SÉNÈQUE ET SAINT-PAUL

PREMIÈRE PARTIE. — BIOGRAPHIE COMPARÉE DE SAINT PAUL ET DE SÉNÈQUE. EST-IL VRAISEMBLABLE QUE SÉNÈQUE AIT CONNU PERSONNELLEMENT SAINT PAUL ?

CHAPITRE PREMIER.

 

 

Jeunesse et éducation de saint Paul. — Prédication de l'Apôtre en Orient et en Grèce. — Des synagogues et des prosélytes. — Saint Paul parmi les Juifs et parmi les païens. — Athènes et l'Aréopage. — Galion. — Sergius Paulus. — Félix, Agrippa, Festus.

Reportons-nous en idée à l'an 50 de notre ère, à cette époque décisive où, des crises profondes du monde ancien, commençait à sortir l'espoir d'une rénovation morale de l'humanité. Essayons de peindre avec des couleurs vraies, sans déclamation, sans illusion d'aucune sorte, ces deux sociétés distinctes et d'un caractère si tranché, dispersées dans la vaste enceinte de l'empire romain, l'Église naissante et l'antique philosophie ; l'une obscure, cachée au fond de quelques cités, éparse sur quelques rivages, et grandissant par un sourd progrès ; l'autre célèbre, honorée, déployant en pleine lumière son éloquence et ses doctrines, influente au forum, aux écoles, dans les palais, soutenant noblement l'héritage de six siècles de gloire, de science et de vertus. Voyons si en rassemblant avec soin les circonstances principales de ce mouvement parallèle des esprits, à la fois semblable et si différent, en recomposant ces milieux ardents, ces foyers de la parole et de la pensée, nous ferons jaillir de cet examen des raisons d'approuver la tradition dont il s'agit ou de sérieux motifs de la repousser.

Quelle était donc, à Rome et dans l'empire, au temps de Claude et de Néron, l'exacte situation de la philosophie et du christianisme ? La solution précise de cette question va se développer dans les chapitres suivants et formera cette première partie.

Commençons par saint Paul. Que faut-il penser au juste de sa prédication, de l'éclat qu'elle a jeté et du bruit qu'elle a fait dans le monde ?

Un premier point se présente à éclaircir : Saint Paul était-il versé dans les lettres profanes ? Avait-il étudié, comme plusieurs l'ont prétendu, la philosophie et la poésie grecque, et même la langue et le droit des Romains ? Rien n'autorise un tel sentiment. Les Pères célèbrent avec enthousiasme l'éloquence de saint Paul, la sublimité de ses doctrines, la force et la dialectique qui règnent dans ses Épîtres, mais leur admiration ne signale dans ses écrits aucune trace de science mondaine. Au contraire, saint Chrysostome blâme les imprudents qui, de son temps, osaient le mettre au-dessus de Platon[1] ; saint Jérôme relève les nombreuses incorrections qui lui échappent, et les attribue au défaut de culture littéraire[2] ; c'est un barbare, dit Bossuet, qui ne sait pas couvrir des fleurs de la rhétorique la face hideuse de son Évangile ; les délicats de la terre, qui ont les oreilles fines, sont offensés de la dureté de son style irrégulier[3].

Ces éloges et ces critiques ne se contredisent point. Saint Paul a le génie, l'éloquence, le zèle, l'intrépidité, toutes les grandes qualités du cœur et de l'esprit, mais il ne faut lui demander ni la diction fine et polie des rhéteurs, ni l'érudition des sophistes. Et quel besoin a-t-il de cette parure d'emprunt ? Bans cette âme si pleinement possédée et envahie par la foi nouvelle, quelle place reste-t-il aux fictions des poètes, aux doctrines des philosophes ?

Pour dissiper tous nos doutes, entrons dans quelques détails sur les premières années de saint Paul.

Paul est né à Tarse, vers le commencement de l'ère chrétienne[4]. Ses parents étaient Juifs, de la tribu de Benjamin, et de la secte des pharisiens[5] ; on ne sait depuis combien de temps ils habitaient cette ville ; on suppose qu'ils y avaient cherché un refuge pendant la guerre de Pompée, de Gabinius ou de Cassius[6]. Tarse, comme toutes les cités commerçantes dit Levant, avait une colonie juive, sans doute égale en nombre à celles de Damas et d'Antioche. Bien qu'éloignée de la Terre sainte, la famille de Paul était restée fidèle au vieil esprit hébraïque, et n'appartenait point à la secte des Alexandrins qu'on accusait à Jérusalem de corrompre le dogme par des innovations téméraires. C'est ce qui ressort avec une entière évidence de tous les passages où l'Apôtre parle des liens qui le rattachent à la nation juive. Il fut donc élevé dans les plus rigides pratiques et dans les plus pures croyances du culte héréditaire ; cette âme ardente se nourrit, dès l'enfance, de la poésie des Écritures. Paul reçut de son père, outre les prérogatives des Hébreux fidèles, un titre honorable aux yeux du monde et qui lui valut plus d'une fois la considération des païens et la protection des magistrats ; c'était le titre de citoyen romain, fort ambitionné dans les provinces, et fort rare parmi les Juifs[7]. Tarse, ville dévouée aux Césars, et qui avait souffert sous la courte domination de Cassius, ne reçut cependant d'Auguste, qui la récompensa, ni le titre de municipe, ni celui de colonie ; c'était une ville libre, comme Antioche de Syrie, qui avait des magistrats tirés de son sein et ne recevait pas de garnison[8]. Ses habitants n'avaient pas le droit de bourgeoisie romaine, et si le père de Paul le possédait, c'était une récompense ou une acquisition personnelle. Était-ce le prix d'un service rendu pendant les guerres civiles ? L'avait-il acheté à poids d'or, comme le tribun des Actes ? Suivant une conjecture récente, le père de l'Apôtre serait un affranchi qui aurait obtenu le titre de citoyen romain en recouvrant sa liberté[9]. Le métier de la famille consistait dans la fabrication de tentes et de vêtements de crin appelés cilices, du nom de la contrée où cette industrie avait pris naissance[10]. Conformément à la loi des Juifs, Paul apprit un métier, celui de ses parents, et l'on voit dans les Actes qu'il l'exerça pendant toute sa vie[11].

Comment se passèrent les premières années de Paul à Tarse ? Quelle action cette cité païenne exerça-t-elle sur son esprit ?

Tarse est située dans la partie occidentale de la vaste plaine appelée Cilicie plate, qui a cinquante lieues d'orient en occident, et trente lieues du nord au midi. Ce pays est d'une fertilité qui excite encore l'admiration des voyageurs. C'est le passage des armées et des caravanes qui se rendent dans l'Asie centrale. Au milieu de la ville coule le Cydnus, et l'on aperçoit au loin les hauts sommets et les pentes escarpées du Taurus. A cette époque, Tarse était un point de réunion pour les Syriens, les Isauriens, les Cappadociens, sans parler des marchands grecs qui affluaient par mer, et des Juifs, ces pèlerins du commerce antique[12]. Strabon vante sa puissance, ses écoles qu'il ne craint pas de comparer aux écoles d'Athènes et d'Alexandrie[13]. C'était la Marseille de l'est. On y admirait la magnificence des temples, l'éclat des solennités religieuses, où accouraient les villes voisines, et qui l'avaient fait surnommer la cité sainte, ίερά ; Auguste y recevait des honneurs divins, et tous les ans des jeux étaient célébrés au nom des empereurs[14]. Le goût des fêtes, la passion des arts, l'activité du commerce s'y partageaient les esprits ; le port était rempli d'une multitude affairée, venue de tous les points de l'Orient et de la Grèce ; une jeunesse sérieuse se pressait autour des chaires de philosophie, tandis que les voyageurs et les victimes affluaient dans les temples[15]. Le renom de ses philosophes, de ses grammairiens, de ses improvisateurs avait pénétré jusqu'à Rome ; ils remplissaient la capitale de l'empire, et quelques-uns y occupèrent un rang honorable, témoin le stoïcien Athénodore, précepteur d'Auguste, et l'académicien Nestor, qui dirigea l'enfance de Marcellus. Cet essor des intelligences, ce mouvement, ces splendeurs frappèrent les yeux de Paul durant sa jeunesse ; ajoutez à ce spectacle la grandeur des scènes ;que la nature développait autour de lui : d'un côté la mer, sillonnée de vaisseaux ; de l'autre cette plaine immense et fertile, bordée de montagnes majestueuses, et animée par les cascades du Cydnus. N'est-il pas naturel de penser que l'âme passionnée du jeune homme, son esprit ardent et curieux, placés sous de telles influences, en reçurent de fortes impressions ? Aussi l'opinion de la plupart des historiens et des critiques est qu'il fréquenta la société païenne, fut assidu à ses écoles, et s'y instruisit à fond des arts et des sciences de la Grèce[16]. Voici les raisons qui nous empêchent de souscrire à ce sentiment.

Les Juifs, il ne faut pas l'oublier, avaient une invincible horreur pour les mœurs, la religion, les doctrines, la personne même des païens ; tout en se mêlant à eux pour les besoins du négoce, ils vivaient dans le secret et l'isolement, enfermés, et comme dit saint Paul lui-même, murés dans leurs croyances religieuses et leurs coutumes nationales. C'était un crime d'être l'ami d'un infidèle, d'entrer dans sa maison, de s'asseoir à sa table ; et au sortir de la place publique et du marché, on devait se laver les mains, de peur d'avoir contracté quelque souillure en touchant un incirconcis[17]. Les Hébreux, dispersés dans les villes populeuses et commerçantes, y avaient porté les mêmes pratiques et la rigidité des mêmes maximes ; l'idolâtrie avait beau étaler devant eux ses séductions, ils avaient des yeux pour ne pas voir et. des oreilles pour ne pas entendre ; ils se plaçaient volontairement en dehors de l'humanité. De là ces haines implacables et réciproques, tantôt sourdes, tantôt déclarées, qui ensanglantèrent Alexandrie, Damas, Césarée, Séleucie, Scythopolis, et excitèrent des troubles fréquents partout où s'élevait une synagogue. Croit-on que ces ennemis irréconciliables des superstitions païennes aient laissé leurs enfants sans défense contre les attraits périlleux des fables poétiques de la Grèce et des sophismes de ses docteurs, et que le père de Paul, zélé pharisien, ait permis à son fils d'aller s'asseoir auprès de la chaire des successeurs d'Athénodore ou d'Hermogène[18], comme on vit plus tard les jeunes chrétiens suivre les leçons de Donat et de Libanius ? L'esprit de l'Église fut, en cela, l'opposé de l'esprit de la synagogue. Depuis le premier concile de Jérusalem, la muraille de séparation était tombée. La synagogue disait : Maudit soit celui qui apprend la science grecque à son fils[19]. Josèphe lui-même avoue qu'on méprisait en Judée ceux qui savaient plusieurs langues et qu'on abandonnait ce vain savoir aux esclaves. Sur ce point, comme sur tous les autres, les principes étaient les mêmes chez les Juifs de la dispersion, dont l'âme et l'intelligence avaient toujours pour patrie Jérusalem. L'interdit avait été levé sur la langue grecque, comme sur le trafic avec les étrangers, et pour la même raison ; mais tous ces Juifs hellénistes que nous voyons accourir dans la cité sainte, aux fêtes de Pâques, et s'y purifier pour entrer dans le temple, ne différaient des purs Hébreux que par le langage[20]. La version alexandrine des Septante avait été reçue, mais toute transaction avec les doctrines grecques avait été formellement repoussée[21]. Il est superflu de rechercher ici jusqu'à quel point le système conciliateur des Juifs alexandrins prévalut parmi les Juifs de la dispersion ; repoussé de la Palestine, il eut sans doute des adeptes dans les colonies ; mais tout nous porte à penser qu'il n'était pas en vigueur à Tarse, et certainement saint Paul y demeura étranger. Il n'est pas probable qu'à cette époque Philon eût déjà publié ses ouvrages, que Jérusalem ne connut jamais[22]. Ce n'est donc ni l'éducation païenne, ni celle d'Alexandrie que reçut l'Apôtre dans sa jeunesse, mais bien l'éducation juive et l'enseignement de la synagogue. A cinq ans, il apprit à lire dans les Écritures ; à treize ans, il les étudia dans la lettre et dans l'esprit ; à seize ans, il fut déclaré sujet de la loi, c'est-à-dire capable de la comprendre et tenu de lui obéir[23]. Son père, encouragé sans doute par les talents extraordinaires qu'il découvrait en lui, voulut qu'il allât à Jérusalem, au cœur de la doctrine, au centre du pharisaïsme, mériter le titre vénéré de docteur ou de maître (rabboni)[24], et il l'envoya prendre place parmi les élèves du célèbre Gamaliel. Comment ce pharisien zélé, qui avait sur son fils des vues si hautes, eût-il livré aux Grecs ces chères et pieuses espérances ? Et si l'on suppose qu'il l'ait confié à des maîtres païens ou alexandrins, contrairement à ses propres opinions et aux usages hébreux, comment admettre qu'au sortir de ces écoles profanes il l'ait envoyé à Jérusalem, où la Science grecque était détestée, où les alexandrins étaient chassés de la synagogue[25] ?

