RÉVOLUTION ET EMPIRE

 

CHAPITRE IV. — ROBESPIERRE.

 

 

LA TERREUR, DU 2 JUIN 1793 AU 27 JUILLET 1794. — 2 juin 1793 : proscription des Girondins. — 24 juin : nouvelle Constitution. — 15 octobre : victoire de Wattignies. — 16 octobre : mort de Marie-Antoinette. — 19 décembre : reprise de Toulon sur les Anglais. — 10 juin : loi de Prairial. — 26 juin : victoire de Fleurus. — 27 juillet 1794 : chute de Robespierre (9 thermidor).

 

Robespierre, peu à peu, par son travail continu et patient, son aigre éloquence, son renom d'intégrité, avait conquis une position éminente dans l'Assemblée. Ce mince député à face de chat, envoyé par Arras à la Constituante, avait paru royaliste jusqu'au 10 août. Depuis il affichait un amour jaloux de la République. Ses amis les plus proches — il en eut — ne surent jamais ce que contenait cette âme fermée. Disciple de Rousseau, faisant parade de sensibilité et de vertu, mais légiste jusqu'au fond des moelles, il fut conduit des derniers rangs sociaux à un pouvoir extravagant par un orgueil immense et une volonté qui n'eut que de rares fléchissements. La vie de Robespierre s'est achevée trop tôt pour qu'on puisse imaginer où devait finir sa courbe. Il était monarchiste de tempérament, comme la plupart des hommes de la Révolution, et sans doute eût-il admis la tyrannie, s'il eut été le tyran. Il dirigea et utilisa la Terreur, mais on ne sait pas assez qu'il sauva d'assez nombreux suspects, et même des prêtres. On peut penser que ce doctrinaire morbide fut l'homme le plus représentatif d'une ère de bouillonnement et de violence, et dans l'ensemble la plus haute figure, comme la plus mystérieuse, de la Révolution.

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A la suite des revers éprouvés en Vendée, où Westermann, ami de Danton, était obligé à la retraite, s'opéra une concentration du gouvernement. Le Comité de Salut Public, organe exécutif de la Convention, n'eut plus que neuf membres ; Danton s'en laissa éliminer. Robespierre, par contre, y entra et du premier jour y fut le maître. Le Comité accapara tous les pouvoirs. Il nomma et révoqua les ministres et les généraux. dirigea la guerre, l'intérieur, la justice. la police, délégua aux armées et dans les départements des représentants en mission investis des droits les plus étendus. Son activité fut prodigieuse. Robespierre, Couthon, Saint-Just, Collot d'Herbois, Billaud-Varenne, Carnot. Cambon, Barère, Prieur, Robert Lindet, enfermés au pavillon de Flore, s'attelèrent nuit et jour à une besogne de titans, d'où sortit à force de paroles, à force de paperasses, à force de crimes, mais aussi à force de patriotisme, une France nouvelle, plus forte que n'avait jamais été la France des rois.

Au nom de la Patrie en danger, Carnot, ancien officier du génie, devenu chef omnipotent de la guerre, enrôla par la levée en masse plus de six cent mille hommes et jeta aux frontières neuf armées. Des généraux inconnus les commandaient dont la plupart sortaient du rang : Hoche, Marceau, Jourdan, Moreau, Pichegru. Kléber, Championnet, Lefebvre. Il faut vaincre ou mourir, c'est l'ordre. Ei les soldats de l'an II, les plus grands soldais qui soient sortis de notre terre, mal chaussés, mal vêtus, mal armés, mais fiers, exaltés, héroïques, bousculent l'Europe. Jourdan est vainqueur à Wattignies. où l'on voit Carnot charger à la tête des troupes, Hoche vainqueur à Wissembourg, sous les yeux de Saint-Just. En juin 1793, la France paraissait perdue. Six mois plus tard ses frontières étaient libres et c'était elle qui pénétrait chez l'ennemi.

