LES CHRÉTIENS DANS L’EMPIRE ROMAIN

 

CHAPITRE VII — Le christianisme dans l’Empire romain depuis la mort de Septime Sévère jusqu’à celle d’Alexandre Sévère (211-235).

 

 

Caracalla et Geta, les deux fils de Septime Sévère et de sa seconde femme, la Syrienne Julia Domna, investis depuis plusieurs années déjà du titre d’Auguste, devaient régner ensemble ; mais ils se haïssaient mortellement. Ils songèrent, dit-on, a se partager l’empire comme un domaine privé. L’aîné eût gardé Rome et l’Occident ; Geta eût pris l’Asie et l’Égypte. L’impératrice-mère s’opposa vivement à ce projet, d’où la guerre civile serait infailliblement sortie[1]. En attendant, ils se partagèrent le palais, s’épiant, se gardant l’un de l’autre, vivant dans une paix armée. Un an après la mort de Sévère, la tragédie prévue se jouait : Geta était tué, et Caracalla maître unique du pouvoir[2]. Il régna six ans et deux mois. C’était un brutal et un violent. Il n’y a guère, dans la série des bustes impériaux, une tête plus connue, un masque plus parlant que le sien. La bouche est crispée et ironique, les yeux faux et mauvais, le regard dur ; la physionomie a on ne sait quoi d’égaré et de farouche. Tous les traits de ce visage, hérissé, raccourci, sans front, avec une broussaille de cheveux et de sourcils qui se rejoignent, donnent l’idée d’une sorte de furieux dont l’agitation inquiète et l’emportement durent être les états habituels. De son temps on disait qu’il avait toujours l’air d’être en colère. C’est bien l’air que respirent ses marbres.

Le règne de Caracalla fut le triomphe de l’élément militaire. Le mot prêté à Sévère : Contentez les soldats, et moquez-vous du reste, fut la devise et la seule politique de son fils. Il gorgea les soldats de largesses, aux dépens de l’élément civil qu’il méprisait, foulait, dépouillait et livrait à leur merci. Les trésors accumulés par Sévère avaient été vite dissipés ; des confiscations et des exactions remplirent les caisses vides. Sang et argent se tiraient du même coup. Tant que j’aurai ceci, disait-il à sa mère en frappant de la main son épée, nous ne manquerons de rien. Sévère, qui aimait la guerre et la fit avec succès pendant presque tout son règne, se donnait comme le gardien et le premier serviteur des lois. Caracalla n’eut aucun souci des lois : il laissa à Julia Domna l’administration des affaires civiles, et partagea sa vie entre les plaisirs grossiers et les soins de la guerre, camarade de ses soldats plutôt que leur chef. Des six ans de son règne, il en passa à peine deux à Rome.

Le reste du temps, il fut en Gaule, sur le Rhin, le Mein, le Danube, en face des Barbares, ou bien en Syrie, en Égypte, en Mésopotamie, sur les frontières de l’extrême Orient. Il était à Carrhes lorsqu’il fut tué, le 8 avril 217. Malgré cette activité militaire et ses titres de Germanique, d’Arméniaque et de Parthique, et le nom d’Imperator pris trois ou quatre fois, il n’a nul rang parmi les hommes de guerre. Il combattit plus avec la ruse et l’argent qu’avec l’épée. Cependant sous lui, les aigles romaines ne reculèrent nulle part, et l’empire ne fut entamé sur aucune des frontières.

Sous le règne de Caracalla aussi fut promulguée la fameuse constitution qui déclarait citoyens tous les hommes libres qui faisaient partie de l’empire[3]. L’empereur qui la signa ne se piquait, pas sans doute de visées philosophiques : il ne songea pas, en portant cette loi, à rendre hommage au droit ni à sanctionner de la sorte, l’égalité de tous ses sujets. On dit que le prince, besogneux et toujours en quête d’argent, ne chercha dans cette mesure qu’un supplément de ressources pour le trésor. Il avait augmenté démesurément la solde des troupes ; avec les soldats il dépensait sans compter. Les coffres de l’État étaient vides. Le droit de cité avec certains privilèges conférés imposait aux provinciaux des charges utiles au trésor par des taxes sur les affranchissements et sur les successions qui devaient rentrer dans les caisses publiques. Quoi qu’il en soit des vues particulières de l’empereur en cette circonstance et des considérations intéressées qui lui firent adoptée, cette constitution, elle a et garde un certain grand air. Elle témoigne d’une ouverture d’esprit dont on peut faire honneur à Julia Domna, aux philosophes et aux jurisconsultes de son conseil qui en eurent l’idée. Elle est une date dans l’histoire. Elle marque et consacre en même temps une fusion plus étroite entre les races et les peuples qui formaient le monde romain. Elle est un signe du cosmopolitisme qui, régnait alors un peu partout.

Macrin (Marcus Opellius Macrinus), ancien intendant de Plautien, nommé en dernier lieu chef du prétoire, qui avait fait tuer Caracalla, ne fit que passer sur le trône impérial (11 avril 217—mars 218). Il n’était, ni par sa naissance ni par ses talents, égal à sa fortune. On le vit bientôt à son attitude humiliée en face des Parthes et des Arméniens. Ses velléités de rétablir la discipline et de réprimer la licence des soldats lui aliénèrent leur esprit. L’intrus fut bientôt impopulaire. Julia Domna n’avait pas survécu à la mort de son fils. Volontairement ou par ordre, elle se laissa mourir, de faim. Sa sœur Julia Mœsa et ses deux nièces, filles de cette dernière, Soœmias et Mammée, avec leurs enfants, avaient été renvoyées au sanctuaire paternel d’Émèse. Ces trois Syriennes intelligentes, riches, ambitieuses, qui avaient vieilli à la cour et appris l’art de parvenir à l’école de leur sœur et de leur tante, ne se résignant pas à l’obscurité de la vie privée, formèrent une conspiration. Varius Avitus Bassianus, fils de Soœmias, avait été consacré par elles au sacerdoce du dieu d’Émèse. Soœmias, faisant bon marché de son honneur, laissa dire qu’il était fils de Caracalla. La beauté du jeune homme, le prestige de son caractère religieux, le sang des Sévère dont on le disait le reste infortuné, l’or répandu et largement promis, gagnèrent la légion qui campait à Émèse. Quelques troupes envoyées par Macrin, mal commandées, se rangèrent du parti des Syriennes. Le jeune Bassien fut proclamé Auguste (16 mars 218). Macrin, qui avait tardivement secoué son indolence, fut battu, mis en fuite et tué, ainsi que son fils Diadumenianus, et le fils de Soœmias connu dans l’histoire sous le nom d’Élagabal régna sans conteste.

A peine élu, il se hâta vers Rome. Ce fut un étrange spectacle que l’entrée solennelle de cet Auguste de quatorze ans, imberbe, d’allure féminine, les yeux agrandis par le pinceau, les joues teintes de vermillon, avec un collier de perles au cou et une robe de pourpre lamée d’or. Avec lui la bourbe de l’Oronte débordait dans le Tibre. Ce qu’on vit à Rome fut un inoubliable scandale pour les rares adeptes des vieilles mœurs, pour ceux mêmes qui avaient le moindre souci de la dignité impériale ou humaine. Le nouvel empereur, enivré de superstitions, fit de sa cour, sous prétexte de religion, le plus infâme des mauvais lieux de Rome. Les prostitutions sacrées, cachées en certains sanctuaires d’Orient, s’étalèrent au Palatin. La pierre phallique d’Émèse, amenée en grande pompe à Rome, y détrôna tous les dieux et toutes les déesses ; on leur offrit, aussi bien qu’au Dieu des juifs et à celui des chrétiens, des chapelles, comme à des dieux mineurs et subalternes. Le successeur de Trajan présidait au nouveau culte, l’honorait par des orgies inénarrables, dansait et gesticulait devant la pierre noire promenée dans de longues processions.

