du Roi, plus directement qu'aucun autre corps : il était censé le Roi lui-même. A ce titre, il faisait métier de cour de cassation, puisqu'il cassait les arrêts du parlement de Paris, au civil. Il était donc supérieur au Parlement. De son côté, par sa vérification des édits, le Parlement avait un pouvoir bien autrement étendu, auquel le conseil d'État n'eût osé prétendre. Il était comme indépendant du Roi, exerçait une sorte de souveraineté propre, et était à ce titre, en matière législative, supérieur au conseil d'État, tandis qu'il lui était subordonné en matière judiciaire. Il avait des pouvoirs plus étendus dans la confection de la loi qu'il n'en avait dans son application. Ce fait, bien qu'illogique, est néanmoins certain.

Les arrêts du conseil d'État, quoique rendus sur un fait spécial, comme les anciens rescrits des empereurs romains, faisaient jurisprudence. Ils avaient même force de loi, et il était d'usage, pour les porter à la connaissance du public, de les afficher dans les emplacements officiels affectés aux actes législatifs[39].

Le conseil se tenait ordinairement dans le cabinet du Roi, mais il n'y avait rien de fixe dans le lieu de ses séances. Durant la minorité de Louis XIV, il siégeait quelquefois au pavillon de Charenton[40] ; sous Louis XIII, le Roi allait souvent le tenir à Ruel, chez le cardinal[41]. Marie de Médicis, pendant sa régence, avait adopté une salle, à côté de l'antichambre du Roi : assise sur une chaise, entourée des princes du sang, avec les conseillers debout en face d'elle, elle laissait entrer toutes les personnes de condition, et faisait même approcher ceux qui avaient intérêt à ce qui se disait[42]. Le conseil, du reste, était nomade et suivait le Roi dans ses déplacements. Ses deux cents avocats le suivaient aussi ; et les plaideurs suivaient leurs avocats, ce qui ne contribuait pas, on le comprend, à la prompte expédition des affaires contentieuses[43].

Au milieu de la table était toujours une chaire vide (siège à bras) destinée au Roi. A sa droite se mettaient les princes et les cardinaux[44] ; à sa gauche, le chancelier, le surintendant des finances et les conseillers, par ordre d'ancienneté. Il n'était rien résolu qu'à la pluralité des voix[45]. Tout le monde était assis et couvert, même en présence du Roi ; on se découvrait seulement quand le chancelier opinait ou quand on opinait soi-même[46].

Nous avons dit que la qualité de conseiller d'État était peu de chose en elle-même ; c'est que la plupart de ceux à qui l'on avait conféré le titre n'avaient pas le droit d'en faire la fonction. Le nombre des titulaires était considérable[47]. Des personnages de toute condition, depuis le nonce du Pape Ubaldini jusqu'au poète La Serre, tant raillé par Boileau, avaient brevet de conseillers[48]. On en obtenait même pour de l'argent[49]. Mais l'entrée effective au conseil n'était accordée qu'avec circonspection. On cherchait surtout à en écarter les grands seigneurs. Quand MM. de Guise et de Bellegarde furent faits du conseil étroit, on leur défendit en même temps d'y entrer[50]. Malgré cette précaution, le chiffre des membres était excessif. (Beaucoup, aux séances, demeuraient debout faute.de sièges.) Les états généraux de 1614 demandaient qu'ils fussent réduits à quarante-huit, seize de chaque ordre[51]. Ce que les états désiraient dans l'intérêt du pays, Richelieu le fit dans l'intérêt de son système de gouvernement, qui cadrait mal avec les assemblées trop nombreuses. Il alla même plus loin, et n'accorda l'entrée qu'à seize membres en tout[52].

Cette réduction augmenta naturellement l'importance de ceux qui furent maintenus. Une place d'ordinaire dans le conseil était en 1631, dit Talon, une condition fort honorable[53]. Des avocats généraux, des présidents au Parlement, la sollicitèrent plus d'une fois. Ces charges, en effet, ne s'achetaient pas. Les Rois, qui vendaient toutes les autres, n'auraient pu mettre à prix celles-ci sans aliéner, en quelque manière, leur autorité immédiate.

Le conseil privé ou des parties, ainsi qu'on nommait la chambre judiciaire du conseil, était un véritable tribunal qui n'a pas d'analogue aujourd'hui. On l'a souvent comparé à la Cour de cassation, mais il y a entre les deux institutions de notables différences. Le conseil privé ne jugeait que des affaires civiles. Le Roi, dans son conseil, n'exerce point de justice criminelle[54]. En cette matière, le Parlement était donc souverain. D'un autre côté, la Cour de cassation actuelle ne juge jamais au fond ; elle se borne à annuler le jugement d'un tribunal et à provoquer celui d'un autre. Le conseil privé, au contraire, après avoir cassé les arrêts des cours souveraines ou des tribunaux ordinaires, rendait en même temps un nouvel arrêt qui était définitif[55]. Sauf ces réserves, la cour suprême actuelle et le conseil privé, ayant tous deux la qualité de juridiction supérieure, se ressembleraient beaucoup, si les procès pouvaient être portés aujourd'hui devant la Cour de cassation, avec autant de facilité qu'ils étaient évoqués au conseil, sous l'ancien régime. Il n'en est rien heureusement. Ces évocations par lesquelles on attribuait au conseil le jugement d'affaires sans importance étaient de deux ou trois sortes : les unes, générales, accordées à certaines personnes pour tous les procès qu'elles pouvaient avoir[56]. — Celles qui en jouissaient ôtaient ainsi à leurs adversaires la liberté de se pourvoir devant les juges naturels, et ne s'en servaient souvent que si les premiers tribunaux ne leur étaient pas favorables[57] ; — les autres, particulières, étaient des rétentions de cause dans le conseil du Roi, qui se constituait juge au lieu et place du Parlement. Une troisième espèce était les cassations d'arrêts du Parlement, qui se demandaient avec la même liberté avec laquelle on interjetait l'appel d'un juge de village[58]. Cet abus, qui datait du seizième siècle, où l'on commença à décider au conseil privé des matières qui, se pouvaient décider au moindre siège subalterne du royaume[59] ; alla sans cesse en empirant. Le premier président de Harlay s'en plaignait vivement à Henri III. Le conseil, dit-il, est réduit en la forme du Chastelet de Paris. On y ajourne de lointains pays, comme de Languedoc ou de Gascogne, pour fort peu de chose, et en première instance, même pour une cédule de neuf écus. L'on y plaide toutes choses, l'on y taxe des dépens, et ce qui coûte ailleurs un teston[60] pour les expéditions coûte là quatre écus[61].

On se plaignait publiquement, sous Louis XIII, que les arrêts fussent changés, en sorte que celui qui avait gagné son procès se trouvât par après l'avoir perdu ; qu'on fit hardiment et impunément des promesses, pour fournir d'arrêts expédiés contre toute forme. On comprend que ces fraudes devaient être aisées, avec les procédés défectueux qu'employait le conseil dans la rédaction de ses jugements.

Le gouvernement se préoccupa de restreindre cette juridiction vexatoire. En 1625, on posa en principe que tout ce qui se pouvait juger par la loi, c'est-à-dire par le texte des ordonnances, ne devait point être jugé au conseil[62]. En 1630, l'honnête Marillac eut l'idée de renvoyer les procès, sans les juger, aux tribunaux ordinaires, après un examen sommaire[63]. Ces timides essais demeurèrent infructueux, et l'intérêt de quelques particuliers prévalut jusqu'à la fin contre le grand intérêt de la justice.

Entre le conseil d'État et le Parlement, existait aussi, sous le nom de Grand Conseil, une juridiction assez effacée sous Louis XIII, créée à la fin du quinzième siècle, pour suppléer à l'insuffisance du Parlement, et qui avait été dans le début un véritable conseil royal[64]. Ses attributions, toujours mal définies, diminuaient chaque jour, sous les empiétements successifs de ses deux puissants rivaux. Elle n'avait ni une puissante vie personnelle, comme le Parlement, ni une liaison intime avec le Roi, comme le conseil. Cette institution, qui, à l'origine, comblait un vide, causait au dix-septième siècle un encombrement. On songeait à lui faire jouer un rôle, uniquement pour justifier son existence. Quelques questions litigieuses de discipline ecclésiastique et de droit féodal étaient plus spécialement de son ressort. Les maures des requêtes qui composaient le grand conseil avaient devant eux de plus hautes destinées. Pour les autres conseillers, ce tribunal était un début ou une retraite ; aussi voit-on les magistrats âgés ou indolents s'exempter de l'obligation de suivre le Roi dans ses voyages, insoucieux du retard que les affaires pendantes pouvaient en éprouver[65].

C'est pourquoi le Grand Conseil contient-il peu de personnages marquants à cette époque, et ceux qui possèdent quelque notoriété la doivent, en général, à des motifs étrangers à la politique. Tels sont : Le Tonnelier, tige de la famille de Breteuil ; Pierre Dreux, dont les descendants furent les marquis de Dreux-Brézé ; Malon, sieur de Bercy, dont la fortune et le titre passèrent plus tard aux Nicolas ; Le Gras, parent de la célèbre Louise de Marillac (madame Le Gras), qui fonda l'ordre des Sœurs Grises avec saint Vincent de Paul[66].

 

III

SECRÉTAIRES D’ÉTAT ET SURINTENDANT DES FINANCES. — Leur passé. — Leurs attributions. — Comment ils travaillent ; dépêches ; rapports avec le public, leurs commis. — Cabinet de Richelieu. — Carrière et rang d'un secrétaire d'État. — Ministres d'État. — Départements ministériels. — Administration des finances. — Importance des secrétaires d'État après la mort du cardinal.