Est-ce à dire que le séjour de Paul à Tarse ait été sans influence sur son esprit ? D'abord, il y apprit le grec, qui se parlait dans sa famille, dans la colonie, et dont l'étude, avons-nous vu, était autorisée. En peu de temps il apprit à le parler, non pas avec cette élégance et cette fleur d'atticisme qui s'acquiert par l'étude pénétrante et assidue des modèles, mais avec cette facilité que donne à un esprit bien doué l'usage journalier d'une langue[26]. On sait d'ailleurs avec quelle merveilleuse promptitude la langue grecque se répandit dans le monde ancien ; malgré la diversité des idiomes auxquels elle se trouva mêlée, elle se conserva pure. A Tarse, mieux qu'il ne l'eût fait en Judée, saint Paul put observer les pratique superstitieuses du paganisme ; il en vit de près la corruption et les extravagances, et cette vue ne contribua pas peu à allumer en lui ce zèle qui le signalait même parmi les pharisiens de Jérusalem. Tels sont les principaux traits sous lesquels nous apparaît la première jeunesse de l'Apôtre. Suivons-le à Jérusalem, dans l'école de Gamaliel.

D'après ses propres paroles, on peut conjecturer qu'il était assez jeune quand il fit ce voyage[27]. Ce fut probablement vers seize ans[28]. L'étude de la loi, telle qu'elle se pratiquait dans les principales synagogues de la cité sainte, demandait des esprits déjà instruits et exercés ; elle durait longtemps, et jusqu'à un âge avancé, quelquefois même pendant toute la vie ; car rien n'était plus difficile et plus rare que d'exceller dans l'interprétation des Écritures. Au premier rang des savantes écoles de Jérusalem brillaient celle de Hillel et celle de Schammaï. Toutes les deux appartenaient à la secte des pharisiens ; mais la première regardait la tradition comme supérieure à la loi, tandis que la seconde rejetait les traditionnistes lorsqu'ils étaient en désaccord avec Moïse. La science de Gamaliel, petit-fils de Hillel, assura la prééminence à l'école qu'il dirigeait ; nul docteur de ce temps n'égalait sa gloire ; on l'appelait la beauté de la loi, et le Talmud dit qu'après sa mort on vit tout l'éclat de la loi s'effacer et s'éteindre. Exempt des haines jalouses et de l'affectation ordinaires aux pharisiens, il donna, au sujet des apôtres, un rare exemple de sagesse et de tolérance. Aux pieds de ce maître renommé venait se ranger la foule des étudiants, qu'on appelait le saint peuple[29]. Là, certains textes de la Bible étaient pris pour sujets de discussion ; les élèves, quel que fût leur âge, exposaient et soutenaient en liberté leur sentiment ; la langue adoptée était l'hébreu du temps, ou syro-chaldaïque ; ces débats animés, ces questions souvent subtiles excitaient l'essor des esprits, leur donnaient de la vigueur, de la sagacité, de la souplesse, qualités si éminentes dans saint Paul, et l'on peut voir dans ses Épîtres et ses discours aux Juifs comment on appuyait de l'autorité des textes l'opinion qu'on avait embrassée. D'autres exemples nous sont fournis par la prédication de saint Pierre à Jérusalem, par la défense de saint Étienne au Sanhédrin ; et l'on a remarqué que Paul, une fois converti, se servit pour annoncer l'Évangile de la méthode même que saint Étienne, qu'il persécuta, avait employée en sa présence[30]. Ce n'est donc pas l'art grec qui a formé saint Paul, ses ouvrages n'en offrent aucune trace, c'est la science juive et l'enseignement de la synagogue.

Combien de temps resta-t-il à Jérusalem ? S'y trouvait-il à la mort de Jésus ? Était-il revenu à Tarse ? Quoi qu'il en soit, nous le retrouvons auprès du grand prêtre, vers l'an 34, animé d'une haine furieuse contre l'Église naissante. Il n'est guère raisonnable de supposer qu'avant cette époque il soit retourné dans sa ville natale, pour y apprendre la philosophie et les belles-lettres[31]. Cette conjecture a contre elle les raisons énoncées plus haut, elle se concilie mal avec le zèle outré due montra le jeune pharisien dans la première persécution. D'ailleurs, l'étude de la loi suffisait à occuper sa jeunesse, même sa vie entière. Est-il plus vraisemblable qu'il ait puisé le goût de la science grecque à l'école de Gamaliel[32] ? Ce docteur avait reçu, dit-on, la permission exceptionnelle de cultiver la philosophie païenne[33] ; mais apparemment il n'en abusait pas pour mêler un enseignement profane et sacrilège à son enseignement religieux ; c'eût été, au jugement du Sanhédrin et de tout le peuple, corrompre la jeunesse et trahir la nation[34].

Voici enfin une supposition plus légitime. Paul, après sa conversion, qui arriva en l'an 31, se réfugia à Tarse, et y fit un séjour de quelques mois, ou même d'une année[35]. Là, non-seulement il convertit sa famille, mais, affranchi des préjugés du judaïsme, il put converser plus librement avec les gentils, examiner de plus près leurs opinions et leurs mœurs, discuter avec les philosophes[36], comme il fit plus tard à Athènes, et se préparer à la mission qui lui était réservée[37]. Nous n'éprouvons aucune répugnance à embrasser ce sentiment. Nous ne prétendons pas que saint Paul ait ignoré absolument les systèmes philosophiques qu'il a si sévèrement réprouvés ; ce que nous refusons d'admettre, c'est qu'il les ait possédés à fond, qu'il ait été versé dans la connaissance des écrivains grecs, prosateurs et poètes, et même des auteurs latins ; qu'il ait lu Platon, Aristote, les stoïciens,. Philon et les alexandrins, Ménandre, Philémon, Callimaque, Tite Live, Ovide ; qu'il soit en quelque sorte un philosophe ou un rhéteur converti, comme Justin, Arnobe, Lactance, saint Augustin. Ses écrits, nous le répétons, ne laissent pas entrevoir une telle variété de connaissances profanes ; ils ne renferment que l'expression réitérée de son mépris absolu pour la science humaine, égarée et impuissante, et quant aux prétendus emprunts qu'il lui a faits, les citations qu'on met en avant sont si peu concluantes que nous jugeons inutile de les discuter ici. Il faut d'autres preuves pour nous persuader que les Épîtres de l'Apôtre sont en plusieurs endroits la traduction de comédies grecques. Selon nous, saint Paul avait certaines notions générales sur les différents systèmes de philosophie, assez pour juger de l'ensemble et des résultats ; il avait pu les acquérir à Tarse, après sa conversion, ou, si l'on aime mieux, à Jérusalem auprès de Gamaliel, qui peut-être entretenait parfois ses disciples de la sagesse grecque, pour les prémunir contre la séduction des talents profanes : mais le savoir de l'Apôtre n'allait pas plus loin. Il l'a déclaré lui-même : Il n'y a aucun art dans mes discours ; je ne prêche point l'Évangile suivant les principes du siècle, ni à l'aide des moyens de persuasion inventés par les hommes ; je ne sais que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié[38]. Lorsqu'ailleurs il dit : Si mon langage est méprisable, ma science ne l'est pas ; il veut parler, sans nul doute, de sa profonde connaissance des livres saints, car il répond à des adversaires juifs. Voilà, en effet, la vraie, l'unique science de saint Paul ; c'est l'Écriture, c'est la doctrine dont il est l'apôtre : il en est pénétré, il l'aime avec transport ; elle jaillit par torrents de son esprit et de son cœur ; elle anime, elle exalte ses puissantes facultés.

Nous croyons l'avoir démontré : dans saint Paul, l'élément profane est nul, l'élément religieux est tout[39]. Avant de suivre Paul dans ses voyages apostoliques, arrêtons-nous un moment sur le portrait que certains historiens font de sa personne, d'après des indications fournies par l'antiquité. Saint Paul était petit, courbé et voûté ; sa pâle figure portait les marques d'une vieillesse prématurée ; son regard cherchait la terre ; il avait la tête chauve, le yeux d'une expression douce et gracieuse, les sourcils abaissés, le nez long et aquilin, la barbe longue, épaisse et blanche de bonne heure[40]. Les mêmes détails sont donnés par le chroniqueur Malalas, et confirmés par les Actes apocryphes de saint Paul et de Thécla, qui peut-être ont fourni aux deux auteurs précédents les traits de leur description[41]. Dans le Philopatris, ouvrage ancien, qu'il soit de Lucien ou non, il est question du Galiléen à la tète chauve et au long nez qui fut ravi au troisième ciel. Saint Chrysostome l'appelle un homme de trois coudées et qui cependant touche aux nues ; ailleurs il dit que ce corps chétif embrasse l'univers[42]. Enfin ; les Épîtres mêmes de saint Paul nous apprennent que son aspect annonçait la faiblesse[43] : Ces traits généraux sont à peu près reproduits dans les anciennes mosaïques grecques et dans les premières sculptures chrétiennes[44] ; saint Pierre, au contraire, est représenté sous les apparences de la force de la majesté, avec une physionomie sévère. Sans ajouter foi à l'entière exactitude de toutes ces peintures, on peut croire qu'elles renferment un fond de vérité.

Nous n'avons pas à décrire dans tous ses détails la prédication de saint Paul ; il nous suffira d'éclaircir quelques points qui ont rapport à notre sujet. Ce qui importe au dessein que nous poursuivons, c'est de rechercher, à l'aide des Actes, quel effet la doctrine nouvelle fit sur les esprits, au moment de sa première apparition ; avec quelles dispositions diverses le monde accueillit le langage des apôtres, suivant la différence du pays, des croyances et des conditions.

Les apôtres, comme on sait, s'adressèrent d'abord aux Juifs, non-seulement en Palestine, mais dans tout l'univers. Examinez la route suivie par le docteur des gentils : dans tous les lieux où il va, il commence par se rendre à la synagogue. Il ne va même que dans les lieux où il existe une colonie juive[45]. Ce fait est sans exception. D'Antioche de Syrie, il fait voile pour Chypre, de là il revient à Antioche de Pisidie, puis à Iconium, à Lystre, à Derbi, à Perga ; après le concile de Jérusalem, il passe en Phrygie, en Galatie, s'embarque à Troas, vient à Philippes en Macédoine ; sorti des prisons de cette ville, il traverse Amphipolis et Apollonie, s'arrête à Thessalonique et à Bérée, descend à Athènes et à Corinthe ; or, dans toutes ces villes il y avait des Juifs, et partout il commence par aller droit à eux, La raison en est simple : par leurs doctrines et par leurs espérances, les Juifs étaient préparés à recevoir l'Évangile. Ils attendaient le Messie promis par les prophètes ; les apôtres, l'Écriture en main, leur prouvaient que le Messie était venu et que les prophéties étaient accomplies. De là des conversions faciles et nombreuses. Aussi, quoique souvent chassés des synagogues et des villes par l'opposition du parti récalcitrant, les apôtres, en arrivant dans la ville voisine, n'en commençaient pas moins par s'adresser aux Juifs. Un jour de sabbat ou de prières publiques, ils se rendaient à la synagogue ou à l'oratoire[46], ordinairement situé dans un lieu élevé et apparent, souvent près de la mer ou d'un courant d'eau[47] ; ils prenaient le tallith ou voile des croyants[48] ; après la lecture et la prière, on les invitait en qualité de nouveaux venus, suivant l'usage, à parler à l'assemblée, à lui communiquer les nouvelles qui pouvaient intéresser ses sentiments pieux : alors ils annonçaient la bonne, la grande nouvelle, l'accomplissement des temps, la venue du Messie, et persuadaient une partie de l'auditoire. Ces convertis juifs formaient le noyau de l'Église chrétienne. Ainsi les choses se passèrent à l'arrivée de Paul dans tous les lieux où il prêcha l'Évangile. Il trouva dans les colonies juives tout à la fois des persécuteurs et des disciples.

