LA NOBLESSE  FRANÇAISE SOUS RICHELIEU

 

CHAPITRE V. — La hiérarchie nobiliaire.

 

 

L'ancienneté : les nobles de rare nu d'extraction et les anoblis. — Les titres de noblesse. — Princes du sang et apanages. — Billards de France, leur situation. — Princes étrangers. — Principautés demi-souveraines. — Princes : par lettres d'érection, par tradition, de francs-alleux, ou de fantaisie. — Les duchés et les ducs et pairs. — Les ducs non pairs et à brevet. — Les marquis, comtes, vicomtes et barons. — Transmission de titres par les femmes. — Achat de titres.

 

La hiérarchie nobiliaire n'a pas pour base l'ancienneté : on voit des familles d'extraction chevaleresque végéter sur quelques maigres fiefs. Elle n'a pas pour base les titres de noblesse : les titres, sauf relui de duc, sont des appellations sans valeur. Il y a une hiérarchie devant le Parlement, une autre à la cour, une autre dans l'opinion. Cette dernière reconnait plusieurs catégories de nobles, depuis les princes, les grands seigneurs, les gens de qualité, jusqu'aux gentilshommes de bonne maison, et aux anoblis ordinaires. Les alliances, la fortune, les fonctions remplies, un certain ton, un certain train, distinguaient, tout autant que la naissance, le bon gentilhomme de l'homme de qualité, et l'homme de qualité du grand seigneur. Hiérarchie mondaine et sociale, aussi rigoureuse que la hiérarchie officielle et politique qui ne reconnaît entre le roi et le peuple que trois classes.de privilégiés : les princes du sang, les ducs et pairs, et les autres nobles sans acception de titres ou d'origine.

Les cours souveraines maintenaient cette dernière classification avec une rigueur où se mêlait quelque intérêt personnel. Presque tous anoblis par lettres, les magistrats protestaient contre la supériorité d'une noblesse de race à laquelle ils n'appartenaient pas. Les anciennes familles, de leur côté, voyant leur caste envahie par de nouveaux venus qui les égalaient en fortune et en pouvoir, cherchaient dans le passé, dont elles avaient le monopole, une force et une suprématie qui leur échappaient dans le présent. Leur noblesse, dite d'extraction, était censée n'avoir point eu de commencement. On n'aurait vu dans les anoblis tout le tiers état — que des fils d'esclaves, esclaves de droit, affranchis par grâce, par surprise ou par rébellion.

Les preuves de noblesse augmentèrent et se généralisèrent à mesure que la noblesse elle-même perdit en importance. En exigeant des preuves pour l'admission à certaines dignités et à certains grades, on se condamnait d'avance à en exclure les hommes sans aïeux qui les mériteraient, ce qui était déplorable, ou à les recevoir avec des preuves notoirement fausses, ce qui ne l'était pas moins. On distinguait pour l'exemption des tailles, en 1634, ceux dont l'anoblissement datait de 1559 de ceux dont l'anoblissement ne datait que de 1602, comme si les uns étaient plus nobles que les autres, parce qu'ils avaient été investis du privilège quarante ans plus tôt.

C'est sous Louis XHI que commence la manie des généalogies fabuleuses ; les plus grandes maisons s'abandonnent à ce travers : les Lévis se rattachent à la tribu juive de ce nom, et se font en peinture traiter de cousins par la Sainte Vierge. Les Cossé-Brissac imaginent descendre de l'empereur romain Coccéius Nerva, et la maréchale de la Meilleraye donne sous ce prétexte le titre de prince à son grand-père. Un journal satirique du temps parle de ces naïves prétentions : Pour retrancher les querelles qui arrivent journellement touchant l'antiquité des races, a été ordonné que l'on ne pourrait tirer l'origine de son extraction plus avant que de trois mille ans devant le déluge ; sauf à ceux qui en auront des titres authentiques, passés par devant notaire royal et non autre.

Le goût des recherches généalogiques se généralisa tellement dans l'aristocratie, qu'on put créer pour le premier d'Hozier une charge nouvelle, dont on ne s'était point avisé jusque-là celle de généalogiste du roi, juge et surintendant des blasons et armes de France. La fraude, comme toujours, s'en mêla, et Bois-Robert pouvait avec raison, dans une de ses épîtres, faire dire à un grand seigneur :

Les plus apparents

Payaient d'Hozier pour être mes parents.

