SÉNÈQUE ET SAINT-PAUL

DEUXIÈME PARTIE. — DES ÉCRITS DE SÉNÈQUE ET DES ÉPITRES DE SAINT PAUL. SÉNÈQUE A-T-IL LU ET IMITÉ LES LIVRES DES CHRÉTIENS ?

CHAPITRE II.

 

 

Métaphysique chrétienne de Sénèque. — Notion d'un Dieu créateur.

En général, on peut expliquer de trois manières les ressemblances qui existent entre les écrits des philosophes anciens et les livres sacrés des chrétiens : deux de ces explications ont cours dans l'Église, l'autre est fournie par la critique moderne. 1)e tout temps, en effet, il a existé parmi les catholiques deux opinions au sujet de la raison humaine et de la philosophie. Tandis que les uns sont portés à croire qu'avant l'apparition de l'Évangile tout était erreur eu religion, licence en morale, dérèglement d'esprit en métaphysique, d'autres pensent que l'esprit humain, malgré sa faiblesse et ses égarements, s'est élevé par intervalles à une connaissance anticipée, mais confuse et incomplète, des principales notions que le christianisme est venu apporter au monde[1]. Certains Pères n'hésitent pas à dire que la philosophie fut une préparation à la foi, un premier catéchisme de la doctrine chrétienne, et que par un éclectisme intelligent on recueillerait dans les systèmes anciens tous le fragments de la vérité, épars et mêlés d'erreurs[2]. D'où venait aux hommes cette intuition momentanée, ce demi-jour qui annonçait de loin, disent-ils, l'éclat de la révélation ? Des lumières naturelles dont Dieu a pourvu nos âmes, des principes de religion et de morale que sa main y a gravés profondément ; des restes d'une antique tradition du genre humain, mieux éclairé à son origine des mystères de sa destinée ; d'un conseil de la Providence qui ne voulait pas se laisser sans témoignage parmi les hommes, et faisait par instants briller son Verbe[3] à travers des ténèbres dont elle avait marqué la fin. L'âme est donc naturellement chrétienne[4] ; elle a le goût inné du vrai et du divin, et dans une certaine mesure la force d'y atteindre ; dégagée des passions et des préjugés, elle tend d'elle-même à la religion et lui rend spontanément témoignage ; en aucun temps, les lumières d'en haut ne lui ont manqué absolument, et si pendant quelque mille ans les esprits impurs ont soufflé dans le monde l'erreur et la corruption, leurs ravages n'ont pas altéré entièrement l'œuvre du Créateur[5].

C'est ainsi que la plupart des Pères expliquent les rapports et les ressemblances de la philosophie ancienne et du christianisme, en même temps que leurs différences. Ceux au contraire qui sont persuadés que la raison, réduite à ses seules forces, est incapable de percer la nuit qui l'enveloppe, raisonnent d'une tout autre façon : suivant eux, les clartés qui ont illuminé le paganisme venaient directement des livres saints, communiqués aux philosophes ; la Bible a servi de modèle à Pythagore, Socrate, Aristote et Platon, et le Nouveau Testament à Sénèque, Épictète et Marc-Aurèle.

Il y a une troisième explication, c'est celle de la libre critique. S'il en faut croire ceux qui la mettent en avant, le christianisme n'est que le développement de la philosophie ancienne, mêlée de conceptions orientales par l'effet d'un syncrétisme que l'état du monde au premier siècle explique suffisamment.

Ces remarques faites, entrons dans l'examen des écrits de Sénèque.

Sénèque a-t-il une métaphysique ? Oui, sans doute, bien qu'il exclue de sa définition de la philosophie cette partie si essentiellement philosophique. Les stoïciens, préoccupés de la morale, lui subordonnaient tout le reste, et Sénèque est fidèle à leurs habitudes de langage ; cela ne l'empêche pas d'être métaphysicien sans y penser, ou du moins sans se donner pour tel, et sans avoir en pareille matière d'idées bien arrêtées : quel est l'esprit élevé qui puisse s'occuper de philosophie et dédaigner ces grandes et difficiles questions ?