L’orgie dura quatre ans (16 mars 218 — 6 mars 222). La chose publique ne souffrit pas trop des mascarades, des folies et des débauches d’Élagabal. Mœsa maintenait un certain sérieux dans l’administration. L’empire se soutint par la seule autonomie de ses rouages, la vertu de la tradition, le pouvoir de la force acquise.

Mœsa et Mammée, qui prévoyaient sans doute que ces saturnales finiraient par quelque tragédie et voulaient sauver leur maison le jour où l’excès du dégoût public précipiterait Élagabal et son indigne entourage, avaient persuadé au jeune prince d’adopter et de nommer César son cousin Alexandre, enfant d’un excellent naturel, sévèrement élevé et rigoureusement préservé par Mammée, sa mère, du contact des corruptions où nageait Élagabal. Il y eut dès ce moment deux partis ennemis à la cour : Alexandre, était l’espoir des gens de bien, l’objet de la jalousie et des haines mortelles d’Élagabal et de ses favoris. Plusieurs fois Alexandre courut risque de la vie. Dans une sédition excitée par la nouvelle qu’il avait succombé, Élagabal, Soœmias et bon nombre de leurs amis furent massacrés, et Alexandre, âgé de moins de quatorze ans, fut proclamé Auguste. Il régna treize ans (mai 222 — mars 235).

Alexandre Sévère ne trompa pas l’espoir qu’on avait mis en lui. Il fut sur le trône un excellent prince ; maniable aux bons conseils, très scrupuleux dans sa conduite privée, doux, facile, tolérant, ami de tous les dieux et de tous les hommes. On put se croire, il se crut trop dans la République de Platon.

Le temps demandait une main plus ferme et plus virile que celle de ce prince en tutelle féminine, craintif devant sa mère, incapable de vouloir et de commander par soi, de sagesse sentencieuse, dogmatisante et quelque peu pédantesque, qui ne savait défendre ni sa femme contre sa mère, ni le jurisconsulte Ulpien, son préfet du prétoire, contre les prétoriens révoltés, ni l’empire contre les Parthes et les Germains. On ne gouverne pas un grand État avec des maximes de morale et des règlements de vie intérieure. Nous ne voudrions pas être trop sévère à l’égard d’un prince qui porta sur le trône les plus précieuses vertus privées et surtout une bienveillance universelle, force est pourtant de reconnaître que la maîtresse qualité de l’homme d’État, le caractère, fit complètement défaut à Alexandre. Quand un soldat de fortune, le grossier Maximin, avec une troupe de Pannoniens révoltés, le tua avec sa mère Mammée, que son avarice avait rendue impopulaire, au lieu de combattre il était en train de marchander et de négocier la paix avec les Barbares.

Avec Alexandre Sérère finit la dynastie des princes syriens. Des quarante-deux ans qu’elle remplit depuis l’avènement de Septime Sévère[4] (193-235), les dix-neuf premières furent relativement paisibles pour l’Église, puisque, sauf en Égypte et dans les provinces d’Afrique, la persécution ne sévit guère dans l’empire. Les vingt-cinq dernières le furent absolument. Nul écrivain ancien ne mentionne en effet de persécution sous les règnes de Caracalla, d’Élagabal et d’Alexandre[5]. Aucun de ces princes n’était fort soucieux des institutions religieuses de Rome et ne songea à mettre à leur service la force dont il disposerait. C’est sous le premier des trois, sous Caracalla et à l’instigation de l’impératrice-mère, Julia Domna, à laquelle son fils laissait en grande partie l’administration intérieure et, comme nous disons, le ministère des cultes que Philostrate publia la vie d’Apollonius de Tyane.

Nous avons, dans notre précédent volume amplement analysé et caractérisé ce livre étrange. Il jouit aujourd’hui un médiocre jeu d’esprit. L’auteur, et surtout ceux et celles qui lui mirent la plume à la main, eurent, à ce qu’il nous semble, d’autres et plus ambitieuses visées. Avec Christian Baur et après lui, nous persistons a voir dans cet écrit, non pas un dessein conscient et médité de fonder une religion nouvelle, — ce n’est pas une œuvre d’Académie, — mais une tentative pour réformer le paganisme, relever son caractère moral et lui donner une certaine unité.

L’Église s’inquiéta peu sans doute de cette entreprise chimérique. Les vains rêves d’un boudoir lettré, mal fixés dans une indigeste compilation de rhétorique romanesque et pythagorisante, sans fondement parmi les masses, n’étaient pas pour faire échec à une société vivante et vivace, répandue et organisée partout, comptant autant de prédicateurs que de disciples, et qui depuis près de deux siècles avait traversé victorieusement de plus redoutables épreuves. Qu’était cette concurrence grotesque, qu’on n’osait pas même avouer, auprès des prohibitions légales, des fureurs populaires et de la violence ouverte ? Les invectives, les railleries et les polémiques écrites n’avaient guère arrêté la diffusion de la foi nouvelle. Comparées à ce vinaigre, les fades sentimentalités de Philostrate étaient une douce rosée. On les laissa couler sans y prendre garde. L’Église dut bénir le ciel qui inspirait aux puissants cette forme moins âpre et plus acceptable de combat.

A ce moment, la nombreuse communauté chrétienne de Rome avait pour chef nominal l’évêque Zéphyrin, successeur de Victor depuis 197, et pour chef réel Calliste, l’ancien esclave et agent compromis du banquier Carpophore, fort habile homme, fécond en ressources, d’esprit souple et pratique.

Par ses soins, au milieu même des controverses et disputes dogmatiques qui la déchiraient, l’Église romaine se constitua fortement. Sept diacres se partagèrent l’administration des quatorze régions de Rome. Ces quatorze régions furent subdivisées en vingt-cinq circonscriptions ou paroisses, avec autant de lieux de réunion déterminés, ayant chacune un prêtre à sa tête, le tout sous la juridiction suprême de l’évêque, qui légiférait pour toute la communauté, ordonnait les jeûnes et les prières, centralisait les cotisations, répartissait les aumônes et les secours, faisait distribuer les espèces eucharistiques aux fidèles, par l’entremise des prêtres autorisés. Les fonctionnaires ecclésiastiques, diacres et prêtres, recevaient une rétribution mensuelle et avaient part, chacun selon son rang, aux distributions d’argent et d’aliments, comme dans les collèges païens. Un cimetière public appelé le cimetière, et considéré comme le domaine de la communauté, fut fondé[6]. Par tous ces actes, l’Église s’affirmait comme un corps et se constituait comme une République dans l’État. Elle avait déjà les consciences qu’elle administrait, sinon par des définitions dogmatiques très précises, tout au moins par la condamnation expresse des téméraires et des aventureux dont les hardiesses d’esprit troublaient la majorité, scandalisaient la foi moyenne et paraissaient contredire ouvertement la tradition. C’était peu. Des lois et des décrets furent promulgués sur ce qui était permis et défendu, et le droit de la conscience et le droit chrétien, fut proclamé en certaines matières, en face et à l’encontre du droit écrit. La loi civile déclarait déchues de leur rang les filles veuves de sénateurs qui épousaient des hommes de condition inférieure, non seulement de ceux que jurisconsultes appelaient humiliores ou tenuiores, mais même des hommes de l’ordre équestre. Calliste autorisa les clarissimes, jeunes filles ou veuves, à prendre des maris parmi les affranchis et les esclaves[7]. On n’avait nul pouvoir de changer la loi, on le comprend, ni d’annuler ses effets. Le mariage d’une clarissime avec l’esclave ou l’affranchi était nul de plein droit, et selon la loi romaine : celle qui le contractait, par conséquent, ne perdait ni son rang ni son titre. C’était un simple concubinage illégal. Calliste, en l’autorisant parmi les fidèles, ne paraissait pas toucher à la loi. Il la détruisait cependant, au moins dans le domaine de la conscience, en accordant à fortiori ce qu’elle défendait. Il montrait au moins l’aurore d’un droit nouveau opposé au droit écrit. De même Calliste s’arrogeait le droit de remettre les péchés irrémissibles, le crime d’adultère même, qui tombait sous le coup de la loi pénale. Les rigoristes de la secte trouvaient extrême la facilité et l’indulgence du pontife, et l’accusaient hautement d’énerver la juste sévérité de la primitive discipline et d’ouvrir la porte aux plus fâcheux abus[8].