Ou s'inquiéta des quartiers de noblesse plus qu'on ne l'avait fait jusqu'alors. Le blason des ancêtres paternels et maternels, jusqu'à la quatrième génération, joua un grand rôle dans l'existence de leurs descendants. Nous primes modèle sur les Allemands, qui, disait Balzac, sont de plaisantes gens en cela. Leur délicatesse va jusqu'à l'excès. Plusieurs souverains d'Italie auraient bien de la peine à passer pour gentilshommes parmi eux, si on leur demandait ces huit quartiers qu'il faut montrer du côté du père et de la mère... Il me souvient d'un étrange mot que j'ai ouï dire en pareille occasion : l'empereur des Turcs, quelque grand seigneur qu'il soit, n'est pas gentilhomme du côté de la mère... Pour parler de la noblesse en termes affirmatifs, il faudrait être assuré d'une chose qui a toujours été assez douteuse. Il n'a fallu qu'une femme de mauvaise vie pour avoir altéré le sang des Héraclides et des Éacides, pour avoir rompu cette belle chaîne, cette belle ligne de ces races héroïques. Ainsi l'exagération d'un droit était, comme il arrive toujours en pareil cas, fatal à ce droit même. En s'attachant trop fortement à l'antiquité, à la pureté de leur extraction, les héritiers des vieilles races amenaient les penseurs à réfléchir sur la réalité de cette descendance et sur l'autorité qui en pouvait résulter.

En même temps surgissent les vains hochets, les prétentions vaniteuses — petits côtés de l'aristocratie, qui se développent aux jours de décadence ; — toutes ces différences de timbre (de front, de trois quarts et simple), écu pendant et penché, qui sont de pures inventions.

Les titres cependant restaient sans importance. L'ordonnance de 1629 enjoignait aux gentilshommes de signer du nom de leurs familles, et non de celui de leurs seigneuries. L'usage constamment suivi paraissait rendre cette prescription oiseuse. Il est rare de voir un seigneur apposer au bas d'un acte autre chose que son nom patronymique ; lors même qu'il se sert d'un nom de terre, il s'abstient de le faire précéder d'un titre quelconque. Le duc de Rohan signe Henri de Rohan, le duc d'Epernon signe Louis de Lavalette, le maréchal de Créqui, duc de Lesdiguières, signe de Créqui ; le duc de Bouillon, Henri de La Tour ; le duc d'Angoulême, Louis de Valois ; le marquis de La Force, A. de Caumont ; son père, le maréchal, duc de La Force, Caumont. Les maréchaux de Schomberg et d'Effiat, le marquis de La Vieuville, les comtes de Béthune et de Brassac signent leur nom tout court, et ainsi des autres.

Les particules qui précédaient le nom du noble indiquaient la terre dont il était seigneur, mais on voit beaucoup de roturiers posséder une particule analogue, marquant simplement le lieu d'où ils étaient issus. Ce qu'on nomma plus tard particule nobiliaire n'était donc nullement, au XVIIe siècle, un signe de noblesse. On voit une Madeleine de Caumont dont les parents étaient meuniers ; un sieur de Beauvais, commis du greffe à Bourges ; un L. de La Chassaigne, tanneur. J. de La Voye, A. de Luynes, V. de La Haut, G. de La Garde, Ch. de Marigny, P. de La Londe, sont de simples barbiers étuvistes ; un mercier se nomme P. d'Héricourt, un marchand de Cambrai, N. de Francqueville ; Matthieu de Moncheny et Simon de Sequeville sont les noms de deux apothicaires. Et tandis que des plébéiens en nombre infini portent des noms de ce genre, des familles nobles depuis de longues années dédaignent d'orner leurs noms de particules insignifiantes. Les Montholon, Paris, Mandat, Bartillat, Galliffet, Amelot, Faucon, Chauvelin, Aligre, et bien d'autres, ne cédèrent à cet usage que longtemps après leur anoblissement.

C'est que dans notre pays la noblesse était attachée à l'individu, tandis que les titres étaient attachés à la terre. La noblesse était personnelle, les titres impersonnels. Non seulement les anoblis de la veille pouvaient acquérir, tenir et posséder toutes sortes de fiefs, seigneuries et héritages nobles, de quelque titre et condition qu'ils fussent, mais les roturiers eux-mêmes avaient ce droit, avec cette différence qu'il leur était défendu de porter le nom d'une propriété noble, défense qu'ils éludaient souvent. Il s'ensuit qu'un gentilhomme perdait son titre en vendant sa terre, tandis qu'il ne pouvait aliéner sa noblesse. Le nom seul, son lustre et son antiquité, régla donc la préséance dans la classe aristocratique. Les titres furent pris avec un sans façon fantaisiste par la vieille noblesse, qui les porta comme un habit de cour, et obtenus avec une abondance extrême par la nouvelle, qui n'eût osé se dispenser des formalités. Dans ces conditions, le titre de duc seul conserva sa valeur, parce que le roi s'abstint de le prodiguer ; les autres se réduisirent bientôt à peu de chose.

A la tête de la noblesse étaient les princes du sang. On désignait ainsi tous les parents légitimes du souverain, en ligne directe ou collatérale, quelque éloignés qu'ils fussent. En Angleterre, on n'accordait ce titre qu'aux fils, frères, oncles ou neveux du roi. C'était une application de ce sage principe de nos voisins, consistant à restreindre sans cesse, le nombre des privilégiés de naissance, afin d'appeler en haut ceux qui se signalaient en bas ; sans risquer d'encombrer le patriciat, ni de diminuer son prestige, ils le maintenaient ce qu'il doit être : le pouvoir donné à ceux qui valent le plus et font le mieux. A l'avènement de Richelieu, la famille royale était peu nombreuse ; Monsieur, frère du roi, était le seul qui eût droit à un apanage. L'apanage était la force effective des cadets ; par lui ils étaient vraiment hors de pair.