 

§ I. — EXISTENCE D'UN DIEU CRÉATEUR.

Sénèque croyait-il en Dieu ? Oui, mais son Dieu n'est pas celui du christianisme. Avec l'école stoïque, Sénèque est panthéiste, et cette opinion ressort des passages mêmes qu'on allègue pour prouver qu'il imite l'Évangile. On sait que suivant le dogme stoïcien Dieu n'est pas autre chose que l'âme du monde, répandue dans toutes les parties de l'univers, auquel elle communique le mouvement et la vie[6]. Cette âme, substance ignée, es la cause première et éternelle qui a formé le monde, en agissant sur une matière inerte et passive, éternelle aussi ; elle dirige et conserve son œuvre, qui demeure incorruptible, malgré des changements passagers et extérieurs ; nos âmes sont des parcelles de ce feu divin où elles doivent s'absorber un jour[7]. — Sénèque adopte sans réserve une telle doctrine, si peu conforme au christianisme. On en jugera par les passages suivants.

Le quatrième livre du De beneficiis, ouvrage de la vieillesse de l'auteur, a quelques chapitres fort remarquables sur les bienfaits dont la Providence comble ses créatures[8]. C'est la preuve physique de l'existence de Dieu, exposée avec l'éloquence de Socrate, de Cicéron, de Fénelon, ou plutôt avec l'emphase de J.-J. Rousseau. Mais comment Sénèque a-t-il compris et défini ce même Dieu dont il célèbre la bonté, en des termes qui rappellent l'hymne de Cléanthe ? Dieu, ajoute-t-il, n'est pas autre chose que la nature ; la nature et lui ne font qu'un ; ce sont les deux noms d'un seul être, comme Annæus et Lucius désignent une seule personne, qui est Sénèque ; Dieu, c'est la raison divine mêlée au monde. Vous pouvez encore l'appeler le destin, car le destin est un enchaînement de causes, et Dieu est la première des causes dont dépendent les autres[9]. La mobilité d'opinions, fort reprochée à Sénèque, ne peut pas ici fournir de réplique ; car il parle de Dieu toujours dans le même sens, et sans tomber dans aucune contradiction. Il use des mêmes expressions dans les Questions naturelles, dans le De vita beata, en un mot, dans tous ses écrits[10].

Les développements de la théorie stoïcienne sont reproduits par Sénèque avec toutes leurs conséquences. La raison universelle, cet artisan suprême de grands ouvrages, a fait le monde en se servant d'une matière préexistante qu'elle a façonnée sans en pouvoir changer l'essence. C'est ce qui explique l'origine du mal dans le monde ; il ne vient pas de Dieu, cause active, mais de la matière, élément passif, mauvais en certaines parties, que l'ouvrier ne pouvait changer[11]. Il dit ailleurs : Dieu est soumis au destin, ou plutôt le destin c'est Dieu ; les volontés de Dieu sont des lois immuables pour Dieu lui-même, car il n'a pas dû vouloir quelque chose qui pût un jour être mieux autrement. Il a ordonné une fois, il obéit toujours. Cela ne détruit ni sa liberté ni sa puissance, car c'est à lui-même qu'il obéit. Tout ce qui arrive dans le monde est un des effets de ce fatal enchaînement de causes établi par Dieu de toute éternité, et qu'il ne peut modifier. Quand donc la foudre tombe, ce n'est pas Dieu qui la lance par un acte spécial de sa volonté, c'est le destin[12].

Il arrive quelquefois à Sénèque de discuter la théorie de Platon et celle d'Aristote sur la formation de l'univers ; mais il n'en prend que ce qui est conforme à l'esprit du stoïcisme, c'est-à-dire ce que les stoïciens en avaient emprunté avant lui. Il dit avec Platon que Dieu, être essentiellement bon, n'a pu faire qu'un monde parfait[13] ; mais il n'ajoute pas cette pensée si chrétienne, et qui se lit dans Platon, Cicéron et les stoïciens, que Dieu a fait le monde spécialement pour l'homme ; il a négligé aussi cette expression, commune à la Bible et au disciple de Socrate, que Dieu se réjouit de son ouvrage, et se reposa après l'avoir achevé[14]. Sur l'existence et le débrouillement du chaos, il suit le Portique, ou plutôt la philosophie ancienne, et s'il y a lieu à un rapprochement, il faut l'établir entre tous les philosophes anciens et la Genèse.