L’autorité civile laissait faire. Pendant que l’Église romaine consolidait sa hiérarchie, affermissait ses cadres ; et dans l’enceinte de la seule ville de Rome donnait des lois à quarante ou cinquante mille consciences rebelles aux institutions de l’empire, Caracalla paradait aux armées, faisait élever des sanctuaires à Apollonius, des temples somptueux à Isis, au soleil et à la lune, et célébrait les mystères de ces divinités exotiques avec une pompe et un éclat inouïs ; Élagabal se proclamait le pontife de l’univers, le prêtre souverain, le prêtre invincible, installait magnifiquement au Palatin son dieu d’Émèse, appelait tous les hommes et tous les dieux, sans oublier le Dieu des juifs et celui des chrétiens, à former sa cour, scandalisait les honnêtes gens par son fanatisme effréné, ses allures asiatiques et son dévergondage religieux, et étonnait Rome par ses extravagances et ses turpitudes. Qui pouvait à ce moment définir les institutions religieuses de l’empire ? C’était le régné de la confusion universelle : une sorte de carnaval sacré était en permanence à Rome. L’empereur présidait aux burlesques épousailles des dieux et des déesses, profanait, parodiait et souillait les mystères les plus .vénérés, et se faisait, au mépris des lois[9], l’introducteur et le suprême desservant d’un nouveau cake, dont ses mœurs disaient assez la valeur.

On accusait le fils de Soœmias d’avoir formé le dessein de détruire la religion de Rome, pour là remplacer par des superstitions étrangères[10]. On se trompait : il ne voulait rien détruire, mais tout unir, ou tout mêler. Il professait l’universelle tolérance. Son temple du Palatin était ouvert à tous les dieux, et admettait tous les mystères et toutes les cérémonies. Il prétendait seulement donner des rangs et faire prévaloir sur les coutumes reçues ses sympathies et ses goûts personnels. Il apprenait au monde romain un secret nouveau : c’est que la politique, nous entendons la main du pouvoir, soutenait seule l’édifice vermoulu de la religion publique, et qu’il dépendait de la fantaisie du prince, si extravagant qu’il fût, d’en déplacer le pivot. Nul ne nous dit qu’alors, du sein du paganisme, des voix se soient élevées pour protester contre les sacrilèges atteintes portées par Élagabal au culte consacré, ni que la conscience païenne ait nulle part réclamé. Le christianisme, honni et persécuté, dès le règne d’Hadrien avait trouvé des champions et des avocats assez hardis pour plaider sa cause devant les princes, le sénat et l’opinion. La religion romaine, souillée, avilie, menacée de destruction, — comme on croyait[11], — ne trouva, semble-t-il, de défenseur ni dans les grands collèges des pontifes, ni dans le sénat, au commencement du IIIe siècle. Élagabal, tout indigne qu’il était, pouvait donc être dans le monde romain l’auteur d’une révolution religieuse ! Le culte nouveau cependant, avec ses processions bizarres et son grand pontife en robe bariolée, dansant à reculons, les yeux amoureusement levés vers son idole, ressemblait à une Courtille. Les personnages investis des grands sacerdoces ne soufflaient mot et figuraient passivement dans ces parades foraines. Qu’on suppose, à la place de ce jeune fou, un homme sérieux, imprimant et imposant le respect, revêtu de l’autorité souveraine et là portant dignité ; qu’on suppose que le culte nouveau fût et de moralité non douteuse, qu’il eût pour lui la complicité avouée ou, pour mieux dire, le concours empressé du zèle et de la foi d’une forte minorité d’hommes irréprochables et ardemment convaincus, la face du monde aurait changé, un siècle avant Constantin.

On n’a point assez remarqué, selon nous, l’importance de la tentative d’Élagabal, et que pendant quatre ans il mena bruyamment et sans opposition les funérailles de l’antique religion de Rome. C’était, il est vrai, au profil d’un culte de même espèce que les autres, et qui avait son symbole dans un sanctuaire autorisé, que cet écervelé prétendait établir une sorte d’unité religieuse[12]. Le pontife couronné du dieu d’Émèse, tout en réservant la première place au dieu qu’il servait, acceptait tous les autres dans son cortège, n’en excluait aucun, ne niait aucune divinité, ne répudiait aucune cérémonie. Et le christianisme, comme on sait, n’était pas si complaisant ni si large. Élagabal, en somme, changeait moins les choses que les noms. Dans la pratique pourtant, il montrait qu’il faisait bon marché du Panthéon romain et des plus vieilles observances. Il allait prendre les dieux dans les temples, avec aussi peu de scrupule qu’il eût décroché des tableaux dans un musée. II se donnait une vestale pour maîtresse d’un jour, et se fût peu soucié de faire cuire son dîner sur le feu sacré de Vesta.

Les bacchanales nouvelles d’Élagabal ne se produisaient qu’à Rome, et n’avaient d’autre retentissement que les récits qu’on en pouvait faire et le secret scandale qu’elles causaient au loin. Le christianisme néanmoins ne pouvait manquer d’en tirer profit de diverses manières. D’abord tout ce qui pouvait compromettre et discréditer le paganisme était avantageux pour la cause des chrétiens. Lucien avait joué leur jeu en perçant de ses railleries les vieilles et jeunes figures de l’Olympe. Élagabal travaillait plus efficacement pour eux en abaissant tous les cultes régnants devant une divinité locale, laquelle avait trop peu de, racines et semblait trop ridicule pour attirer les âmes travaillées de besoins religieux. On pouvait juger l’arbre à ses fruits et le dieu par son ministre. Cet Oriental, circoncis comme les juifs, de sexe ambigu, plus infâme que la dernière des prostituées, était peu fait pour garantir la vertu d’une religion. Julia Domna, sous le règne précédent, avait voulu rajeunir, en l’épurant, le naturalisme païen. Par une étrange rencontre, il se trouva que le premier initiateur du culte nouveau était un adolescent hystérique, d’imagination pervertie, auquel manquait le sentiment, non pas seulement de son rang d’empereur, mais de sa dignité d’homme. La société chrétienne devait naturellement recueillir dans ses rangs nombre de ceux qu’écœuraient les pompes burlesques qu’il conduisait : elle offrait un meilleur idéal aux âmes fatiguées, et au moins un refuge aux amis des pensées graves, des espérances consolantes et des bonnes mœurs. L’accession des païens à la communauté chrétienne était d’autre part rendue plus aisée par la tolérance générale dont Élagabal faisait profession. Il n’est pas douteux que les chrétiens n’acceptèrent pas le petit coin que l’empereur leur offrait dans son temple ; mais il est croyable qu’ils usèrent, pour se fortifier et s’étendre, des facilités que les nouvelles maximes de la politique impériale leur offraient. L’invitation qu’Élagabal leur adressait de prendre place avec leur Dieu à ses cérémonies du Palatin était comme une reconnaissance implicite, précaire sans doute, mais utile, et dont on dut louer le ciel.