Examinons maintenant ses rapports avec les païens,. Les Actes nous parlent en plusieurs endroits d'une classe intermédiaire entre le judaïsme et la gentilité :,ce sont les gentils qui adoraient Dieu, gentes colentes Deum, ou les prosélytes. Les prosélytes étaient des païens attirés et affiliés au judaïsme ; ils en connaissaient les coutumes et les croyances et pratiquaient certains préceptes de la loi. Il y avait plusieurs degrés dans cette affiliation, suivant que les adeptes étaient plus ou moins initiés à la connaissance des dogmes, plus ou moins dociles aux observances religieuses ; mais i4 condition essentielle, c'était de croire au vrai Dieu. Presque partout, au début de la prédication, les prosélytes furent les premiers convertis d'entre les païens, témoin le centurion Corneille et l'eunuque éthiopien. Mais pour bien comprendre cette influence du judaïsme sur la gentilité, qui fut favorable aux premiers progrès du christianisme, et pour ne pas s'en exagérer l'importance, il est bon de savoir quelle était à cette époque la situation du peuple juif dans le monde ancien.

Un trait distinctif du peuple juif, c'est de concilier avec un amour ardent du pays natal, une tendance marquée à couvrir le monde de colonies. Cette dispersion, contraire à l'esprit de la loi, fut longtemps arrêtée par les défenses les plus sévères ; peu à peu les révolutions intérieures, la tyrannie des conquérants étrangers, l'attrait de climats plus heureux, firent oublier les anciennes maximes ; et elles étaient tombées dans un tel discrédit, qu'à l'avènement du christianisme on rencontrait des Juifs établis par toute la terre ; le témoignage de Philon sur ce point est confirmé par Strabon et par les Actes[49]. Leurs colonies d'Égypte et d'Assyrie formaient des nations redoutables ; à Alexandrie, deux quartiers sur cinq ne leur suffisaient pas ; ils couvraient d'un million d'hommes le sol des Pharaons[50]. Toutes les villes commerçantes de l'Asie Mineure en renfermaient plusieurs milliers[51] ; de là ils gagnèrent l'Archipel, puis le continent grec, Athènes, Argos, Corinthe. Il y avait des synagogues en Éthiopie et en Lybie, sur les bords de la mer Caspienne et jusqu'en Chine[52]. Les prisonniers juifs qui suivirent à Rome l'armée de Pompée et celle de Gabinius, une fois affranchis, habitèrent un des bas quartiers voisins du Tibre. Il est probable que le commerce israélite explora la Gaule et l'Espagne ; du moins voyons-nous deux fils d'Hérode exilés par Auguste sur les bords du Rhône. Malgré l'éloignement, un lien étroit rattachait à la Palestine tous les membres dispersés de la société hébraïque ; l'unité nationale était maintenue par un principe et par une espérance. Toutefois, une distinction ne tarda pas à s'établir entre les Juifs de Palestine et les Juifs de la dispersion ; les premiers parlaient l'hébreu du temps, et les autres, le grec ; les uns donc gardèrent le nom d'Hébreux et les autres s'appelèrent Hellénistes[53]. Cette distinction de pure forme, cette différence de langage laissait entière la ressemblance des mœurs et la communauté des sentiments. Encore faut-il ajouter que la plupart des Hellénistes savaient l'hébreu, témoin Paul. L'unique privilège des habitants de la Palestine était l'orgueil qu'ils ressentaient d'être demeurés fidèles à la Terre de promission, aux tombeaux de leurs pères, au sanctuaire de l'alliance, et de vivre à l'ombre du temple, plus près de Dieu. Cela même ne les empêchait pas de porter assez souvent des noms grecs ou romains unis à des noms hébreux, comme leurs ancêtres avaient porté des noms assyriens ; de jour en jour des termes étrangers, grecs et latins, se mêlaient au langage parlé à Jérusalem ; en résumé, le peuple juif, environné de la civilisation des gentils, accueillait facilement leur domination, leur langue et leurs richesses, mais rejetait avec obstination tout le reste[54].

Deux efforts furent tentés pour vaincre cette résistance : l'un, philosophique et religieux, vint d'Alexandrie[55] ; l'autre, purement politique, fut l'œuvre de la famille d'Hérode. Tandis que Aristobule et Philon établissaient des rapprochements plus ou moins spécieux entre les doctrines sacrées et les systèmes spiritualistes de la Grèce, Hérode, au cœur même de la Judée, à Jérusalem, élevait des théâtres et des amphithéâtres, donnait des jeux, des courses, des combats de bêtes féroces, dressait des trophées avec de pompeuses inscriptions pour célébrer les victoires d'Auguste, et bâtissait, en l'honneur de ce prince et d'Agrippa, un palais qui dominait la ville[56]. Par ses soins, l'or des Juifs servait à réparer un temple d'Apollon à Rhodes, à orner de portiques la ville païenne d'Antioche, à rehausser l'éclat des jeux publics de la Grèce ; aussi la Grèce reconnaissante le nommait surintendant perpétuel des jeux Olympiques, et lui élevait une statue dans l'acropole d'Athènes[57]. Les Juifs demeurèrent intraitables ; rien ne put fléchir ces caractères durs, sombres, opiniâtres, ni ébranler leur attachement aux lois et aux coutumes de la patrie. L'école d'Alexandrie n'eut aucun disciple en Palestine ; elle fit très-peu d'adeptes dans les colonies, très-peu même sur les bords du Nil, car il est probable que la plupart des Juifs d'Alexandrie ne furent pas complices de ses tentatives. Hérode et ses successeurs recueillirent les malédictions de leurs sujets, se virent en butte à des complots, et exaltèrent dans tous les cœurs, par le spectacle de leur apostasie, le sentiment national, l'horreur du joug étranger. Ce fut le premier ferment de la révolte générale qui éclata quelques années plus tard.

Détestés des Juifs, les païens usaient de représailles. Égyptiens, Grecs et Syriens poursuivaient de railleries et d'injures cette race cosmopolite et misanthrope, cette secte avide qui amassait dans l'ombre des gains sordides, et pratiquait à l'écart un culte extravagant. C'étaient à chaque moment, dans ces bruyantes cités du Levant, des troubles populaires, des rixes sanglantes, qui mettaient à l'épreuve la calme patience du magistrat romain, et qui aboutirent souvent à la ruine de la colonie israélite. Les Romains, si dédaigneux pour tout ce qui était Grec et Asiatique, trouvaient pour flétrir et bafouer les Juifs des expressions particulières de mépris et de dégoût ; ils les traitaient en esclaves infimes et du plus bas degré[58]. Par politique, ils accordèrent quelquefois des privilèges à la nation et des distinctions aux princes, car il n'est point de peuple si faible dont l'alliance ne soit bonne à quelque chose. Ainsi le sénat fit alliance avec les Macchabées, César et Auguste récompensèrent les Juifs de leur fidélité pendant les guerres civiles, et autorisèrent le libre exercice de leur culte par toute la terre ; Hérode fit de fréquents voyages à la cour impériale, ses fils furent élevés à Rome ; Auguste et Livie envoyèrent des présents à Jérusalem ; tous les jours un sacrifice y était offert en leur nom ; les deux Agrippa, descendants d'Hérode, gagnèrent l'amitié de Drusus, fils de Tibère, celle de Caligula, de Claude et d'Agrippine ; l'un d'eux reçut du sénat les insignes de la préture ; mais le crédit dont jouissait la famille royale, si peu juive d'ailleurs par ses sentiments, les décrets rendus en faveur de la nation et conseillés par l'intérêt, ne relevaient point les particuliers dans l'estime publique, et lorsque, sous Caligula et sous Néron, ce peuple entêté se roidit contre les exigences et les fantaisies impériales, l'irritation du gouvernement vint s'ajouter à la haine générale, tout conspira dans le monde à l'abaissement et à l'oppression des Juifs.

Dans cet état d'hostilité où ils se plaçaient à l'égard des gentils, quelle influence pouvaient-ils exercer sur eux ? Elle fut plus grande qu'on n'est d'abord tenté de le supposer. Sans la comparer à J'extension prodigieuse du christianisme, il faut reconnaître qu'elle agissait avec quelque succès, puisque les auteurs païens la signalent en termes expressifs. Quand Philon dit : Les lois de Moïse attirent le monde entier, les barbares, les étrangers et les Grecs, ceux qui demeurent sur le continent, et les habitants des îles, les nations occidentales et les orientales, l'Europe et l'Asie ; il y a dans ces paroles J'exagération d'un rhéteur et d'un Juif. Josèphe, plus modeste, dit plus exactement : On a vu plusieurs Grecs embrasser nos lois ; ailleurs il mentionne les nombreux prosélytes de Damas et d'Antioche, et l'adoption de certaines coutumes israélites dans la plupart des villes grecques[59]. Les témoignages païens, moins suspects, sont phis concluants. Horace, Dion Cassius, Tacite, notent comme un trait du caractère juif la tendance à s'assimiler les étrangers et à les convertir aux lois de Moïse[60] ; et nous voyons dans Perse et Juvénal que les Romains eux-mêmes se laissaient séduire[61]. L'Évangile parle du zèle des docteurs pharisiens qui couraient les terres et les mers pour gagner un seul prosélyte[62] ; les Actes constatent que partout où s'élevaient des synagogues on trouvait des païens assidus aux cérémonies et aux prières publiques. Des causes diverses favorisèrent ces progrès : la supériorité des doctrines juives sur l'idolâtrie, et la répulsion que celle-ci inspirait aux meilleurs esprits ; l'attrait de la nouveauté, toujours puissant sur les oisifs, les rêveurs et les mécontents ; le goût de la magie, des sciences occultes, des cérémonies clandestines, des initiations mystérieuses, qui travaillait alors la société ; l'attente prochaine du Messie, dont le règne, interprété au sens charnel des Juifs, devait flatter des cupidités et des passions grossières. Il est probable que la plupart des adeptes se recrutaient dans les derniers rangs du peuple, et surtout parmi cette foule d'étrangers vagabonds qui trouvaient dans le judaïsme un nom, une patrie, un culte, des espérances pour l'avenir, et sans doute, des secours pour le présent. Ce qui refroidissait les plus enthousiastes, c'était la sévérité des conditions. Les prescriptions de la loi, dit Josèphe, sont plus pénibles que celles de la législation lacédémonienne[63] ; elles effrayaient la mollesse des gentils. Aussi l'écrivain ajoute que plusieurs, après s'y être soumis, y renoncent par la suite[64]. On est donc fondé à supposer que ces prosélytes parfaits dont parlent Dion, Tacite, Philon et Juvénal, ceux qui dépouillèrent entièrement le vieil homme pour s'incorporer dans la nation juive, étaient en petit nombre. Mais il y avait une classe beaucoup plus considérable, celle des prosélytes de la Porte, non circoncis[65]. Ils croyaient en Dieu et n'étaient obligés qu'à l'observance des sept préceptes donnés aux enfants de Noé[66]. Dans les assemblées, ils occupaient l'entrée de la synagogue, sans se mêler aux assistants, et de là écoutaient la lecture et l'explication des livres saints. A cette classe appartenaient la reine de Saba, Candace et l'eunuque éthiopien, Corneille et les Grecs craignant Dieu du Nouveau Testament. Ces prosélytes imparfaits étaient considérés et traités comme des Gentils ; cependant les Juifs avouaient qu'ils avaient part au siècle futur.

Un fait digne de remarque, c'est le grand nombre des femmes prosélytes. A Damas, presque toutes les femmes étaient affiliées à la synagogue[67] ; à Antioche de Pisidie, les Juifs soulèvent contre les apôtres des femmes de haut rang et les principaux citoyens ; à Thessalonique et à Béroé, beaucoup de femmes prosélytes croient en Jésus-Christ[68]. Or, nous lisons dans Strabon qu'en Asie les femmes exerçaient une grande influence sur les opinions religieuses des hommes[69]. Dans les contrées où les Juifs, étant peu nombreux, ne pouvaient pas assortir entre eux des alliances, les femmes juives épousaient quelquefois des gentils, comme fit la mère de Timothée à Lystre. Les enfants appartenaient à la religion du père et étudiaient en secret celle de la mère[70]. Mais ce cas était très-rare. Le judaïsme ne se borna pas à faire des adeptes ; il introduisit dans la société païenne certaines coutumes qui furent adoptées par ceux mêmes qui rejetaient ou ignoraient ses lois. Je ne parle pas seulement du jeûne et des ablutions dans l'eau des fleuves[71] que pratiquait le bas peuple de Rome ; mais le sabbat, le repos du septième jour, était un usage très-répandu en Grèce et à Rome, même parmi les païens. On ne voit point de villes grecques ni presque de barbares où l'on ne cesse de travailler le septième jour, où l'on n'allume des lampes, et où l'on ne célèbre des jeûnes. Plusieurs même s'abstiennent comme nous de manger de certaines viandés, et tâchent d'imiter l'union dans laquelle nous vivons, la communication que nous faisons de nos biens, notre industrie dans les arts et notre constance à souffrir pour l'observation de nos lois[72]. L'exactitude de ce témoignage, qui peut paraître exagéré, est garantie par celui de Perse et surtout par un texte bien connu de Sénèque. Perse aussi nous parle des lampes allumées sur les fenêtres[73], aux jours de sabbat, et Sénèque blâme avec force cette coutume qui, selon lui, est devenue presque universelle[74].