Dans le même temps la Convention triomphait à l'intérieur. Caen et la Normandie. Bordeaux et la Guyenne firent leur soumission. Lyon résista deux mois et fut punie par une répression sauvage : Fouché et Collot d'Herbois firent mitrailler les prisonniers par centaines. Toulon fut repris aux Anglais après un siège difficile où fut remarqué pour la première fois un jeune capitaine d'artillerie, Napoléon Buonaparte. Enfin l'insurrection de la Vendée, brasier qui s'était étendu sur onze départements, fut jugulée par Kléber et Marceau revenus de Mayence. Vaincus à Cholet le 17 octobre 1793, les Vendéens furent massacrés au Mans et achevés à Savenay (23 décembre).

A une situation désespérée, la Convention, ou plutôt le Comité de Salut Public qui exerçait une véritable dictature, avait fait face par des moyens désespérés. Après la levée en masse, un emprunt forcé d'un milliard sur les riches, et la loi du maximum. Les accapareurs, comme tous ceux qui par un moyen quelconque paraissaient dangereux pour la République, seraient punis de mort. La misère était horrible. Dans la plupart des villes le pain et la viande manquaient. Les assignats, jetés par milliards dans une nation épuisée et qui cachait son or, avaient perdu toute valeur. La loi des suspects, dans la main des sectaires aveuglés par la haine, fut une arme atroce et sans contrôle qui Ht tomber des milliers de têtes — 2.625 à Paris seulement —. C'est alors que vraiment commença l'époque sanglante qu'on a appelée la Terreur. Chaque jour, après une parodie de jugement, le Tribunal révolutionnaire envoya des charrettes de condamnés à l'échafaud.

La reine, depuis le mois d'août séparée de ses enfants demeurés au Temple, et jetée à la Conciergerie, fut livrée aux insultes immondes de Fouquier-Tinville, l'accusateur public. Son procès dura vingt heures. Marie-Antoinette se défendit avec courage et même — pauvre femme — quelque chose de pareil à un dernier espoir. Comme Louis XVI avait été grand à ses heures suprêmes, la fière, l'éblouissante reine de Versailles et de Trianon fut admirable de dignité sous ses cheveux blancs, dans sa mince robe de laine noire qu'elle avait tant reprisée dans son cachot. Elle avait été légère, coquette, elle avait commis bien des fautes. Mais une fin si noble rachète tout. Elle monta sans faiblir les degrés de la guillotine et mourut dans une sorte de majestueuse stupeur.

L'avait précédée à l'échafaud Charlotte Corday, petite-nièce de Corneille, venue de Caen pour assassiner Marat en qui elle avait raison de voir un monstre.

Les suivirent Bailly, l'ancien maire de Paris, le duc d'Orléans Philippe-Egalité, prince dévoyé qui avait voté la mort de Louis XVI, son cousin, enfin les députés girondins qui s'étaient laissés arrêter : Barnave, Vergniaud, Brissot, leur amie filme Roland. Roland se tua. Condorcet prit du poison. Barbaroux fut décapité à Bordeaux. Buzot et Pétion seront découverts dans un champ de Guyenne, à moitié dévorés par les loups.

Et des généraux : Luckner, Custine, Biron, Chancel, Houchard, coupables de s'être fait vaincre. Près d'eux, la du Barry vieillie qui s'était dévouée à la famille royale, mais regrettait trop la vie pour savoir bien mourir.

La Terreur n'a pas seulement inondé de sang Paris. Les commissaires envoyés en province par Robespierre et ses amis rivalisèrent de zèle. Carrier à Nantes, Le Bon à Arras, Barras et Fréron à Marseille et à Toulon, Collot d'Herbois et Fouché à Lyon, Tallien à Bordeaux. Partout les têtes tombaient dans une confusion atroce : prêtres réfractaires, nobles, ouvriers, bourgeois, paysans, femmes de plaisir, vieilles religieuses. La France, saoule d'épouvante, se taisait devant les saturnales de la lie. Tout ce qu'un peuple recèle d'écume couvrait le pays.

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Parmi les Montagnards, il en était qui commençaient de trouver que la Terreur allait trop loin. Dégoût du sang, effroi pour eux-mêmes, peut-être aussi, car tous les sentiments se mêlaient dans ces temps extrêmes, volonté de fonder un ordre stable où la nation bouleversée enfin se retrouverait. Danton parlait du retour à la justice et au règne des lois. Camille Desmoulins, dans son journal le Vieux Cordelier, réclamait, à côté du Comité de Salut Public, un Comité de Clémence. Hérault de Séchelles, Fabre d'Eglantine les approuvaient. On les appela les Indulgents.