En même temps donc que les institutions de Rome craquaient et se disloquaient, la société chrétienne s’ordonnait, se disciplinait, se serrait plus fortement et prenait de plus en plus la forme d’un gouvernement organisé. Elle avait ses chefs suprêmes dans la personne des évêques, indépendants chacun dans les limites de sa juridiction[13], mais communiquant entre eux par messages et par lettres, et généralement unis dans les matières importantes ; elle avait ses prêtres obéissant aux évêques et leur servant de lieutenants et de ministres auprès des fidèles ; elle avait ses diacres, économes, trésoriers et administrateurs de la caisse commune. Origène, un peu plus tard, ne craignait pas d’opposer les chefs de la milice chrétienne aux magistrats des cités. Elle avait ses écoles de pédagogie sacrée et d’instruction religieuse, et ses écoles de dogmatisants et de controversistes. L’activité intellectuelle n’était pas la même apparemment dans toutes les Églises, Les besoins variaient avec les milieux. Nulle part le mouvement des idées n’était plus grand qu’à Alexandrie et à Rome. On peut croire que dans cette dernière ville, au commencement du IIIe siècle, les chrétiens remuaient plus d’idées que les philosophes païens[14]. Que de noms de docteurs, en effet, appartiennent à ce temps ! Rhodon, Épigone, Cléomène, Sabellius, Caïus, Proclus, Hippolyte, sans compter les voyageurs et les curieux comme Origène, qui visita Rome sous Zéphyrin, c’est-à-dire entre 212 et 217. L’Église enfin avait ses assemblées qui se réunissaient pour la prière ou pour ses intérêts. Elle avait enfin ses sénats régionaux, analogues, sauf la permanence ou la périodicité, aux conseils de province (Κοινά) présidés par l’Archiéreus, De ces dernières assemblées extraordinaires, composées d’évêques et parfois de prêtres ou de simples fidèles désignés par la renommée de leurs vertus, de leurs lumières ou de leur zèle, sortaient, selon les besoins, des décisions d’une sagesse moyenne, qui lot ou tard s’imposaient a la communauté, au moins dans un assez vaste rayon. C’était un admirable moyen d’écarter les coureurs d’aventures doctrinales, de repousser les hardiesses intempestives, les excentricités dogmatiques ou morales, capables de compromettre l’avenir et qui troublaient le présent.

Sous les règnes de Caracalla et d’Élagabal, à Carthage et à Rome, l’Église légiféra de la sorte. Vers 215, les évêques de la Numidie et de la province proconsulaire d’Afrique, réunis autour d’Agrippinus, évêque de Carthage, décidèrent d’un commun accord la nécessité de rebaptiser les hérétiques. Entre 217 et 222, à Rome, un synode, réuni autour de l’évêque Calliste, condamna l’opinion de Sabellius et transmit sa sentence aux Églises d’Asie[15]. On voit par ces deux faits que le droit de réunion, si sévèrement interdit sous les Antonins et surveillé si rigoureusement sous Septime Sévère, prenait ses aises et n’était guère entravé i l’époque où nous sommes. C’est une preuve nouvelle de la large tolérance dont jouissait alors la communauté chrétienne.

Aux premières lignes du chapitre qu’il a consacré à Alexandre Sévère, Hérodien raconte qu’après qu’Élagabal eût été tué, mis en pièce et jeté au Tibre, on prit soin de réparer les outrages qu’il avait faits à la religion publique. On s’empressa, dit l’historien, de rendre à leurs anciens temples, à leurs sanctuaires particuliers, les statues des dieux que le dernier prince avait enlevées ou déplacées[16]. Les anciens dieux de Rome, délaissés ou profanés sous le règne précédent, reprirent leurs honneurs et leur rang, et l’encens fuma sur leurs autels rallumés. Plusieurs médailles frappées sous Alexandre Sévère, portant la légende : ROMAE AETERNAE, nous montrent l’empereur sacrifiant solennellement au Capitole[17]. Un autre médaillon, plus curieux et plus instructif encore, représente Alexandre dans son camp. Il est debout : sa main gauche levée s’appuie sur une lance ; du même côté, un soldat porte un aigle. L’empereur, de sa main droite tendue, serre la main de Jupiter debout a droite, nu, les épaules couvertes du manteau et tenant de la main gauche un sceptre surmonté de deux boules. Devant l’empereur et le dieu, le feu brille sur l’autel où parait s’adosser une aigle romaine. On lit en exergue l’ancienne formule : IOVI CONSERVATORI. Les deux personnages semblent échanger un serment solennel. La scène est parlante. Le nouveau gouvernement fait un pacte avec la grande divinité du Capitole, se réconcilie avec le dieu protecteur et conservateur de Rome. L’empire a retrouvé sa double base, l’armée et la religion[18].

Est-il excessif de voir dans la réapparition des signes païens sur les monnaies et les médailles de ce temps le dessein ou le désir de protester contre l’abandon et les profanations du régime précédent, et de les faire oublier ? Est-il chimérique de supposer qu’Alexandre a voulu rassurer de la sorte le§ esprits attachés aux vieilles coutumes traditionnelles ? Nous, ne le pensons pas. De concert avec sa sage mère Mammée et le conseil de gouvernement qu’elle avait Institué auprès de lui, le nouvel empereur se hâta dès son avènement de faire rentrer l’empire dans le courant de la vie normale régulière, d’où les fantaisies d’Élagabal l’avaient écarté un instant. Un obscur dieu provincial, transplanté du fond de la Syrie, à Rome, avait accaparé le Panthéon. Des gens de rien, les plus méprisables des hommes, des cuisiniers, des bateleurs, des cochers du cirque, des comparses de stade, avaient été élevés aux plus hautes dignités de l’État. L’ordre fut réparé partout : l’idole noire fut renvoyé à Émèse[19]. Les dieux reprirent leurs places et les hommes. Le sens dessus dessous du dernier règne l’ut bientôt corrigé.

Cependant, dans cette réaction universellement souhaitée et applaudie, Alexandre Sévère ne porta nulle passion fanatique. C’était une âme douce et molle, étrangère à toute dévotion exclusive et mal trempée pour une politique ferme et suivie. La façon dont son historien et panégyriste Lampride insiste sur sa sévérité à l’air d’une défense contre ceux qui l’accusaient de bonté banale et de faiblesse. Il avait été élevé par une mère pleine de scrupules et de sévérité un peu rêche qui ignorait l’art viril de gouverner un grand État. Il était imprégné de maximes sentimentales qui eussent fait sourire Trajan, et avait, dès le berceau, respiré une atmosphère d’humanitarisme fade et de vague religiosité propre à faire ce qu’il fut, un doux, un exquis pédant. C’était l’ami né de toutes les bonnes âmes et la dupe facile des bonnes intentions. La main qu’il tendait à Jupiter conservateur, il ne la refusait pas au christianisme, sans voir que l’empire n’était pas assez grand pour les contenir ensemble, et que l’heure approchait où il faudrait choisir entre les deux. Il rétablissait les vieux usages ; mais il ne voulait pas condamner les nouveaux ni inquiéter les fidèles d’aucun culte. Sa politique en matière de religion eut pour expression la devise œquitas que les monétaires impériaux inscrivirent sur nombre de ses médailles. Il tint la balance droite pour tout le monde, ne contraignit ni ne gêna personne.