Il ressort clairement da passage de Sénèque, cité par saint Augustin, que l'institution du sabbat, ou du repos hebdomadaire, s'était vulgarisée dans l'empire, mais que le peuple l'adoptait sans, pour cela, se soumettre à la loi mosaïque : il ignorait, dit le philosophe, la signification de ce qu'il pratiquait. C'était un emprunt, comme tant d'autres, qu'il faisait aux religions étrangères. Il n'est pas douteux non plus que cette opinion, qui avait cours au temps de Néron, sur l'apparition prochaine d'un conquérant juif, n'eût été transmise aux païens par l'intermédiaire des prosélytes.

Bientôt les apôtres parurent dais les synagogues, annonçant l'Évangile aux Juifs et aux prosélytes. Ceux-ci l'accueillirent avec empressement ; une fois convertis, ils répandirent parmi les gentils la renommée des doctrines et des vertus de la religion nouvelle. Au sabbat suivant, une foule d'étrangers se mêlaient aux prosélytes pour entendre la parole de Dieu[75]. Commencée dans la synagogue, la prédication s'achevait dans les maisons, le plus souvent dans une chambre haute ; à Corinthe, saint Paul réunissait les fidèles chez un certain Tite ; à Éphèse, dans l'école d'un rhéteur ou d'un grammairien converti nommé Tyran[76]. Ainsi se formèrent et se développèrent les premières Églises, dans tous les lieux parcourus par saint Paul. Elles se remplissaient, dit un historien, comme les granges se remplissent de grains dans la saison de la récolte[77].

Il ne faut pas cependant s'exagérer l'action du judaïsme sur le monde ancien, ni l'importance du secours que le christianisme en reçut à sa naissance. Combien de villes n'avaient point de synagogues ! Et dans celles même où il s'en trouvait, la masse de la société n'avait aucun rapport avec cette religion. Qu'on se rappelle les préjugés, la haine, le mépris qui pesaient sur ce nom abhorré. Malgré ce que nous avons dit des résultats de la propagande juive, les initiés ne formaient qu'une minorité imperceptible au milieu des populations hostiles ou indifférentes. Si l'on excepte cette poignée d'hommes, cachée dans la foule de quelques cités commerçantes, l'univers était resté fermé aux doctrines du judaïsme. Tout ce qu'il en connaissait, c'étaient quelques pratiques extérieures, qui lui semblaient misérables et ridicules ; mille bruits couraient sur le secret du sanctuaire, sur l'absence de statues et d'images sensibles de la Divinité et ce culte admirable d'un Dieu unique, immatériel, était obscurci et défiguré par d'absurdes calomnies[78]. Le peuple juif décréditait la religion dont il était le dépositaire ; son caractère et sa renommée suffisaient à repousser ceux qu'auraient pu attirer la sagesse de ses lois et la sublimité de ses croyances. Ses livres n'étaient lus nulle part ; il les celait lui-même de peur d'outrage[79] ; son histoire était mal connue, et les écrivains profanes, les plus exacts, fourmillent d'erreurs à son sujet[80]. Qu'était donc, à vrai dire, la religion juive, au milieu du monde ancien et aux yeux des étrangers ? Une secte obscure, trop méprisée pour être bien connue, une sorte d'initiation clandestine, qui obligeait au secret les affiliés, enfin une des formes si variées de la superstition égyptienne et orientale.

Les apôtres sortirent bien vite de ces limites étroites, de ces ténèbres et de ces mystères. Ils marchèrent au grand jour et allèrent droit à la société païenne. C'est ici surtout qu'il est intéressant d'observer comment leur parole fut accueillie. La situation était changée ; les conditions du succès n'étaient plus les mêmes. Quel langage tenir à ces hommes qui ne connaissaient ni Moïse, ni les prophètes, ni le Messie ? Comment les convertir au culte d'un Dieu crucifié ? Par quel moyen les persuader ? Assurément, les discours que saint Pierre et saint Paul adressaient aux Juifs, aux prosélytes, étaient peu intelligibles pour des païens[81]. — Nous allons examiner les principales circonstances où le Docteur des gentils se trouva face à face avec cet auditoire nouveau ; celles que mentionnent les Actes sont : la conversion de Sergius Paulus, le discours de l'Apôtre aux Athéniens, sa comparution au tribunal de Gallion, sa défense en Judée devant Félix et Festus.

Sergius Paulus est une des premières conquêtes de l'Apôtre. Dès le début de sa mission, Paul se rendit à Chypre avec Barnabas, originaire de ce pays ; une colonie juive et plusieurs synagogues étaient établies à Salamine, capitale de l'île ; ils y annoncèrent Jésus-Christ, et de là vinrent à Paphos, résidence du gouverneur romain[82].

Sergius, esprit curieux et investigateur, s'occupait de magie. C'était alors la philosophie des hommes politiques et l'unique science de l'Orient. Comme Tibère à Caprée, il avait auprès de lui un charlatan fameux dans le pays. On sait du reste que cette manie possédait tous les esprits, régnait dans toutes les classes ; et nous ne reproduirons pas tous les traits énergiques dont elle a été décrite et flétrie. Une affluence prodigieuse d'imposteurs de toute race, versée par les provinces, débordait incessamment dans Rome ; la Syrie envoyait ses musiciens et ses médecins, la Chaldée ses astrologues, la Judée ses faux prophètes, l'Égypte ses prêtres d'Isis et de Sérapis, la Grèce ses histrions. Tout ce ramas impur de fourbes malfaisants, répandu sur les places ou admis dans le secret des familles, vivait de la curiosité populaire et des faveurs lucratives des grands. On vit des femmes de haut rang vendre leurs colliers, leurs bijoux, leurs parures, leurs présents de noces pour payer des opérations de sorcellerie[83]. Les magistrats transportaient en province les mœurs romaines, et leur petite cour reproduisait celle de César. Sergius, qui se plaisait aux prestiges de son magicien juif, Bar-Jesu, entendit parler des miracles opérés par les apôtres ; il manda Barnabas et Paul. Entre eux et le faux prophète il s'engagea une de ces luttes si souvent décrites dans les livres saints : Paul frappa de cécité son contradicteur, et ce coup d'une puissance surhumaine décida la conversion de Sergius[84]. — Ici, c'est l'emploi d'un moyen surnaturel qui aide au succès de l'Apôtre, accrédite sa parole et produit la conviction[85].

Venons Maintenant avec Paul sur l'Agora d'Athènes et au tribunal de l'Aréopage où il n'employa d'autre force que celle de la persuasion.

Avant d'arriver à Athènes, Paul s'était arrêté à Philippes, colonie romaine. L'aversion des Romains pour les innovations étrangères ; et principalement pour tout ce qui venait des Juifs, éclata an passage des apôtres ; ils titrent arrêtés, battus de verges, mis aux fers, parce qu'ils enseignaient une manière de vivre contraire aux lois[86]. Un second fait à noter, c'est la conversion du geôlier ; comme celle de Sergius, elle fut l'effet d'un miracle.

En suivant la voie Egnatia, route militaire qui s'étendait de Dyrrachium jusqu'à Cypselus[87], sur un espace de 500 milles, ils arrivèrent à Thessalonique : c'était une ville libre, remarquable par la fertilité de son territoire qu'arrosent deux rivières, par le grand nombre de ses habitants, par son commerce de terre et de mer[88]. Les Juifs y avaient une synagogue ; aujourd'hui ils en ont 36 dans la même ville, et y résident au nombre de 35.000, occupés à fabriquer le drap[89]. Beaucoup de prosélytes et de femmes de qualité s'y convertirent[90]. Accusés de rébellion contré l'État, les Apôtres y furent traités avec plus de ménagement qu'à Philippes, parce que les magistrats n'étaient pas Romains. Pour se dérober à la rancune implacable des Juifs, Paul descendit précipitamment à Béroé, et de là à Athènes.

Cette cité déchue n'était plus qu'un musée et un sanctuaire. Le culte y était embelli et protégé par les arts, et les dieux antiques de la mythologie semblaient emprunter une éternelle jeunesse aux chefs-d'œuvre qu'ils avaient inspirés. De là était partie cette civilisation grecque qui couvrait le monde, et qui avait gagné Paul lui, même, puisqu'il venait annoncer sur l'Agora, dans la langue des Athéniens, une religion née en Palestine. Par une sorte d'échange, l'Orient avait introduit dans la capitale hellénique quelques symboles de ses doctrines, un temple de Sérapis[91] par exemple, et une synagogue, dont l'établissement remonte sans doute à l'époque où un décret fut rendu par la République en faveur d'Hircan, prince des Juifs[92]. C'étaient comme les gages de cette hospitalité réciproque que pratiquaient les anciens. Mais ces éléments nouveaux n'altéraient point l'esprit religieux de la Grèce, et jamais Athènes n'avait témoigné plus de zèle pour les riantes solennités d'une religion à qui elle devait sa gloire et sa beauté[93]. Saint Paul venait attaquer l'idolâtrie au cœur de son empire et dans tout l'éclat de ses prestiges. Quel spectacle pour l'apôtre d'un Dieu mort sur une croix ! En abordant au Pirée, il avait pu apercevoir des théâtres où la foule turbulente des marchands et des matelots accourait aux pièces de Ménandre ; de beaux temples et, entre tous, ceux de Minerve et de Jupiter ; des statues et des autels élevés aux dieux inconnus[94] par une piété prévenante qui semblait venir sur le rivage au-devant des divinités étrangères que les flots apportaient dans la cité chérie du ciel. A l'entrée de la ville, près de la porte qui correspond avec le Pirée, étaient les statues des divinités tutélaires d'Athènes, Minerve et Neptune ; non loin, un temple de Cérès dont Praxitèle avait fait les principaux embellissements ; en continuant, un sanctuaire de Bacchus où étaient figurés Apollon, Jupiter, Mercure et les Muses. L'Olympe entier s'était présenté au voyageur chrétien, avant même qu'il eût franchi le seuil. Lorsqu'en suivant la première rue, bordée d'arcades couvertes, il pénétrait sur les places publiques, à l'ouest, par le Céramique, sur l'Agora, au sud vers le Pnyx, au nord près de l'éminence rocailleuse de l'Aréopage, à l'est en face de l'Acropole, partout il retrouvait sous des formes gracieuses ou sublimes le culte qu'il avait mission d'anéantir. A l'ombre des arbres plantés par Cimon sur l'Agora, s'élevaient les statues de Solon, Conon, Démosthène, Thésée, Hercule ; l'autel des douze grands dieux occupait le centre de la place. Le Pnyx était consacré à Jupiter, le théâtre à Bacchus, la maison d'arrêt était un temple de Cybèle, la salle du sénat renfermait un autel de Vesta et des statues de Jupiter et d'Apollon. Les divinités connues ne suffisaient pas à la piété athénienne ; elle divinisait et adorait de pures abstractions, des êtres allégoriques, quelquefois même des vices : la Pitié, la Modestie, la Renommée, l'Audace, la Persuasion, l'Oubli, l'Impudence, l'Injure avaient leurs autels. Nous ne parlerons pas de ces sanctuaires taillés dans les rochers de la citadelle, ni des Propylées, ni du Parthénon et des trois statues de Minerve, dont l'une, faite du bronze pris à Marathon, avait vingt-cinq pieds de haut sur un piédestal de vingt. La plate-forme de l'Acropole était couverte d'objets d'art, représentant des attributs divins, ou des faits remarquables de la mythologie : c'étaient Thésée et le Minotaure ; Hercule écrasant les serpents ; Vénus et les Grâces, sculptées par Socrate ; l'olivier mystique de Minerve et le trident de Neptune. Pausanias, qui a visité Athènes un peu plus d'un siècle après saint Paul, et qui a décrit toutes ces magnificences, disait qu'il y avait dans cette ville plus d'idoles que dans le reste de la Grèce ; nulle part, ajoute-t-il, le zèle pour la religion n'est porté aussi loin[95]. Les témoignages de Platon[96], d'Isocrate, de Sophocle, ceux de Josèphe, de saint Grégoire de Nazianze et de Julien prouvent que ces goûts religieux furent l'un des caractères les plus constants de, ce peuple mobile. Cette ivresse de superstition qui possédait les esprits, le spectacle des inventions séduisantes et des élégants mensonges du paganisme, excitèrent l'indignation de Paul ; cependant, au lieu de se renfermer dans la synagogue ou dans une maison, suivant son usage, il se rendit sur l'Agora, et, engageant une conversation avec ceux qu'il rencontrait, il leur annonça hardiment les grands faits accomplis en Judée, la mort de Jésus et sa résurrection.

