SÉNÈQUE ET SAINT-PAUL

PREMIÈRE PARTIE. — BIOGRAPHIE COMPARÉE DE SAINT PAUL ET DE SÉNÈQUE. EST-IL VRAISEMBLABLE QUE SÉNÈQUE AIT CONNU PERSONNELLEMENT SAINT PAUL ?

CHAPITRE IV.

 

 

Traits distinctifs du caractère de Sénèque ; principales circonstances de sa vie. — Ses maladies et ses infirmités, Son voyage en Égypte, Son exil en Corse. — Sénèque au pouvoir, Sénèque en disgrâce. — A-t-il eu quelques relations avec les Juifs ? A-t-il connu Philon et ses écrits ? — Silence qu'il garde au sujet des chrétiens. — Du respect humain qu'on lui attribue. — Ses derniers instants. — Retour de saint Paul à Rome, sa captivité et sa mort. Conclusion de la première partie.

Sénèque est né en Espagne, l'an 3 de Jésus-Christ, c'est-à-dire à peu près dans le même temps que saint Paul[1]. Il n'y a pas lieu, selon nous, d'attribuer au pays natal une influence marquée sur sou génie, et de. rechercher dans le caractère espagnol le principe de cette grandeur emphatique et de cet éclat d'imagination, plus apparent que solide, qui forment le trait distinctif de cet écrivain. Il nous paraît plus raisonnable de tenir grand compte de l'éducation qu'il reçut à Rome, où il vint fort jeune[2]. Ses premiers goûts le portèrent vers l'éloquence et la poésie : c'était une vocation de famille. Au moment où il fréquenta les écoles des rhéteurs, un genre nouveau, premier signe du déclin, mettait en honneur le trait, l'épigramme, l'antithèse, les faux brillants ; Sénèque le père l'enseignait, son fils en donna des modèles. Comme Cicéron, Virgile, Ovide, Pline et Tacite, Sénèque débuta par le barreau ; ses succès lui attirèrent les critiques de Caligula, qui se piquait d'éloquence, et sa jalousie rancunière, plus terrible que ses railleries[3]. On peut croire que, suivant l'usage des plus grands avocats de Rome, il cultivait en même temps la poésie, et y reposait son esprit élégant des labeurs de la procédure ; peut-être faut-il rapporter à cette époque la composition de quelques tragédies ; au moins il nous paraît probable que ses vers, quels qu'ils fussent, grâce à la vogue des lectures publiques, contribuèrent à étendre cette réputation littéraire qui le mit d'abord en péril et l'éleva plus tard[4]. Devenu un sujet d'ombrage pour Caligula, il fléchit au temps, et chercha l'oubli. Dès sa jeunesse, une seconde passion avait pris racine dans son âme, abondamment pourvue d'instincts généreux ; après l'avoir abandonnée par ambition, il y revint au jour de la disgrâce. C'était la philosophie, à qui l'on ne consacre trop souvent, comme à la religion, que des loisirs forcés et des cœurs aigris. A l'âge de seize ans, Sénèque avait suivi avec entraînement les leçons des philosophes les plus en crédit ; il en avait reçu une impression assez profonde pour y conformer sa conduite.

Nous avons dit plus haut quelle était alors la puissance et la vogue de cette école romaine qui continuait, par la propagande rapide de l'enseignement public, l'œuvre d'interprétation libre et d'exposition oratoire inaugurée dans les écrits de Cicéron. Nous connaissons ces philosophes, le caractère pratique et la forme de leurs leçons ; nous savons quel esprit viril et exalté tout ensemble était l'âme de leur éloquence.

Représentons-nous donc ces maîtres, au visage pâle et amaigri[5], au langage austère, prêchant aux jeunes Romains la sobriété, la continence, l'enthousiasme pour la vertu, le dévouement au devoir, et excitant des transports d'admiration parmi cet auditoire que le mal public n'a pas encore atteint. Au rang des disciples les plus ardents était Sénèque, à peine entré dans l'adolescence ; âme tendre et passionnée, imagination puissante, naturellement amie du sublime et de l'extraordinaire, il se laissait ravir à la grandeur de cet enseignement ; il rivalisait tout d'abord avec les plus héroïques modèles : les pratiques les plus rigides et les plus contraires aux communs usages, celles qui coûtent le plus à la mollesse et au respect humain n'effrayaient point, nous l'avons vu, l'ambition de sa vertu naissante. Avec Sotion, il aima Pythagore ; comme Attale, il couchait sur un matelas dur et résistant qui ne recevait point l'empreinte du corps ; à l'exemple de Sextius, il s'abstenait de la chair des animaux, et prenait l'habitude d'examiner chaque jour sa conscience. C'était en l'année 19 ; il avait dix-sept ans au plus.