Par contre, il y avait les Enragés, ceux qui voulaient de plus larges hécatombes, qui rêvaient d'une complète anarchie. Leurs chefs étaient Hébert, misérable aigrefin qui bavait l'obscénité et l'injure dans le Père Duchesne, Chaumette, sale aventurier, procureur syndic de la Commune, qui exigeait de déchristianiser totalement la France par l'introduction du culte de la Liberté et de la Raison. Entre ces deux partis, les épiant, Robespierre immobile attendait son heure.

Il haïssait Danton, jalousait sa carrure et sa voix, redoutait de le voir reparaître au Comité de Salut Public pour balancer son influence. Pourtant il ne l'attaqua point d'abord. Défenseur de la propriété, déiste à la Rousseau et persuadé qu'il incarne soi-même la vertu, il a pris en horreur Hébert et ses séides qui minent avec audace les bases morales et matérielles de la société. Ce sont ceux-là qu'il faut abattre tout de suite. Hébert sent le danger et tente d'y parer par une insurrection. Il échoue ; la rue ne bouge point. Robespierre le fait aussitôt arrêter avec Chaumette et leurs complices. Un court procès de forme ; le 24 mars, ils sont guillotinés.

Danton a aidé à leur chute. Mais lui-même, six jours après, est décrété d'accusation par le Comité de Salut Public. Il ne veut pas fuir. Emporte-t-on, dit-il, la patrie à la semelle de ses souliers ? Il semble écœuré de la vie, revenu de l'action, las de tout. Le 5 avril, sans qu'il ait pu se défendre — un décret lui ferma la bouche — il est condamné. Avec lui montent à l'échafaud Fabre d'Églantine, Camille Desmoulins, Hérault de Séchelles. Tu montreras ma tête au peuple, crie Danton au bourreau, elle en vaut la peine ! Et, avant de mourir, il ajourne Robespierre à trois mois.

Danton disparu, Robespierre n'a plus de rival. Dans cette Convention décapitée, qui oserait se lever pour le contredire ? Tous tremblent devant sa sèche et glabre silhouette, tous courtisent son sourire glacé, tous attendent les mots qui, tombant de ses lèvres pâles, désigneront peut-être tout à l'heure tel ou tel de ses amis d'hier pour l'échafaud. Avril, mai, juin, juillet, quatre mois d'absolue, de hautaine tyrannie. Il n'a que le titre modeste de membre du Comité de Salut Public, mais par la lâcheté commune il réunit tous les pouvoirs. Saint-Just, archange inhumain qui donnerait cent mille têtes — et la sienne — pour fonder sa République, le paralytique Couthon, spiritualiste convaincu, d'autant plus rigoureux qu'il a les mains pures, Le Bas, figure noble et romaine, font le cortège et la garde de l'Incorruptible. Que veut-il ? Où tend-il ? Est-il tenté par l'exemple de Cromwell ? Espère-t-il changer sa dictature de fait en un consulat formel ? C'est probable, mais rien ne le prouve. Nul n'a déchiffré son énigme. On s'accorde à penser qu'il songeait à clore la Terreur. En attendant, au nom de la Vertu, son inspiratrice, elle redoublait. Les prisons regorgeaient de suspects. Et il n'y avait plus assez d'échafauds. Les têtes tombaient comme des ardoises, disait Fouquier-Tinville, satisfait. Anciens parlementaires de la monarchie, Ormesson, Molé, le vieux Malesherbes, Espremesnil, représentants de l'ancienne cour : Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI, sotte et sainte, la duchesse du Châtelet, le général Dillon, tous les fermiers généraux — dont Lavoisier —, après quelques phrases haineuses de Fouquier, sont accommodés par le bourreau Sanson.