Sous les deux premières races, le royaume, à la mort du roi, était partagé également entre ses enfants ; conséquence de la constitution démocratique de l'ancienne famille franque. Au commencement de la troisième race, le cadet reçoit seulement une province, mais en toute souveraineté et propriété ; c'est un véritable démembrement. Le droit de propriété disparaît ensuite le premier ; on ne concède plus d'apanage qu'avec retour au domaine de la couronne, faute d'héritiers mâles. Devenu usufruitier, le cadet demeure encore souverain, c'est une sorte de royauté viagère. Le duc de Guyenne, frère de Louis XI, fut le dernier des apanagistes de ce genre ; après lui, les rois ne donnèrent à leurs puînés qu'une autorité fort réduite sur les fiefs dont ils les investissaient. Louis XIII agit ainsi à l'égard du duc d'Orléans. Demi-souverain et demi-propriétaire, le cadet cessa plus tard complètement d'être l'un et l'autre. Sous Louis XVI, les princes qui sont revêtus des titres de comte de Provence et de comte d'Artois, n'ont rien à voir dans les provinces dont ils portent le nom ; leurs domaines sont à l'autre bout de la France.

Richelieu aurait bien volontiers procédé ainsi s'il l'avait osé, puisqu'il écrivait : Depuis que les rois donnent des apanages à leurs frères, il a toujours été pratiqué qu'ils les ont donnés tels qu'il leur a plu, et la dernière loi qui a été établie pour les apanages l'a été par Charles IX, à cent mille livres de rente en terre. Il ne se crut sans doute pas assez fort pour rompre brusquement avec la tradition, et Gaston eut les duchés d'Orléans, de Chartres, de Valois et de Montargis, ainsi que le comté de Blois. Le frère du roi y jouissait de tous les droits domaniaux ; on y rendait la justice en son nom, il avait la collation aux bénéfices ecclésiastiques, sauf aux évêchés, et la nomination aux offices, à l'exception des prévôtés des maréchaux. Et moyennant ces concessions, disaient les lettres patentes, il renonçait à tout droit sur les terres échues par le trépas du roi son père, preuve que l'idée du partage égal n'était pas si oubliée qu'on aurait pu le croire. Gaston rendait dans ses fiefs des ordonnances. Il avait un procureur général, des officiers qui s'intitulaient conseillers du roi et de Monseigneur, frère unique du roi. Il était en somme dans une situation supérieure à celle d'un seigneur ordinaire. Mais tout cela était plus apparent que réel. Le Parlement, toujours opposé à ce qui semblait porter préjudice à l'unité nationale, lui rappelait, en enregistrant son investiture, qu'il devait jouir en bon pie de famille.

Au-dessous des princes du sang venaient les bâtards de France et ces cadets de Lorraine, Savoie et autres maisons souveraines établis en France, que l'on appelait princes étrangers. Les légitimés étaient le duc de Longueville, descendant de Dunois, le duc d'Angoulême, fils de Charles IX et de Marie Touchet, et les fils et filles naturelles de Henri IV. Ils étaient de la famille privée du roi, ils n'étaient pas de sa famille politique. Marie de Médicis, écrivant au duc de Vendôme, l'appelle son très cher neveu. Louis XIII appelle le duc de La Valette, mari d'une fille de la marquise de Verneuil, son très cher et bien-aimé beau-frère. Louis XIV parle, en 1653, de sa très chère et bien-aimée tante Diane, légitimée de France, duchesse d'Angoulême. Ces personnages, de leur côté ; signent de France ou de Bourbon, mais leur situation sociale ne diffère guère de celle des autres grands seigneurs. Quand le duc de Vendôme épousa la fille du duc de Mercœur, on estima qu'il faisait un beau mariage. Sa sœur, Mlle de Vendôme, fut heureuse de s'allier aussi à la maison de Lorraine, en épousant le duc d'Elbeuf. Deux autres filles entrent aux couvents de Chelles et de Fontevrault ; une quatrième épouse le marquis, plus tard duc de La Valette, pendant que son frère, le duc de Verneuil, ne croit pas pouvoir mieux faire que de prendre pour femme la fille du chancelier Séguier, veuve du duc de Sully. Le duc d'Angoulême avait épousé une demoiselle de Montmorency en premières noces, et en secondes une demoiselle de Nargonne. Son fils, le comte d'Alais, s'allia avec Henriette de la Guiche, fille du maréchal de Saint-Gérais. Le duc de Longueville fut le seul qui obtint la main d'une princesse ; il est vrai que sa légitimation datait de plusieurs siècles. Sa femme, d'ailleurs, la fameuse Geneviève, sœur du grand Condé, dut prendre un brevet spécial du roi, pour conserver après son mariage le rang et le titre de princesse du sang. On voit combien était grande la distance entre les membres de la famille royale, aptes à succéder au trône, et ces rejetons irréguliers qui n'avaient même pas qualité de princes.