 

L'administration française, exactement partagée aujourd'hui en neuf ou dix sections portant le nom de ministère, ayant chacune à leur tête un chef appelé ministre, ne peut donner une idée, même confuse, de l'organisation administrative au commencement du dix-septième siècle. Les quatre secrétaires d'État de ce temps ne ressemblent pas plus aux ministres secrétaires d'État du nôtre, que Hugues Capet ne ressemble à Louis XIV.

Si chaque ancien secrétaire d'État, considéré individuellement, ne rappelle, ni par son rang, ni par son pouvoir, les personnages qui portent parmi nous ce titre, les quatre fonctionnaires de ce nom, pris dans leur ensemble, sont bien plus éloignés encore de représenter ce que nous entendons actuellement par un cabinet, c'est-à-dire une collection de ministres unis, ou censés unis d'opinions, et responsables les uns des autres. Le Roi, ou plutôt le conseil d'État, était le ministre universel, et les secrétaires d'État, sous Louis XIII, étaient, à son égard, comme les chefs de division d'un ministère sont à l'égard du titulaire du portefeuille[67]. La hiérarchie était peu connue, la centralisation l'était moins encore. La plupart des questions administratives étant traitées et résolues sur les lieux, dans chaque province et dans chaque ville, les secrétaires d'État avaient peu d'affaires ; ils les faisaient aisément eux-mêmes, avec l'aide de quelques commis[68], travaillant sous l'œil de leur maitre. Les bureaux ministériels de ce temps ressemblaient beaucoup à l'étude d'un notaire ou d'un avoué. Il n'existait aucun local officiel mis à leur disposition par l'État, et dans lequel le chef et ses employés devaient se rendre journellement pour vaquer à leurs occupations. La maison de chaque secrétaire d'État lui servait de ministère. Il engageait quelques scribes qu'il payait de ses deniers : tel était le personnel. Il achetait le premier papier blanc venu : tel était le matériel. S'il était gentilhomme, il cachetait ses lettres avec ses armes, pour leur donner un plus grand caractère d'authenticité ; sinon, il adoptait quelque devise ou quelque emblème. Cette organisation primitive parut suffisante jusqu'au ministère de Richelieu.

On ne s'en étonnera pas, si l'on considère les humbles commencements des secrétaires d'État. Quand les chanceliers, devenus grands personnages vers le règne de Louis XI, cessèrent d'écrire les actes et commencèrent à les signer, on choisit plusieurs des secrétaires du Roi pour les écrire. Il y en avait sous Philippe le Bel une trentaine, dont trois étaient plus spécialement attachés à sa personne. Ces secrétaires particuliers, dont le nombre varia sous chaque prince, devinrent en même temps ceux du conseil[69].

Sous les noms successifs de secrétaires du Roi signant en finances, de conseillers et secrétaires des commandements, enfin de secrétaires d'État, que l'un deux s'attribua de lui-même (1560), parce qu'il le trouva plus brillant[70], ces fonctionnaires avaient conquis une certaine situation dans le Gouvernement. Inférieurs encore aux véritables conseillers d'État[71] ils étaient déjà hors de pair avec leurs anciens collègues : les secrétaires du Roi, maison et couronne de France. Pourtant ils n'avaient pu rompre complètement avec eux. Chavigny, secrétaire d'État des affaires étrangères, fut assigné par le corps des secrétaires du Roi (1633), qui lui fit défendre, par arrêt du Conseil, de signer les documents officiels, jusqu'à ce qu'il fût pourvu d'une charge dans la compagnie[72].

Les secrétaires du Roi et secrétaires d'État étaient les uns et les autres exécuteurs des arrêts du Conseil. Seulement, les uns, privés d'initiative, se bornaient à expédier les lettres de grâce, naturalité, privilèges et concessions de tous genres, tandis que les autres touchaient aux questions politiques et rédigeaient les dépêches[73].

Au Conseil, pourtant, les secrétaires d'État ne pouvaient prétendre l'égalité avec des personnages que signalaient encore l'illustration du nom ou l'autorité de l'expérience. Ils n'étaient donc pas nécessairement conseillers d'État, mais ils pouvaient le devenir. C'était la récompense de leurs services, ce n'était pas un droit de leur emploi[74]. L'âge où s'obtenaient ces charges de secrétaires d'État, et l'obscurité de ceux qui les remplissaient, sont une preuve de leur peu d'importance. Puisieux, sous Henri IV, en fait fonction à dix-sept ans ; Brienne, bien qu'il n'ait encore rien fait et qu'il n'ait pas vingt ans, a la survivance de son père, et signe pour lui en son absence[75]. Jamais on ne vit pareille survivance pour la charge de conseiller d'État. C'est que celle-ci fut toujours une fonction officielle, tandis que l'autre était tout d'abord un emploi domestique. Un secrétaire d'État, avait en 1610 les mêmes étrennes qu'un premier valet de chambre[76]. En 1640, on trouve trois d'entre eux, Henri de Loménie, Louis Phélyppeaux, François Sublet, dans l'état des officiers de la maison du Roi, entre les écuyers servants et les huissiers de la chambre. Le sieur de la Ville-aux-Clercs figure entre l'intendant des meubles et les trésoriers de la maison[77].

Les quatre secrétaires de la chambre du Roi n'étaient autres que les quatre secrétaires d'État[78] Le secret de l'élévation de ces derniers, c'est leur dépendance absolue du souverain. Moins ils étaient considérables par eux-mêmes, plus ils inspiraient de confiance à leur maître ; et si leur pouvoir s'accrut jusqu'à la fin de la monarchie, c'est qu'en devenant grands vis-à-vis de tous, ils surent demeurer petits vis-à-vis du Roi ; un prince despotique ne tolérant dans son royaume qu'une puissance qu'il peut toujours anéantir à son gré[79].

Cette puissance, d'ailleurs, il ne la concéda qu'avec ménagement. Ce fut seulement sous Charles IX, et en la considération de M. de Villeroy qu'il aimait, que les secrétaires d'État commencèrent à signer pour le Roi, en toutes sortes d'expéditions, les princes précédents ayant accoutumé de signer eux-mêmes. Le Roi Charles en donna pouvoir à Villeroy, disant qu'il n'y aurait pas plus de danger de les signer que de les faire, puisqu'il s'en remettait tout à fait à lui, et ne les lisait pas[80]. Ce droit lui fut retiré, ainsi qu'à ; ses collègues, par Henri III, qui leur défendit expressément d'écrire ou de recevoir aucune lettre en leur nom[81]. Toutes durent de nouveau être adressées au Roi, toutes les réponses être signées par lui[82]. Elles continuèrent, pendant tout le dix-septième siècle, à être envoyées directement au monarque. Les secrétaires d'État les contresignèrent ensuite[83], mais l'autorité nominale ne leur appartint que longtemps après.

On se tromperait donc étrangement, si l'on croyait que les secrétaires d'État de la guerre ou des affaires étrangères étaient placés, sous Louis XIII, au sommet de la hiérarchie militaire ou diplomatique. Simples agents de transmission des volontés royales, ils n'avaient aucun pouvoir ni sur un général, ni sur un ambassadeur. Richelieu, en 1617, secrétaire d'État des affaires étrangères, ignorait même les instructions que nos agents à l'extérieur avaient précédemment reçues. Il dut leur demander à eux-mêmes de lui en envoyer une copie. J'ose, dit-il, mendier de vous cette faveur. Il s'excuse d'avance de la peine qu'il leur donne[84]. Quand on lui confie, dans la même année, le portefeuille de la guerre, il prie timidement Marillac (maréchal de camp en Champagne)[85] de lui donner des renseignements sur le nombre et la position des ennemis, sur leurs' projets et sur les siens : Vous n'attribuerez pas, je l'espère, lui dit-il, la prière que je vous fais, à une simple curiosité de savoir des nouvelles, mais bien à la nécessité[86], etc.

Du reste, toutes les dépêches ne passaient pas par les voies ordinaires des secrétaires d'État. Les gouverneurs des provinces, les chefs d'armée recevaient directement des courriers du Roi, et étaient invités à agir de même, selon la conduite usitée aux plus grands secrets des affaires[87].

Ce n'est pas que les agents ordinaires fussent dépourvus de moyens secrets de communication. Jamais on ne se servit autant de lettres chiffrées, de termes de convention et d'autres inventions ingénieuses. Jamais les encres sympathiques[88] et les alphabets mystérieux ne jouèrent un aussi grand rôle dans l'administration[89]. Il n'est pas rare de voir des dépêches d'une grande étendue qui ne contiennent pas un seul mot en clair. Quand on n'employait pas le chiffre lui-même, on avait recours au langage allégorique, alors fort à la mode, dont l'Astrée et le Grand Cyrus nous donnent un modèle dans la littérature[90].

La situation des secrétaires d'État, déjà très-secondaire, diminuait encore quand le Roi prenait un premier ministre, surtout quand ce ministre principal était un homme comme Richelieu. Un premier ministre, à cette époque, ne rappelle en rien les présidents du conseil de nos jours. C'était un ministre unique ; les secrétaires d'État n'étaient pas ses collègues, mais ses commis. Ils venaient prendre ses ordres et faisaient exécuter, chacun dans ses bureaux, le travail convenu, qui recevait de nouveau son approbation avant d'être signé par eux. Lui-même avait jour et nuit près de sa personne quelques secrétaires intimes. Richelieu d'ordinaire écrivait peu de sa propre main. Il dictait ; mais dans cette sorte de transmission, il ne laissait jamais un secrétaire aller à sa guise. Ses lettres personnelles sont nombreuses, beaucoup sont datées de la nuit. Il se levait quand une idée le dominait, et la faisait écrire à l'instant[91].