Pourtant plus de péril extérieur, donc plus de prétexte aux massacres. La République est victorieuse sur tous les fronts. Jourdan, avec l'armée de Sambre-et-Meuse, culbute les Autrichiens à Fleurus. Pichegru conquiert la Belgique. Dumerbion passe les Alpes. Dugommier force les Espagnols à la retraite. Décontenancée, l'Europe — sauf l'Angleterre — commençait de songer à la paix.

Robespierre, inspiré par Couthon, trouva l'occasion d'un triomphe public dans la fête de l'Etre Suprême. Toute la Convention derrière lui, il vint rendre au Dieu de Jean-Jacques l'hommage d'une nation maintenant épurée et qui remerciait son créateur.

En habit bleu et culotte de nankin, un bouquet de fleurs et d'épis à la main, il prononça une sorte de sermon et mit le feu à la statue symbolique de l'Athéisme, dressée au Champ de Mars (20 prairial - 8 juin).

Cette apothéose qui dans sa pensée sans doute devait préluder à son principat, souleva contre Robespierre tous les anciens amis d'Hébert et de Danton, tous les profiteurs, les hommes tarés qui se crurent — et justement — promis par lui à une prochaine charrette. Couthon, le 22 prairial, ayant proposé à la Convention une loi déclarant ennemis du peuple tous ceux qui cherchent à anéantir la liberté par la force ou par la ruse, et ôtant leurs dernières garanties aux accusés, ils sentirent sur leur cou le froid du couperet. La loi fut volée malgré leur opposition sous la pression de Robespierre. Mais se sachant perdus, ils risquent une partie suprême. Ils vont prévenir le dictateur et l'abattre avant d'être abattus par lui. Dans l'ombre, ils font contre lui la coalition des haines, des jalousies, peut-être aussi des remords. Fouché et Tallien sont les chefs du complot. Fouché, l'ancien oratorien, le massacreur de Lyon qui dissimule une merveilleuse intelligence policière sous un visage de momie, Tallien, gratte-papier devenu secrétaire de la Commune, l'un des meurtriers de Septembre, implacable ennemi des Girondins, qui jouant au proconsul à Bordeaux, s'y est épris de la belle Thérésia Cabarrus, à présent promise par Robespierre à la guillotine, et qu'il veut sauver à tout prix. Avec Billaud-Varenne, Barras, Carnot, Cambon, Barère, Collot d'Herbois, Lindet, ils assiègent en secret les députés du Centre, les conventionnels du Marais qu'épouvante la Terreur et qui, jusqu'ici prosternés devant Robespierre, commencent de s'irriter contre lui. Ils ramassent les hésitations, les lâchetés, les convoitises, formant un bataillon compact qui, le jour venu, s'il n'ose se jeter à l'assaut du tyran, saura du moins étouffer sa voix et, par un vote obscur, le précipiter de son piédestal.

Le 7 Thermidor (25 juillet) vit une première escarmouche. Robespierre était absent. Barère, dans un rapport verbeux, blâma ceux qui méditaient de nouvelles proscriptions. La Convention l'applaudit.

Le lendemain Robespierre parut à la tribune. Son discours, très étudié, attaquait les Comités, réclamait leur épuration et avec elle le châtiment des traîtres et des prévaricateurs. Il jouait de façon sibylline avec la foudre devant une Assemblée éperdue qui d'abord vota l'impression du discours. Mais Cambon, mis en cause à propos du désordre financier, protesta d'une voix qui rendit courage aux conjures :

— Un seul homme paralyse la volonté de la Convention, c'est Robespierre ! s'écria-t-il.

Robespierre répliqua. Le débat devint violent et confus. L'Incorruptible, sommé de désigner nommément ceux qu'il vouait à la proscription, refusa avec hauteur. Trop de gens virent alors leur tête en péril. La Convention revint sur son vote et refusa l'impression. Pour la première fois, le dictateur était mis en échec.

La nuit qui suivit fut employée par les amis de Robespierre comme par ses ennemis à préparer la vraie bataille du lendemain. La Commune s'était déclaré pour lui et le Club des Jacobins qui chassa Billaud-Varenne et Collot d'Herbois au cri de : A la guillotine ! Cependant Tallien, Fouché et Barras visitaient les députés du Centre, les adjuraient.