Au point de vue des possessions territoriales, les bâtards de France ne se distinguaient pas davantage de la haute noblesse. Seuls le duché d'Angoulême et le duché d'Étampes, appartenant à César de Vendôme, jouissaient de droits extraordinaires, équivalents à ceux des apanages. Cela tenait à ce qu'ils avaient été érigés dans le principe en faveur des proches parents du roi. Les autres terres des légitimés ne différaient pas des fiefs ordinaires.

Mais il existait encore dans la France de ce temps une classe d'individus et une catégorie de fiefs, mi-sujets, mi-indépendants, qui disparut dans lés temps modernes, et dont l'Allemagne seule offre aujourd'hui le type.

Tel était le duc de Bouillon, souverain étranger comme prince de Sedan, et sujet français comme capitaine des Cent-Suisses, jouissant à ce dernier titre d'une pension sur le trésor royal. Quoique souverain d'ailleurs, il touchait de notre gouvernement une subvention pour l'entretènement de ses gens de guerre ; mais cela ne diminuait en rien son autorité. Il publiait des édits perpétuels et irrévocables, comme le roi de France dont il employait les formules. Comme lui, il légiférait par la grâce de Dieu... de sa certaine science et pleine puissance... et terminait comme lui en ces termes : Car tel est notre plaisir. Il avait un gouverneur de ses États, un conseil souverain, trois baillis, et toute une administration à lui. Henri IV, à qui l'on demandait une grâce sur le territoire de Sedan, se tournait vers M. de Bouillon en lui disant : Mon cousin, cela dépend de vous, nous ne sommes plus en France. Même après la défaite de la Marfée, le fils de ce seigneur, prisonnier à Lyon, fit avec le roi une paix de pair à pair ; et il fallut lui donner, en dédommagement de sa place de Sedan réunie à la couronne, le duché d'Albret et le comté d'Auvergne, pour qu'il se résignât, comme il le dit lui-même, à subir dans le cœur du royaume, avec tous ceux qui y étaient nés, la condition commune de sujet.

Tel était encore le prince de Mourgues (ainsi nommait-on Monaco). Annibal Grimaldi, comte de Bueil, seigneur de Monaco, trouvant que les ministres d'Espagne en Italie usaient en son endroit d'aussi peu de respect et de bienséance que possible, avait recherché l'appui de la France. Il avait même reçu dans sa principauté une garnison française, tandis qu'à Sedan il n'y avait que des troupes indigènes. Pour le récompenser de ses domaines de Naples, confisqués par les Espagnols, le roi lui fit don de plusieurs fiefs qu'il érigea pour lui en duché de Valentinois. Pair de France à Valentinois, reçu au Parlement à ce titre, et par conséquent sujet du roi de France, Grimaldi demeurait néanmoins roitelet à Monaco. D'autres encore réunissaient cette double qualité : ainsi, mademoiselle de Montpensier, fille du duc d'Orléans, tenait de sa mère la principauté des Dombes (capitale Trévoux). Le parlement de Dombes ressortissait à la vérité en appel à celui de Paris ; mais, sauf cette formalité, le titulaire de la principauté était entièrement indépendant. Il battait monnaie, convoquait des états, nommait à toutes les charges, et concluait des traités avec le roi pout le transit des marchandises, l'extradition des malfaiteurs, le passage des troupes en cas de guerre. La princesse qui signait ces actes régaliens à Trévoux, d'égal à égal avec Louis XIII, était cependant à Paris sa très humble nièce et sujette.

De moins illustres que ceux-ci se trouvaient dans le même cas : le duc de Longueville était autocrate de Neufchâtel en Suisse ; l'abbé de Retz était, par sa mère Marguerite de Silly, dauphin de Commercy et potentat de Montbéliard en Lorraine.

Par contre, des étrangers qui n'étaient que citoyens dans leur pays sont despotes au cœur de la France ; tel est le comte de Nassau, influent dans les États de Hollande, porté à la plus éminente magistrature des Pays-Bas, mais cependant soumis aux lois de la République ; en même temps prince d'Orange, où il ne réside pas, mais où il exerce par les gouverneurs qu'il choisit une autorité absolue et héréditaire. Son pouvoir, bien que contesté par les ministres français, parvint à se maintenir jusqu'en 1714, où Louis XIV réunit la principauté à la couronne Verdun, bien qu'appartenant de nom à la France, était en réalité possédé par des princes-évêques de la maison de Lorraine, qui se le résignaient les uns aux autres depuis 1508.