Entre les secrétaires d'État et Richelieu était le Père Joseph, qui, bien que sans titre, faisait fonction de second premier ministre. Il écrivait par ordre du maitre, surtout pour les affaires étrangères ; mais, comme les autres, il n'avait ni direction ni responsabilité[92]. Quand on régla que les principaux officiers du conseil donneraient tous les jours, chacun chez soi, une certaine heure d'audience, où tous pourraient leur présenter des mémoires[93], c'était seulement pour éloigner du Cardinal les sollicitations trop nombreuses, non pour attribuer plus de pouvoir à chacun de ses collaborateurs.

Non-seulement beaucoup de branches du gouvernement ne rentraient pas dans les attributions des secrétaires d'État, mais leur autorité était précaire et étrangement répartie sur celles qui leur étaient confiées. On avait distribué les affaires entre eux, en 1547, géographiquement, et non selon l'ordre méthodique. Chacun avait quelques provinces de France et quelques pays étrangers voisins de ces provinces. A l'un, la Normandie et la Picardie, en même temps que l'Angleterre, l'Écosse et la Flandre ; à l'autre, la Champagne, la Bourgogne et la Bresse, en même temps que l'Allemagne, la Suisse et la Savoie[94], etc.

Plus tard (1589), un seul fut chargé des affaires étrangères[95], mais l'administration intérieure demeura jusqu'à la Révolution partagée entre tous. Ce n'était encore là que les attributions de deux. de nos départements ministériels contemporains. Il est vrai que la guerre leur appartenait aussi ; mais dans les conditions où elle se faisait, ce fut longtemps une véritable sinécure. pour le secrétaire d'État que l'on supposait y présider. Celui-ci, sous Louis XIII, y joignit la marine du Levant (ou de la Méditerranée), tandis que la marine du Ponant (c'est-à-dire de l'océan Atlantique) fut donnée à son collègue des affaires étrangères. Le troisième eut la Maison du Roi et le clergé ; le quatrième, les affaires de la religion, protestante[96]. La Justice avait à sa tête le chancelier ; les Finances, le surintendant. Restaient le Commerce, les Travaux publics, les Colonies et l'Instruction publique. De colonies, nous n'en avions pas ; le commerce était fort restreint. Le Cardinal voulut s'en occuper lui-même, et y échoua, parce que la nature de son esprit, inquiet et dominateur, était fort impropre à le faire prospérer. Le commerce attendit Colbert. Les travaux publics étaient trop peu nombreux pour avoir besoin d'un représentant dans le conseil. Sully avait exercé un instant, sous le nom de Grand voyer de France, la charge de ministre des travaux publics ; mais à sa retraite, cette charge devint sans objet, puisque ses projets tombèrent dans l'oubli. Quant à l'Instruction publique, loin de songer à l'accaparer, le gouvernement n'estimait pas que la direction lui en incombât. Il se bornait à intervenir, par mesure de police ou d'encouragement, dans la lutte que les universités anciennes et les nouveaux ordres religieux soutenaient les uns contre les autres, sur le terrain de l'instruction supérieure.

L'instruction primaire, fort peu répandue encore, appartenait au clergé, qui la développait sans cesse.

Le domaine des secrétaires d'État fût encore demeuré très-vaste, s'ils y avaient régné sans partage. Mais le grand aumônier et les confesseurs du Roi disputaient à l'un l'administration de l'Église[97] ; le connétable, les maréchaux, l'amiral et les colonels généraux laissaient à l'autre une bien petite place dans l'administration de l'armée et de la marine[98] ; de plus, ils empiétaient volontiers sur leurs emplois réciproques. Le service du Roi, dit Richelieu en 1637, requiert que Sa Majesté défende à tout autre secrétaire d'État que M. de Noyers de se mêler des ordres de la guerre[99]. On vit plus d'une fois la même charge exercée par indivis, par deux secrétaires d'État qui la possédaient à la fois[100].

Augustin Thierry se trompe donc quand il dit que sous Henri IV se réglèrent d'une manière logique les départements ministériels, et que leurs attributions s'étendirent à tout ce que réclament les besoins d'une société vraiment civilisée[101]. Les départements ministériels étaient à peine réglés lors de l'avènement de Louis XIV. Les finances elles-mêmes, bien que soumises à un fonctionnaire plus ancien que les secrétaires d'État, — le surintendant créé sous Philippe le Bel, — offraient le spectacle d'une désolante anarchie.

Si les secrétaires d'État ne pouvaient presque rien, le surintendant pouvait beaucoup trop. Maître absolu des finances du royaume, il n'était pas sujet à rendre compte[102]. Richelieu, pour le rendre plus soumis, se proposait de lui refuser en général l'entrée du conseil : Le surintendant, dit-il, quand il a entrée au conseil secret, au lieu de venir rendre compte de l'administration des finances, devient le premier ministre, et tous les autres dépendent de lui, parce qu'il tient les cordons de la bourse, et ne fait que ce qu'il veut en toutes choses. Ce projet ne fut pas mis à exécution, et le Cardinal, qui ruina tant d'institutions utiles, n'essaya pas même de réformer celle-ci, bien que vicieuse. Cela tint à ce qu'ayant fait des surintendants ses créatures, il ne les craignit plus, et, comme il préféra toujours l'obéissance au talent chez ses subordonnés, il les laissa vivre. De 1623 à 1643, presque tous furent malhonnêtes ou peu capables ; quelquefois l'un et l'autre.

La Vieuville et Bullion ne songeaient qu'à s'enrichir ; Schomberg ou d'Effiat, qu'à s'illustrer à la guerre. Schomberg s'occupait avant tout de sa charge de l'artillerie, et laissait dérober impunément les trésoriers[103] ; l'honnête Arnaud d'Andilly, son secrétaire, le suivait dans les camps et y ouvrait les courriers. On juge s'il était facile de les tromper tous deux[104]. Le maréchal d'Effiat était sans cesse à la tête des armées en Piémont ou en Allemagne ; il lui eût été malaisé de surveiller d'aussi loin l'emploi des deniers publics. Du reste, tous y eussent perdu leur peine. Le Roi demandant à Arnauld, après la chute de Schomberg, s'il n'y avait pas eu de malversations, celui-ci lui répondit : Si Votre Majesté, en le nommant surintendant des finances, lui avait donné le pouvoir de nommer à toutes les charges qui en dépendent, il aurait été responsable de ceux qu'il y aurait mis ; mais Votre Majesté vendant ces charges aux plus offrants, il n'y entre que ceux qui ont le plus de passion de s'enrichir[105]. Cet état de choses se prolongea jusqu'au renvoi de Fouquet.

Nous ne parlerons pas des personnages qui, sous le nom de ministres d'État, siégeaient dans le conseil. Ce titre honorifique ne conférait aucun droit, n'imposait aucune obligation. Le bon vouloir de Richelieu en investit le marquis de Saint-Chaumont, le comte de Brassac[106], un ministre protestant converti, du nom de Ferrier[107], et plusieurs autres qui ne signalent pas des mérites extraordinaires. Les ministres d'État étaient, sous Louis XIII, supérieurs aux secrétaires d'État ; mais bientôt après, ces derniers parvinrent, sans conteste, à un rang où trente ans avant ils n'auraient osé prétendre. Tant que vécut le Cardinal, ils demeurèrent dans l'ombre ; à sa mort seulement, on aperçut les progrès qu'ils avaient faits, grâce à lui. Ils héritèrent de son immense pouvoir. Avant M. de Noyers, un secrétaire d'État à la guerre n'était rien. Richelieu en fit le maitre de l'armée[108]. Il donnait des audiences, auxquelles se pressaient tous les courtisans. On vit sous Mazarin le maréchal de la Force, âgé de quatre-vingt-neuf ans, attendre le ministre pendant trois heures dans la cour de Fontainebleau, et se tenir un quart d'heure découvert à son passage. Sous Louis XIV, il fallut être prince, duc ou maréchal, pour se soustraire à l'obligation d'appeler un secrétaire d'État Monseigneur. Un premier commis de Le Tellier n'aurait pas cédé son emploi, dès 1659, pour moins de 30.000 livres de rente[109].

Les secrétaires d'État abandonnèrent leur extérieur d'hommes de robe, à la grande indignation de la noblesse d'épée. Ils viennent successivement, dit Saint-Simon, à quitter le manteau, puis le rabat, après l'habit noir, ensuite l'uni, le simple, le modeste, enfin à s'habiller comme les gens de qualité ; de là, à en prendre les manières, puis les avantages, et, par échelons, admis à manger avec le Roi ; et leurs femmes, à titre du droit des places de leur mari, entrer dans les carrosses, et n'être en rien différentes des femmes de la première qualité[110].

 

IV

MAÎTRES DES REQUÊTES. — Au Parlement, au Conseil, en mission. — Création des intendances permanentes en province.

 

Les maîtres des requêtes furent pour les provinces, sous le nom de commissaires et d'intendants, les agents de la monarchie nouvelle, comme les secrétaires d'État furent ses instruments à Paris pour l'ensemble de la France. Simples magistrats à l'origine, ils gardèrent, en se transformant, le pouvoir judiciaire et y joignirent le pouvoir administratif. Leur mission première consistait à se tenir, à certaines heures du jour, à la porte du palais royal, cour y recevoir tous les placets qu'on voulait présenter au prince. Ils furent admis ensuite à donner leur avis sur ces requêtes. Puis on les autorisa à y répondre et à les juger en première instance. On appelait de leurs jugements à la grand'chambre du Parlement[111].