Il n'est donc pas étonnant qu'après avoir, pendant un temps et pour obéir à son père, sacrifié la philosophie au barreau, son penchant l'y ait ramené. Il avait trente-cinq ans environ quand ce retour s'accomplit[6]. Pour son talent, mûri et exercé, cette époque fut singulièrement laborieuse et féconde. Il compléta ses études premières, qui lui avaient laissé plus d'enthousiasme que de science réelle ; il entretint un commerce assidu avec l'antiquité grecque ; Pythagore, Platon, Aristote, Zénon, Chrysippe, Épicure, Posidonius lui devinrent familiers ; des liaisons plus étroites l'unirent aux principaux philosophes de Rome ; en un mot, la plupart des ouvrages qui restent de lui furent ou composés, ou médités, ou préparés alors par des recherches variées et profondes. Sa réputation ne perdit rien à ce changement ; rhéteur converti ou ramené à la philosophie, il y transporta les qualités et les défauts séduisants de ses discours, et la revêtit de cette parure recherchée qui flattait le goût déjà douteux de ses contemporains. Dépourvu de la force d'esprit et de la rectitude de jugement qui sont nécessaires au créateur de nouveaux systèmes, manquant dans sa conduite de la fidélité au devoir qui fait l'homme vertueux, Sénèque ne fut ni un philosophe ni un sage, mais un amant de la vertu et de la philosophie, dont la passion éloquente eut ses caprices et ses faiblesses.

C'est à cette première période de sa vie qu'il faut rattacher son voyage en Égypte, où un de ses oncles fut préfet pendant seize ans[7]. Combien de temps dura ce voyage ? De quelles connaissances nouvelles enrichit-il son esprit ? S'avança-t-il du côté de l'Orient, et jusqu'aux Indes ? Questions à peu près insolubles. Ce qu'il y a de plus vraisemblable, c'est qu'il recueillit, pendant son séjour à Alexandrie, les matériaux de plusieurs ouvrages : il y conçut l'idée de son Essai sur l'Inde, et de son ouvrage sur les Mœurs égyptiennes ; si toutefois ce dernier écrit n'est pas un chapitre du traité général sur les Superstitions étrangères, qui doit aussi se rapporter à la même date[8]. Le voyage de Germanicus en Égypte peut, ce nous semble, donner une idée de l'excursion que fit Sénèque dans ces contrées. Tout Romain débarqué sur la terre des Pharaons et des pyramides était saisi du désir de contempler de ses propres yeux les merveilles célébrées par les historiens. Ainsi, cette curiosité porte Germanicus à entrer dans la presqu'île, au risque d'irriter Tibère ; il descend lentement le cours du Nil, et s'arrête aux villes et aux temples que leur antiquité recommande à son attention ; il va interroger les grandes ruines de Thèbes aux cent portes, se fait expliquer les caractères hiéroglyphiques gravés sur d'énormes colonnes ; la statue de Memnon les pyramides, les lacs creusés par la main de l'homme ne sont pas oubliés il ne met d'autres bornes à ses recherches que celles que la conquête romaine s'est imposées[9]. Probablement Sénèque parcourut la même route, mais avec plus de loisir ; son examen fut plus attentif et plus détaillé, comme il arrive lorsqu'on regarde pour étudier et pour décrire, Ajoutons que son oncle, vieilli dans le gouvernement de la contrée, lui aplanissait au besoin les obstacles.

Cet itinéraire, qui ne dépasse pas la vallée du Nil, cette tranquille observation du sphinx et du lac Mœris ne satisfait pas tous les biographes ; il en est dont les conjectures vont beaucoup plus loin que nous et, sans doute, que Sénèque lui-même. Ils le conduisent jusque dans l'Inde, et lui font visiter les soixante fleuves et les cent dix-huit nations dont parle Pline. Mais si leur imagination aventureuse entraîne ainsi Sénèque à sa suite en ces lointains pays, c'est moins pour le mener aux Indes, où rien ne l'appelle, que pour le conduire, en passant, à Jérusalem, où ils ont besoin de le faire aller. Cette intervention de la géographie, en faveur de la tradition que nous examinons, lui est d'un bien triste secours : et d'abord, sur quoi repose l'hypothèse d'un tel voyage ? Sur le titre d'un ouvrage perdu[10]. Mais ne peut-on pas écrire sur un pays sans le visiter ? L'histoire en était-elle encore au temps d'Hérodote ? A quelles pénibles recherches condamne-t-on Sénèque, au sein de populations barbares, s'il a dû pénétrer de sa personne dans les sanctuaires, interroger les vieillards, consulter des annales dont la langue lui était inconnue, et explorer à tâtons les bords de l'Indus et du Gange. Ne trouvait-il pas à Alexandrie des ouvrages grecs écrits sur cette matière depuis l'expédition d'Alexandre, et des renseignements fournis par le commerce ? Mais admettons l'hypothèse insoutenable de ce voyage, pourquoi conduire l'historien à travers la Judée, l'Assyrie, la Perse, l'empire des Parthes, la Bactriane, au lieu de le transporter rapidement par mer ? Pourquoi user sur les routes du haut Orient le tiers d'une vie si occupée ?