Il y avait ainsi des étrangers souverains en France, et des Français souverains à l'étranger. D'autres Français possédaient sur divers points du pays des fiefs princiers, revêtus d'attributions royales. C'étaient d'anciens francs-alleux, c'est-à-dire des héritages francs et libres de tous devoirs féodaux. Leur nombre n'avait cessé de décroître depuis le moyen âge, sous l'action constamment envahissante de la royauté. Quelques-uns cependant avaient survécu. Telle la principauté d'Henrichemont, appartenant au duc de Sully, où l'on fabriquait de la monnaie à ses armes, portant d'un côté son effigie, et de l'autre les fleurs de lys sans nombre. De ce genre aussi était le légendaire royaume d'Yvetot. Son propriétaire, Martin du Bellay, faisait le roi d'Yvetot, dit Tallemant, et ne venait pas à la cour. Chez lui il ne donnait la main à personne ; pour ne pas mettre à sa droite un maréchal de camp qui lui rendait visite, il faisait servir une collation sur une pelouse, devant sa porte. Peu fortuné d'ailleurs, n'ayant que 70.000 livres de rente. Royaume ou simple seigneurie, il est certain que ce bourg était, au milieu de la Normandie, dalle une situation toute spéciale. Ses habitants étaient exempts de tailles, de gabelles et de tous impôts en général. Pareils privilèges rendaient fort enviables la qualité de bourgeois d'Yvetot, et le gouvernement, pour arrêter l'élan de ceux qui étaient tentés de s'en prévaloir, exigeait douze ans de résidence sur le territoire de la principauté. pour être admis au bénéfice des dispenses. Dans ces limites, le conseil d'État maintenait le prince et ses subjects, soit originaires ou habitués dudit Yvetot, en leurs droits, franchises et libertés. Ce mot de sujets est fort curieux, parce qu'il n'est jamais employé à cette époque que pour marquer la puissance souveraine chez celui qui en possède.

Le roi s'efforçait d'ailleurs de faire rentrer en sa possession les terres de ce genre, soit par force, soit à prix d'argent : il ne marchandait pas dans ce cas, et ne croyait pas payer trop cher l'abolition de prérogatives qui choquaient son omnipotence.

Quant au titre de prince, dont la pompe inoffensive flattait l'oreille de certaines familles, il le laissa subsister à la condition de demeurer un simple euphémisme. Bien plus, certains fiefs furent érigés par le monarque en princeries, selon l'expression du temps, mais sans aucun droit, sans aucune juridiction spéciale : Joinville (1551) et Mercœur (1563), pour la maison de Lorraine ; Portien (1561), pour celle de Gonzague ; Tingry (1587), pour celle de Luxembourg ; Soubise (1667), pour celle de Rohan. Ces cinq terres furent seule à la vérité l'objet d'une érection régulière, seules elles furent approuvées par le pouvoir royal. Mais beaucoup d'antres se perpétuaient par tradition plus ou moins autorisée, sans que l'origine en fût connue, comme Bidache appartenant aux Gramont, Guémenée aux Rohan, Martigues au duc de Mercœur, Marsillac aux La Rochefoucauld, Talmont aux La Trémouille, Mortagne au cardinal de Richelieu, et Chabanais, dont les Montluc avaient hérité de ce dernier comte de Vendôme, célèbre par ses débauches, son esprit, son courage, ses malheurs et sa magnificence.

D'autres titres de princes provenaient de grandesses d'Espagne ; tel Robecq donné aux Montmorency. Plusieurs furent conférés au siècle suivant par l'empereur ; mais un particulier, sous Louis XIII, n'eût osé aspirer encore à la qualité de prince du Saint-Empire. Quelques-uns étaient le résultat d'une prétention invétérée, mais sans espoir, comme celle des La Trémouille sur Tarente.

Pour tous ceux-là le nom de prince était une appellation agréable et bien sonnante, mais rien de plus. Il n'en était pas de même des seigneurs à qui le roi, par politique ou par faveur, avait reconnu la qualité de princes étrangers.

Les Guise furent les premiers à l'obtenir. Ce fut au moment des guerres de religion, où ces cadets de Lorraine rivalisaient avec les cadets de France, et leur disputaient le royaume avec une ardeur et une habileté qui faisaient craindre à Charles IX que bientôt ils ne missent, selon le dicton du XVIe siècle, ses héritiers en pourpoints. Personne n'avait encore pris en France le titre de prince, ni prétendu aux privilèges qu'on lui attribue, quand Claude de Lorraine, comte de Guise, y arriva. Avant été fait duc et pair par François Ier, il voulut à l'heure même précéder le duc de Longueville, qui n'était pas pair, et prendre le titre de prince, connue en Allemagne, bien que ceux de la maison royale ne s'appelassent en ce temps-là que les seigneurs du sang. Ce que voyant, le duc de Longueville se fit appeler prince, comme les Lorrains, pour ne leur céder en rien, et en prit tous les avantages, comme firent aussi les ducs de Nemours, de Nevers et ceux de Luxembourg. Ils se maintinrent, les rois n'osant pas y toucher, et les particuliers étant trop faibles pour l'entreprendre. Henri IV traita du reste avec eux.