Quand l'affaire était de la compétence des conseillers d'État, ils se bornaient à l'étudier, et en faisaient l'objet d'un rapport au Conseil. Ils étaient donc à la fois membres du Conseil et du Parlement. Seulement, à l'un, ils étaient rapporteurs ; à l'autre, ils étaient juges[112]. Telles étaient leurs fonctions à la fin du règne de Henri IV[113].

Au Parlement, leur rôle demeura fort mince ; mais au Conseil, il grandit rapidement. Les quatre plus anciens d'entre eux y siégèrent de droit, en 1629, et bientôt tous les autres y siégèrent de fait[114]. Un poète du temps définissait leurs attributions en ces termes :

Suis jusques au Conseil les maitres des requêtes,

Et les distingue bien les uns ont le pouvoir

De juger finement un procès sans le voir[115] ;

Les autres, comme dieux, près le soleil résident,

Et démons de Plutus, aux finances président[116]...

Cette double tâche les rendit considérables. Ils eurent voix délibérative dans toutes les compagnies souveraines, assistèrent au conseil secret du Parlement, et y prirent place immédiatement après les présidents à mortier[117]. Leur nombre augmenta en conséquence. On en créa dix nouveaux en 1635, douze en 1639, six en 1643[118]. Les anciens officiers se plaignirent d'abord de ces créations nouvelles ; ils réclamaient de fortes compensations. Le gouvernement leur en donna une, à laquelle ils ne pouvaient songer : les intendances. Chargés d'abord dans les provinces de missions temporaires, ils y furent maintenus d'une façon définitive, ils les gouvernèrent en maitres. On leur livra tout : armée, justice, finances, police. Véritables vice-rois, ils purent désorganiser à leur gré tout ce qui subsistait auparavant. On n'exigea d'eux, en retour d'un pouvoir absolu sur les peuples, qu'une obéissance absolue au Roi[119].

Les pays d'états ne furent pas exempts de cette domination, et l'on vit plus d'une fois des maîtres des requêtes, devenus intendants, présider aux délibérations de l'élite d'une province, comme le Languedoc ou le Dauphiné[120].

La principale vertu pour réussir dans ces charges était la soumission au ministre. Aussi un Bellièvre, un Nesmond, un de Mesme les possèdent peu de temps et sans gloire ; tandis qu'on y voit s'illustrer tristement Vertamont, juge d'Urbain Grandier ; de Machaut, juge de Chalais, qui faisait pendre si légèrement les marchands de blé pendant son intendance en Languedoc ; de Paris, intendant à Rouen, dont l'administration rigoureuse contribua, en 1639, à exciter la sédition des Pieds-nus ; et de Lauson, que Richelieu chargeait d'interroger Cinq-Mars, l'estimant tout à fait capable de trouver les moyens pour venir à ses fins[121].

 

 

 



[1] BODIN, dans sa République (p. 437), donne au mot connétable cette origine : Capitaine d'une compagnie establie et connestablie, comme nous lisons bien souvent dans Froissard. Mais il est dans l'erreur ; il y avait des connétables bien avant qu'il y eût des compagnies de gens de guerre.

[2] Sous Louis VII, en 1223. (Comte DE BOULAINVILLIERS, Ancien Gouvernement, t. III, p. 129.)

[3] On peut voir le détail de la Maison du Roi aux Appendices et à l'Épargne, dans le volume suivant.

[4] Le nombre des subordonnés était prodigieux, et il augmenta sans cesse, jusqu'à la fin de la monarchie. Déjà en 1648, il y avait cent soixante-dix maîtres d'hôtel ordinaires, tous appointés. (Archives nationales, KK. 199, fol. 31.) Le grand écuyer Bellegarde avait jusqu'à douze pages du Roi attachés à sa personne.

[5] Au bas des arrêts, il écrit : Cancellarius scripsit, et signe.

[6] FAUVELET DU TOC, Histoire des secrétaires d'État, p. 11.

[7] BRIENNE, Mémoires, p. 15, édit. Michaud. — Richelieu dit, de son côté, dans un mémoire en faveur des cardinaux : Ceux qui savent l'histoire ne peuvent ignorer que les chanceliers n'ont eu entrée au conseil que depuis un certain temps. Tous les chanceliers, jusques à M. de Sillery, n'ont jamais été du conseil des affaires secrètes, ni de la direction des finances, sinon pour quelques occasions extraordinaires, où le feu Roi les y faisait appeler. (Lettres, instructions, et papiers d'État, t. II, p. 11.)

[8] Il servait aussi d'intermédiaire entre le Roi et les compagnies souveraines, et jouait le rôle de conciliateur entre les deux.

[9] Chancelier de France, fils du premier président du parlement de Grenoble. Son père, dit G. PATIN (Lettres, t. II, p. 291), y avait été conseiller, et venait d'un notaire de Lyon, qui avait épousé la fille d'un médecin. Le frère du chancelier fut aussi premier président à Grenoble. Son fils, Nicolas de Bellièvre, fournit une brillante carrière au Parlement de Paris, où il fut président à mortier.

[10] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 45. — Ailleurs, Bassompierre raconte (ibid., p. 136) que le duc de Bouillon le loue de se tenir toujours au gros de l'arbre, de suivre le parti où la personne du Roi était, où il y a le sceau et la cire.

[11] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 133. — D'Épernon soutient (1619) que le garde des sceaux doit être assis dans le conseil au-dessous du chancelier, et non pas vis-à-vis de lui. Brienne (Mémoires, p. 15) : Les présidents du Parlement refusaient de se lever quand le garde des sceaux allait prendre sa place, prétendant ne devoir rendre cet honneur qu'au chancelier. Le Roi leur donna l'ordre formel de le faire, puisqu'ils se rendaient cet honneur entre eux, et même an dernier des présidents. (RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 455.) Voyez à l'Appendice : la préséance.

[12] Nicolas Brulart de Sillery, chancelier de France, né 1544, † 1624, conseiller au Parlement sous Charles IX, maitre des requêtes sous Henri III. On lui reprit les sceaux en 1616, on les lui rendit en 1623, pour les lui reprendre en 1624. Richelieu dit qu'il avait le cœur de cire, et blâme sans cesse sa lâcheté. Il avait épousé Claude Prud'homme. De ses filles, l'une épousa (1601) Gaspard Dauvet, seigneur des Marets ; l'autre, le fils de Pomponne de Bellièvre, chancelier de France. Celle-ci était, dit Tallemant, une demoiselle fort galante et tout à fait dans les visions de la cour. Son fils fut le marquis de Puisieux. Le chancelier bâtit le château de Berny. Les Brulart (Dictionnaire des anoblis, p. 6) prétendaient remonter au treizième siècle.

Étienne d'Aligre (ou d'Haligre), né 1539, † 1633, relégué dans ses terres- Président au parlement de Bretagne sous Henri IV, qui l'appréciait ; conseiller d'État et intendant de Marie de Médicis ; garde des sceaux en 1623 ; chancelier 1624, disgracié 1626. Il fut, dit Tallemant (t. II, p. 151), du conseil de M. le comte de Soissons, le père. C'était un homme fort laborieux, un vrai cul-de-plomb, et un esprit assez doux et assez timide. En effet, le manque de fermeté qu'il montra vis-à-vis de Monsieur causa son renvoi.

Pour Marillac, 1626-1630, Châteauneuf, 1630-1633, et Séguier, 1633 à la fin du règne, voir plus loin.

[13] CHÉRUEL, Administration monarchique, t. Ier, p.226. — Jusqu'alors cette assemblée avait porté les noms de conseil du Roi, grand conseil, conseil étroit. Il est impossible d'admettre que le conseil royal ait porté, jusqu'à Henri III, le nom de grand conseil, puisque ce dernier formait, depuis sa création (1498), une compagnie distincte et indépendante.

[14] VILLEROY, Mémoires. Sous Henri IV, le conseil d'État, ainsi composé, tenait deux séances par jour pendant trois jours de chaque semaine. Les autres jours se tenaient des conseils spéciaux.

[15] En 1614, le plus ancien cardinal, le plus ancien maréchal, le plus ancien duc on officier de la couronne, assistent encore de droit aux séances. (PONTCHARTRAIN, Mémoires, p. 337.)

[16] Ordonnance d'institution, art. 8. — On sait qu'au début, les chevaliers se recrutaient eux-mêmes et nommaient leurs confrères, à la pluralité des voix, dans les chapitres généraux.

[17] BOULAINVILLIERS, Ancien Gouvernement, t. II, p. 237.

[18] SEYSSEL, Grant Monarchie de France, p. 27 et 28. — Il en recommandait encore deux autres : le conseil ordinaire et le conseil secret, composés de même, parce que la chose principale et plus requise que nulle autre en tout régime monarchique, c'est que le monarque ne fasse aucune chose par volonté désordonnée, ni soudaine, ains en toutes ses actions, mêmement concernant l'État, use de conseil.

[19] BODIN, République, p. 343. — En effet, dit-il, si le prince choisit lui-même son conseil, comment le prince hébété serait-il pourvu de bon conseil, puisque le premier point de la sagesse gît à savoir bien connaître les hommes sages ?

[20] Les états généraux de 1614 demandèrent que, outre les princes, Sa Majesté composât son conseil de quatre prélats, quatre gentilshommes, quatre officiers, par chacun des quartiers de l'année.