Lampride écrit qu’il laissa aux Juifs leurs privilèges et souffrit l’existence des chrétiens[20]. Il est le premier dont on atteste expressément qu’il leur accorda je droit d’être : christianos esse passus est. Il n’y eut pas sans doute d’autorisation donnée par sénatus-consulte, édit ou constitution solennelle. Il est possible qu’à des consultations il ait répondu : Laissez-les en repos, denuo sint christiani. Le mot du chroniqueur peut avoir ce sens. Il n’y a pourtant nulle trace d requêtes ni de réponse pareille, et il semble que les écrivains ecclésiastiques eussent cité une pièce comme celle-là, si elle eût existé. Le plus probable, c’est que l’autorisation fut non promulguée, mais tacite, et qu’elle sortit des faits et de la conduite du prince, et non de sa chancellerie. Ulpien, le préfet du prétoire — qui voyait peut-être plus loin qu’Alexandre, son maître, — ne leur était pas favorable. Il avait ramassé dit-on, les édits portés contre eux[21]. C’était une consultation indirecte qu’il donnait, lui aussi peut-être, une ligne de conduite qu’il proposait. Il est certain que l’indication — si elle eut lieu — ne fut pas suivie. Pourquoi exclure les chrétiens du droit des gens ? Pourquoi les frapper pour leurs croyances et leurs innocentes pratiques ? Ne sont-ce pas de pieuses e honnêtes personnes ? L’auteur de leur secte n’est-il pas une de ces grandes âmes qui méritent d’être adorée : pour les purs exemples et les belles leçons qu’il : laissés ? N’appartient-il pas à la rare famille des initiateurs et des bienfaiteurs de l’humanité ?

Tels étaient, pensons-nous, les sentiments de l’excellent prince, et sa mère Mammée les devait encourager. Nous savons que, dans son grand oratoire où il avait coutume de sacrifier tous les matins[22], parmi les images de ceux qui honoraient le plus l’humanité, à côté de celles d’Alexandre le Grand, d’Apollonius, d’Abraham, d’Orphée, il avait fait placer celle du Christ. Les adorant tous à la fois, il ne pouvait pas ne point admettre qu’on pût choisir, parmi ces patrons et ces modèles, celui auquel on voulait particulièrement rendre hommage. Il blâmait peut-être le zèle exclusif, mais il en approuvait explicitement l’objet, puisqu’il lui offrait une part de ses prières et de ses sacrifices. On raconte même qu’Alexandre voulut ériger un temple au Christ et l’admettre au nombre des dieux. Il en fut détourné, ajoute Lampride, qui raconte le fait, par les observations des pontifes, alléguant que, s’il le faisait, tout le monde se ferait chrétien et que les temples seraient délaissés[23].

Nous ne mettons pas en doute la vérité du fait rapporté par le chroniqueur de l’Histoire Auguste. L’empereur Alexandre agita la pensée d’élever un temple au Christ et de l’admettre au nombre des dieux de l’empire. Élagabal, en somme, avait ébauché cette idée, si l’on peut dire, le jour où il avait spontanément convié les chrétiens à occuper un sanctuaire dans son grand temple du Palatin. Le même prince avait, d’autre part, montré, en installant pompeusement son dieu syrien dans la capitale de l’empire, qu’il dépendait du souverain de donner des dieux à Rome. Assurément, à l’avènement d’Élagabal, le christianisme comptait dans l’empire, et particulièrement dans la capitale, infiniment plus d’adeptes que le culte d’Émèse. De plus, une des principales préoccupations de Julia Domna et des philosophes ses amis — on l’avait vu par le livre de Philostrate — avait été d’épurer et de moraliser la religion populaire. Ils avaient pour cela puisé, sans avertir et au hasard, dans les traditions écrites des chrétiens. Pourquoi donc de furtifs emprunts, une clandestine et incomplète copie, quand on avait sous la main l’original ? Alexandre, en donnant l’existence légale au christianisme, ne faisait que cultiver les semences jetées par ses prédécesseurs et tirer les conséquences des principes qu’ils avaient posés.

Le christianisme, dira-t-on, répugnait aux préjugés du plus grand nombre. Le monde romain pouvait-il passer sous les fourches du judaïsme ? Mais le cordon ombilical était depuis longtemps coupé. Le christianisme était adulte, vigoureux, vivait par soi, ne tenait au judaïsme que par le fil ténu de quelques vieux textes que les docteurs juifs accusaient les chrétiens de mal comprendre ou d’altérer. Depuis bien longtemps, nul ne parlait plus des conditions chirurgicales, ni du joug des pratiques judaïques. La rupture était consommée. L’Église était indépendante de la synagogue. Le fait des conversions chaque jour plus nombreuses, et non pas seulement dans les classes infimes de la société et parmi l’écume de la population, mais parmi les Romains bien posés et de bonne famille[24], répondait à ceux qui alléguaient des répugnances de race et une prétendue incompatibilité d’humeur entre le christianisme et la culture romaine. Le succès est une force qui s’impose aux plus prévenus. L’esprit romain y devait être particulièrement sensible. Or le christianisme avait réussi ; il s’était propagé et établi malgré la loi et les pouvoirs publics. Vers 230 il avait fait d’immenses progrès dans l’opinion. On ne pouvait guère alors considérer sérieusement les croyances chrétiennes comme une éruption accidentelle ou des cas sporadiques de maladie mentale et d’affolement superstitieux. C’était une religion constituée, de validité éprouvée, à laquelle il ne manquait, pour s’établir partout, que la main de l’État, et qui ne l’eût certes pas refusée si elle lui eût été offerte. Elle le fut seulement un siècle plus tard. Mais la révolution pacifiquement accomplie par Constantin pouvait-elle l’être par Alexandre Sévère ? Sans doute, le sénat n’eût pas plus protesté, les populations ne se fussent pas plus soulevées pour leurs dieux et leurs cérémonies au commencement du troisième siècle qu’elles ne Je firent au commencement du quatrième. L’infirmité et l’impuissance du paganisme n’étaient pas mieux démontrées à cette dernière date qu’à la première. Mais pour le christianisme, l’aptitude et, comme on dit, l’habileté à succéder n’était pas aussi manifeste.

Alexandre Sévère, qui ne savait rien trancher d’autorité, fit, croyons-nous, dans son conseil la motion de donner droit de cité au christianisme. Le conseil, appelé à délibérer, résista. Les pontifes, alarmés dans leurs intérêts, représentèrent qu’un tel acte troublerait infailliblement la paix publique et risquerait de détruire le culte des dieux et de vider leurs temples ; que c’était enchérir sur la tentative impopulaire de l’impur et sacrilège Élagabal ; que les chrétiens n’étaient pas hommes à se contenter du partage des âmes, ni disposés à faire bon ménage avec les autres religions.