Dans l'ancien théâtre des Tuileries, affecté depuis le 10 août aux services de la Convention, le 9 Thermidor, par une chaleur affreuse, devant l'Assemblée traversée de houles contraires, sous les loges où les Robespierristes, en majorité, acclamaient leur héros, Saint-Just, pâle et grave, commença la lecture du réquisitoire que toute la nuit il avait écrit contre Billaud-Varenne, Collot d'Herbois et leurs amis. Collot lui-même présidait. Tallien presque aussitôt interrompit Saint-Just, le poussa hors de la tribune. Brandissant un poignard, il demande la mise en accusation de Robespierre. Celui-ci veut répondre. Collot puis Thuriot qui l'a remplacé au fauteuil couvrent ses paroles du bruit ininterrompu de la cloche. Les conjurés crient : A bas le tyran ! Le Centre seul se tait. Dans le brouhaha, on vote l'arrestation de Hanriot et de Dumas, séides de Robespierre, comme coupables de complot contre la Convention. Robespierre essaie en vain de se faire entendre. La tribune lui est interdite par les forcenés. A la fin, il lance un cri de rage :

— Président d'assassins, pour la dernière fois, je te demande la parole !

Une insultante clameur lui répondit. Alors il se tourna vers le centre : Hommes purs, c'est à vous que j'ai recours, donnez-moi la parole ! Le Marais le vit perdu et se détourna. Tentant de dominer le tumulte de sa rauque voix, il ouvrit encore la bouche, parut suffoquer :

— C'est le sang de Danton qui t'étouffe ! lui cria-t-on. Les mains tendues, il allait du centre à la droite, trébuchant.

— N'avance pas, dit Fréron, c'est ici que s'asseyaient Vergniaud et Condorcet.

Le dictateur retomba sur un banc. Billaud-Varenne réclama son arrestation.

Augustin Robespierre, Lebas, demandèrent à être associés au sort de Maximilien. On leur adjoignit Saint-Just et Couthon. A cinq heures des gendarmes mirent la main au collet des accusés qui furent conduits au Luxembourg.

La Commune, dès qu'elle sut la nouvelle, se déclara en insurrection. Le tocsin sonna. Le maire, Fleuriot-Lescot, fit enlever Robespierre et ses amis qui en triomphe entrèrent à l'Hôtel de Ville. Fleuriot signa la mise hors la loi de Collot, Fréron, Fouché, Barras, Carnot, Tallien et de huit autres députés, ennemis du peuple. La Commune comptait sur la rue pour assaillir la Convention. Mais tandis que Robespierre, juriste dans l'âme et qui ne voulait agir que dans un cadre légal, hésitait, perdait du temps, et qu'une énorme foule sans chefs errait autour de l'Hôtel de Ville, les commissaires de l'Assemblée, éperonnés par le danger, agirent eux, vite et rudement.

Devant les Tuileries, ils réunirent une masse sûre de gendarmes et de gardes nationaux pris dans les sections les plus modérées. A deux heures de la nuit, ces troupes, commandées par Barras, arrivaient place de Grève, face à l'Hôtel de Ville. Sans trouver de résistance elles envahirent la maison commune. Un gendarme, Meda, cassa la mâchoire de Robespierre d'un coup de pistolet. Le Bas se tua. Les autres se laissèrent arrêter.

Robespierre sanglant, défiguré, mais vivant encore, demeura gisant une partie du jour suivant sur la table du Comité de Salut Public. On le dirigea de là sur le Tribunal révolutionnaire qui se contenta de vérifier son identité, puisque, mis hors la loi, il devait être exécuté sans jugement. Fouquier-Tinville, tremblant, envoya ses amis à la guillotine.

A sept heures, dans le poudroiement du soleil couchant, après un lent parcours, sous les insultes de la populace qui leur reprochait le sang qu'elle avait demandé, ils arrivèrent à la place Louis XV. Couthon mourut le premier, puis Saint-Just. Robespierre monta à l'échafaud le vingtième. Quand on lui montra sa tête, le peuple jeta un rugissement de joie. Il croyait la Terreur morte et la Révolution finie.