Arrêtons-nous sur cette entrevue, où pour la première fois l'Évangile se trouva face à face avec la philosophie incrédule et l'idolâtrie charmée d'elle-même. Les mœurs athéniennes sont peintes au naturel dans le bref et simple récit des Actes : c'est bien là cette oisive population d'artistes, de savants et de rhéteurs qui vit sur la place publique, occupée de jeux d'esprit, avide de nouvelles, et dont les bruyants entretiens animent la solitude d'une citée tombée. Dans ce rendez–vous des doctrines, où les systèmes les plus divers se mêlent et se combattent, l'Apôtre est accueilli avec l'intérêt qu'inspire une nouveauté à des curieux désœuvrés ; il l'expose avec la liberté qui est particulière, aux pays où le règne de l'intelligence établit une sorte de droit commun et de tolérance réciproque pour toutes les opinions. Toutefois, la nouveauté qu'apportait saint Paul avait un air trop étrange et des prétentions trop hardies pour qu'elle n'eût d'autre effet que d'exciter une curiosité momentanée. Des épicuriens et des stoïciens s'approchèrent. Entre eux et Paul il s'engagea, non pas une discussion religieuse et philosophique, comme on le dit quelquefois, mais un simple entretien où l'Apôtre développa sa doctrine. L'impression des auditeurs fut celle-ci : Que veut ce vil discoureur ? On dirait qu'il annonce de nouveaux dieux. Menons-le à l'Aréopage[97]. A Athènes, comme dans toutes les villes de l'antiquité, une loi défendait d'introduire un culte étranger. Mais là comme ailleurs elle était tombée en désuétude, depuis que les peuples en se rapprochant étaient devenus moins exclusifs[98]. Aussi Athènes exerçait-elle une hospitalité facile envers les dieux comme envers les hommes[99] ; à la condition cependant que la religion nouvelle fût autorisée. En pareille matière, l'Aréopage, comme le sénat romain, était juge.

Paul monta donc, à la suite des philosophes ses accusateurs, l'escalier de pierre qui de l'Agora conduisait directement sur la plate-forme de l'Aréopage. Il comparut devant ses juges, assis en plein air sur des sièges taillés dans le roc. Près de là on voyait un sanctuaire des Furies, dans une fente de rocher ; plus loin, un temple de Mars ; en face, le Parthénon ; et la grande ombre de Minerve Polias tombait du haut de la citadelle sur le tribunal[100]. Le discours adroit et noble de l'Apôtre est différent de ceux qu'il adressait aux Juifs dans les synagogues ; l'orateur n'use plus des mêmes moyens en présence de cet auditoire nouveau. Il proclame d'abord l'existence d'un Dieu unique, immatériel, créateur, dont la présence se fait sentir dans chacun de nous ; il condamne l'idolâtrie qui déshonore par d'indignes hommages celui qu'elle prétend adorer. Tant qu'il exposa ces doctrines qui n'étaient pas incompatibles avec la philosophie ni choquantes pour la patrie de Socrate et de Platon, il fut écouté avec intérêt. Mais quand il vint à parler de Jésus et de sa résurrection, des murmures et des railleries l'interrompirent[101] ; le tribunal déclara la cause entendue. Apparemment, les Athéniens s'imaginèrent qu'ils avaient devant eux quelque magicien imposteur, et ils ne jugèrent pas que son système fût de conséquence. Un aréopagite et quelques assistants se joignirent cependant à Paul et le prièrent de les instruire. Mais cette exception ne doit pas nous empêcher de constater le sentiment de surprise et de mépris que la première apparition du christianisme excita parmi les classes éclairées d'Athènes. C'est sans doute le souvenir de cet accueil qui faisait dire quelques mois plus tard à Paul, qu'aux yeux des païens la croix est une folie[102].

Un jour, les premières apologies de la religion nouvelle sortiront du sein de cette même philosophie athénienne. Mais quoique un siècle de souffrances et de vertus ait fait connaître l'Évangile au monde, nous verrons, même alors, Athénagore et Justin éprouver de l'embarras à présenter les preuves essentielles du dogme chrétien. Justifier leurs frères des crimes dont on les noircit, démontrer, comme saint Paul, l'unité de Dieu, leur est chose facile, et c'est par là qu'ils entrent en matière ; mais quand ils arrivent à l'accomplissement des prophéties faites aux Juifs, aux mystères de la naissance et de la résurrection de Jésus, ils sentent combien ces arguments trouvent les païens rebelles, combien ces croyances leur sont peu familières, et ils essaient par plusieurs moyens de les rendre intelligibles et acceptables. Ils cherchent dans la mythologie certaines ressemblances, ils comparent le Fils de Dieu aux fils de Jupiter, à Mercure, à Hercule, à Persée, à Esculape[103]. Tertullien, sans aller aussi loin, les imite. Tant il était difficile à la doctrine chrétienne de se faire jour dans le monde païen !

D'Athènes, Paul se rendit à Corinthe où résidait le proconsul Gallion, vers l'an 53[104]. L'Achaïe, qui sous Auguste avait été province sénatoriale, province impériale sous Tibère, venait d'être rendue au sénat par Claude[105]. Détruite sous la République, Corinthe avait été rétablie par César sur l'isthme même que Pindare appelle le pont de la mer, et Xénophon la porte du Péloponnèse. Grâce à sa position, aussi avantageuse pour le commerce que sous le rapport militaire, elle recouvra en peu d'années sa splendeur et son importance. Les marchands, jadis expulsés de ses ruines, y revinrent ; des manufactures en métallurgie, teintures et porcelaines, s'y établirent[106] ; les Orientaux et les Juifs y accoururent, attirés par le bruit de ses richesses. Située sur un plateau incliné qui allait en se relevant depuis les forts de Léchée et de Cenchrées. jusqu'à la base nord de l'Acrocorinthe, elle voyait à ses pieds les vaisseaux d'Italie, de Marseille, d'Alexandrie, d'Éphèse et de tous les points du monde commerçant. Elle avait rang parmi les villes de second ordre de l'empire, Paul y demeura pendant plus de dix-huit mois, tantôt travaillant de ses mains dans le quartier juif, tantôt enseignant dans la synagogue et dans une maison particulière, sans cesse en butte à des persécutions qui mettaient ses jours en péril[107]. Sa prédication porta des fruits abondants ; un grand nombre de. Juifs, de prosélytes et de païens se convertirent. Il a tracé lui-même le tableau de cette Église dans deux Épîtres qu'il lui écrivit peu de temps après son départ.

Composée d'hommes de tonte nation, qui parlaient diverses langues, de gens obscurs et de basse naissance, que l'Apôtre appelle le rebut et les balayures de la terre, et qui avaient peine à se détacher des pratiques de l'idolâtrie et des mœurs de Corinthe, la communauté chrétienne de Cenchrées fut troublée, après le départ de son fondateur, par des dissensions et des scandales momentanés[108]. Les deux lettres apostoliques y mirent fin. Les chrétiens de Macédoine, moins nombreux peut-être, mais plus fidèles et plus attachés au devoir, appartenaient, comme ceux de Corinthe, aux classes pauvres[109]. C'est là un caractère commun à toutes les Églises d'Occident, que nous avons vu s'élever sur les pas de l'Apôtre à part quelques membres, comme Denys d'Athènes, Eraste, trésorier de Corinthe, et les femmes nobles de Béroé et de Thessalonique, elles sont remplies d'une multitude abjecte et grossière, pour parler comme le monde, peripsema mundi[110]. Il y eut donc, dès les premiers temps, une différence marquée dans les sentiments qui se manifestèrent à l'apparition de l'Évangile : les hommes de bonne volonté sortirent du peuple ; d'en haut, il ne vint guère que des sarcasmes et des persécutions. Ce contraste est signalé avec force dans l'Épître première aux Corinthiens que Paul écrivit à Éphèse, peu de temps après son départ de Grèce[111] : Où sont, dit-il, parmi vous, mes frères, où sont les sages et les doctes ? Où sont les sophistes de ce siècle ? Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse de ce monde ? Car Dieu, voyant que le monde avec sa science ne l'a point reconnu dans les œuvres de sa sagesse, a voulu sauver les croyants par la folie de la prédication. Les Juifs demandent des miracles, et les Grecs de la science, et nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié qui est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Grecs. Jetez les yeux sur vous-mêmes, vous qui avez été élus : il n'y en a pas beaucoup parmi vous d'habiles selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi dans le monde ce qu'il y avait d'insensé, afin de confondre les sages ; Dieu a choisi ce qu'il y avait de faible dans le monde, afin de confondre les forts. Dieu a choisi ce qu'il y avait de bas et de rebuté dans le monde, ce qui n'existait pas, afin de renverser ce qui existe.... Votre appui n'est point dans la science de l'homme, mais dans la puissance de Dieu... La sagesse que nous vous annonçons n'est point la sagesse de ce siècle, ni de ceux qui commandent à ce siècle et qui tomberont... c'est une sagesse qu'aucun des princes de ce monde n'a connue... et nous ne vous l'annonçons point avec les paroles étudiées de la science humaine[112]... — Peut-on exprimer en termes plus précis et plus forts le caractère et les effets de la prédication, sa faiblesse victorieuse, la glorieuse bassesse[113] de ses premiers établissements, et la révolte des puissances humaines contre la foi ?

Un incident du séjour de Paul à Corinthe mérite une attention particulière. Nous voyons fréquemment dans les Actes avec quelle facilité les orages populaires se formaient au sein des multitudes agglomérées dans les cités commerçantes de Grèce et d'Asie : excités en un instant, ils s'apaisaient de même, sur un signe du magistrat romain dont l'attitude restait calme et presque indifférente au milieu de ces effervescences. Paul résidait depuis. huit mois à Corinthe, lorsqu'un jour du quartier juif tout en feu une tourbe se souleva et emporta à grands cris l'Apôtre jusqu'au tribunal du proconsul[114]. C'était ce même Gallion dont Sénèque et Stace vantent la douceur inaltérable[115] ; et son caractère ne se démentit point en cette conjoncture. Les Juifs accu salent leur ennemi d'apprendre à honorer Dieu contrairement à la loi[116] : Gallion ne voulût pas même entendre la défense de l'accusé : Si cet homme, répondit-il, avait commis quelque crime ou quelque injustice, je vous prêterais attention, ô Juifs ; mais s'il est question de mots ; de noms, et de Votre loi, démêlez vos différends comme vous l'entendrez ; je ne veux pas être juge de pareilles choses[117]. Et il fit retirer les accusateurs. Aussitôt les Grecs qui étaient présents, enhardis par la disgrâce des Juifs ; se jetèrent sur eux ; se saisirent dé leur chef, et l'accablèrent de coups, ravis de l'occasion qui s'offrait de satisfaire leur haine invétérée. Cela se passait à deux pas du tribunal, sans que le proconsul y prît garde[118]. Nous ne savons par quel étrange abus d'interprétation, par quelle manie d'hypothèse, on est allé jusqu'à inférer de la réponse de Gallion qu'il connaissait et protégeait Paul et le christianisme. On ne s'est pas arrêté en si beau chemin ; mi a conjecturé que Gallion avait envoyé à Sénèque son frère les livres des chrétiens, en lui recommandant et leur doctrine et leur apôtre. Il est peu de chimères aussi bizarres. Ce que nous avons dit de la prédication évangélique, des lieux où elle se faisait, des conversions qu'elle opérait, de l'origine et de la composition des premières Églises, renverse toutes ces suppositions fantastiques. A Corinthe, comme ailleurs, la prédication n'était point sortie du quartier juif, ni de la maison de Titus, attenante à la synagogue ; elle avait attiré des païens, grecs et étrangers, mais en secret ; et la petite Église de Cenchrées n'occupait ni l'opinion publique, ni les magistrats romains. Ce qui le prouve par surcroît, c'est la démarche même des Juifs, avec toutes ses circonstances. A Philippes et à Thessalonique Paul fut battu et emprisonné, ou du moins menacé ; ici il est absous sans avoir besoin de se défendre. Mais la situation est bien différente, et les Juifs de Macédoine avaient agi bien plus habilement que ceux de Corinthe. Là on le représentait comme un rebelle, comme un ennemi des lois romaines et de César ; ici on le représente comme un schismatique juif. Évidemment ces deux crimes ne pesaient pas du même poids dans la balance des magistrats. A Corinthe, la question étant posée comme elle l'était, la réponse de Gallion fut ce qu'elle devait être : une fin de non-recevoir et une déclaration d'incompétence. L'autorité romaine permettait le libre exercice du culte juif, et elle le protégea plusieurs fois contre le mauvais vouloir des païens[119] ; mais elle refusa constamment de s'immiscer dans les querelles religieuses de ce peuple et de se constituer l'arbitre de pareils différends. Elle n'y entendait rien et n'y voulait rien entendre. De tels soins étaient étrangers à ses attributions. C'est ce qu'exprime parfaitement l'indifférence dédaigneuse du proconsul d'Achaïe ; et dans les cas semblables, la conduite des gouverneurs romains fut invariablement la même[120]. Il y a loin de là, comme on le voit, à une protection déclarée ou secrète du christianisme : Gallion en ignorait le nom et l'existence, il jugea très-superflu d'en connaître la doctrine ; quant à Paul, il vit en lui un Juif brouillé avec ses coreligionnaires et l'abandonna à leurs ressentiments. En effet, l'Apôtre fut obligé de quitter Corinthe peu de jours après, sans que le proconsul ait jamais rien su de ses prédications, et encore moins de ses Épîtres, par la raison fort simple qu'elles n'étaient pas écrites à cette époque[121].