Pour prouver que Sénèque, en ces matières, s'est inspiré des livres saints, on cite des passages qui sont des corollaires évidents de ses principes panthéistes, et par conséquent ne peuvent se concilier avec l'Évangile. Que signifie par exemple cette pensée : Ne penses-tu pas qu'il y a quelque chose de divin dans celui qui est une partie de Dieu ? Ce tout, où nous sommes contenus, est un, et il est Dieu, et nous sommes ses associés et ses membres. N'est-elle pas la formule même du panthéisme[15] ? Comment ose-t-on assimiler ce langage à celui de saint Paul : Vous êtes le corps du Christ et les membres d'un membre[16]. Nous avons pour nous Lactance, qui, au sujet des deux fragments de Sénèque que nous avons cités, dit : Si tous les objets que nous voyons sont des membres de Dieu, ces philosophes nous font un Dieu privé de sentiment[17]. On doit donc prendre garde, en soutenant le christianisme de Sénèque, de choisir à cet effet des textes condamnés par les Pères de l'Église.

Les autres citations, à l'appui de cette thèse, ne sont pas plus justes ni mieux comprises. Quand Sénèque dit : Dieu est près de toi, il est avec toi, il est dans toi. Oui, Lucilius, un esprit sacré habite en nous, surveillant et gardien de nos bonnes et de nos mauvaises actions... Aucun homme de bien n'est privé de la présence de Dieu... Une force divine descend en lui. Tout esprit supérieur est mis en branle par une puissance céleste[18]. — Et ailleurs : Comment appelleras-tu cette âme, si ce n'est un Dieu qui est de passage dans le corps humain ?[19]Tu t'étonnes que l'homme s'élève jusqu'aux Dieux ? C'est Dieu qui vient vers les hommes, que dis-je ? il vient dans l'homme. Aucune âme vertueuse n'est privée de la présence de Dieu[20]. — Il est évident que ce sont autant de répétitions de la même idée : Dieu, âme universelle, vivifie tout, pénètre tout, est présent partout ; nos âmes sont des émanations de la sienne ; par conséquent Dieu est en nous. Et il habite particulièrement dans l'homme de bien, en qui l'on ne voit point les passions et une nature grossière opprimer l'élément immatériel ou divin. Reconnaissons donc là, non le dogme chrétien, mais la doctrine du Portique que Sénèque expose d'après ses maîtres, et dans les mêmes termes[21].

Indépendamment des preuves qui confirment notre assertion, la lecture seule des Épîtres, d'où sont tirés ces derniers passages, suffit à en déterminer le vrai sens. La pensée stoïcienne s'y déclare tout entière. Ce sage, en qui Dieu habite, est l'égal de Dieu ; il ne doit pas se considérer comme l'humble adorateur, le serviteur soumis de la Divinité, mais comme un associé qui va de pair avec elle et se tient à son niveau[22]. Implorer de Dieu la sagesse par des prières est une folie[23] ; l'homme la possède en lui-même : en effet n'a-t-il pas Dieu en lui ? N'est-il pas une portion de Dieu ? — Est-ce là, je vous prie, l'esprit des Épîtres que l'Apôtre signait : Paul, esclave de Jésus-Christ ?