[21] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p.54. — Il y en a d'État, de guerre, des finances et des ordres. Personne n'y doit entrer sans avoir auparavant passé par d'autres emplois. Il ne se fait rien de semblable en France, ajoute-t-il, car n'y ayant point de conseil réglé, ni qui soit stable, on ne change point de Roi ou de favori, qu'on ne change aussi de dessein.

[22] Il avait proposé en 1620 la création de quatre conseils : le premier, composé des cardinaux, chancelier, garde des sceaux, archevêques, évêques et prélats choisis par le Roi pour traiter l'état et police de l'ordre ecclésiastique ; le deuxième, des chancelier, maréchaux, colonels de l'infanterie et de la cavalerie, secrétaires d'État et mestres de camp, pour les affaires de la guerre ; le troisième, des chancelier, surintendant et intendants des finances, pour les affaires financières ; le quatrième, des maitres des requêtes, assistés de quatre députés du clergé, quatre de la noblesse, quatre du tiers état, pour les affaires contentieuses. (Archives nationales, KK. 1355, fol. 71.)

En 1625, il fit rédiger un projet de règlement dans ce sens, puis on n'en parla plus. (Voyez Lettres et papiers d'État, t. II, p. 169.)

[23] Richelieu, dit M. CHÉRUEL (Administration monarchique, t. Ier, p. 986), fit du conseil d'État la pépinière des administrateurs qui devaient porter jusqu'aux extrémités de la France les volontés du souverain et assurer l'exécution rapide et complète de ses ordres. Le conseil eut ainsi un rôle pins administratif et moins politique, et le Roi sentait si bien qu'il manquait de surface politique, que lorsqu'il quittait Paris, il lui adjoignait, pour faire l'intérim du gouvernement, le grand aumônier, le premier président du parlement de Paris, le procureur général et quelques autres (RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 143.)

[24] RICHELIEU, Mémoires, t. Ier, p. 211.

[25] Ce sont les règlements du 1er juin 1624, du 11 mars 1626, du 18 janvier 1630. Ce dernier établit trois sections, sans compter le conseil privé 1° le conseil d'État et des finances (séant le jeudi) ; 2° le conseil des affaires et dépêches (le mardi) ; 3° le conseil de la direction des finances (le mercredi).

Le premier a les affaires générales, les cultes et quelques attributions de finances et de travaux publics. Le second a également la politique et l'administration en général, et quelques attributions militaires. Le troisième a des attributions de finances, et généralement celles des affaires administratives de notre conseil d'État actuel.

Sous Louis XIV, en 1661, on en compte cinq (voyez M. DE LUÇAY, les Origines du pouvoir ministériel) : conseils secret, d'en haut, de la guerre, des dépêches, d'État ou des finances.

[26] Souveraineté du Roi, p. 157 (publiée en 1632). — Cardin Le Bret, seigneur de Flacourt, né 1558, avocat général au Parlement 1617, conseiller d'État. En 1629, intendant de justice à Metz, se montra très-ardent contre le duc de Lorraine. Fut plusieurs fois commissaire dans les procès politiques intentés par Richelieu. Gui Patin annonce ainsi sa mort en 1653 (Lettres, t. III, p. 46) : Hier mourut un homme très-vieux et considérable en sa qualité, M. Le Bret, doyen des conseils, âgé de quatre-vingt-quatorze ans. Ce fût lui qui donna le coup de mort au maréchal de Marillac, pour remerciement du brevet de premier président du parlement de Metz, que d'ailleurs on lui ôta peu après, et qui fut vendu à un autre. On voit en 1620 Charles Le Bret receveur des deniers communs de la ville de Paris, et en 1625, Jacques Le Bret, trésorier des menus.

[27] Où l'on délibère sur les déclarations que l'on fait contre ceux qui brassent des menées secrètes contre sa personne et contre l'État ; où l'on reçoit les avis de tout ce qui se passe, soit dans les pays étrangers, soit dans les provinces du royaume ; où on lit les dépêches des ambassadeurs et où on leur donne l'adresse comme ils se doivent conduire en leurs ambassades ; où l'on donne conseil au Roi d'établir de bonnes et saintes ordonnances et de révoquer les mauvaises. (LE BRET.)

[28] C'était un piège tendu à Richelieu, mais celui-ci repoussa cette combinaison bâtarde, qui l'éloignait de la direction supérieure des affaires. Comment prendre, dit-il, dans ce conseil d'en bas, les résolutions généreuses et prudentes qu'on ne peut attendre que du Roi et de son conseil ? Du reste, pendant qu'on prendrait une résolution au conseil des dépêches, on en pourrait prendre une autre au conseil, en la présence du Roi. (RICHELIEU, Mémoires, t. Ier, p. 286.)

[29] Le règlement du 18 janvier 1630, dû à Marillac, ordonnait : Afin que l'on tire éclaircissement des affaires semblables, sera tenu registre par chacun des secrétaires et greffiers du conseil. Mais il resta lettre morte, comme presque tout ce que fit Marillac. M. Chéruel, dans son Administration monarchique (t. Ier, p. 291), parle du conseil d'État en homme qui n'a jamais vu les arrêts originaux et le fonctionnement de ce rouage gouvernemental. Il le décrit théoriquement, d'après des ordonnances qu'il suppose avoir été exécutées. Il a vu dans l'ordonnance : On fera ceci et cela, et il dit, parlant du conseil : On faisait ceci et cela. C'est une erreur ; on faisait tout autre chose et tout autrement. C'est le danger d'écrire d'après les lois, sans s'occuper de leur mise en pratique.

[30] Ils sont déposés aujourd'hui aux Archives nationales, où l'administration a commencé â les faire relier. Chaque carton fournit à peu près la matière de deux volumes in-folio pour cette époque. De 1624 à 1643, il y avait, pour le conseil des finances, quatre-vingts cartons (de E 78 à E 158), soit cent soixante volumes contenant une moyenne de trois cents arrêts, ce qui donne pour cette période environ quarante-huit mille arrêts du conseil des finances. Il n'existe aux Archives que deux volumes du conseil des dépêches à cette époque (E 1685 — E 1686). Le conseil privé est le plus abondant (V 6, 34 à 153).

[31] Ou bien : Entre N... et N...

[32] E 78 a, 8 janvier. (Archives nationales.) — La date est d'ordinaire au bas de la page, après les signatures. Il y a en tête une autre date, mais elle est d'une écriture moderne et en chiffres arabes, tandis que la date de l'époque est toujours énoncée eu chiffres romains.

[33] Voyez arrêts des 24 et 25 janvier 1624. (Loc. cit.)

[34] Les expéditions des arrêts du conseil d'État étaient délivrées et signées par le secrétaire d'État de la maison du Roi.

[35] Samuel Spifame, seigneur de Bisseaux ou Buisseaux. Sa sœur épousa Jacques Rivière, chevalier, vicomte de Comnène et de Quincy. Sa famille est fort connue au seizième siècle. Son grand-oncle, Jacques-Paul Spi-faine, président au Parlement, évêque de Nevers, abjura le catholicisme, se maria, fut fait pasteur, et finit par être décapité à Genève, sur l'ordre de Calvin. Le frère de Jacques, avocat au Parlement, enfermé dans un château royal, composa trois cents arrêts de fantaisie, dont plusieurs ont été attribués à Henri III.

Charles Brulart, prieur de Léon, en Bretagne, cousin du chancelier, ambassadeur à Venise, 1617, puis en Suisse et à Ratisbonne (1630) avec le P. Joseph, † 1649, doyen des conseillers d'État. A laissé une relation manuscrite de ses ambassades.

Jean-Jacques de Mesmes, seigneur de Roissy, né 1559, conseiller au Parlement (1583), maitre des requêtes (1594), conseiller d'État (1600), fut chargé en 1617 d'espionner la Reine Marie, pour le compte de Luynes. Il était fils du seigneur de Malassise, qui conclut avec les huguenots la paix à laquelle il donna son nom, † 1642.

[36] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 111.

[37] Dans ce cas, on remplaçait la formule : Le Roi en son conseil, par celle-ci : Le Roi étant en son conseil.

[38] Omer TALON, Mémoires, p. 152.

[39] On les placardait à la grande porte du château du Louvre, à la porte du garde des sceaux, à l'entrée de la cour du Palais, à la muraille du grand degré de la Chambre des comptes, aux portes du grand et du petit Châtelet, à l'entrée de l'hôtel de ville. Ces arrêts, très-variés, créaient naturellement une législation incohérente. Il était ordinaire alors, dans une affaire un peu compliquée, de voir les avocats apporter chacun un certain nombre de décisions antérieures, jugeant la même question en sens contraire. Il est vrai qu'il en est de même aujourd'hui, mais au moins le changement de jurisprudence ne constitue pas une variation de la loi.

[40] Construction faite par Gabrielle d'Estrées, dans le style du temps. (TALLEMANT, Historiettes, t. III, p. 144.)

[41] Plumitif de la Chambre des comptes, P. 2763, fol. 8. Archives nationales.

[42] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 35. — Cet usage de faire entrer des étrangers au conseil subsista longtemps. Les officiers de la Chambre des comptes et du Parlement y turent souvent mandés.

[43] Les avocats avaient dans les principales résidences du Roi des maisons exemptées de la craie, où ils logeaient leurs clients. (Lettres patentes, septembre 1641.)

[44] Au dix-huitième siècle, les cardinaux passèrent avant les princes.

[45] Règlement du 18 janvier 1630.