Ces remarques sont pleinement confirmées par le récit du jugement de Paul en Palestine.

Après avoir rempli sa mission en Asie et en Grèce, l'Apôtre retourna à Jérusalem, aux fêtes de la Pentecôte de l'an 58[122]. Les Juifs ne pouvaient lui pardonner son apostasie, si fatale à leur cause ; dès qu'ils le reconnurent dans le temple, leur fureur s'alluma, ils se saisirent de lui et le frappèrent, et sans l'intervention des soldats romains qui accoururent de la citadelle Antonia, il eût succombé sous leurs coups. Un épouvantable tumulte éclata dans la ville. Nous ne voulons pas donner tous les détails de cette affaire qui est longuement exposée dans les Actes ; nous nous contenterons de signaler les plus importants.

L'accusation intentée contre Paul était à peu près la même que celle qui fut portée au tribunal de Gallion : seulement les accusateurs étaient beaucoup plus puissants. Que disaient les Juifs de Jérusalem ? Cet homme trouble l'exercice de notre culte dans tout l'univers[123]. A cette vague allégation, ils ajoutaient une circonstance aggravante et plus précise : il a violé l'enceinte sacrée du temple en y introduisant des étrangers au mépris de nos lois. Ici, ce n'était plus une poignée de Juifs, exilés en pays étranger, odieux au reste de la population et méprisés des magistrats, qui soutenaient l'accusation ; c'était la ville entière de Jérusalem, représentée par ses chefs religieux, par le Sanhédrin et le grand prêtre. Le gouverneur ne pouvait pas, comme le proconsul d'Achaïe, répondre par un geste de mépris ; les Juifs avaient droit au respect en Palestine ; leur crédit faisait nommer les gouverneurs[124] ; et ce peuple rétif commençait à se montrer plus remuant et plus intraitable que jamais[125] : le soulèvement de Jérusalem exigeait des ménagements. Un moyen aisé s'offrait aux Romains d'éviter toute difficulté et de gagner la faveur populaire, c'était de sacrifier l'accusé, et il est probable que Paul eût succombé s'il n'eût pas été protégé par son titre de citoyen romain. Cette garantie le sauva des fureurs de ses ennemie et de la faiblesse de ses juges.

Ceux-ci, comme autrefois Ponce-Pilate, ne pouvaient se résoudre à prendre une décision. A voir l'acharnement des Juifs, leur rage forcenée, leurs instances pleines de menaces, ils s'imaginèrent d'abord qu'ils avaient devant eux un scélérat souillé de sang, fléau de la contrée, tout au moins un de ces brigands dont les incursions occupaient à cette époque les armes romaines. Leur étonnement fut grand quand ils entendirent alléguer des dissidences d'opinion, en matière religieuse, et un outrage fait au temple. Une telle animosité, si éloignée des mœurs romaines, leur était incompréhensible. Aussi que répondent-ils ? Ce que répondaient Pilate et Gallion. J'ai trouvé, écrit au gouverneur le tribun Lysias qui avait arrêté Paul, j'ai trouvé qu'il n'était accusé que de certaines choses qui regardent leur loi, sans qu'il y eût en lui aucun crime qui fût digne de mort ou de prison[126].

La cause fut plaidée à Césarée, résidence du gouverneur. Césarée, dont l'emplacement n'est plus occupé, aujourd'hui que par des campements d'Arabes passagers, était alors une cité vaste et opulente, ornée de palais construits par Hérode, de temples dédiés à Auguste et à la fortune de l'empire[127]. Capitale militaire de la Judée, comme Antioche l'était de la Syrie, peuplée de païens, commerçants et soldats, elle contrastait, par ses airs d'élégance profane, par ses richesses et ses plaisirs, avec la sombre Jérusalem. Elle avait alors pour gouverneur Claudius Félix, affranchi d'Antonia, mère de Claude, et frère de l'affranchi Pallas[128]. C'est ce mari de trois reines, dont parle Suétone[129], et ce despote au cœur d'esclave, que Tacite a flétri d'un trait[130]. Devant lui comparurent les députés du Sanhédrin et le chef des prêtres, qui avaient chargé de leur cause un de ces avocats attachés aux tribunaux de province et versés dans le droit romain[131]. Une injustice coûtait peu à Félix ; cependant, après avoir entendu les parties, il ne se prononça point et remit l'affaire jusqu'à plus ample informé[132]. Saint Paul resta en prison, avec une sorte de demi-liberté.

L'indécision de Félix venait de son incompétence. Le langage des accusateurs et celui de l'accusé étaient pour t lui lettres closes. Un débat où il s'agissait de la secte des nazaréens, de la résurrection des morts, de la foi aux prophéties, mettait en défaut toute sa pénétration. Un seul point lui semblait hors de doute : c'était l'innocence de l'accusé, et l'absence de tout délit prévu par les lois. Pour résoudre ces énigmes, il eut recours à Drusilla, sa femme, qui était Juive de naissance. Fille d'Agrippa Ier, cette Drusilla avait forcé un petit roi d'Émèse à se faire Juif pour l'épouser et, peu de temps après, elle se fit elle-même païenne pour épouser Félix. Elle périt avec un fils né de cette union, dans une éruption du Vésuve. Paul, en présence de Drusilla et de Félix, parla avec force de la chasteté et de la justice, c'est-à-dire des vertus qu'ils avaient le plus outragées, et menaça ses juges du tribunal de Dieu. Sa parole fit quelque impression sur Félix ; mais ne croyez pas que cet ébranlement soit l'avant-coureur d'une conversion. Non, une chose a surtout frappé le gouverneur dans les discours de son prisonnier : c'est que celui-ci était venu apporter des offrandes au temple. Il le renvoie donc en prison, en lui laissant entrevoir qu'il peut acheter sa délivrance. L'affaire est devenue pour Félix une question d'argent[133].

Deux ans se passèrent, et Félix fut remplacé avant d'avoir pu délivrer Paul. Ce délai n'avait pas assoupi la haine des Juifs. Lorsque le nouveau gouverneur, Porcius Festus, alla visiter Jérusalem, ils lui demandèrent, comme un don de joyeux avènement, la condamnation du prisonnier[134]. Festus répondit qu'une condamnation ne s'accordait pas chez les Romains comme une faveur, et le procès recommença. L'issue fut la même. Festus se déclara incompétent et proposa de renvoyer la cause aux tribunaux juifs. C'est alors que Paul, usant du privilège attaché au titre de citoyen romain, en appela à César. C'était le suprême recours des citoyens en province contre l'arbitraire des magistrats et la pression des influences locales. Festus souscrivit à la demande de Paul ; il lui était d'ailleurs impossible de la repousser, car la loi Julia défendait aux magistrats de s'opposer à cet appel[135]. Il n'y avait d'exception qu'à l'égard des pirates et des brigands pris en flagrant délit ; malgré leurs réclamations, on pouvait les exécuter sur-le-champ. Dans ce changement de juridiction, il fallait adresser à l'empereur un rapport détaillé qui contînt en substance les griefs énoncés, les témoignages, la défense, l'avis des premiers juges. Or, Festus, comme Félix et Lysias, ne trouvait aucun crime dans l'accusé. Sur ces entrefaites, il reçut la visite du roi de Chalcis Agrippa II : favori de Claude et d'Agrippine, ce prince était accompagné de sa sœur Bérénice, fameuse par sa beauté et par ses désordres[136]. Festus lui fit part de ses embarras, et, pour le mettre en état de les éclaircir, manda le prisonnier. Celui-ci renouvela sa défense devant les officiers du roi et l'entourage du gouverneur. Agrippa, comme tous les juges précédents, déclara qu'il était innocent et qu'on eût pu le renvoyer absous, s'il n'en eût pas appelé à César. D'après la réponse d'Agrippa, et l'opinion de Festus, on peut conjecturer en quels termes était conçu le rapport adressé à l'empereur ; nul doute qu'il ne fut très-favorable à l'accusé.

Un incident de cette dernière séance nous fournit une nouvelle preuve du sentiment de surprise excité dans les païens par la prédication des doctrines chrétiennes. Au moment où Paul parlait de la passion et de la résurrection du Christ, Festus l'interrompit en s'écriant : Vous êtes fou, Paul, votre savoir vous a égaré l'esprit[137]. Et comme l'Apôtre appelait Agrippa en témoignage de la vérité de ses paroles, celui-ci répondit[138] : Peu s'en faut que tu ne me persuades de devenir chrétien. Réponse évidemment ironique[139] ; mais en la supposant sérieuse, elle montrerait combien l'impression du langage apostolique était différente sur les Juifs et sur les païens. Agrippa peut comprendre et approuver la religion prêchée par Paul ; mais Festus en juge comme les philosophes d'Athènes, comme tous les gentils, au rapport de l'Apôtre lui-même, gentibus stultitiam.

Là se termine la prédication de l'Apôtre en Orient et en Grèce (année 60). Nous en avons examiné avec soin les circonstances. principales. Comme la vie de saint Paul renferme deux parties, l'une certaine et l'autre conjecturale, il nous a paru indispensable d'insister sur la première, afin de préparer aux hypothèses à venir de solides fondements. Ces recherches scrupuleuses sur la jeunesse et l'éducation de l'Apôtre, sur les résultats de ses courses apostoliques, cette étude attentive des premiers effets produits par l'établissement de la foi nouvelle, en ramenant l'imagination au sentiment de la vérité, à l'intelligence exacte des temps et des faits, nous fourniront le moyen le plus efficace de combattre avec succès le vague des conjectures et la témérité des suppositions.

 

 

 



[1] Homélie VII sur la Ire Épître aux Corinthiens. — Homélie III sur la même Épître.

[2] Sur l'Ép. aux Éphésiens, l. II, ch. III. — Irénée est du même avis (Adv. hœres., l. III, ch. VII). Selon saint Chrysostome, dit Tillemont, saint Paul ne savait que l'hébreu (Voyez Mémoires, saint Paul).

[3] Panégyrique de saint Paul. —Voyez aussi le jugement de dom Calmet, qui résume l'opinion des Pères (fin des Ép. de saint Paul). — Saint Augustin relève surtout la dialectique de l'Apôtre. — On peut consulter l'appréciation très-éclairée de l'éloquence et du style de saint Paul dans le 3e dialogue sur l'éloquence, de Fénelon. Elle confirme pleinement l'opinion ici exprimée. Voyez aussi, sur les principales incorrections des Épîtres, M. Glaire, t. VI, art. 4, ch. I.

[4] L'opinion générale est qu'il naquit l'an 2 après J-C. (Voyez Tillemont, Mém., saint Paul).

[5] Actes, XXII, 1, 3 ; XXIII, 1, 6. — Épître aux Philip., ch. II, 2, 5. — IIe Épître aux Corinth., XI, 22.

[6] Voyez sur ces guerres, Josèphe, Ant. Jud., l. XIV. — Guerre contre les Rom., l. I, ch. VII. — Saint Jérôme dit que saint Paul s'enfuit avec ses parents de Giscale, ville de Judée prise par les Romains. (Catalogue des écrivains ecclés.)