Ce que Sénèque ajoute sur la grandeur de Dieu et sa majesté invisible, sur son unité, sur le lieu qu'il occupe, avait été dit cent fois avant lui par Zénon et Chrysippe, par Platon et Pythagore, par Cicéron le disciple de tous les Grecs[24]. — Il serait trop long de citer ici, en regard du texte de notre auteur, tous les sentiments de respect et d'admiration que la toute-puissance divine a inspirés aux anciens philosophes, et que les Pères de l'Église et les apologistes ont signalés dans leurs écrits[25]. En face de ces témoignages la piété de Sénèque paraîtrait faible et peu expressive. Bornons-nous à quelques fragments que nous fournit saint Clément d'Alexandrie : — Dieu, s'écrie Antisthène, n'est semblable à personne, parce que nulle image ne peut le faire connaître à personne... — Celui qui ébranle l'univers et le raffermit, dit Xénophon, manifeste par là même sa grandeur et sa puissance. Mais quelle est sa forme ? Elle échappe à nos regards. — Écoutons Xénophane de Colophon : Le Dieu qui commande aux dieux et aux hommes est un. Il n'a point un corps comme les mortels ni un esprit semblable au leur. — Bacchylide le lyrique : Inaccessible aux maladies, pur de toute faute, il n'a rien qui ressemble aux mortels. — Cléanthe le stoïcien dans son hymne : Quel est le bien suprême, dis-tu ? Apprends-le de ma bouche. C'est ce qui est réglé, juste, saint, pieux, maître de soi... — Parménide : Dieu n'a point commencé, il n'aura point de fin ; il est unique, non engendré, universel, inébranlable[26]. N'oublions pas non plus la pensée célèbre de Platon : Le passé et le futur sont des formes passagères du temps que dans notre ignorance nous transportons mal à propos à la substance éternelle ; car nous avons l'habitude de. dire : Elle fut, elle est, et sera. Elle est, voilà ce qu'il faut dire en vérité. La substance éternelle, toujours la même et immuable, ne peut devenir ni plus vieille, ni plus jeune... elle n'est sujette à aucun des accidents que la génération impose aux choses sensibles, à ces formes du temps qui imite l'éternité[27]... — Que serait-ce si nous pouvions citer ici le Timée tout entier ?

De ces comparaisons il résulte que Sénèque, quand il parle de l'existence de Dieu et de la création, n'est qu'un écho affaibli de la philosophie ancienne.

 

§ II. — DE L'ÉTERNITÉ DE LA MATIÈRE.

On nous fait une objection : On nous dit : Sénèque seul a évité une erreur capitale où toute l'antiquité est tombée. C'est au sujet de la préexistence de la matière. Seul il a pensé que la matière, au lieu d'être éternelle comme Dieu, avait été créée par lui, Cette remarque manque de justesse, et pour deux motifs. D'abord Sénèque, nous l'avons vu suit l'opinion commune et l'expose en plus d'un endroit ; il est évident qu'elle fait partie de son système. La création de la matière par Dieu est une pure hypothèse qu'il avance sans y souscrire aucunement, et à la façon dont il en parle il est facile de voir que cette supposition avait été faite et débattue de son temps et avant lui dans les écoles[28]. Elle est émise, en effet, par Cicéron, qui, il est vrai, la repousse ; mais cela du moins nous prouve que Sénèque n'en est pas le premier auteur[29]. Est-il besoin, pour expliquer l'origine de cette hypothèse, d'y voir une inspiration des systèmes du haut Orient[30] ? Non, sans doute. La création de la matière était admise en Orient et repoussée en Grèce ; mais au moins les Grecs, tout en la repoussant, pouvaient en concevoir l'idée. Il n'y a rien là que de simple et de naturel, et l'esprit grec était assez ingénieux, assez fertile en hypothèses pour concevoir celle-ci de lui-même et sans avoir besoin d'une inspiration étrangère. Suivant un commentateur, Platon, tout en admettant que la matière préexistait à la création du monde, insinue que Dieu l'avait créée, et c'est ainsi que ses éminents disciples d'Alexandrie entendirent la pensée du maître[31]. Ce qui est hors de doute, c'est que le Dieu de Platon, auteur et père du monde[32], est bien autrement libre dans ses déterminations, puissant dans ses actes, que le Dieu de Sénèque et des stoïciens, qui forme et arrange la matière (formator, artifex), suivant des lois irrévocables qu'il a une fois fixées et dont il est lié comme la plus humble des créatures.

 

 

 



[1] Voyez à ce sujet une dissertation de don Calmet (Bible).