[46] TALON, Mémoires, p. 65 et 67. — Dans les cours souveraines, on se couvrait après les premiers mots de son avis. Sous Louis XIV, on était assis au conseil des finances, parce qu'il faut être à son aise pour écrire et compter. Mais au conseil des dépêches, tout le inonde était debout, sauf le chancelier et le chef du conseil des finances. (Abbé DE CHOISY, Mémoires, p. 579.)

[47] On peut observer que les pays où le prince accepte le moins de conseils sont justement ceux où il a le plus de conseillers. C'est ce que nous voyons aujourd'hui encore en Russie.

[48] Ce dernier l'obtint pour ses pièces. (TALLEMANT, t. VIII, p. 134.) Le nonce l'eut en 1616, mais à la fin de sa nonciature. C'était un moyen de lui donner une pension. (Lettres et papiers d'État de RICHELIEU, t. Ier p, 198.)

[49] Richelieu accuse Châteauneuf de ce trafic, notamment pour le sieur Godart. (Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 459.)

[50] En 1621. (BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 162.)

[51] Flor. RAPINE, Rel. des états généraux, p. 216. — D'Ormesson en compte quarante en 1616, mais ce chiffre était doublé par les maîtres des requêtes et les officiers de finances.

[52] En 1630. (Voyez à l'Appendice.)

[53] Mémoires, p. 4.

[54] TALON, Mémoires, p. 95.

[55] Le conseil privé, dit LE BLET (Souveraineté du Roi, p. 157), est établi pour recevoir les plaintes des oppressions et des tyrannies que l'on exerce sur le peuple, dans les provinces, à quoi ni les juges ordinaires ni les parlements ne peuvent ou négligent de donner ordre, pour juger des différends qui arrivent entre les cours souveraines, pour conserver les droits et l'autorité de la couronne, pour connaitre des évocations en d'autres parlements, pour ordonner sur les règlements de juges, pour avoir l'œil sur les baux à terme des revenus du royaume. Ses archives devaient être réunies au Louvre. Édit de mars 1631.

[56] Ou à certains corps, comme à l'Ordre de Malte, à celui de Cîteaux, aux Jésuites, aux Pères de l'Oratoire, en 1629, et à plusieurs autres, avec ces termes : circonstances et dépendances (O. TALON, Mémoires, p. 135.)

[57] Elles en effrayaient aussi leurs adversaires, qui aimaient mieux se racheter, que de courir le hasard devant des juges qu'ils ne connaissaient pas et qui étaient choisis par leurs parties. (O. TALON, Mémoires, p. 135.)

[58] O. TALON, Mémoires, p. 135. Et quelle vexation aux parties, même si elles gagnaient, de soutenir une instance au conseil, où la juridiction était ambulatoire, où personne n'était condamné quand il ne voulait pas comparoir ! La quatrième espèce d'évocations consistait dans le renvoi de l'affaire aux requêtes de l'hôtel, où les juges changeaient de trois en trois mois.

[59] DU HAILLAN, État des affaires de France, liv. III.

[60] Quinze sous.

[61] Remontrance citée dans la Réformation du conseil privé, publiée en 1625 (p. 15). Les abus, disait-on, viennent premièrement du nombre effréné d'avocats, clercs et solliciteurs.

[62] Lettres et papiers d'État de RICHELIEU, t. II, p. 169.

[63] Au Parlement, le contentieux civil ; à la Cour des aides, le contentieux financier. (Reg. du 18 janvier 1630.)

[64] Archives nationales, KK. 624. — Le grand conseil, institué par édit du 13 juillet 1498, se composait du chancelier, des maîtres des requêtes, de vingt conseillers, d'un procureur général et de deux secrétaires. Il eut ensuite un premier président et des présidents particuliers. Par édit de décembre 1635, on créa deux présidents et dix conseillers nouveaux.

[65] On a vu qu'au conseil d'État, en tête de l'arrêt, on inscrivait cette formule : Le Roi en son conseil... Il n'en était pas de même au grand conseil, où l'on se contentait de mettre : Le conseil...

[66] Le Tonnelier devint en 1620 procureur général à la cour des aides.

Pierre Dreux, conseiller au grand conseil, y devint en 1627 avocat général. La maison de Brézé s'était fondue dans celle de Maillé, qui devait en porter le titre. La branche des Maillé-Brézé s'étant éteinte par le décès du duc de Fronsac, neveu de Richelieu, la famille parlementaire de Dreux acheta à la fin du dix-septième siècle le marquisat de Brézé, dont elle prit le nom.

Charles Malon, sieur de Bercy et de Conflans, premier président du grand conseil (1613), avait été conseiller à la cour des aides (1595), puis au Parlement (1598), maitre des requêtes (1608) et conseiller d'État. † 1638, à soixante-dix ans. Il fut le seul des présidents que Luynes ne parvint pas à gagner. Bois-Robert et Molière ont pris pour type le président de Bercy, l'un dans sa Belle Plaideuse, l'autre dans l'Avare, dans la scène où le père fait métier d'usurier envers le fils. Charles Malon était beau-frère de Matignon.

Le Gras, secrétaire des commandements de la Reine Marie, puis de la Reine Anne, maitre des requêtes (1636). Il est porté pour six mille livres sur l'état des gages du conseil. Un arrêt du Parlement, de 1635, ordonne de partager noblement la succession de son père.

Trois conseillers au grand conseil, J. de Bretinières, Pierre de Bernières, Henri de Maton, eurent à cette époque des procès pour rapt et enlèvement. Un autre, le sieur de Mézières-Le Normand, assassina sa femme et fut condamné à avoir la tête tranchée.

[67] Le Roi renvoyait un secrétaire d'État, et en prenait un autre, à l'insu de ceux qui étaient en fonction avec lui, qui généralement n'étaient pas consultés. Richelieu nous fait lui-même connaître cette situation. (Mémoires, t. Ier, p. 302.)

[68] Le Règlement de 1589 leur attribue un clerc et six commis à chacun. C'est le point de départ des bureaux actuels. On voit s'ils ont prospéré ! L'un portait le titre de premier commis et le conserva jusqu'à la Révolution, alors que ce titre correspondait à celui de directeur.

[69] Philippe VI de Valois en avait sept, et soixante-quatorze secrétaires notaires ; le roi Jean, cinquante-neuf ; Charles V, huit ordinaires et trois extraordinaires en tout. Charles VI les porta à douze. Dans ses voyages, Louis XI se servait du notaire de chaque localité, qu'il mandait, faisait écrire sous sa dictée, et par lequel il faisait même contresigner ses lettres. Henri II les réduisit à quatre, et porta en 1547 leurs gages de 1.623 livres à 3.000. (FAUVELET DU TOC, Histoire des secrétaires d'État, p. 11.)

[70] Ce qui constitua d'abord la différence des secrétaires ordinaires et privilégiés avec les autres secrétaires du Roi, ce fut l'autorisation, donnée aux premiers par lettres patentes, de signer en finances. Au dix-septième siècle, les secrétaires d'État méprisèrent cette qualité de secrétaire des finances, ambition de leurs prédécesseurs, et l'abandonnèrent aux simples notaires-secrétaires.

[71] En 1624, La Vieuville propose de faire entrer au conseil les secrétaires d'État, mais en leur donnant place au-dessous des autres conseillers. (BRIENNE, Mémoires, p. 29.) Henri IV traitait souvent les affaires dans une galerie, avec ceux de son conseil. Les secrétaires d'État s'y trouvaient aussi, pour rendre compte de leurs charges, mais ils n'approchaient point qu'ils ne fussent appelés. (FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 18.) Dans le conseil jugeant le duc de la Vallette, en 1638, les quatre secrétaires d'État étaient debout, tandis que les ducs, les conseillers d'État et les conseillers au Parlement étaient assis. (TALON, Mémoires, p. 64.)

[72] FAUVELET DU TOC, id., ibid.

[73] La fonction de secrétaire du Roi fut, du reste, sous Louis XIII, avilie par le nombre. Au commencement, ils étaient vingt-six. On en créa d'abord dix nouveaux ; puis, par édit de décembre 1635, on porta leur nombre à cent vingt, par la création de quatre-vingt-quatre charges nouvelles. Leurs gages fixes étaient de 1.280 livres, plus des droits de sceau et deux minots de sel.

[74] Le Règlement de 1588 portait : Lorsqu'ils se trouveront au conseil, ils se tiendront debout, si le Roi y est, et assis auprès d'une petite table à part, si le Roi n'y est pas, séparés de la séance des conseillers, à moins que l'un d'eux n'ait séance. Dans ce cas, ils avaient voix consultative et délibérative ; dans le cas contraire, ils avaient seulement voix délibérative, et seulement pour les affaires qui les concernaient.

[75] BRIENNE, Mémoires, p. 4.

[76] Archives nationales, KK. 201, Comptes de l'épargne, fol. 2.

[77] Extrait des offices commensaux chez Rocollet. — Henri-Auguste de Loménie, seigneur de la Ville-aux-Clercs, comte de Brienne, auteur des Mémoires de ce nom, né 1594 ; secrétaire d'État de la maison du Roi, de 1615 à 1643 ; maitre des cérémonies et prévôt des ordres du Roi, 1617 : ambassadeur en Angleterre, 1626. Il avait été éloigné en 1638, et rentra en grâce en 1641. Il était fils d'Antoine de Loménie, secrétaire d'État sous Henri IV, et d'Anne Aubourg de Porcheux. Il épousa, 1643, Louise de Béon, de la maison de Luxembourg. Il avait d'un premier mariage deux filles, mariées, l'une au seigneur de Vivonne, l'autre au marquis d'Orléans-Rothelin.