[7] Josèphe nous parle de plusieurs Juifs citoyens romains, et même de quelques-uns qui furent chevaliers (Guerre des Juifs, l. II, XXIV) ; mais le soin qu'il prend de les mentionner nous fait penser qu'un titre si noble n'était pas commun dans sa nation.

[8] C'est à tort que Tillemont et Fleury ont prétendu que Tarse jouissait du titre de colonie libre et du droit de bourgeoisie. On ne voit pas dans les médailles qu'elle ait eu ces privilèges avant Caracalla et Héliogabale (Voyez dom Calmet, Comm., Act. XVI, 37). — Voyez aussi Connybear et Howson, Vie de saint Paul (Londres, 1854), t. I, l. II. — Appien (de Bello civ., l. V, ch. VII) se borne à dire qu'Antoine accorda la liberté, c'est-à-dire le titre de villes libres, à Tarse et à Laodicée.

[9] Cette conjecture est de Wieseler (Chronologie des Act. des Apôt., Göttingen, 1848). — Il se fonde sur un sens dont est susceptible le verset 9 du chap. VI des Actes, qui peut se traduire : Il y avait alors à Jérusalem des affranchis de Cyrène, Alexandrie, Cilicie, Asie. Or, comme saint Paul se trouvait parmi eux, il en conclut qu'il était affranchi. — Les Romains firent beaucoup de prisonniers en Judée sous Pompée, Gabinius et Cassius. Ce dernier en emmena trente mille de Larichée (Guerre des Juifs, l. I, ch. IV). Nous voyons aussi dans Appien (l. V, ch. VII) qu'Antoine affranchit par un décret ceux des Tarsiens qui avaient été vendus.

[10] Ces vêtements étaient faits de poils de bouc et de chèvre (Varron, De re rustica, l. II, ch. XI) — Les tentes de poils de bouc existent encore dans ce pays.

[11] Le Talmud ordonnait au père ces trois choses : circoncire son fils, lui apprendre la loi et lui donner un commerce.

[12] Voyez saint Basile, Ép. V, à Eusèbe de Samosate.

[13] L. XIV, ch. V.

[14] Mém. de l'abbé Belley (Acad. des Inscrip., t. XXXVII). On a découvert récemment à Tarse, dans une excavation des anciens remparts de la ville, une collection de petites statues en terre cuite représentant Jupiter, Pan, Mercure, Cybèle, Cérès, Apollon, un taureau égorgeant un lion. Il y avait aussi beaucoup de lampes et d'encensoirs qui avaient servi. Une coiffure de femme, qui est à peu près celle de la femme de Titus, semble indiquer la date de ces objets. On présume que ces symboles d'idolâtrie furent jetés en cet endroit par quelque converti (Connybear, t. I, p. 275, n. 4).

[15] Strabon, l. XIV, ch. V.

[16] Cave pense que saint Paul fut instruit des arts païens avant d'aller à Jérusalem (l. I, ch. V). C'est aussi le sentiment de Lardner (Hist. des Ap., ch. XI). M. Glaire parait être de l'avis contraire (t. VI, art. 4, ch. I), ainsi que MM. Connybear et Howson (t. I, ch. II).

[17] Actes, ch. X, v. 28. Les seules défenses qui furent levées étaient celles qui interdisaient le négoce avec lest gentils et même le passage en pays étranger.

[18] Rhéteur de Tarse, cité par Strabon.

[19] C'était un dicton juif. — La Mischna et la Ghémara, commentaires du Talmud, renferment des malédictions contre ceux qui élèveront leurs enfants dans la science des Grecs (voyez M. Biet, Essai sur l'École juive, IIIe partie, ch. II).

[20] Josèphe évalue à près de trois millions le nombre des Juifs qui chaque année se purifiaient à Jérusalem (Guer. contre les Rom., l. VI, ch. XLV).

[21] Voyez M. Biet, Essai sur l'école juive, IIIe partie, ch. II. — Le Talmud mentionne la distinction importante entre la langue grecque et les doctrines grecques. Il approuve celle-là et repousse celles-ci.

[22] M. Biet, page 285. — Philon resta obscur à Alexandrie même, et inconnu aux païens (Ibid., p. 258.) On peut consulter sur Philon un ouvrage spécial et très-savant par Ferdinand Delaunay (1867. — Librairie académique.)

[23] Tels étaient les usages juifs. Voyez Connybear et Howson, t. I, ch. II, p. 54.

[24] Voyez, sur la vénération attachée à ce titre, Josèphe (Ant. J., l. XX, ch. IX).

[25] M. Biet, page 286.

[26] Nous avons déjà dit que les Pères, et particulièrement saint Irénée et saint Jérôme, signalent beaucoup de fautes de langage dans les Épîtres. Ce dernier va jusqu'à dire que l'Apôtre se servait de Tite comme d'un interprète auprès des Grecs, surtout pour l'explication des mystères les plus difficiles à exprimer en langue grecque (Ép. CXX, 11.).

[27] Act., XXII, 3. — Josèphe, parlant de lui-même, nous dit qu'à l'âge de quatorze ans il était habile dans l'explication des Écritures, qu'à treize ans il commença à s'instruire des diverses opinions des sectes juives, et qu'a dix-neuf ans il embrassa celle des pharisiens (Autobiographie). — Il n'apprit le grec que fort tard, après sa captivité chez les Romains, et il le prononça fort mal toute sa vie.

[28] C'est aussi, ou à peu près, l'opinion de M. Connybear (t. I, ch. II).

[29] Dans les écoles juives, le maître était assis sur une sorte de plate-forme, et les élèves se rangeaient en cercle autour de lui, en s'asseyant sur le sol ; ou bien encore, le maître prenait place sur un siège élevé, et les élèves, toujours en cercle, sur des sièges très-bas. Cet usage s'est conservé dans les écoles mahométanes.

[30] Connybear, t. I, l. II.

[31] Connybear et Howson, t. I, l. II, fin.

[32] Voyez les mêmes auteurs, ibid. — Voyez aussi M. Fleury, Saint Paul et Sénèque, t. II, IIIe partie, ch. XVI.

[33] Ligfood, Hor. hebr. ad. Actus Apostolorum, page 43.

[34] Nous voyons au contraire que la popularité de Gamaliel était très-grande : Honorabilis universæ plebi. (Act., V, 34).

[35] Actes, IX, 30. — D'après le récit des Actes, ce séjour ne fut pas long, car, entre son départ pour Tarse et son retour, le seul fait accompli c'est la conversion de Corneille (ch. X). Wiesener pense que Paul ne resta que six mois à Tarse (Connybear, t. I, ch. III).

[36] C'est le sentiment de MM. Connybear et Howson (t. I, ch. III, fin).

[37] Voyez tout le chapitre X de M. Fleury, t. II, IIIe partie.

[38] Ire Ép. aux Corinthiens, ch. II, 1, 2, 4. — IIe aux Corinth., ch. I, 12, ch. X, 10, ch. XI, 6. — Ép. aux Colossiens, ch. II, 8.

[39] Voici le sentiment de don Calmet sur le style des Épîtres : Elles n'ont pas la pureté, ni la politesse des auteurs grecs de son temps. On y trouve quelquefois des expressions, rudes, des hébraïsmes presque inévitables aux Hébreux nourris dans la lecture des livres saints. On y remarque quelques fautes de grammaire, quelques renversements d'ordre, de longues parenthèses, des écarts qui détournent le sens, et interrompent le fil du discours, et qui en rendent la lecture difficile et obscure, etc. — On lit aussi dans M. Glaire : Saint Paul confond les temps, met le plus-que-parfait pour le prétérit, le prétérit pour le présent, le participe pour le verbe, l'infinitif pour l'impératif ; tantôt c'est un cas pour un autre, le substantif pour l'adjectif ; tantôt il fait un usage irrégulier des particules qui servent à lier le discours, les prenant selon la signification qu'elles ont en hébreu ; ce qui quelquefois jette tant d'obscurité dans son raisonnement, qu'on prendrait l'antécédent pour le conséquent, et les conclusions pour les prémisses, etc. (T. VI, ch. I, art. 4.) — On n'est pas fondé à affirmer, dit Michaëlis, qu'il fût initié dans la philosophie des écoles célèbres de Tarse. (Id., ibid., art. 5.) — Voyez en outre Fénelon, 3e dialogue sur l'éloquence.

[40] Nicéphore Calliste, Hist. ecclés., II, 37. — Cet auteur vivait au XIVe siècle. C'est un historien sans valeur.

[41] Jean d'Antioche, dit Malalas, est plus ancien que Nicéphore, mais n'a pas plus d'autorité. Il est du VIIe ou du IXe siècle. — Les Actes apocryphes de saint Paul et de Thécla furent composés vers le IIe siècle (voyez don Calmet et M. Glaire).

[42] Voyez Tillemont, art. 31. = Chrysostome, De Pœnitentia, Hom. 11.

[43] IIe aux Corinthiens, ch. XI, v. 5.

[44] Connybear, t. I, p. 240, note 4.

[45] A Lystre même, à Derbi, à Perga, en Galatie, il y avait des familles juives. Timothée, fils d'une Juive et d'un païen, était de Lystre.

[46] Quelques auteurs ont cru soir une différence entre les synagogues et les προσευχαί ; selon eux les προσευχαί n'étaient que de simples oratoires, assez semblables aux delubra des païens et à nos chapelles ; mais Josèphe et Philon désignent souvent par ces derniers termes des bâtiments aussi grands que des synagogues.

[47] Voyez Philon, In Flaccum ; Tertullien, De Jejunio, ch. XVI et Adversus nationes, I, 13. — Josèphe, Antiq., XIV, 10-23. — Actes des Apôtres, XXI, 5. — Connybear, t. I, p. 315, note 4.

[48] Voyez Connybear, t. I, p. 185.

[49] Strabon, ap. Joseph., Ant., XIV, 7. — Philon, De leg. ad Caium. — Act., II, 5.

[50] Philon, In Flaccum. — Voyez Philon d'Alexandrie, Écrits historiques, influence, luttes et persécution des Juifs dans le monde romain, par Ferdinand Delaunay (1867), pages 3 et 4.

[51] Ils étaient environ 200.000 à Césarée, 13.000 à Scythopolis, 10.000 à Damas, 50.000 à Séleucie. Voyez Josèphe, passim. — On évalue à 200.000 le nombre des Juifs d'Alexandrie (Delaunay).

[52] Connybear, t. I, ch. I, p. 18.

[53] On donne aussi aux Juifs de Palestine le nom d'Araméens, ou Juifs des hautes terres (Connybear, t. I, ch. II, p. 38.)

[54] Connybear, t. I, p. 163.

[55] Sur cette tentative, voyez Écrits de Philon, par M. Delaunay (1867).

[56] Josèphe, Antiq., XV, 11, 12.

[57] Josèphe, Antiq., XVI, 9.

[58] Despectissima pars servientium (Tacite, Hist., V, 1-45).

[59] Philon, De vita Mosis, l. II, t. II, p. 137. — Josèphe, Rép. à Apion, l. II, ch. V. A Antioche les Juifs attirèrent à leur religion un grand nombre d'idolâtres qu'ils s'associaient en quelque sorte. (Guerre contre les Romains, VII, 9, II, 41.)

[60] Horace :

Ac veluti te

Judæi cogemus in hanc concedere turbam (Sat. IV, l. I, v. 142).

Tacite : Transgressi in morem eorum (Judærum) idem usurpant nec quidquam prius imbuuntur quam contemnere deos, exuere patriam, parentes, liberos, fratres, vilia habere. (Hist., V, 5.) — Dion, XXXVII, 16, 17. — Philon, Legatio ad Caium.

[61] Romanes autem soliti contemnere leges

Judaicum ediscunt et servant as metuunt jus

Tradidit arcano quodeumque volumine Moses.

(XIV, 85 et sqq.) — V. Perse (Sat. V, v. 190.)

[62] Saint Matthieu, XXIII, v. 15.

[63] Cont. Apion, l. II, ch. VIII.

[64] Josèphe, Contra Apion, l. Il, ch. V.

[65] On distinguait trois classes de prosélytes : les prosélytes parfaits, ou prosélytes de justice ; ils devenaient des véritables Juifs : les prosélytes de la porte, ou simples initiés ;enfin les prosélytes esclaves, qui, dit-on, avaient le droit d'inceste. — Ce serait là une des sources des calomnies répandues depuis contre les chrétiens. Car les païens, comme on sait, confondaient les premiers fidèles avec les Juifs. — Basnage, l. VI, ch. VI et VII.

[66] Don Calmet, Comm. sur le ch. X des Actes.