A la mort de ce roi, les princes de Guise voulaient aller de pair avec les princes de Bourbon, et Condé fut assez inquiet de cette ambition pour se pourvoir au Parlement et demander un arrêt sur l'inégalité des uns et des autres. Madame de Guise disait hautement à la reine qu'elle n'avait point d'autre maîtresse que la vierge Marie. Le gouvernement paraissait sanctionner ces prétentions, puisque le duc de Guise, quoique n'ayant aucun grade militaire, était choisi en 1617 comme lieutenant général de l'armée royale, avec un maréchal de France sous ses ordres. La noblesse, de son côté, y prêtait parfois les mains. Plusieurs particuliers, remarque Fontenay-Mareuil, ne font nulle difficulté de se soumettre à eux jusqu'à être à leurs gages. — Je dis gens de telle condition qu'ils ne voudraient pour rien au monde servir des gentilshommes, de quelque qualité qu'ils fussent.

Grands seigneurs, du reste, mais petites altesses : De l'argent pour faire bonne chère en leurs maisons, ils en avaient assez ; pour faire une grande guerre, non. Assez forts pour porter ombrage au roi tant qu'ils étaient ses sujets, si le hasard des successions les faisait souverains à leur tour, ils devenaient mendiants parmi les monarques. Tel le duc de Nevers, le plus magnifique en meubles exquis et le plus riche de la chrétienté, se trouva réduit après être devenu duc de Mantoue, au point de demeurer longtemps sans tapisserie en sa chambre, à cause des luttes ruineuses qu'il eut à soutenir.

Ne pouvant déposséder Guise, Nemours ou Nevers, de ce rang de princes étrangers, les rois ne trouvèrent rien de mieux que de déprécier ce rang lui-même, en l'accordant à de moindres familles. Les Rohan, les La Tour, puis les Grimaldi-Monaco et les La Trémouille l'obtinrent sous Louis XIV.

Ces honneurs portaient préjudice à l'ordre aristocratique, en ce que, selon la coutume de France, il ne devait y avoir que celui qui avait effectivement le titre, à en prendre le nom et le rang ; tous les autres, fussent-ils fils ou parents de ceux-ci, n'étant connus que pour gentilshommes. Au contraire, les princes étrangers faisaient tenir à tous leurs cadets, dont le nombre à la fin pouvait devenir infini, le même rang qu'aux aînés. Tous avaient la main chez les princes du sang, se couvraient aux audiences, prenaient le pas sur les ducs, et pouvaient, comme les membres de la famille royale, être faits chevaliers du Saint-Esprit à vingt-cinq ans, dix ans plus tôt que les nobles ordinaires.

Tous leurs avantages pourtant n'étaient que de cour ; aux cérémonies publiques on n'y avait point d'égard ; le Parlement ne leur accordait jamais le titre de princes, et ne leur donnait séance qu'en rang de pairs. S'ils n'étaient point ducs, il les traitait de la même manière que les derniers de la noblesse.

Politiquement parlant, les pairs de France étaient en effet les premiers après le roi.

Au début de la monarchie, les pairs n'étaient pas tous ducs, mais les ducs étaient tous pairs. Sur les dix-sept pairies créées de 1297 (date de la première érection) à 1480, c'est-à-dire en l'espace de deux siècles, on ne compte que trois duchés, soit que le titre de duc fût réservé aux seigneurs de grandes provinces comme la Bretagne, soit qu'il n'eût sur les autres titres aucune prééminence réelle.

Des comtes avaient des ducs pour vassaux, et aucune règle précise ne peut être formulée à ce sujet. La hiérarchie, inventée par quelques modernes, de ducs, marquis, comtes, vicomtes et barons, est une fantaisie pure. Elle existe depuis des siècles en Angleterre, mais n'a jamais été appliquée en France, où un fief érigé par le roi en duché pouvait se trouver dépendre d'une simple baronnie, et lui devoir foi et hommage. Ce qui fit que la dignité de duc eut plus de prestige, c'est qu'elle fut jointe à celle de pair, et qu'à partir du XVIe siècle on ne donna plus le titre de pair à d'autres qu'à des ducs. Un duché-pairie fut ainsi chose d'importance, institution d'État ; le roi n'avait pas les mains libres pour faire un duc et pair. Par deux fois, le Parlement refusa, sous Louis XIII, d'en recevoir de nouveaux (il s'agissait de Chevreuse, Brissac et Lesdiguières), quoique la cour eût bien voulu obtenir cette création, surtout en faveur du dernier. Le Parlement était donc presque indépendant en cette matière, et ne donnait d'autre motif de son refus que la peur de rendre tette grande dignité trop commune. Ce contrôle ombrageux de la cour souveraine fut précisément ce qui maintint le lustre de la pairie.

