CHRONOGRAPHIE DE SAMUEL D'ANI (extraits)

 

Texte mis en page par Marc Szwajcer

 

 

NOTE PRÉLIMINAIRE.

Samuel, surnommé Anetsi, parce qu'il était originaire d'Ani, capitale de l'Arménie au temps des rois bagratides, ou bien parce qu'il fut attaché comme prêtre à la cathédrale de cette ville, est un des écrivains les plus érudits qu'ait produits la littérature arménienne. Il a composé une Chronographie qui s'étend depuis l'origine du monde jusqu'à l'année 626 de l'ère arménienne (5 février 1177 - 4 février 1178). Son modèle a été la Chronique d'Eusèbe, qu'il suit jusqu'à la vingtième année de Constantin le Grand, où se termine le livre de l'évêque de Césarée. Il y a ajouté la mention des événements les plus remarquables de l'histoire d'Arménie, la date du règne des souverains de ce pays et du pontificat de ses patriarches ou catholicos. On voit qu'il a consulté quelquefois Moïse de Khoren et plusieurs des anciens écrivains de sa nation qui nous sont parvenus, et d'autres que nous ne possédons plus aujourd'hui. Son ouvrage, comme celui d'Eusèbe, se divise en deux parties, dont la première comprend l'exposition des faits historiques groupés suivant une division systématique des trois grandes familles humaines, issues de Sem, Cham et Japhet. La seconde se compose d'une table chronologique où sont rangées par synchronismes les années des olympiades, celles de la Nativité de Jésus-Christ, de l'ère arménienne, et des souverains de Rome, de Byzance et de l'Arménie, des khalifes et des catholicos, avec l'indication parallèle des événements.

Dans mes Recherches sur la Chronologie arménienne (t. Ier), j'ai expliqué les divers modes de supputation de notre auteur, et la manière de les réduire aux années de l'ère chrétienne; j'ai démontré que son ère de la Nativité a pour point initial le 1er octobre de la deuxième année qui précéda notre ère vulgaire; et s'ouvre par conséquent quinze mois avant le 1er janvier de l'année que nous comptons comme la 754e de Rome, suivant le calcul de Varron, et la 4e de l'olympiade 194. De ces synchronismes j'ai cru devoir ne retenir dans mon Extrait que la notation des années de l'ère arménienne, qui suffit ici pour fixer avec certitude, la date des événements.

La traduction latine de la Chronographie de Samuel d'Ani, par le R. P. Jean Zohrab, ancien moine de la congrégation des Mékhitharistes de Venise, a été publiée à la suite de la version latine de l'Eusèbe arménien, due aux soins de ce même religieux et du cardinal Angelo Mai, et qui a paru à Milan en 1818.

Il existe une continuation inédite de la table de Samuel d'Ani par un anonyme, prolongée, dans le manuscrit 96 de la Bibliothèque impériale, jusqu'à l'année 789 de l'ère arménienne (27 décembre 1339 - 25 décembre 1340). Cette continuation paraît ici, traduite pour la première fois. J'en ai éliminé, ainsi que de la partie que j'ai empruntée à Samuel d'Ani, tous les faits qui sont particuliers aux annales de la Grande Arménie, conservant seulement ceux qui touchent à l'histoire des croisades, soit par une connexion directe, soit parce qu'ils eurent pour théâtre les contrées voisines de la Syrie et dont les destinées furent souvent liées au sort des colonies latines d'Orient.

 

Extrait de la Chronographie de Samuel d’Ani

546 de l'ère arménienne (25 février 1097 — 24 février 1098).

Les Romains (Francs) traversèrent la Thrace et pénétrèrent en Asie, pour venger les chrétiens des tribulations que leur faisaient éprouver les Scythes (Turcs), les Perses et les Dadjigs (Arabes). Ils eurent à supporter bien des maux de la part du fils de Satan, nommé Alexis [Comnène], qui régnait sur les Grecs à Constantinople. Ce prince les trahit sous main et ouvertement, leur fournissant des vivres empoisonnés, les livrant sur mer à des officiers auxquels il avait donné de perfides instructions, et qu'il leur avait présentés comme des hommes de confiance; il excita contre eux les embûches des barbares, auxquels lui-même transmettait des indications. Que le Seigneur lui donne la rétribution qu'il mérite! En effet, ce prince n'était pas chrétien, ainsi que beaucoup de gens nous l'ont attesté, pas plus que sa mère. C'est ce qu'a consigné dans son livre le docteur [Jean] Diacre.[1]

548 (25 février 1099 — 23 février 1100).