[67] Ceux de Damas résolurent de massacrer les Juifs qui demeuraient parmi eux. Mais comme la plupart de leurs femmes avaient embrassé notre religion, ils eurent grand soin de leur cacher leur dessein. (Josèphe, Guerre, etc., l. II, ch. XLI.)

[68] Actes, ch. XIII, 50. — XVII, 4, 12.

[69] L. VII, 3.

[70] Actes, XVI, 1. — IIe Ép. à Timothée, ch. I, v. 5.

[71] Horace, Sat. III, l. II, v. 290.

[72] Josèphe, contre Apion, l. II, ch. IX.

[73] Perse, Sat. V, v. 180 :

Herodis venere dies, unctaque fenestra

Dispositæ pinguem nebulam vomuere lucernæ...

Labra moves tacitus, recutitaque sabbata palles.

[74] Sacramenta Judæorum maxime sabbata (Seneca) repreliendit, inutiliter id eos facere affirmans, quod per illos singulos septem, interpositos dies septimam fere ætatis suæ partem perdant vacando... Cum interim usque eo sceleratissimæ gentis consuetudo convaluit ut per omnes terras accepta sit... victi victoribus leges dederunt. Hi tamen causas ritus sui noverunt, at major pars populi facit quod cur faciat ignorat. (Fragment cité par saint Augustin, De Civit. Dei, VI, 11). Sénèque fait encore allusion à cet usage dans la lettre 95 à Lucilius.

[75] Actes, XIII, v. 44. Les gentils pouvaient aller adorer dans le temple, y offrir leurs vœux et leurs présents. Ils se tenaient avec les prosélytes dans le parvis des nations fermé de balustrades. — Basnage, l. VI, ch. VI.

[76] Act., V, 42. — XVIII, 7. — XIX, 9.

[77] Eusèbe de Césarée, Hist. ecclés., l. II, ch. III.

[78] Judæorum mos absurdus sordidusque (Tacite, Hist., V, 5. — Id., Hist., V, 4, 5.) Gens superstitioni obnoxia, religionibus adversa, ch. XIII. Cætera instituta sinistra, fœda, pravitate valuere, ch. 5.

[79] Les ennemis des Juifs leur dérobaient leur loi dans le temple (Josèphe, Antiq., XVI, 10).

[80] Voyez les erreurs de Plutarque dans ses Symposiaques, Entretien V. On peut consulter aussi à ce sujet un mémoire de M. Burigny (Acad. des Ins., t. XXIX).

[81] Actes, ch. II, v. 14, ch. III, v. 12, ch. XIII, v. 15. — Ces discours, adressés spécialement à des Juifs ou à des gentils judaïsants, roulent en grande partie sur l'accomplissement des prophéties, et les principales preuves sont tirées de l'Ancien Testament.

[82] Actes, XIII, 6.

[83] Tacite, Ann., XVI, 31.

[84] Actes, XIII, 12.

[85] Nous dirons ici un mot de l'origine du nom de Paul donné à l'Apôtre par Luc au moment où il relate la conversion de Sergius. Suivant l'opinion la plus générale, l'Apôtre prit ce nom en mémoire de sa nouvelle conquête et comme un trophée de sa victoire. C'est là, ce nous semble, une explication oratoire, plus spécieuse que fondée. Si ce motif est véritable, pourquoi le texte sacré n'en parle-t-il pas ? Pourquoi ce nouveau nom est-il mentionné avant que Sergius soit converti ? Il nous parait bien plus vraisemblable que l'Apôtre, suivant un usage très-commun en Judée, avait deux noms : l'un juif et l'autre étranger. Citoyen romain, il avait un nom latin. L'histoire juive est pleine d'exemples analogues. Après la conquête assyrienne, les Juifs portèrent des noms assyriens, Néhémiah, Schammaï, Baltesshazzar ; après la conquête grecque, des noms grecs et quelquefois même les plus mythologiques, Jason, Apollon, Phébus et Borée (Josèphe, Guer. rom., II, 38) ; la domination romaine introduisit les noms romains, Crispes, Justes, Niger, Drusilla, Priscilla, Apella, Aquila. Or, la plupart de ces Juifs avaient deux noms ; l'un hébreu et l'autre païen, un sacré et un profane, un ésotérique et un exotérique : le premier était celui de la famille ou de la synagogue, l'autre celui des affaires et des voyages. Ainsi nous voyons : Baltesshazzar-Daniel, Esther-Hadasa, Hérode-Agrippa, Salome-Alexandra, Juda-Aristobule, Simon-Pierre. Quelquefois il y avait analogie de signification ou de son entre ces deux noms : Josep-Jason, Hillel-Jule, Saul-Paul. En conséquence, il nous parait raisonnable de penser que l'Apôtre, qui avait porté le premier nom parmi les Juifs, porta le second parmi les païens : depuis, dans toutes ses Épîtres, il se servit invariablement de ce dernier. Comme rien n'était plus connu parmi les chrétiens que l'es deux noms de l'Apôtre, Luc dit sans aucun détail : Saul, qui s'appelait aussi Paul.... Peut-être s'était-il présenté au gouverneur sous ce nom. N'oublions pas que c'était la première fois qu'il quittait le continent asiatique et s'adressait à des Romains. — Connybear, etc., t. I, ch. V, p. 169. — V. aussi dans le même endroit l'opinion de saint Jérôme et de Baronius. — Don Calmet, après avoir exposé les divers sentiments, conclut dans le sens indiqué plus haut (Comm. ch. XIII, v. 9).

[86] Actes, XVI, 21.

[87] Voyez Connybear, etc., t. I, ch. IX, p. 339. — Via illa nostra, quæ per Macedoniam est usque ad Hellespontum militaris. (Cicéron, De prov. cons., II.)

[88] Strabon, VII, 7, 4. — Connybear, etc., t. I, ch. IX, p. 346.

[89] Nouvelles juives de 1849. — Paul Lucas, dans son dernier voyage, porte seulement le nombre des Juifs à trente mille, et celui des synagogues à vingt-deux.

[90] Actes, XVII, 4.

[91] Villemain, Tableau de l'éloquence chrétienne ; introd., 41.

[92] Josèphe, Antiq., XIV, 16.

[93] Connybear et Howson, t. I, ch. X, p. 375.

[94] Pausanias (Attica, II) place ces autels dans les temples du Pirée. — Peut-être un autel à un dieu inconnu était-il en outre élevé dans le centre de la ville. C'est l'opinion des deux docteurs anglais. — Voyez aussi la Dissert. de don Calmet à ce sujet. Elle résume les sentiments des Pères (en tête des Comm. des Actes).

[95] Pausanias, XXIV, 3.

[96] Platon, IIe Alcibiade. — Isocrate, Panégyrique. — Sophocle, Œdipe à Colone. — Josèphe, contre Apion, I, 12. — S. Grégoire, Oraisons funèbres de S. Basile. — Julien, Misopogon.

[97] Σπερμόλογος, qui est le mot des Actes, signifie proprement un oiseau qui ramasse çà et là des grains tombés, et par extension un homme qui vit de ce qu'il ramasse, par conséquent paresseux, mendiant, bavard. Voyez don Calmet et Connybear, etc., t. I, ch. X, p. 100, n. 3. Saint Chrysostome dit qu'il fut mené à l'Aréopage pour être condamné.

[98] Voyez don Calmet, Comment. sur le v. 18 du ch. XVII des Actes.

[99] Strabon, l. IX.

[100] Connybear, etc., t. I, ch. X, p. 401, 402.

[101] Actes, XVII, 32.

[102] Ier Corinth., I, 23.

[103] Voyez Justin, ch. XXI et XXII, Ire apologie.

[104] Connybear, t. I, ch. XII, p. 448. — Don Calmet, Comm., v. 12, ch. XVIII. — Sénèque était revenu d'exil vers 49, et son crédit avait pu servir à Marcus Annæus Novatus, son frère, qui prit, comme on le sait, le nom de Gallion, parce qu'il était entré par adoption dans une famille de ce nom.

[105] Voyez Dion Cassius, I. X. — Tacite, Ann., l. I, 16. — Suétone, Claude, 25.

[106] Pour ces détails et les suivants, voyez l'ouvrage anglais déjà cité, Connybear, t. I, ch. X.

[107] Ire Cor., ch. II, 3. — Ces persécutions venaient des Juifs.

[108] Aux Corinth., ch. XIV, v. 18, 28. — Ch. IV, 13. — II Cor., ch. XII, 20. — I Cor., ch. V, 1. — Ép. aux Rom., XVI, 1. — Cor., ch. III, 22. — II Cor., ch. XI, 13.

[109] II Corinth., ch. VIII, 2, altissima paupertas eorum, ή κατά βάθους πτωχεία αύτών.

[110] I Cor., ch. IV, 13.

[111] L'an 56, selon don Calmet.

[112] Voyez les ch. I et II de l'Ép. I aux Cor.

[113] Expressions de Bossuet, Panégyrique de saint Paul.

[114] Actes, XVIII, 12.

[115] Gallio frater meus, quem nemo non parum amat, etiam qui amare plus non potest..... nemo enim mortalium uni tam dulcis est quam hic omnibus... Quæst. nat., IV, Préf.

— Stace : Hoc plus quam Senecam dedisse mundo,

Aut dulcem generasse Gallionem. (Sylv., II, 7.)

Sénèque fait encore mention de son frère dans la Consolation à Helvia ; il le désigne sans le nommer par les honneurs qu'il a déjà obtenus : Respice fratres meos ;.... alter honores industria consecutus est ; alter sapienter contempsit. Acquiesce alterius filii dignitate, alterius quiete, utriusque pietate... (16.) — Ce traité est probablement de l'an 44.

[116] Actes, XVIII, 13.

[117] Ibid., 14, 15.

[118] Ibid., V, 47.

[119] Voyez Josèphe, Antiq., l. XIV, ch. XVII. — L. XVI, ch. V, 40. — L. XIX, ch. V.

[120] Les paroles de Gallion sont les mêmes que celles de Pilate. Celui-ci disait : ύμεΐς όψεσθε, ipsi videritis, arrangez cela entre vous (Ev. s. saint Matthieu, XXVII, 24). Gallion : όψεσθε αύτοί, videritis ipsi (Actes, XVIII, 15).

[121] On était en 54. Or, à cette époque, Paul n'avait encore écrit que les deux lettres aux Thessaloniciens. Les autres Épîtres, ainsi que les Évangiles, sont postérieures, excepté l'Évangile selon saint Matthieu, qui fut écrit en 41, en Palestine, et dans la langue du pays. Cependant saint Irénée le reporte jusqu'à l'an 61. (Chronologie orthodoxe.)

[122] Voyez don Calmet, Actes, XXVI, 27. — Selon M. Glaire, ce fut en 60 (t. V). — En 58, selon MM. Connybear et Howson (Voyez la note de la fin du IIe vol.).

[123] Actes, XXIV, 5.

[124] Jonathas, fils du grand prêtre Anne, avait demandé et obtenu pour gouverneur Félix en 52. — Voyez don Calmet, Comm., Actes, XXIII, v. 24.

[125] Josèphe, Ant., l. XX, et Guerre c. les Rom., l. II.

[126] Actes, XXIII, 29.

[127] Josèphe, Ant., l. XV, ch. XIII. — Connybear, t. II, XXII.

[128] Tacite l'appelle Antonius Félix, en mémoire de sa maîtresse Antonia (Hist., l. V, 9). — Les rois juifs Agrippa Ier et Agrippa II avaient été les familiers d'Antonia ; ce qui explique qu'on ait jeté les yeux sur des affranchis de la maison pour la Palestine (Josèphe, Ant., l. XVIII, VIII).

[129] Claudius, ch. XXVIII. — La première est Drusilla, fille d'Agrippa Ier ; la seconde est une autre Drusilla, dont parle Tacite ; elle était petite-fille d'Antoine et de Cléopâtre. On ne connait pas la troisième.

[130] Felix per omnem sævitiam et libidinem jus regium servili ingenio exercuit (Hist., V, 9). — Annales, XII, 54.

[131] Connybear, t. II, ch. XXII, p. 290.

[132] Actes, XXIV, 22.

[133] Actes, XXIV, 17, 26. — Les gouverneurs romains n'en usaient pas autrement. Josèphe, Ant., XX, 8, 5.

[134] Actes, XXV, 3.

[135] Don Calmet, Actes, XXV, 11.

[136] Dion Cassius, LXVI, 15. — Josèphe, Ant., XX, 7, 3. — Juvénal, Sat. VI, v. 155.

[137] Actes, XXVI, 24, 19.

[138] Actes, XXV, 28.

[139] Voyez don Calmet, ibid.