Jusqu'à François Pr, en effet, la dignité de pair n'ayant été conférée qu'à des princes du sang ou à dis possesseurs de grandes provinces, il y avait moins de distance entre le roi et les pairs qu'entre les pairs et le reste de la noblesse. Les comtes d'Anjou, d'Artois (1297), de Poitou, de la Marche (1316), les ducs de Bretagne ou de Berry (1360) avaient pour domaine un ou plusieurs de nos départements actuels ; tandis qu'à partir de 1527, où Claude de Guise obtient le titre, la pairie est assise sur une seule ville, ou sur un fief qui n'excède pas en superficie un de nos cantons. Ce sont des familles féodales, illustres, mais inférieures, dont le chef est revêtu du titre de duc : les Montmorency, les Lévis (Ventadour), les La Trémouille, les Rohan. De 1500 à 1550, il en avait été créé cinq ; de 1550 à 1600, il en fut créé dix-neuf. La proportion fut la même dans la première moitié du XVIIe siècle (17 de 1600 à 1642), mais Louis XIV, durant son règne, en créa trente-sept, sans compter les ducs à 'brevet, et Louis XV y mit encore moins de retenue.

Le monarque, harcelé de sollicitations, essaya d'y mettre des bornes en ordonnant qu'une terre devrait valoir 8.000 écus de rente pour être érigée en duché ; qu'elle ferait en outre retour à la couronne en cas de décès du titulaire sans héritiers mâles. Ces prescriptions demeurèrent lettre morte. Tous les ducs, jusqu'à la Révolution, prirent la précaution de faire insérer dans les lettres- patentes une dérogation formelle et spéciale à cette règle, à laquelle il n'y eut ainsi que des exceptions.

La noblesse avait demandé aux états de 1614 que les titres de ducs fussent seulement attachés aux personnes et non aux terres. Il ne fut pas donné suite à ce vœu pour les dues-pairs, parce que t'eût été profondément contraire à l'esprit féodal ; mais on créa sous le nom de ducs à brevet des ducs sans duchés, dont le titre, héréditaire ou viager, n'était pas enregistré au Parlement, qui, par conséquent, n'y étaient pas regardés comme ducs, et qui même à la cour, jusqu'à Louis XIV, n'eurent aucun des honneurs attribués à leurs confrères. Ces ducs par courtoisie, comme on les eût nommés en Angleterre, loin de renforcer la hiérarchie nobiliaire, lui furent plutôt funestes, en ce qu'ils amoindrirent le titre qu'ils portaient. Soit qu'ils jouissent des prérogatives du tabouret, de l'entrée au Louvre en carrosse, de la qualité de cousins du roi, soit qu'ils en fussent privés, ils se trouvaient dans cette position socialement fausse d'hommes qui recueillent les bénéfices d'une charge qu'ils n'exercent pas, ou qui ont seulement l'apparence de la charge, sans en avoir ni les bénéfices, ni les obligations.

Les titres équivalents dans les pays étrangers à celui de duc français, les grands en Espagne, les princes en Allemagne, les ducs en Angleterre, perdirent aussi quelque peu de leur importance en se multipliant à partir de la même époque. Il n'y avait qu'un duc, anglais, outre ceux du sang royal, en 1640 ; il s'en trouva huit ou dix en 1680. En Espagne, il n'y avait qu'une douzaine de grands sous Charles Quint. Avec le temps et la division en trois classes, le nombre s'accrut bien davantage que celui de nos pairs, d'autant plus qu'il y eut des grands en Italie, en France, dans les Pays-Bas et en Allemagne.

On ne devenait duc en France que de deux manières : par érection régulière à son profit, par succession légitime de mâle en mâle de celui au profit duquel l'érection avait été faite. Les duchés échappèrent, grâce à l'application rigoureuse de cette règle, à cette usurpation journalière, dont les autres titres étaient l'objet, et dont la haute noblesse donnait l'exemple.

Quand le roi, dans les lettres de création d'un comté ou d'un marquisat, insérait cette clause : Voulons que X... jouisse, lui et ses hoirs mâles et femelles, de tels et semblables droits, autorités et prérogatives, ainsi que jouissent les autres marquis (ou les autres comtes) de notre royaume, il employait une formule au fond de laquelle il n'y avait absolument rien, aucun droit, autorité ou prérogative n'étant réservé aux gentilshommes titrés. Le seul droit était celui de porter le titre, et, avec lai tolérance légale, portait le titre qui voulait ; beaucoup se dispensaient donc des formalités longues et coûteuses de l'érection. Obtention de lettres patentes, présentation des lettres au Parlement, enquête de commodo et incommodo faite sur les lieux, information par le lieutenant général à la requête du procureur général, appellation de témoins... arrêt du Parlement portant enregistrement des lettres ; puis enregistrement à la chambre des comptes, qui ordonnait souvent une nouvelle enquête, au point de vue de la consistance et valeur des terres, enfin enregistrement du tout au bureau des finances de la généralité : telle était l'instruction réglementaire.