On nous répondra : il est inutile qu'il se rende aux Indes, s'il ne traverse pas Jérusalem. Autant vaut le laisser à Alexandrie. Tel est en effet notre sentiment, même en tenant compte de l'intention qui est l'âme de cette hypothèse. Car enfin, si on désire mettre Sénèque en rapport avec le peuple de Dieu, il y avait en Égypte un million de Juifs ; Alexandrie en comptait deux cent mille, avec un temple superbe, rival du temple de Jérusalem ; la loi s'y lisait en grec, et Philon tenait école en cette ville. Maintenant, nous ne voyons pas bien comment peut s'opérer entre Sénèque et les Juifs ce rapprochement désiré. Sénèque était un philosophe nourri dans les idées grecques et dans les préjugés romains ; si quelque chose, pendant son séjour à Alexandrie, a dû l'attirer, c'était le Musée, la bibliothèque, les ouvrages des poètes, les cours des philosophes, et non la synagogue. Les Juifs d'Alexandrie, pour être plus nombreux et plus riches que ceux de Rome, n'en étaient pas moins haïs, insultés, maltraités par le reste de la population[11]. Leur influence sur la littérature et la philosophie alexandrines fut nulle ; les ouvrages de Philon y étaient inconnus, et les rares prosélytes qu'ils attiraient à leur religion appartenaient à la multitude ignorante. Après tout ce que nous connaissons du mépris des païens, et particulièrement des philosophes, pour les Juifs, ce serait se méprendre étrangement sur l'importance du judaïsme alexandrin que de prêter à Sénèque le désir d'en connaître les doctrines. Durant plusieurs siècles ; les livres sacrés du peuple de Dieu ont été lus et commentés dans les synagogues de Rome, d'Athènes, d'Alexandrie et des principales villes du monde ancien : voyons-nous que les savants, les poètes, les philosophes en aient pris connaissance, et qu'ils aient débité sur les Juifs, sur leurs croyances et leurs coutumes, autre chose que des erreurs mêlées d'outrages ? Pourquoi Sénèque ferait-il exception ? Le seul effet de son voyage à Alexandrie, par rapport à ses opinions sur les Juifs, a été de redoubler sa haine contre cette nation turbulente qui était le principal souci des gouverneurs d'Égypte[12]. S'il parle de leur religion dans un de ses ouvrages, c'est en la rangeant parmi les superstitions étrangères et au nombre des plus abominables. Singulier prosélyte, qui traite ses coreligionnaires de race infâme et scélérate[13]. Nous admettons qu'il ait observé et décrit la partie extérieure des mœurs, des pratiques, des cérémonies juives, tout ce qui tombait sous le regard des païens ; mais si l'on persistait à prétendre que sa curiosité l'a porté à pénétrer le secret des livres saints, du moins serait-on forcé de convenir qu'il a bien peu profité de cette lecture, et que s'il les a pris pour modèles, il les a médiocrement admirés,

L'étude de la vie de Sénèque a jusqu'ici mis en relief deus qualités saillantes de son génie : la première, c'est cette disposition à l'enthousiasme, cette ardeur naturelle de l'âme et de l'imagination, qui s'enflamme de si bonne heure pour une doctrine sévère et un ascétisme exagéré ; la seconde, c'est la tendance encyclopédique de son esprit. Orateur, philosophe, poète, géographe, historien, naturaliste, il toucha à tous les genres de connaissance, et son talent, souple et fertile, donna à ses compositions les formes les plus variées. On a de lui des traités, des lettres, des tragédies ; on a perdu ses discours, ses dialogues, ses histoires, et beaucoup de poèmes.

Un décret d'exil vint le frapper au milieu des travaux qui faisaient sa gloire[14]. Le bruit courut que Messaline, par cet acte de rigueur, voulait punir l'amant de Julie, sœur de Claude[15] ; si l'on admet la vérité de ces imputations, le bannissement de notre philosophe offrirait quelque ressemblance avec celui d'Ovide. Peut-être n'était-ce qu'une calomnie adroitement semée pour justifier la persécution en flétrissant la victime[16] ; peut-être Sénèque avait-il déplu par l'éclat de son nom, par ses opinions, par quelque propos indiscret, par tous les crimes reprochés aux grands talents et aux honnêtes gens ; toutefois, l'existence même de ces rumeurs, recueillies par l'histoire, semblerait prouver que sa conduite ne les rendait pas trop invraisemblables. Ce serait alors un exemple de cette faiblesse de caractère qui a donné de si nombreux démentis à ses doctrines et a fait mettre en doute la sincérité de son enthousiasme pour des vertus qu'il célébrait sans les pratiquer. La Consolation adressée à Polybe nous apprend que le crime de Sénèque, vrai ou supposé, fut déféré au sénat, et que l'exil, ordonné par l'empereur, était un adoucissement de la peine infligée par les sénateurs[17]. Après tout, pour un homme de cet âge, de ce mérite, de cette renommée, et dans un siècle aussi agité, la persécution était un double bienfait de la fortune. Rien ne sert le talent et l'ambition comme une éclatante disgrâce ; c'est la plus noble, la plus utile, et souvent la plus courte des candidatures. S'il fût demeuré à Rome dans l'une de ces situations vulgaires que crée une vie douce et paisible, peut-être eût-il été négligé par Agrippine ; le rocher de la Corse le désignait bien mieux au choix de l'habile impératrice qui remplaçait une rivale impopulaire. Mais ce qui mérite surtout d'être apprécié, c'est l'effet de la souffrance sur son âme, et le progrès de son esprit durant huit années de solitude. Relégué dans une île sauvage et inhabitée[18], loin du tumulte de la société et des distractions de la gloire, l'étude, la lecture, la méditation, étaient l'unique remède, le seul plaisir que comportât son malheur. Peut-on douter qu'un tel esprit, constamment replié sur lui-même, enfoncé dans la recherche des vérités physiques et morales, affranchi de la gêne des passions et des liens terrestres, n'ait gagné en étendue, en force, en richesse ? Que de travaux ébauchés, que de projets conçus pendant l'exil ! Que de réflexions, d'une triste vérité, lui furent alors suggérées ! Quel complément aux leçons de la philosophie, quelles preuves frappantes de ses maximes, quelle occasion de les appliquer ! Nous n'allons pas jusqu'à dire que son caractère se soit élevé et affermi dans ces épreuves, mais certainement elles profitèrent à son esprit. Sénèque n'est pas sorti de cette école philosophe accompli et le cœur muni de vertus effectives ; les raisons qu'il allègue, pour prouver à sa mère le mépris qu'il fait des biens qu'il a perdus et sa tranquille insouciance au sein de l'infortune[19], sont trop longues, trop subtiles, trop emphatiques, et montrent qu'il cherche à s'éblouir lui-même ; cependant, sous cette déclamation diffuse respire un sentiment vrai, car Sénèque a la sincérité de l'impression du moment ; on reconnaît, à la peinture du bonheur qu'il éprouve et des soins qui l'occupent, l'effet d'une vie solitaire sur cette ardente imagination qu'elle dispose à la rêverie et à l'exaltation. Cette tendance, qui lui était naturelle, ne disparut point dans les années prospères qui suivirent ; car il n'y a que les petites âmes qui perdent le profit et le souvenir de l'adversité ; d'ailleurs, sous le règne de Néron, on ne pouvait jamais se flatter d'en avoir fini avec les disgrâces. Mais après ces démonstrations d'une vertu qui se vante et s'encourage, reparaît l'ordinaire inconséquence de Sénèque qui lui inspire, non une mauvaise action, mais un écrit, indigne d'un philosophe. Capable de transports généreux plutôt que d'une longue patience, il ne put résister à la durée des maux qu'il se flattait d'avoir vaincus d'abord ; il écrivit à un affranchi de Claude pour solliciter son intercession, et essayer de fléchir la colère impériale. On a blâmé sévèrement cette supplique ; cependant si la flatterie y est immodérée, elle n'est jamais basse. L'affranchi Polybe était un amateur de belles-lettres et un éditeur soigneux d'Homère et de Virgile[20] ; ce qui prouve en faveur de son caractère, c'est qu'il osa rester l'ami ou le protecteur d'un exilé, et entretenir avec lui des relations que des goûts communs avaient sans doute formées. Quant à l'éloge de Claude, qui est fort brillant, et se ressent des études astronomiques de l'auteur[21], l'exagération n'en est pas aussi révoltante qu'elle le paraît d'abord ; ce prince ridicule était assez humain, et après Caligula il valait par le contraste. Ce n'était pas lui d'ailleurs, mais Messaline qui persécutait Sénèque. Sans doute un vrai philosophe eût supporté l'exil sans se plaindre et sans recourir à la flatterie ; c'est en cela que consiste la faute ou la défaillance de Sénèque ; mais il faut reconnaître que jamais il ne s'est donné pour un vrai philosophe[22].