On peut supposer que ces raisons ou des raisons semblables furent alléguées ; on fit même intervenir les aruspices[25]. Le prince n’osa point prendre sur lui de passer outre. Une chose dut toucher Alexandre Sévère plus que tout le reste. Il prétendait reprendre et renouer les traditions des Antonins, bien que sa modestie eût au commencement refusé d’accepter leur nom que le sénat lui offrait. Il répudiait ses origines de famille et tenait à passer pour Romain[26]. Il s’était même à ce propos fabriqué une généalogie par laquelle il se rattachait à la famille des Metellus[27]. Or, n’était-ce pas démentir ces prétentions que de se faire le patron officiel d’une religion sortie de la Syrie ? Ne serait-ce pas mériter les sarcasmes et les railleries des badauds d’Alexandrie ou d’Antioche et de Rome, qui l’appelaient prêtre syrien et grand-maître de synagogue ? N’était-ce pas en même temps se mettre en contradiction avec la constante politique des Antonins, que de proposer à l’adoration publique ce qu’ils avaient décidément proscrit et condamné ? Comment, après cela, et de quel air monter au Capitole, comme il aimait à le faire chaque semaine, et sacrifier au dieu conservateur de Rome de la même main qui aurait signé son arrêt de mort et lui aurait signifié qu’il avait cessé d’être ? Pouvait-il se faire fort d’obtenir des chrétiens qu’ils regardassent leur Dieu comme le collègue de Jupiter ou comme un des noms sous lesquels, dans l’empire, Jupiter était adoré ?

L’idée qu’on combattait peut-être de la sorte, nous imaginerions volontiers que Mammée l’avait soufflée à son fils. C’était une femme très pieuse, disent les écrivains ecclésiastiques, et quelques-uns, un peu légèrement à notre avis, ont traduit cette épithète par chrétienne. On a fait honneur à sa foi prétendue de la vigilance avec laquelle elle sut défendre son fils de la contagion des exemples d’Élagabal, et du contact des corruptions qui s’étalaient à la cour ; du soin qu’elle prit un peu plus tard de purifier le palais de tous les débauchés qui le souillaient, et de défendre ses mœurs. Ce souci très particulier de la pudeur est, dit-on, une marque chrétienne. Baronius et Tillemont à sa suite placent son entrevue et ses conférences avec Origène à Antioche en 218. Le grand Alexandrin aurait été à cette époque son initiateur et son catéchiste. On sait qu’après la défaite et la mort de Macrin, Élagabal et les princesses de sa famille, Mœsa, Soœmias et Mammée, se rendirent à Rome, et que le nouveau prince, avec grand fracas, y installa son dieu d’Émèse. On sait aussi que Mammée, plus que sa sœur et sa nièce, sut se garder des extravagances fanatiques d’alors. Dès ce moment, elle était déjà, dit-on, gagnée à la foi. Avant son départ pour Rome, étant encore a Antioche, apparemment en l’an 218, dit Tillemont, Mammée ayant ouï parler d’Origène et de la grande intelligence qu’il avait dans les choses divines, désira extrêmement de le voir, l’envoya quérir à Alexandrie et le reçut avec beaucoup d’honneur. Il demeura quelque temps auprès d’elle, et lui fit voir par beaucoup de preuves quelle est la gloire de Jésus-Christ et l’excellence de ses préceptes. C’est donc depuis ce temps-là qu’elle peut avoir été chrétienne, soit qu’elle soit demeurée dans l’état des catéchumènes, comme Constantin y demeura jusqu’à la fin de sa vie, soit qu’elle soit entrée dans la participation des mystères[28].

D’après Baronius, l’entrevue aurait eu lieu à Antioche, et Origène étant venu à Rome sous Zéphyrin, Mammée l’y aurait peu après suivi et retrouvé[29]. Nous savons par Eusèbe qu’Origène vint à Rome sous le pontificat de Zéphyrin[30] ; on ignore précisément en quelle année. Zéphyrin est mort en juin 217. Il est probable qu’à ce moment déjà Origène avait quitté Rome, et il n’y a nulle raison de supposer qu’il y soit demeuré encore plus d’une année, et moins encore qu’il y soit revenu dans les derniers jours de 218. D’un autre côté, Antioche, jusqu’au 8 juin 218, fut la résidence et le quartier général de Macrin. A cette date, qui est celle de la défaite de Macrin, Élagabal entra en vainqueur dans cette ville ; mais il n’y fit que passer. Il est donc peu vraisemblable que Mammée, si elle y accompagna son neveu, ait pu y rester assez pour envoyer chercher Origène à Alexandrie, l’attendre et y demeurer quelque temps à jouir de ses entretiens. Les circonstances d’ailleurs étaient peu favorables à des conférences philosophiques et religieuses. La ville que la victoire venait d’ouvrir à Élagabal était pleine du bruit des armes et s’occupait à se racheter du pillage en payant une grosse rançon. Enfin, lorsqu’eut lieu l’entrevue de gammée avec Origine, celui-ci était prêtre. Or, son ordination n’eut lieu que plusieurs années après 218.

La fameuse entrevue du docteur chrétien et de l’impératrice Mammée doit donc être très certainement reculée de treize ou quatorze ans, et renvoyée au temps où Mammée accompagna son fils dans son expédition contre les Perses. Entre 232 et 233, Mammée fit un long séjour à Antioche, soit seule, soit avec son fils malade de fatigue et de soucis.

Nous n’avons nul détail sur cette entrevue. Elle est la seule base de la légende du christianisme de Mammée. Cette légende, les écrivains païens l’ignorent absolument, et aussi les monétaires impériaux, qui prodiguent sur les médailles de l’impératrice les symboles et les inscriptions accoutumés : Juno conservatrix, Venus Felix, Vesta, Providentia Deorum ; le sénat, qui institua après sa mort une fête en son nom, ne la connaissait pas davantage. Les plus anciens historiens ecclésiastiques ne disent pas non plus que Mammée ait été chrétienne. Eusèbe l’appelle seulement une femme très pieuse[31], saint Jérôme une femme religieuse[32]. C’est parler comme Lampride, qui l’honore des épithètes de sancta, d’optima. Ce serait forcer singulièrement le sens des mots de dire qu’Alexandre Sévère n’avait autour de lui que des chrétiens, parce que Lampride écrit qu’il n’admit parmi ses conseillers et ses amis que des hommes sages, respectables, tempérants, religieux, sincèrement dévoués a leur prince, incapables de mentir et de le tromper[33]. On peut bien accorder qu’Eusèbe et saint Jérôme attachent aux mots pieux et religieux un sens plus profond que Lampride. On ne peut prendre pourtant ces expressions appliquées à Mammée pour synonymes de chrétienne. Contre le silence d’Eusèbe et de Jérôme ne peut prévaloir l’unique témoignage de Paul Orose[34], écrivain crédule et sans critique, et qui paraît, dans le passage où il nomme Mammée, n’avoir rien fait de plus qu’interpréter très librement les textes d’Eusèbe et de Jérôme, et traduire par christiana le Θεοσεβέστάτη de l’un et le religiosa de l’autre.

Il est très assuré que Mammée, sauf l’avarice qu’on lui reproche communément, sauf l’esprit de domination et sa tendresse altière et jalouse pour son fils, fut une très vertueuse personne. Elle put s’abstenir de participer aux extravagantes dévotions d’Élagabal, avoir horreur des turpitudes de sa vie, tenir sévèrement son fils éloigné de ces ignominies, sans faire en cela rien qui dépassât les sentiments d’une femme de sens et de goût, d’uni ; mère prévoyante, honnête et dévouée. Elle put goûter les pures maximes morales de l’Evangile et aimer à les répéter, sans pour cela s’être faite chrétienne. Elle put désirer voir et entendre Origène et se plaire à son commerce, et entrer même en partie dans plusieurs de ses idées, sans faire pour cela profession de christianisme. Il est vrai, Mammée fut une païenne d’une espèce très particulière, d’exquise pureté morale, de grande ouverture d’esprit, très curieuse de philosophie religieuse, comme sa tante Julia Domna, et regardant moins qu’elle vers le passé, plus sympathique aux chrétiens et plus près d’eux et des meilleurs d’entre eux par lé cœur qu’aucune des princesses syriennes de sa famille ; mais sa largeur d’esprit la défendit peut-être de donner son nom à une secte. Elle put conseiller à son fils d’élever un temple au Christ, mais sans prétendre le détourner pour cela de monter au Capitole et d’honorer les dieux immortels selon les rites usités.