Louis-Henri de Loménie, fils de précédent, lui succède dans sa charge, épouse Henriette Bouthillier, fille du comte de Chavigny, très-belle personne ; fut enfermé à Saint-Lazare de 1674 à 1692, pour une affaire assez obscure. Il avait dupé le duc de Mecklembourg, mais il y eut aussi beaucoup de dureté de la part de ses parents. † 1698 à l'abbaye de Saint-Severin de Château-Landon.

[78] Voyez État de la France (1660). La qualité de secrétaire de la chambre est devenue tellement commune, que ceux qui n'en ont pas prennent celle-ci.

[79] D'après le Règlement de 1588, ils ne devaient hanter, ni fréquenter, ni manger, chez quelques princes, seigneurs ou autres quels qu'ils fussent, que chez Sa Majesté, ou entre eux, ne rien prendre que de Sa Majesté. Ils étaient toujours révocables. Leur devoir les attachait exclusivement à la personne du Roi ; ils s'en faisaient aussi un titre de gloire. Beauclerc, l'un d'eux, refusa en 1628 de rester auprès de Richelieu, à la Rochelle, quand le Roi quitta cette ville, disant que le Roi et sa plume ne se doivent pas séparer . Il est vrai qu'il fut immédiatement disgracié. (FAUVELET DE TOC, ibid.) Les secrétaires d'État devaient encore u être bons catholiques n et avoir trente-cinq ans. Cette dernière règle fut souvent violée.

[80] FONTENAY-MAREUIL, Mémoires, p. 128. Ensuite de quoi, tous les autres secrétaires d'État firent de même.

[81] Cependant, les Rois se servaient déjà de l'autorité des secrétaires quand ils la jugeaient utile à couvrir leur responsabilité. Charles VIII avait donné un sauf-conduit en temps de guerre à un prince italien, qui tomba pendant son voyage dans une embuscade française et fut fait prisonnier. Il fut décidé en plein conseil que cette prise était valable, parce qu'un sauf-conduit, quoique accordé et signé par le Roi, est imparfait jusqu'à ce qu'il soit contresigné d'un secrétaire d'État. — GUICHARDIN, Histoire d'Italie, t. II, p. 50.

[82] Règlement de 1588. — Villeroy s'en plaint amèrement dans ses Mémoires. Nous n'écrivions, dit-il, que ce que nous connaissions être de l'intention de Sa Majesté. Désormais toutes les dépêches furent portées le matin au Roi : elles étaient ouvertes en sa présence, et il les faisait lire à tour de rôle par les secrétaires d'État. Ceux-ci les lisaient même quelquefois à voix basse ; dans ce cas, leurs collègues ne devaient pas chercher à connaitre ce qu'elles contenaient.

[83] Lettres et papiers d'État de RICHELIEU, préface, p. XIV.

[84] Lettres et papiers d'État de RICHELIEU, t. I, p. 196.

[85] Louis de Marillac, né 1572, frère cadet du garde des sceaux, fils d'un avocat dubiæ nobilitatis, dit Tallemant. Épousa une Médicis, mais d'une branche si éloignée, que la Reine ne la reconnaissait pas pour sa parente. Gentilhomme de la Chambre sous Henri IV, 1617 ; aide-maréchal de camp, gouverneur de Verdun, puis lieutenant général dans les Trois-Evêchés ; conseiller d'État ; membre de l'assemblée des Notables, en 1626 ; maréchal de France, 1629. (En 1620, il s'était battu pour la Reine mère.) Il était grand, bien fait, robuste et adroit à tous les exercices du corps. Il entendait fort bien la guerre, et était très-brave. On l'appelait toujours Marillac l'Épée. Décapité en 1632.

[86] Lettres et papiers d'État de RICHELIEU, t. I, p. 352. Chaque secrétaire d'État emportait, en quittant son poste, les documents qu'il avait eus entre les mains. Il les considérait comme sa propriété personnelle ; les actes des affaires du Roi se confondaient ainsi parmi les papiers des familles particulières, en sorte que la mémoire s'en perdait. (RICHELIEU, Lettres et papiers d'État, t. III, p. 134.) On fit à cet égard un règlement en 1628, on en fit un antre en 1630 (18 janvier) ; ils ne furent pas mieux observés que celui de 1588, qui ordonnait de remettre an Roi, tous les trois mois, les copies des dépêches et réponses écrites au long en un cahier de papier que Sa Majesté veut garder devers elle. Quand La Ville-aux Clercs quitta le ministère, on constata que tous ses papiers étaient épars.

[87] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 420.

[88] Voyez LA PORTE, Mémoires, p. 20.

[89] SANDRAZ DE COURTILS, dans ses Mémoires de M. L. C. D. B. (comte de Rochefort), p. 37, en donne un exemple : Quelquefois un trait semblable signifiait vingt mots différents, et il n'y avait que ceux qui possédaient la clef qui pussent y connaître quelque chose. Pour bien expliquer ceci, il faut savoir qu'on était convenu qu'un trait signifierait un mot tout entier, d'une ligue de saint Augustin, et que pour savoir lequel c'était, on mettrait le chiffre de la page au-dessous du trait, et à côté celui de la ligne-et celui du rang où se trouverait le mot. Si c'était le mot J'aurais et qu'il fût à la dixième page de saint Augustin, à la dixième ligne, et le cinquième en rang dans la ligne, la figure était faite de cette manière : 10 1. 105.

[90] Les hommes et les choses y ont leur surnom. Le Roi s'appelle Alexandre ou le Chêne ; la Reine, Diane ; le duc d'Orléans, Hébertin ; la Reine mère, Hébert. Richelieu y est désigné sous les pseudonymes de Nestor, d'Amadeau, de Calori ; Mazarin, sous ceux de Cohnardo ou de Frère Coupe-chou ; le Père Joseph, sous celui d'Ezéchiély. Les filles d'honneur deviennent les Sibylles ; la Seigneurie de Venise, Julien. Joachim signifie les Grisons ; un esturgeon signifie une alliance. Le Dauphin s'appelait l'Œillet ; Cinq-Mars, Scipion ; le comte de Soissons, le Sédentaire ; la comtesse sa femme, Orante ; la Meilleraye, César ; Routhillier, Tomas ou le Romarin ; le marquis de Mortemart, Mathusalem ; madame de la Flotte, Lisine ; M. et madame de Brassac, Jasmin et Arminte ; M. et madame de Chevreuse, le Lapidaire et la Lapidaire, etc., etc.

[91] Il se couchait ordinairement à onze heures, dormait quelques heures, puis écrivait, ou dictait, et se rendormait sur les six heures, pour se lever entre sept et huit. Son principal secrétaire, Charpentier, était avec lui en 1608, quand il alla prendre possession de l'évêché de Luçon, et ne le quitta pas jusqu'à sa mort. Il imitait assez bien l'écriture du Cardinal, lorsque l'étiquette exigeait qu'il parût avoir écrit lui-même. C'était le secrétaire de la main, comme Lucas, près de Louis XIII, du Fin, près de Henri IV, et Bose, puis de Louis XIV. Il n'a jamais voulu prendre la moindre confiscation, dit Tallemant (t. II, p. 187), a refusé des dons, et s'est contenté de peu de chose. Un antre secrétaire fut Pierre Cherré, qui devint maitre des comptes en 1642. Il était de Nogent-le-Rotrou, et plut au Cardinal, parce qu'il était secret et assidu. Il fut chassé pour avoir entretenu un commerce de lettres avec un prisonnier à la Bastille, puis repris.

[92] Voyez sur le cabinet de Richelieu ses Lettres et papiers d'État, Préface, p. XIII. François Le Clerc du Tremblay, né 1577 † 1638, surnommé l'Éminence grise. Fils d'un président aux requêtes du Palais, se fit capucin avant vingt-deux ans, se signala par ses missions et ses réformes claustrales. Le Cardinal lit connaissance avec lui en Poitou, où il était envoyé par ses supérieurs. Jamais, dit Tallemant, il n'y eut un homme plus intrigant, ni d'un esprit plus de feu. Un temps, il ne faisait que prêcher la guerre sainte. Madame de Rohan, MM. de Mantoue, de Brèves et lui, prenaient fort souvent tout l'Etat du Turc. Richelieu en parle pour la première fois dans ses Mémoires en 1617, comme d'un homme qui lui donne de bons avis ; et deux ans plus tard, qui a grande passion au rétablissement de ses affaires. Son frère fut gouverneur de la Bastille. On voit un Jean du Tremblay trésorier de l'extraordinaire des guerres en 1625, et une demoiselle Marie Le Clerc du Tremblay fille d'honneur de la Reine. Le Père Joseph fut nominé cardinal par le Roi, mais le Pape refusa, durant plusieurs années, de lui conférer la pourpre, et il mourut avant de l'avoir reçue. La Miliade, satire publiée contre Richelieu, faisait ainsi allusion à ses missions en Allemagne, et à son grand train de vie (p. 14) :

Il a le zèle séraphique,

Il travaille pose l'hérétique,

Il a sui.ant et secrétaire,

Il a carrosse, il a cautère,

Il a des laquais insolents

Qui jurent mieux que ceux des grands.

[93] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 171.

[94] FAUVELET DU TOC, Histoire des secrétaires d’État, p. 45. Il y eut ensuite un règlement en 1567, sous Charles IX, un autre sous Henri III, en 1589, et un dernier sous Louis XIII, en 1626.

[95] C'est donc à tort que M. d'Hauterive dit : Richelieu sentit le besoin de réunir ces sections éparses dans un seul ministère, et ce département fut le seul qui eut une circonscription déterminée. (Calculs et observations sur la dépense d'une grande administration, p. 28.) Cet état de choses existait bien avant lui.