[2] Lactance, l. III. — Saint Cyrille, l. I, contre Julien. — Saint Clément, Stromates, l. I, ch. XIII.

[3] Saint Jean Chrysostome, homélie VI ad Antioch. — Hom. V sur l'ép. aux Rom. — Hom. sur le ps. CXLVIII. — Saint Justin, Ire apologie, ch. X.

[4] Tertullien, De anima : Sortie des mains de Dieu, l'âme n'a pu méconnaître entièrement son auteur ; toujours elle se ressent de sa divine origine par les facultés divines qui éclatent en elle. — C'est le christianisme de la nature. (Bossuet.)

[5] Saint Justin, Ire apolog.

[6] Voyez Lactance, cité par Juste Lipse (Phys. st., dissert. 7 et 8, l. I). — Manilius, l. I. — Virgile, En., VI. — Cicéron, De nat. deor., l. I, ch. XV et XVI. — De div., l. I, ch. II.

[7] Lipse, ibid., dis. VI. — Cicéron, id., De nat. deor., II, c. XXII. — Sénèque, ép. LXV. — J. Lipse, ibid., diss. 4. — Juste Lipse, ibid., D. 20, l. II. — Sénèque (De vita beat., 32). — Voyez Juste Lipse, ibid., diss. 8, l. III.

[8] Ch. V, VI

[9] L. IV, ch. VII.

[10] Q. n., l. II, 45. — De vita beata, ch. VIII. — Q. n., prœf., I.

[11] De Prov., V. — Voyez ad Helv., VIII. — Ép. LXV. — Q. nat., I prœf.

[12] De prov., 5.— Q. n., prœf., I, II, 32. — De benef., VI, 23. — Lucain a dit de même :

Finit in æternum causas : qua cuncta coerest,

Se quoque lege tenens. (Ch. II.)

[13] Ép. LXV. — Lactance, De ira Dei, XIII. — Sénèque, De ira, II, 27.

[14] L'Éternel créa le monde, et quand cette image des êtres intelligibles eut commencé à vivre et à se mouvoir, Dieu, content de son ouvrage, voulut le rendre encore plus semblable à son modèle et lui donner quelque chose de cette nature impérissable... Timée. — Pensées de Platon, par M. J.-V. le Clerc. — Celui qui avait ainsi disposé toutes ces choses demeura dans son repos accoutumé. Timée. — On trouve cependant dans Sénèque : Sic mundus exteriora contempsit, spectaculo sui lætus. De Prov., VI.

[15] Ép. XCXII. — Comparez :

Quis cœlum posset, nisi cœli numera nosset,

Et reperire Deum, nisi qui pars ipso Deorum est ? (Manilius.)

Cette pensée se retrouve ailleurs dans les mêmes termes : Totum hoc, quo humana et divina conclusa sunt, unum est ; membra sumus corporis magni. (Ép. XCXVII.)

[16] II Corinth., XII, 27.

[17] De ira Dei, l. VII, 3.

[18] Ép. XLI.

[19] Ép. XXXI.

[20] Ép. LXXIII. — Voici les paroles de l'Apôtre auxquelles on compare ces passages : Nescitis quia templum Dei estis, et Spiritus Dei habitat in vobis ?... (I Cor., III, 16). — Quærere Deum, si forte attrectent eum, aut inveniant, quamvis non longe sit ab unoquoque nostrum. (Actes, XVII, 27, 28.)