Quoi qu’il en soit, suggérée ou non par sa mère, la velléité d’Alexandre Sévère ne tint pas et s’évanouit devant les objections ou les résistances. Les chrétiens durent attendre un empereur, non plus religieux et plus honnête, mais plus résolu, qui osât, sinon être foncièrement chrétien, du moins le paraître, et ne craignît pas de faire acte a leur égard de protecteur déclaré. Il était écrit qu’ils l’attendraient encore près d’un siècle.

Alexandre, s’il n’osa pas braver en face l’opinion en consacrant publiquement un temple au Christ, ne se gêna pas dans l’expression de ses sympathies personnelles à l’égard des chrétiens. A lire l’indigeste compilation que Lampride lui a consacrée, il semble que le jeune prince ait subi très directement l’influence du milieu chrétien et qu’il en ait été tout imprégné. Sa façon d’envisager les fonctions publiques comme des obligations, son goût à les confier a ceux qui s’y refusaient ou voulaient s’y dérober, le système qu’il aurait voulu faire prévaloir dans les choix, l’invitation d’examiner la vie domestique et les actions privées de ceux qui se présentaient pour les remplir, son désir de surveillance et de tutelle poussée, disait-on, jusqu’à une inquisition indiscrète, sa manie de réglementation disciplinaire et morale, l’importance extrême qu’il attachait a la bonne conduite, a la vie simple et a la pureté des mœurs, tout cela sent plus l’ecclésiastique que le chef d’État. Le chroniqueur le dit positivement : il eût voulu qu’on suivît dans la nomination des gouverneurs et présidents de provinces la méthode même en usage parmi les chrétiens, pour le choix et l’élection de leurs prêtres[35], c’est-à-dire une docimasie ou enquête sur toute leur vie. Le même auteur rapporte qu’il avait souvent à la bouche la maxime : ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît à toi-même, qu’il tenait des juifs ou des chrétiens. Il la répétait sous diverses formes, et l’avait fait inscrire sur les murs du palais et de plusieurs monuments publics[36].

Une anecdote montre jusqu’où il poussa ses dispositions bienveillantes pour les chrétiens. Ceux-ci avaient mis la main sur un terrain vague qui avait fait partie du domaine public, et prétendaient se l’approprier pour leurs besoins religieux. D’un autre côté, des cabaretiers le revendiquaient comme leur appartenant. Alexandre l’adjugea aux chrétiens, disant qu’il valait mieux qu’on y vît adorer Dieu d’une façon quelconque que d’y voir ériger une buvette[37]. Ce petit fait n’est pas sans importance. Baronius en a fait dans ses Annales ecclésiastiques le sujet d’un paragraphe qu’il intitule : Ecclesia in honorem B. M. V. exstruitur, construction d’une Église en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie[38]. Il va jusqu’à marquer l’emplacement de l’édifice, situé, dit-il, au-delà du Tibre, à l’endroit même où avait eu lieu sous le règne d’Auguste le miracle de la source jaillissante, là même où s’élève encore l’église de Sainte-Marie de Transtevere. C’est de la pure fantaisie. Il n’est point précisément question, dans le texte du chroniqueur, d’un temple que les chrétiens auraient voulu construire, et on ne sait pas même si à cette époque — première année du règne d’Alexandre Sévère, selon Baronius — les chrétiens avaient déjà commencé a élever des temples en plein air. A vrai dire, la chose est infiniment peu probable.

On peut cependant inférer du passage de Lampride qu’il s’agissait d’un litige entre le collège des Popinarii et la société ou le collège des chrétiens, et non l’un débat entre deux individus dont l’un eût été un cabaretier et l’autre un bourgeois de Rome, membre le l’Église chrétienne. Dans ce dernier cas, en effet, la qualité de chrétien du dernier n’avait rien à voir dans l’affaire et n’eût pas été indiquée. Donc les chrétiens figurent ici devant le tribunal de l’empereur comme personne civile, et en cette qualité intentent ou reçoivent action. En second lieu, le mot qui accompagne la décision de l’empereur et la motive prouve que dans la pensée du prince le terrain en question fut attribué au corps des chrétiens pour une destination pieuse. Or, la revendication de la communauté chrétienne, soutenue jusque devant le juge souverain, démontre la pleine sécurité dont jouissait l’Église ; et l’adjudication officielle et motivée faite par l’empereur à l’Église, dans un but de piété, — ut Deus quomodocumque illic colatur, — montre que, l’envisageant non en politique, comme avait fait Trajan, mais en philosophe et du point de vue religieux, Alexandre faisait d’elle un certain cas. Le terme quomodocumque, lui parait quelque peu dédaigneux, est un mot donné à l’opinion ou l’expression d’un législateur qui n’a point à prendre parti sur la qualité intrinsèque d’une religion. Remarquons que le caractère religieux fournit seul au juge le considérant de son jugement. Si le dédain, dans l’espèce, eût été dans le cœur d’Alexandre Sévère, il n’eût pas mis sans doute l’image du Christ dans son oratoire privé et n’aurait point songé un instant a consacrer officiellement son culte. La religion chrétienne est, aux yeux du fils de la pieuse Mammée, une religion vivante, la religion d’une vaste communauté qu’il veut qu’on respecte, et de plus une religion qui n’est ni sans élévation ni sans vertu. Il avait de l’estime pour la doctrine ; il avait en même temps de la bienveillance pour ceux qui la suivaient ; car les chrétiens, au témoignage d’Eusèbe[39], étaient nombreux dans sa maison.

Des faits que nous avons recueillis, des témoignages négatifs ou positifs qu’on peut tirer des historiens profanes ou ecclésiastiques, il résulte clairement que pendant les vingt-quatre ans qui s’étendent depuis la mort de Septime Sévère jusqu’à celle d’Alexandre Sévère (211-235), le christianisme n’eut a subir aucune persécution et jouit au contraire dans l’empire d’une paix inaltérée.

A l’égard des chrétiens, le gouvernement de Caracalla fut indifférent. Élagabal parut leur faire des avances et vouloir grossir la cour de son dieu en les conviant à s’abriter sous sa tutelle. S’il avait eu vent de ce qui s’était raconté en tout pays des prétendues pratiques obscènes de leurs initiations et de leurs assemblées nocturnes, cela même devait séduire son grossier naturalisme, et pouvoir servir de lien et de trait d’union entre leur culte, tel qu’il l’imaginait sur ces rumeurs, et le culte du dieu d’Émèse tel qu’il l’entendait. Alexandre Sévère enfin, sans exiger des chrétiens de sacrifices ni de concessions inacceptables, soit par l’influence cl les conseils de sa mère, la pieuse et religieuse Mammée, comme Eusèbe et saint Jérôme l’appellent, soit par modération de caractère et naturelle douceur et bonté d’âme, soit par une certaine élévation d’esprit qui lui faisait goûter l’exquise pureté de l’idéal évangélique, se montra envers eux sympathique et bienveillant. Si la voix des jurisconsultes, des hommes d’État et des pontifes, les uns opposant la constante politique des Antonins, modèles indispensables des bons princes, les autres la désertion probable des vieux temples et des cérémonies traditionnelles, la rupture d’équilibre qui se produirait infailliblement au profit d’une société d’esprit exclusif et intolérant, plus avide de conquêtes, qu’elle ne paraissait, et ne bornant pas sans doute ses prétentions au seul soin des âmes ; si ces conseils, qu’on ne saurait bien comprendre qu’en se faisant par la pensée contemporain d’Ulpien, de Paul et des politiques romains de ce temps, purent empêcher l’empereur de donner au christianisme droit de cité dans l’empire et de couvrir l’Église de la protection et de la garantie de l’État, ils ne purent sang doute l’entraîner à aucune mesure de violence ou de répression effective contre laquelle la volonté maternelle et toutes les sympathies du prince protestaient. Il est à croire qu’on ne l’essaya même point. Le Christ, sous ce règne, honoré dans l’oratoire privé du prince et un moment en passe de devenir un dieu officiel, demeura Dieu toléré.