Notre grand prince Constantin, fils de Roupen, témoigna son dévouement aux Francs et fut comblé par eux de marques d'estime.[2]

Les Francs s'emparèrent de Jérusalem sur les musulmans; ils en massacrèrent 65.000 dans le temple et un nombre considérable dans la ville. Le seigneur [Grégoire] Vahram [patriarche d'Arménie,] se trouvait dans la Cité sainte lorsqu'elle fut prise. Les Agaréniens voulurent le tuer; mais Dieu préserva sa vie. Le duc Godefroy eut le commandement de Jérusalem. Il mourut en l'année 640 (23 février 1100 - 21 février 1101). Son frère Baudouin, comte d'Edesse, fut le premier roi de Jérusalem.

Un jour Constantin, fils de Roupen, était assis [à table] dans la forteresse de Vahga, lorsqu'un plat d'argent qui était placé devant lui sauta tout à coup, [frappé par la foudre,] et vint tomber, dans un angle de l'appartement, au milieu de sept autres plats. On prétendit que c'était un signe de la fin de ce prince, qui en effet mourut peu de temps après. Il fut enterré à côté de son père, dans le saint Couvent de Gasdagh'ôu. Son fils aîné, Thoros [Ier du nom], lui succéda et conserva le pouvoir pendant vingt-neuf ans. Thoros avait auprès de lui son frère Léon.[3]

553 (23 février 1104 — 21 février 1105).

Mort de Barkiarok, fils de Mélik Schah.

560 (22 février 1111 —  21 février 1112).

Thoros se distingua par sa grande sagesse et sa valeur. Il ne tarda pas à venger le meurtre du roi Kakig; car s'étant emparé des fils de Mandalê (Pantaléon), il le fit périr. Après avoir détruit leur forteresse de Gantrasgavi (Cybistra), et y avoir pris quantité de trésors, il en transporta tous les habitants sur les bords de la rivière Paradisus[4] et les y établit: cette rivière est appelée aujourd'hui Nerk'i Graga. Il trouva aussi dans cette forteresse l'image de la sainte Mère de Dieu, et l'emporta avec lui. Lorsqu'il se fut rendu maître d'Anazarbe, il y construisit une grande église, où il plaça cette image de la Vierge. C'est ce prince qui bâtit aussi le saint couvent de Trazarg, et restaura celui de Maschgavor et beaucoup d'autres, et les enrichit de ses largesses.[5]

561 (11 février 1112 — 10 février 1113).

Le pieux prince Kogh-Vasil, seigneur de Kéçoun, de Béhesni, Marasch, Bahan, Ph’arzman, Hrom-Gla, Maçara et autres districts, mourut en Jésus-Christ.

Celte même année, le plus brave de tous les Francs, Tancrède, seigneur d'Antioche et de beaucoup d'autres villes et provinces, ce prince pieux et bon, mourut empoisonné par le patriarche Franc d'Antioche. Il eut pour successeur Roger.[6]

562 (21 février 1113 —  20 février 1114).

Le patriarche d'Arménie, le seigneur Basile, ayant terminé sa carrière, eut pour successeur le seigneur Grégoire [Bahlavouni], qui s'assit glorieusement sur le trône jadis occupé par saint Grégoire, l'illuminateur de l'Arménie, dont il était le descendant. Le nouveau catholicos, comblé des grâces spirituelles, recommandable par ses moeurs saintes et d'une pureté exemplaire, fut vénéré et glorifié non seulement par nos compatriotes, mais encore par les princes et les souverains étrangers, et principalement par les rois et prélats romains (Francs). Il se rendit à Jérusalem, et, ayant visité et adoré les lieux saints où Dieu s'est fait homme, il s'associa aux souffrances du Christ, afin d'obtenir l'espoir de participer aussi à sa gloire. Là, les Romains, que l'on appelle aussi les Francs, maîtres du pays, ayant connu l'effusion des grâces divines qui se répandaient avec abondance sur Grégoire, jugèrent, par l'éclat et l'harmonieuse beauté de son corps, de la beauté de son esprit. Ses discours sur la foi leur révélèrent sa parfaite orthodoxie, discours qu'il prononçait avec éloquence, en conformité avec les saints canons, et avec une sagesse magistrale. Charmés de tant de perfection, ils se sentirent encore plus fortement entraînés vers lui et notre nation. C'est ainsi que la Providence règle d'avance toutes choses, parce que le Seigneur ne rejette pas son peuple,[7] paroles que le psalmiste adresse aux obstinés de sa nation.[8]