Momentanément, ces avances furent en pure perte. Il fallut une révolution de palais pour mettre fin à son exil ; et par un brusque changement qu'il n'avait pu espérer, mais qu'il accepta, la faveur d'Agrippine, l'arrachant à sa solitude, à ses chagrins, à ses méditations, le transporta au sein des splendeurs, des intrigues et des crimes de la cour[23]. La confiance dont il fut alors investi peut être considérée comme une preuve suffisante de l'injustice du châtiment qui l'avait frappé ; car, malgré les idées tolérantes de l'antiquité en matière de morale, il n'y u pas d'apparence qu'Agrippine eût confié sou fils à un précepteur convaincu d'adultère ; en tout cas, c'est un témoignage éclatant de la réputation dont il jouissait à Rome, malgré huit ans d'absence, et peut-être à cause de cette absence. La faveur des princes ne va chercher les hommes de condition médiocre que lorsque ces choix sont pour eux-mêmes un titre à l'estime publique ; en prenant ce candidat de l'opinion, Agrippine conciliait à son autorité récente la partie éclairée de la société romaine, le monde des rhéteurs, des philosophes et de leurs partisans, la jeunesse surtout qui voit de bon œil les préférences accordées au talent sur la naissance. Il résulte encore de là que les classes intelligentes, les gens d'esprit, étaient de quelque poids dans les déterminations du pouvoir. Les offres ou les volontés de la nouvelle impératrice furent connues de Sénèque au moment où, revenu de l'exil, il faisait voile pour Athènes[24] ; un philosophe eût résisté, car il était manifeste que la philosophie n'avait aucun rang à tenir entre une femme ambitieuse, des affranchis scélérats et un vieillard imbécile ; mais en s'adressant à Sénèque, la mère de Néron savait bien qu'elle n'avait pas affaire à un Caton ou à un Thraséas, mais à un esprit souple, délié, fertile en ressources, capable de seconder et de diriger ses menées, et l'événement n'a pas donné tort à sa pénétration[25]. Il est superflu d'examiner en détail la conduite de Sénèque, volontairement précipité dans la grandeur ; bornons-nous à dire qu'on ne peut ni l'excuser ni le blâmer entièrement. Il parut à la cour tel qu'il s'était toujours montré, c'est-à-dire doué d'une honnêteté naturelle qui fléchissait sous la pression des circonstances, et se laissait entraîner jusqu'à tolérer le crime, peut-être même à le conseiller ou à le commettre[26], certainement à le justifier, au moins du bout des lèvres. Il aima le pouvoir, assez pour le retenir au préjudice de son honneur, mais il chercha à l'exercer noblement et dans l'intérêt du prince et de l'État[27]. Il accueillit l'opulence, mais il en repoussa les vices[28], et fit asseoir la frugalité à ces tables de cèdre, dont chacune valait un million de sesterces[29]. S'il ne quitta pas spontanément l'empereur et la cour, il mit de la dignité dans sa retraite[30] ; et après une longue possession des honneurs il se retrouva, au déclin de l'âge, avec les goûts élevés et austères de sa jeunesse[31]. S'il eut pendant sa vie des accusateurs, et des détracteurs dans la postérité, les plus vertueux de ses contemporains et les historiens les plus véridiques lui ont rendu justice[32].