 

 

 



[1] Hérodien, IV, 5-6. Dion ne dit rien de ce projet.

[2] Dion rapporte qu’après Geta, Caracalla fit tuer ses amis et ses partisans, hommes et femmes, au nombre de vingt mille (LXXVII, 4).

[3] In orbe Romano qui sunt ex constitutione imperatoris Antonini cives romani effecti sunt. (Digeste, I, 5,17.) Cf. Novell. Justin., LXXVIII, 5.

[4] Il convient de noter qu’à parler proprement, Septime Sévère, n’est pas Syrien, mais Africain. Ce sont les femmes, les trois Julia, qui à sa cour représentent le courant des idées syriennes.

[5] Sulpice Sévère écrit même (Chronique, II, 32) : Interjectis, deinde annis VII et XXX, pax christianis fuit.

Dal quale anna (211) fino alla morte di Zephirino nel 218, anzi fine a quella dil nostro Callisto nel 222, in grande pace la chiesa riposo, a poco manco che non atteneste dall’ imperatore il riconoscimento solenne e la legale libertà del suo culto. (De Rossi, Bull. di Arch. crist., ann. 1866, p. 19.)

[6] Lib. Pontif. in Zephirino, § II, éd. Vignoli, t. I, p. 96. De Rossi, Bull. di Arch. crist., ann. 1866, pp. 19-28.

[7] De Rossi, Bull. di Arch. crist., ann. 1866, pp. 23 et suiv.

[8] Tertullien, De Monog., 2 ; De Pudicit., 1 ; Philosophum., IX, 12. Il y avait des évêques parmi ces rigoristes, au témoignage de saint Cyprien : Et quidem apud antecessores nostros, quidam de episcopis istic in provincia nostra dandum pacem mœchis non putaverunt. (Lettre à Antonianus, § 21, éd. Hartel, p. 638.)

[9] Dion, LXXIV, pass. ; Lampride, Ant. Heliogab., 6, 7.

[10] Dion, LXXIX, 11.

[11] Sacra pop. rom., sublatis penetralibus, profanavit. Ignem perpetuum exstinguere voluit. Nec romanas tantum exstinguere voluit religiones. (Lampride, Ant. Hel., 6.)

[12] Unum studens ut Heliogabalus Deus unus ubique coleretur. (Lampride, Heliog., 6.)

Heliogabalum in Palatino monte juxta œdes imperatorias consecravit atque templum fecit studens et Matris typum et Vestæ ignem et Palladium et ansilia et omnia Romanis veneranda in illud transferre templum, et id agens ne quis Romœ Deus nisi Heliogabalus coleretur. Dicebat prœterea Judœorum et Samaritanorum religiones et christianam devotionem illuc transferendam ut omnium culturarum secretum Heliogabali sacerdotium teneret. (Lampride, id., 3.) Cf. Hérodien, V, 5, 6. Dion Cassius, LXXIX, 11.

[13] Manente concordiœ vinculo et perseverante catholicœ ecclesiœ individuo sacramento, actum suum disponit et dirigit unusquisque episcopus rationem propositi sui Domino reddilurus. (S. Cyprien, Ad Antonianus, ep. LV, § 21, éd. Hartel, p. 639.)

[14] De Rossi, Bull. di Arch. crist., ann. 1866, p. 87 et suiv.

[15] De Rossi, Bull, di Arch. crist., ann. 1866, p. 83 et suiv.

[16] Hérodien, Hist. rom., VI, 2.

[17] Frœhner, Les médaillons de l’emp. rom., in-4°, p. 171.

[18] Frœhner, Les médaillons de l’emp. rom., in-4°, p. 175.

[19] Dion Cassius, LXXIX, 21.

[20] Judœis privilegia reservavit. Christianos esse passus est. (Lampride, Alexandre Sévère, 22.)

[21] Lactance, Inst. div., V, c. 4, in fin.

[22] Lampride, Alexandre Sévère, 29.

[23] Lampride, Alexandre Sévère, 43.

[24] Pescennia Quodvuldeus, femme du proconsul d’Afrique Marcellus, consul pour la seconde fois en 226 avec Alexandre Sévère, était chrétienne. Voir son inscription tumulaire dans Fred. Münter, Primord. Eccl. african., p. 187.

[25] Consulentes sacra. (Lampride, Alexandre Sévère, 43.)

[26] Syrus esse nolebat. (Lampride, Alexandre Sévère, 64.) Syrum se dic noluit. (Id., 44.) Volebat videri originem de Romanorum gente trahere, quia eum pudebat Syrum dici. (Id., 28.)

[27] Lampride, Alexandre Sévère, 44.

[28] Tillemont, Hist. des Empereurs, t. III, p. 179-180.

[29] Baronius, Annal. ecclés., édit. Theiner, t. II, p. 589.

[30] Eusèbe, Hist. ecclés., VI, 14. Theiner, à l’année 218 des Annal. ecclés. de Baronius, t. II, p. 524, se reportant à ce trait d’Eusèbe, écrit : Mortuus est Zephyrinus anno 217. Quare ante eum annum Caracalla imperante Romam venit Origenes anno incertos.

[31] Hist. ecclés., VI, 21.

[32] S. Jérôme, De Vir. illust., art. Origen.

[33] Amicos sanctos et venerabiles habuit, non malitiosos, non furaces, non factiosos, non ad malum consentientes, non bonorum inimicos, non libidinasos, non crudeles, non circumventores sui, non irrisores, non qui illum quasi fatuum circumducerent, sed sanctos venerabiles, continentes, religiosos, amantes principis sui.... qui nihil venderent, nihil mentirentur, nihil fingerent, nunquam deciperent existimationem principis sui. (Lampride, Alexandre Sévère, 66.)

[34] Cujus (Alexandri) mater Mammœa christiana Origenem presbyterum audire curavit. (Orose, VII, 18.)

[35] Dicebatque grave esse, quum id christiani et Judœi facerent in prœdicandis sacerdotibus qui ordinandi sunt non fieri in provinciarum rectoribus, quibus et fortunœ hominum committerentur et capita. (Lampride, Alexandre Sévère, 45.)

[36] Clamabatque scepius quod a quibusdam sive Judœis, sive christiani audierat et tenebat ; idque per prœconem, quum aliquem emendaret, dici jubebat : quod tibi fieri non vir, alteri non fecerit, quam sententiam adeo dilexit ut et in palatio et in publicis operibus prœscribi juberet. (Lampride, Alexandre Sévère, 51.)

[37] Quum christiani quemdam locum qui publicis fuerat occupassent, contra popinarii dicerent sibi eum deberi, rescripsit : melius esse ut quomodocumque illic Deus colatur quam popinariis dedatur. (Lampride, Alexandre Sévère, 49.)

[38] Annal. ecclés., éd. Theiner, t. II, p. 539-540.

[39] Hist. ecclés., VI, 28.