[96] Voici la répartition des provinces entre eux, en 1626 :

Le premier a : Paris, Orléans, Bourges, Soissons et Navarre ;

Le deuxième : Poitou, Lyonnais, Dauphiné, Marche, Limousin, Angoumois, Saintonge ;

Le troisième : Bretagne, Brie, Champagne, Provence, et Trois-Évêchés ;

Le quatrième Guyenne, Bourgogne, Languedoc, Touraine, Maine, Anjou, Normandie, Bourbonnais, Picardie, Auvergne, Nivernais, Aunis.

Chacun avait en outre les Fortifications dans ses provinces. On remarquera que cette division intérieure est beaucoup moins logique que celle de 1547. Fauvelet du Toc, à qui nous l'empruntons, donne de 1547 à 1668 le chiffre de trente-huit secrétaires d'État, en tout, pendant cent vingt et un ans !

[97] Les grands aumôniers furent, de 1624 à 1643, le cardinal de la Rochefoucauld et le cardinal de Lyon (frère de Richelieu). Les confesseurs furent les Pères Suffren ou Souffrant, Caussin, Sirmond, et Dinet, qui assista le Roi à sa mort.

[98] Dans le principe, le Roi se proposait même de changer chaque année le département des secrétaires d'Etat, afin qu'ils fussent mieux instruits de toutes sortes d'affaires. Et le règlement ne fut jamais abrogé, bien qu'il soit de bonne heure tombé en désuétude.

[99] Lettres et papiers d'Etat, t. V, p. 760. François Sublet, seigneur de Noyers, 1578-1645, trésorier de France à Rouen, appelé à Paris par Boschard de Champigny, son oncle, commis au contrôle, 1631 ; conseiller d'État, puis contrôleur général des finances, 1635 ; devint en 1636 secrétaire d'Etat de la guerre, après Servien. Il eut lui-même pour successeur Le Tellier en 1613. Il était en même temps surintendant des bâtiments, concierge de Fontainebleau. Il plut à Richelieu, et acquit un grand pouvoir sur l'armée. L'abbé Arnauld parle de sa rudesse et de son austérité. Tallemant dit qu'il avait une vraie âme de valet ; qu'il raccommodait même les cannes de Sots Éminence. Cinq-Mars lui disait en l'embrassant, pour se moquer de ce qu'il portait l'épée : Et à vous, mon brave. Monglat (p. 135) dit que le Roi s'enfermait tous les soirs avec lui, pour dire le bréviaire. Un de ses frères fut évêque de Mende ; un autre, trésorier de l'ordinaire des guerres, de 1626 à 1654. On voit un Sublet fermier des parties casuelles, un autre, Charles Sublet, gouverneur de Sisteron, et un troisième, Michel, sergent de bataille, en 1612. Ils avaient été anoblis en 1574.

[100] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 178.

[101] Essai sur l'histoire du tiers état, p. 140.

[102] Henri IV savait si Lien la facilité qu'il y avait de voler, dit Tallemant (t. I, p. 149), qu'il faisait état, pour relever cette charge, de la donner à M. de Vendôme, quand il aurait plus d'âge. Il faut convenir que le remède eût été médiocre.

[103] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 231.

[104] ARNAUD D'ANDILLY, Mémoires, p. 433.

[105] ARNAUD D'ANDILLY, Mémoires, p. 432. — Robert Arnauld d'Andilly, 1589-1674, fils d'Antoine Arnauld, avocat général. Son père avait eu vingt enfants ; il en laissa dix en mourant, dont le célèbre docteur était le dernier. Un antre fut évêque d'Angers. Il y eut six filles religieuses. Robert Arnauld donne sur sa famille de grands détails dans ses Mémoires ; mais il faut se délier de lui è cet égard, parce qu'il admire presque tous ses parents, et qu'il estime encore beaucoup ceux qu'il n'admire pas. Il épousa mademoiselle de la Boderie, âgée de quatorze ans. Tallemant donne de curieux renseignements sur son ménage (t. IV, p. 68). En 1635, il fut intendant de l'armée d'Allemagne. Son honnêteté fut aussi rare qu'incontestable. Il se retira à Port-Royal, où il mourut. Par son oncle, le marquis de Fontenay-Mareuil, il était parent des Montmorency, des Créquy et des Vivonne. Son fils fut le marquis de Pomponne, ministre de Louis XIV.

[106] Gazette du 19 février 1633. On leur attribua à chacun vingt mille livres de gages. Richelieu, durant son double ministère de 1617, chargé de la guerre et des affaires étrangères, avait eu dix-sept mille livres. (Lettres et papiers d'État, t. I, p. 191.) Saint-Chaumont ayant annoncé sa nomination à Gordes, capitaine des gardes, celui-ci entra chez le Roi en riant à gorge déployée : Sire, Saint-Chaumont dit que Votre Majesté l'a fait ministre d'État ; quel sot croirait cela ? (TALLEMANT, t. II, p. 230.)

Melchior Mine de Chevrières, marquis de Saint-Chaumont, 1610, lieutenant de Roi à Lyon, 1627 ; envoyé en Piémont, 1635 ; en Allemagne, 1631 ; lieutenant du gouvernement de Provence. 1649. Il avait épousé la sœur du maréchal de Gramont. Il fut disgracié pour avoir laissé échapper de Nancy la princesse Marguerite de Lorraine, qui depuis épousa le duc d'Orléans.

Jean de Gallard de Béarn, comte de Brassac, seigneur de la Roche-Beaucour, lieutenant de Boit à Saint-Jean-d'Angély, en 1612 ; ambassadeur à Rome, 1633 ; gouverneur de Nancy, 1639 ; surintendant de la maison de la Reine, † 1645. Il avait épousé Catherine de Sainte-Maure, sœur du marquis de Montansier, qui fut dame d'honneur de la Reine.

[107] TALLEMANT, Historiettes, t. V, p. 51.

[108] On comprend dans ces conditions que Brienne s'étonne, en 1643, que les secrétaires d'État soient encore laissés debout au Conseil. (Mémoires, p. 81.) Le Roi ne voulait pas ouvrir le Conseil, si M. de Noyers n'y était pas. Non, non, disait-il, attendons le petit bonhomme. (TALLEMANT, t. III, p. 78.)

[109] G. PATIN, Lettres, t. I, p. 245. (M. Le Roy.)

[110] Mémoires, t. XIII, p. 56. (Éd. Chéruel.) On ne peut voir sans étonnement le fils du duc de Saint-Simon, dont le père avait, sans droit et sans motif, atteint d'un seul coup le premier degré de la noblesse, critiquer avec cette amertume des fonctionnaires dont les uns comptaient plusieurs générations d'ancêtres utiles, et dont les autres étaient eux-mêmes des ancêtres pour leur race, des hommes de génie, comme Colbert.

[111] Quelquefois le conseil d'État leur renvoyait certains procès, sur lesquels il leur attribuait, par arrêt spécial, juridiction souveraine.

[112] D'Ormesson, dans ses Mémoires, dit qu'en 1586 aucun maitre des requêtes n'entrait au Conseil pour y rapporter, mais que les seigneurs d'épée, d'Église, ou les personnages considérables, avaient seuls ce privilège.

[113] En ce temps-là, dit Tallemant, ils allaient plus sur des mules qu'en carrosse. (T. VIII, p. 138.)

[114] Lettres patentes du 21 novembre 1629. Archives nationales, AD1 a.

[115] Allusion à ce qu'ils jugeaient sans pièces.

[116] RÉGNIER, satire XVI.

[117] Ce rang leur était pourtant disputé. Aux obsèques du cardinal de Retz, on présenta le goupillon à quatre présidents du Parlement, à quatre présidents de la Chambre des comptes, et ensuite à quatre main-es des requêtes. Mais les conseillers au Parlement et les maîtres de la Chambre des comptes refusèrent de le prendre après eux, et s'en allèrent sans donner d'eau bénite. (Plumitif de la Chambre des comptes, Archives nationales, 2757, fol. 323.) Les maitres des requêtes avaient table chez le chancelier, qui recevait, à cet effet, une indemnité annuelle.

[118] Édits d'août et décembre 1635, décembre 1639, février 1630, janvier 1642. II faut remarquer que les maîtres des requêtes achetaient leurs offices, et en étaient propriétaires, tandis que les conseillers d'État n'exerçaient que par commission.

[119] Nous traiterons des intendants à l'Administration provinciale.

[120] Ces charges enchérirent rapidement. Quelqu'un, dit G. Patin en 1657, offrit hier de l'une cent douze mille écus. (Lettres, t. III, p. 80.)

[121] François de Vertamont, conseiller au Parlement, puis maitre des requêtes, chargé d'une mission à Oléron, en 1627 ; avait été commis de l'épargne, sous La Bazinière, de la femme duquel il était parent ; puis trésorier de France à Limoges ; épousa mademoiselle Quatresols, fille d'un riche auditeur des comptes.

Louis de Machaut, seigneur d'Arnouville, conseiller d'État, 1624 ; en mission en Bretagne, 1627 ; munitionnaire de l'armée, à Narbonne, 1630 ; intendant en Languedoc, 16'60. Un Machaut était président au grand conseil, et mourut en 1667 ; un autre était gentilhomme ordinaire de Monsieur en 1615.

Claude de Paris, intendant à Rouen, 1635-1643. Famille anoblie en 1395, en la personne de Jacques Paris,

De Lanson, employé par Richelieu aux affaires du commerce ; président au grand conseil, conseiller d'État et maitre des requêtes.