[21] Les stoïciens appelaient πνεΰμα έμφυτον cet esprit divin répandu dans l'univers et qui animait chaque être particulier. Divinum spiritum esse ubique diffusum, eoque omnia contineri. (Lactance, VII, 6.) — Deus est spiritus intelligens et igneus, formam ipse non habens, sed in omnes se vertens, et omnibus assimilans. (Posidonius, ap. Stob.) — Deum esse animum per naturam rerum omnem intentum et commeantem. (Cicéron, De N. deor., I.) — C'est le spiritus intus alit de Virgile. — Citons encore une pensée de Cicéron semblable à l'une de celles que Sénèque exprime dans l'épître XII et dans l'épître LXXIII : Multos et civitas nostra et Græcia tulit singulares viros ; quorum nemiuem, nisi juvante Deo, talem fuisse credendum est... Nemo igitur vir magnus sine aliquo afflatu divino unquam fuit. (De N. D., II, 66.) — Est homini cum Deo rationis societas. (De leg., I). — Zénon disait : L'homme vertueux est divin, car il a comme un dieu en lui. Le méchant, au contraire, est athée. (Diog. Laërce) — Sur les inspirations d'en haut, on pourrait renvoyer à Horace (vim temperatara Di quoque provehunt in majus, etc...), et même jusqu'à Homère (Odyssée), où la pensée de Sénèque est exprimée en termes semblables.

[22] Par Deo surges... (Ép. XXXI) hoc est summum bonum ; quod si occupas, incipis Deorum socius esse, non supplex (ibid.). — Si hominem videris..., ex superiore loco homines videntem, ex æqua Deos... (Ép. LXI). — Jupiter quo antecedit virum bonum ? Diutius bonus est. Sapiens nihilo se minoris æstimat, quod virtutes ejus spatio breviore cluduntur. (Ép. LXXIII.)

[23] Quam (bonam mentem) stultum est optare, cum possis a te impetrare. Non sunt ad cœlum elevandæ manus..., etc. (Ép. LXI.) — Quid votis opus est ? Fac te ipse felicem... (Ép. XXXI.)

[24] Voyez Lactance, Div. inst., VI, 24. — Quæst. nat., I, præf. — De benef., VI, 7. — Q. N., VII, 31.

[25] Voyez Eusèbe, Prép. év., l. VII, IX, X et sq. — S. Clément, Stromates, l. I, VI. — S. Justin, Minucius Félix.

[26] S. Clément, Stromates, l. V, ch. XIV.

[27] Timée. — Après avoir montré la conformité de la philosophie ancienne et du Christianisme, Minucius Félix disait : De là résulte, pour tout homme qui pense, que les chrétiens d'aujourd'hui sont des philosophes, ou que les philosophes d'autrefois étaient des chrétiens. (Octave, ch. XX.) — Voyez encore Cicéron, Tusc., I. — De Nat. deor., I, 22. — Xénoph., Entre. Mém., I, 4.

[28] Quam utile cognoscere utrum Deus materiam sibi formet, an data utatur ; utrum idea materiæ prius supervenerit, an materia ideæ. (Q. n., I, præf).

[29] Cicero de na tura deorum disputans, sic ait : Primum igitur non est probabile, eam materiam rerum, unde orta sunt omnia, esse divina providentia effectam : sed habere et habuisse vim et naturam suam. (Lactance, Div. inst., II, 8.)

[30] Nous observerons que la plupart des anciens livres religieux que nous connaissons semblent admettre la création proprement dite ; le Shastah des Brames : L'Éternel résolut, dans la plénitude des temps, de former des êtres divins et heureux comme lui. Ces êtres n'étaient pas, il voulut, et ils furent. (M. J.-V. le Clerc.)

[31] Mais que signifient donc ces termes platoniques, l'auteur, le formateur, le Père ? Ne valent-ils pas bien κτίστης, que l'on voudrait voir dans le texte du philosophe, que l'on attaquerait s'il s'y trouvait, et qui ne veut dire que fondateur ? Sans doute, la matière préexiste, suivant le Timée ; mais elle avait été créée par Dieu même (Sophiste, p. 185, C ; Philèbe, p. 178, A, édit. de Francfort). C'est l'opinion des platoniciens Clément d'Alexandrie, Jamblique, Porphyre, Hiéroclès ; et le formateur du monde est toujours le Dieu créateur. (M. J.-V. le Clerc.)

[32] Voyez le Timée : Quand tous ces dieux... eurent reçu la naissance, l'auteur de cet univers leur parla ainsi : Dieux, issus d'un dieu, vous dont je suis l'auteur et le père, mes ouvrages sont indissolubles parce que je le veux.