Que devint dans le maniement des affaires, au milieu des soucis attachés à un si haut rang, cet esprit qui pendant huit années de solitude s'était nourri silencieusement de spéculations philosophiques, et n'avait connu d'autre commerce que celui des écrivains dont il méditait les ouvrages, d'autre spectacle que la vue du ciel et de la mer dont il étudiait les phénomènes ? Tant que dura la première ivresse qui suit l'avènement aux honneurs ; tant qu'il entretint l'espoir de vaincre le mal par l'ascendant du bien, il est à penser que le philosophe-ministre abandonna la théorie pour la pratique, et crut servir le genre humain en appliquant tous ses soins à diriger le bras qui couvrait l'univers de légions et de proconsuls. Mais lorsque ses illusions tombèrent, et qu'il put voir à nu la corruption du siècle et l'irrémédiable perversité de son élève ; lorsqu'il s'aperçut que pour prix de ses efforts vertueux comme de ses coupables condescendances, il allait perdre le pouvoir et peut-être la vie, son âme blessée se réfugia de nouveau au sein de l'étude, et y rapporta, de cette longue et malheureuse expérience, une impression de tristesse qui est particulièrement sensible dans ses derniers écrits.

Outre l'action des circonstances extérieures, nous devons signaler une cause inhérente à sa constitution physique, qui ne fut pas sans influence sur l'état de son esprit et sur le travail de sa pensée. Sénèque était né débile et maladif. Dès son enfance, de cruelles infirmités l'avaient mis en péril[33], et toute sa vie il resta sujet aux asthmes, à la fièvre, aux tremblements nerveux, aux évanouissements[34]. Quand un corps languissant se trouve uni à une âme ardente, il lui communique quelque chose de sa délicatesse et de sa langueur ; de là résulte une tendance à la mélancolie, à l'exaltation, à toutes les vivacités de la faiblesse. Par un autre effet de cette union inégale, la vigueur de l'être se concentre dans la partie saine et agissante ; l'intelligence devient le siège unique de la vie ; le reste n'est plus qu'une enveloppe incommode et méprisée dont on aspire à se détacher et qu'on abandonne à la douleur. La sobriété dont Sénèque s'était fait une loi, lui était prescrite par le soin de sa santé autant que par la philosophie : or, un régime frugal, la pratique fréquente de l'abstinence dégagent l'esprit des éléments matériels qui l'appesantissent ; le corps ne lui fait plus sentir sa chaîne, il a plus d'élan et d'agilité, et plane d'un vol léger dans le monde supérieur des idées[35]. Aussi le jeûne est-il la condition essentielle d'une vie mystique et contemplative.

Par conséquent, si l'on veut se faire une idée juste du talent de Sénèque et apprécier comme il convient certains caractères de ses écrits, il faut tenir compte de toutes les causes qui ont influé sur ses dispositions morales et recueillir les indications fournies par les particularités importantes de son existence. En résumant les remarques qui précèdent, sous quels traits nous représenterons-nous ce philosophe ? Nous verrons en lui une intelligence active et féconde, naturellement portée vers ce qui est généreux, avide de savoir et de renommée, qui répand son ardeur sur tous les genres d'étude, mais, malgré ses prétentions à l'universalité, conserve une préférence marquée pour la plus haute des sciences, pour la philosophie ; nous y verrons encore une âme passionnée, délicate, prompte à l'enthousiasme, dont la sensibilité a reçu les impressions successives des ennuis de l'exil, des déceptions éprouvées à la cour, et des souffrances d'un corps maladif.

Où sont donc, parmi ces événements de la vie de Sénèque, les circonstances qui ont pu faciliter ses rapports supposés avec les premiers chrétiens ?

L'Église romaine fut fondée en 44, et saint Paul vint à Rome en 61. Or, à la première date, Sénèque était en exil, et pour ce temps du moins il n'y a pas lieu d'imaginer quelque liaison entre lui et les apôtres. L'époque qui suivit son retour et son élévation est-elle plus favorable ? Qu'on lise Tacite, et l'on nous dira si Sénèque, placé entre Néron, Agrippine, Pallas, Tigellin et Poppée, occupé à défendre le fils contre les soupçons et les fureurs de la mère, la mère contre le poison et le poignard du fils, forcé de combattre à la fois les instincts sanguinaires de son redoutable élève, les suggestions des courtisans, les calomnies de ses ennemis personnels, usant toutes les ressources de son habileté et de son crédit à affermir, à faire prévaloir la ligue du bien public formée entre lui et Burrhus, au milieu de ces soucis et de ces alarmes avait assez de loisir et de liberté d'esprit pour aller étudier dans les faubourgs une religion nouvelle qui, à ses yeux, et au jugement des Romains, n'était autre chose qu'une superstition barbare, importée de Palestine ? Où placer l'époque de ces prétendues relations ? Est-ce en 60 et 61, lorsqu'il justifie le meurtre d'Agrippine ? ou en 62, lorsqu'il résiste à peine aux assauts de la calomnie et tremble pour son crédit ébranlé ? Quels intermédiaires ont pu ménager ce rapprochement ? Avait-il quelques esclaves juifs ou chrétiens, et serait-ce par eux qu'il eût été conduit à la synagogue ou à l'Église ? Ce philosophe traitait humainement ses esclaves[36] ; quelques-uns étaient admis dans sa familiarité ; mais il n'en faisait pas ses conseillers en matière de religion et de philosophie. En supposant, ce qui est inadmissible, que la rumeur publique au sujet des chrétiens eût éveillé sa curiosité, simple particulier il eût pu facilement la satisfaire, et s'informer à loisir de leur culte et de leurs doctrines : attaché à la cour et au service du prince, les embarras qui l'assiégeaient lui en ôtaient et le désir et le pouvoir. Il est vrai qu'il les a peut-être connus par les rapports adressés au gouvernement, dont l'attention commençait à se porter sur leurs progrès ; mais alors le préjugé d'État redoubla en lui le préjugé philosophique : siégeant dans les conseils de César, il dut penser des chrétiens comme César lui-même.