Un grand nombre de terres des environs de Paris furent régulièrement titrées sous Louis XIII, Louis XIV et Louis XV. C'étaient les maisons de campagne des magistrats ou des financiers, trop nouveaux nobles pour porter des titres faux. Sur cent fiefs, on trouverait peut-être en l'Ile-de-France vingt-cinq baronnies, comtés ou marquisats ; en Bretagne, en Languedoc ou en Champagne, on n'en trouverait pas deux.

Les titres étaient attachés à la terre. Le même titre ne pouvait être logiquement porté en même temps par plusieurs membres d'une famille, puisque plusieurs ne pouvaient posséder en même temps la même chose, et qu'un comté ne pouvait avoir à la fois qu'un comte, et une baronnie qu'un baron. Plusieurs non plus ne pouvaient prendre le même nom, en y mettant des titres décroissants, comme il se pratique depuis le siècle dernier, et même depuis Louis XIV. Une terre érigée en marquisat ne donnait qu'un titre de marquis, et non pas un titre de comte, un de vicomte et un de baron en surplus. Qui disait marquis d'un tel fief disait propriétaire, et si l'un était propriétaire du tout, un autre ne pouvait en être possesseur en second, et un autre en troisième. On raillait beaucoup les d'Estrées, sur ce qu'il y avait à la fois un maréchal d'Estrées, un marquis d'Estrées et un comte d'Estrées. Bautru disait qu'il n'était pas au monde une seigneurie qui eût tant de seigneurs. Plusieurs comtes d'Olac (Hohenlohe) étant venus saluer le maréchal de Gramont, celui-ci, impatienté de ce que ces seigneurs portaient tous le même nom, s'écriait : Serviteur à MM. les comtes d'Olac, fussent-ils un cent !

Les gentilshommes, à leur entrée dans le monde, prenaient le nom d'un fief sous lequel ils étaient désignés. Quand l'usage des titres de noblesse se généralisa, ils firent précéder ce nom de fief d'un titre à leur convenance ; la plupart des comtés et des marquisats n'ont pas d'autre origine.

Les terres titrées étant, comme tout autre bien, matière à négociation, les titres se trouvèrent ainsi indirectement l'objet de contrats gratuits ou onéreux. Par donation, par vente, par mariage, ils passèrent d'une famille dans l'autre. Il est vrai que l'ancien propriétaire cessait de porter le titre de la terre dont il se dessaisissait ; plus tard il le conservera, ce qui n'empêchera pas le nouvel acquéreur de le prendre, d'où une confusion que les tribunaux d'aujourd'hui ont eu maintes fois grand'peine à éclaircir.

Ceux qui jouissaient par engagement des domaines du roi se disaient seigneurs d'une terre sur laquelle ils n'avaient qu'un usufruit de créancier hypothécaire. La chambre des comptes refusait d'enregistrer ces qualifications, mais partout ailleurs on les laissait passer.

La noblesse en France n'était point transmissible par les femmes, sauf en quelques localités. La femme noble mariée à un roturier cessait même de jouir des privilèges de la noblesse ; et par une singulière anomalie, les titres, qui ne devaient être en somme qu'un degré supérieur de noblesse, étaient apportés en dot par les filles et légués par les mères à leurs enfants. Le fils du comte de Saint-Paul eut le marquisat de Fronsac de sa mère Anne de Caumont. Nompar de Caumont eut le marquisat de La Force de sa mère Philippe Beaupoil. Les Crevant possédèrent par Jacqueline d'Humières le marquisat de ce nom. Halluin fut apporté aux Schomberg par la femme du maréchal et son fils en eut le titre. Le marquis de Montglat (Clermont) et le marquis de Villequier (Aumont) tenaient ces titres de leur mère. Liancourt et La Roche-Guyon furent apportés par l'héritière de Liancourt à la famille de La Rochefoucauld.

On ne pourrait citer, au contraire, que très peu d'exemples de noms de famille proprement dits transmis par les femmes. Encore dans les cas où la substitution fut admise, la maison s'éteignait. Tels furent, jusqu'à Louis XIII, les Chalanson substitués aux Polignac, les d'Aure aux Gramont, les Blanchefort aux Créqui. Le titre de duc de Rohan, accordé au XVIIe siècle à Henri de Chabot, ne suscita en effet tant de réclamations que parce qu'il existait d'autres branches de cette maison.

Il arriva pourtant plus d'une fois que le fief principal d'une famille, celui dont elle tirait son nom, passa à une autre, par le mariage de l'héritière de la branche aînée. On voit ainsi un comte d'Harcourt qui n'est autre qu'un des princes de Lorraine, pendant que le chef de la maison d'Harcourt porte simplement le titre de marquis de Beuvron. Charles Malon est seigneur de Bercy et de Conflans, pendant qu'Eustache de Conflans est vicomte d'Ouchy. Un La Trémoille est comte de Laval, tandis qu'Urbain de Laval porte le titre de marquis de Sablé.