Ces raisons, nous dira-t-on, auraient quelque force, s'il s'agissait d'un homme que ses études et ses relations antérieures n'eussent pas préparé à recevoir les enseignements apostoliques ; mais la lecture de l'Ancien Testament, la connaissance approfondie du culte juif avait d'avance initié Sénèque aux doctrines du christianisme[37]. — Comme on l'a vu, ce n'est pas à l'époque de son voyage en Égypte qu'il faut rapporter cette initiation ; de retour parmi les siens, il se vit en butte à la persécution de Caligula et à celle de Messaline. Cependant, on peut supposer qu'il se trouvait à Rome, lorsque Philon y vint en ambassade. Mais le dessein de Philon était d'intercéder en faveur de ses coreligionnaires, et non de faire des prosélytes ; dès qu'il avait rempli sa mission et essuyé les brusques emportements de Caligula, il se retirait, ainsi qu'il le dit lui-même, dans le quartier juif[38]. A en croire Eusèbe, ses ouvrages furent placés dans les bibliothèques publiques, par ordre du sénat, sous le règne de Claude[39]. Outre que ce témoignage est suspect, en admettant qu'il fût vrai, la philosophie juive n'avait aucun attrait pour un Romain élève des Grecs ; la preuve, c'est que nul auteur païen ne fait mention de ces ouvrages ; de sorte qu'ils furent à Rome comme s'ils n'y étaient pas. D'ailleurs, si Sénèque avait fréquenté Josèphe ou Philon, ces hommes de bonne compagnie, comme les appelle M. de Maistre, s'il avait lu les écrits de ce dernier, pourquoi n'en faire aucune mention, pourquoi n'en rien citer ? Ne pouvait-il pas, s'il les admirait, en parler comme d'écrits éminents, quoique entachés de judaïsme, et dignes d'appartenir à la Grèce[40] ? Et si le préjugé romain était assez puissant pour condamner au silence son admiration, ne suffisait-il pas pour le détourner de cette lecture et de cette compagnie ? Il est encore moins raisonnable de supposer que la version des Septante, inconnue à Rome, si ce n'est des Juifs[41], ait attiré sa curiosité. Dans notre ardeur de prosélytisme, nous prêtons aux anciens les sentiments d'une piété toute moderne à l'égard des livres saints ; nous oublions que ce respect, cette admiration sont l'effet de convictions religieuses depuis longtemps établies, et d'un commerce journalier avec les beautés qu'ils renferment. Pour des profanes, ces livres étaient inintelligibles, ou bizarres, ou grossiers. Saint Augustin et saint Jérôme, élevés par des mères chrétiennes et des maîtres croyants, avouent que la simplicité des Écritures a plus d'une fois rebuté leur délicatesse, et qu'il leur arrivait de préférer à ce langage extraordinaire, un peu voilé par des traductions polyglottes, les compositions élégantes du génie grec ou romain. Par quelle étrange hypothèse imagine-t-on que Sénèque, l'écrivain en vogue, soit allé chercher des inspirations dans des livres orientaux, dont les idées, la méthode, la diction ressemblent si peu aux brillants et réguliers modèles des siècles classiques ? Ajoutez à cela le style barbare des commentaires rabbiniques, et le caractère étrange de l'enseignement de la synagogue, qui entouraient d'une enveloppe presque impénétrable aux gentils ce mystérieux dépôt.

Pour achever de dissiper toute lueur trompeuse, disons encore qu'au temps de Sénèque il y eut constamment à Rome des rois juifs, principalement des Agrippas, dont l'un fut en faveur auprès de la mère de Néron[42]. Mais ces princes se montraient plus jaloux du succès de leurs vues ambitieuses que des progrès de leur religion, qu'ils persécutaient en Judée, et plus empressés d'adopter par flatterie les mœurs romaines que de répandre autour d'eux les idées juives. Les seules traces de leur passage à Rome furent quelques bruits populaires sur leurs domaines de palmiers, et sur les désordres de leur famille[43]. Si cependant on insiste, et si l'on veut qu'ils aient eu à cœur de convertir les Romains à leurs croyances, pourquoi ne pas prétendre que les Césars et leurs courtisans, depuis Auguste, Mécène et Horace, furent tous affiliés secrètement au judaïsme ? Pourquoi ne pas imiter le zèle imaginatif de ces rabbins qui transforment Néron en un prosélyte de justice, apparemment parce que sa maîtresse aimait les Juifs[44] ?

L'argument des prédispositions antérieures de Sénèque est donc nul. On en tire un autre de son ascétisme, de ses fréquentes abstinences, de l'usage où il était d'examiner chaque jour sa conscience ; mais toutes ces pratiques appartiennent à la philosophie de Pythagore ou de Zénon. Cardons-nous aussi de voir dans l'amitié qu'il professe pour le cynique Démétrius une image de son amitié pour l'apôtre Paul. Il lui arrivait souvent, dit-il, de quitter le monde des courtisans pour rechercher la société de ce vieillard demi-nu ; il l'attachait à sa personne, le conduisait en public et dans ses jardins[45] : rien dans ces habitudes qui ne soit conforme aux mœurs de l'antiquité. Démétrius avait encore pour amis le sénateur Thraséas et d'autres Romains illustres ; des stoïciens aussi austères que ce cynique vivaient familièrement dans les palais des grands, et il est superflu de remonter jusqu'à l'exemple d'Alexandre visitant Diogène. Sénèque rapporte encore que, sur la fin de sa vie, il allait s'asseoir à l'école d'un philosophe[46] ; cela ne prouve pas qu'il soit allé aussi naturellement écouter la prédication chrétienne dans un cœnaculum ou l'enseignement des rabbins à la proseucha. Enfin, pour expliquer le silence qu'il garde au sujet des chrétiens, et qui prouve simplement qu'il ne. les connaissait pas ou qu'il n'entrait pas 'dans son sujet d'en parler, on lui a prêté un sentiment hypocrite et timoré, un raffinement de prudence religieuse, qui rabaisserait son caractère et ne ferait pas d'honneur à sa conversion. Ceux qui ont imaginé le respect humain de Sénèque supposent que, néophyte douteux, il tremblait d'être découvert, évitait de justifier des innocents calomniés, avec qui il communiquait en secret, et taisait leur nom, leur foi, leurs vertus dans ses discours et ses écrits. Sont-ce là les effets que produisait dans les cœurs l'ardente parole de Paul ? Où sont ces transports qui conduisaient les premiers chrétiens aux supplices ? Est-ce avec de pareils disciples, avec des tièdes et des indécis, que les apôtres ont fondé l'Église du Christ ? Pourquoi Sénèque eût-il été moins convaincu et moins courageux que les âmes simples qui croyaient et mouraient pour leurs croyances ? Serait-ce à cause des lumières de sa raison et de son attachement à la philosophie ? Mais alors pourquoi supposer, comme le fondement de ces relations imaginaires, que c'est cette même raison, éclairée par la philosophie, qui l'a préparé à comprendre l'Évangile et l'a amené aux pieds de celui qui l'annonçait ?

Sénèque finit, comme les hommes d'élite de ce temps, dans une résignation pleine de tristesse, sans braver le péril et sans le fuir. Retiré, avec sa femme et quelques amis, au fond de ses maisons de campagne, cultivant ses jardins, et soutenant par une nourriture frugale son existence défaillante[47], il reçut tordre de mourir et l'exécuta avec une dignité calme, sans faste d'héroïsme, en s'entourant jusqu'à l'heure suprême des consolations et des secours de la philosophie[48]. Ainsi moururent Cremutius Cordus, Thraséas, Soranus et tant d'autres : c'était la mort naturelle des sages. Nous n'avons pas à discuter avec ceux qui prétendent que ses derniers instants furent ceux d'un chrétien ; cela n'est pas soutenable[49]. Comment Néron et les ennemis du philosophe n'eussent-ils pas divulgué ce secret ? Et ce dernier discours, qui fut répandu à Rome après sa mort et que Tacite avait entre les mains, exprimait-il des sentiments chrétiens ?

Lorsque Sénèque mourut, l'incendie de Rome avait été le prétexte d'une persécution contre les chrétiens[50]. Ces cruautés, qui pour la première fois ensanglantaient l'Église, prouvent que le nombre des fidèles les faisait remarquer de l'autorité, et les raisons qui, suivant l'historien, déterminaient l'empereur à sévir, indiquent quelle était l'opinion des Romains sur le christianisme. Absent de Rome depuis l'an 63, Paul y revint pour mourir en 68. Peut-être le bruit de la persécution l'avait-il attiré ; peut-être fut-il dénoncé et arrêté comme chrétien dans quelque ville de Grèce ou d'Orient[51] ; car les gouverneurs avaient sans doute reçu des ordres sévères contre la secte nouvelle. Selon saint Chrysostome, il revint librement à Rome, y convertit l'échanson et la concubine de Néron, y confondit Simon le magicien, de concert avec saint Pierre, et par ces faits éclatants attira sur sa tête la colère impériale[52]. Toutes ces suppositions sont très-hasardées ; ce qu'il y a de plus clair, c'est que la prédication évangélique était devenue pleine de périls dans tout l'empire, et principalement à Rome. L'apôtre mourut en juin 68, trois ans après Sénèque, et quelques semaines avant Néron.

 

 

 



[1] Voyez sa vie par Juste Lipse. — Il était de Cordoue, colonie patricienne ; sa famille était d'un rang équestre ; sa mère, de race espagnole.

[2] Son père vint à Rome au temps d'Auguste et s'y enrichit. — Lui-même y fut amené encore enfant (Ad Helviam, 17).

[3] Voyez Dion, l. IX, et Suétone, De C. Cæsare, 53.

[4] Lipse pense qu'avant de tomber dans la disgrâce de Caligula, il n'avait pas composé d'ouvrages philosophiques.

[5] Sénèque, Ép. XLVIII.

[6] Caligula régna quatre ans, de 37 à 41.

[7] A Helvia, XVII. Sénèque eut pendant toute sa vie des intérêts à Alexandrie. Voyez Ép. LXXVII.

[8] Voyez Pline l'Ancien (Hist. n., VI, 17) et Servius, In Æneida, VI et IX.

[9] Tacite, Ann., II, 60, 61.

[10] Essai sur l'Inde.

[11] Josèphe, Guerre contre les Romains, l. II, chap. XXXVI. En l'an 66, il y eut 50.000 Juifs tués dans une émeute à Alexandrie. — Voyez Philon, in Flaccum. — On peut lire dans l'ouvrage de M. Delaunay sur Philon un tableau du mouvement philosophique d'Alexandrie, page 20. Quant à ce que dit cet auteur des rapports de Sénèque avec Philon, c'est une pure hypothèse mêlée d'inexactitudes évidentes (p. 23). Chacun tire notre philosophe à soi. Notre-but est de le rendre à lui-même et aux siens, à ses maîtres certains et à ses vrais modèles.

[12] L'oncle de Sénèque fut sans doute le prédécesseur de Flaccus, si odieux aux Juifs (voyez Philon). — C'est environ vers l'an 39 ou 40 que Philon fut envoyé en ambassade à nome. Il avait alors 50 ans. La plupart de ses écrits furent publiés au commenceraient du siècle. — Son frère avait renoncé au judaïsme.

[13] Usque eo gentis sceleratissimœ consuetudo convaluit, etc. — Sénèque, cité par saint Augustin.

[14] Ce fut en l'an 41 ou 42.

[15] Dion, Hist. rom., LX, 8. — Xiphilin, LXI, 10. — Commentateur de Juvénal, Sat. V, v. 109 a Seneca.

[16] C'est l'opinion de Juste Lipse. — Il faut remarquer ici que les détails que Sénèque nous donne sur les mœurs de sa famille ne s'accordent pas avec une telle licence.

[17] Ch. XXXII.

[18] Ad Helviam, 6.

[19] Ad Helviam, ch. X, XI, etc.

[20] Ad Polybe, 25, 26.

[21] Sur les études astronomiques de Sénèque pendant son exil, voyez la Consolation à Helvia, ch. IX.

[22] Ad Helviam, 5.

[23] Tacite, Ann., XII, 8. C'était en 49. Sénèque avait environ quarante-cinq ans.

[24] Commentateur de Juvénal, Sat. V, v. 109.

[25] Tacite, Ann., XII, 8.

[26] Tacite, Ann., XIV, 11.

[27] Tacite, Ann., XIII, 2. — Dion, l. LXI, ch. I.

[28] Épîtres, V, XVIII, XX. — De beata vita, 21, 23. — Ses envieux lui reprochaient d'avoir amassé en quatre ans ter millies sestertium (Ann., XIII, 42).

[29] Il avait cinq cents de ces tables (J. Lipse).

[30] Ann., XIV, 53, 54. — Sénèque n'usa jamais d'adulation envers l'empereur (De clem., II. — Tacite, Ann., XV).

[31] Ann., XV, 45.

[32] Tacite est en général favorable à Sénèque. — Sénèque eut pour ami Thraséas. — Voyez le vers de Juvénal :

Quis tam

Perditus ut Senecam dubitet prœferre Neroni ?

[33] Per longum tempus æger. (A Helvia, 17.)

[34] Ép. LIV, LXXVIII. — Tacite, Ann., XV, 45, 63. — Sénèque avoue que, sans le respect qu'il portait à son père, il aurait cédé aux idées de suicide qui parfois l'obsédaient (Ép. LXXVII et LXXVIII).

[35] Agitatiorem mihi animum esse credebam ; nec tibi hodie affirmaverim an fuerit. (Ép. CIX.)

[36] Ép. XLVII.

[37] Cette thèse est soutenue par M. de Maistre, IXe entretien.

[38] De leg. ad Caium.

[39] L. II, ch. XVII.

[40] Voici les termes de M. de Maistre : Ne pouvait-on pas alors comme à présent admirer les écrits en méprisant les personnes ? Au moyen de la version des Septante, Sénèque pouvait lire la Bible aussi commodément que nous.... Philon et Josèphe étaient bien apparemment des hommes de bonne compagnie, et l'on pouvait sans doute s'instruire avec eux.... (IXe Entr.)

[41] Du temps de Juvénal, les Romains ne la connaissaient même pas : Tradidit arcano quodcunque volumine Moses.

[42] Josèphe, Ant., XX, 5.

[43] Josèphe, ibid. — Horace. — Juvénal.

[44] M. Biet, p. 276.

[45] Ép. LXII.

[46] Ép. LXXVI.

[47] Tacite, Ann., XV, 60 et sq. — Sénèque, Ép. CIV.— Quæst nat., III, 7.

[48] C'était en 65. Sénèque, selon J. Lipse, avait soixante-trois ou soixante-quatre ans. Néron un an auparavant lui disait : Verum et tibi valida œtas, etc.

[49] Sicco Polentone, Vita Senecæ.

[50] L'incendie eut lieu en juillet 64.

[51] Connybear et Howson, t. II, ch. XXVII.

[52] Voyez Tillemont, Mém., art. 47. — Don Calmet, Diss. sur Simon.