Cette même année, pendant le jeûne du carême de la sainte Pâque, le jeudi de la cinquième semaine, jour correspondant à celui où les astres furent crées, il y eut une éclipse de soleil.[9]

567 (20 février 1118 — 19 février 1119)

 Après la mort d'Alexis, son fils Kalo-Jean lui succéda.

568 (20 février 1119 — 19 février 1120).

Les chrétiens construisirent Karak et Schanbek.

Après la mort de Baudouin, roi de Jérusalem, la couronne passa à un autre Baudouin, [surnommé] Du Bourg, son cousin, qui la conserva quinze ans.[10] Un grand combat fut livré à Garmirovid (la Vallée Rouge). Les troupes franques et arméniennes furent vaincues, en punition de la perversité de leurs chefs. Roger, seigneur d'Antioche, périt avec un grand nombre des siens.[11]

Antérieurement à cette guerre, des colonnes de feu se montrèrent dans le ciel, du côté du nord et de l'occident, à partir du soir jusqu'à l'aurore. Toute la terre paraissait enflammée par un incendie.

570 (19 février 1121 — 18 février 1122).

David [II], roi de Géorgie, vainquit Ilgazi et Mélik [Thogrul].

David s'empara de Dëph'khis (Tiflis).[12]

Un tremblement de terre se fit sentir dans le Khoraçan un vendredi; la grande mosquée s'écroula et écrasa dans sa chute huit mille personnes, hommes ou femmes.

573 (11 février 1124 — 10 février 1125).

Cette année, David prit Ani; après quoi il mourut, et son fils, Dimitri [Ier], monta sur le trône.[13]

578 (17 février 1129 — 16 février 1130).

Cette même année mourut le baron Thoros; il fut enterré à Trazarg. Son frère Léon [Ier] lui succéda; car le fils de Thoros avait été saisi par quelques scélérats, qui le firent mourir par le poison.[14] Léon vécut encore douze ans.

582 (16 février 1133 — 15 février 1134).

Le soleil s'éclipsa le 3 août, un mercredi. L'obscurité, dura à partir de la septième heure du jour jusqu'à la neuvième, après midi.[15]

593 (14 février 1144 — 13 février 1145).

 Les Dadjigs (Arabes) et les Turcs s'emparèrent de la ville d’Edesse sur les Francs, y massacrèrent trente mille personnes et en emmenèrent quinze mille en captivité.

597 (13 février 1148 — 10 février 1149).

A cette date de notre ère, la nation des Francs, s'étant réunie en corps d'année immense, arriva de ce côté-ci de l'Océan, en traversant la Thrace comme précédemment, et en suivant le même chemin que nous avons décrit à l'année 543. Ils avaient oublié les cruelles tribulations que leur infligea alors le fils de Bélial, Alexis, ils ne se doutèrent pas de la perfidie de ce prince, pensant qu'il avait la même foi qu'eux et qu'il était le serviteur du Christ; et comme ils ne pensaient plus à leurs malheurs précédents, ils furent trompés encore plus gravement et abusés par son petit-fils, dont le nom est le même que celui de l'Antéchrist; car, rejetant bien loin les exemples et la religion d'Emmanuel, il est appelé Manuel.[16]

601 (11 février 1152 — 10 février 1153).

Thoros [fils de Léon Ier et deuxième du nom], ayant rompu les liens de la captivité, après la mort de son père Léon que l'empereur de Constantinople avait fait prisonnier afin d'arrêter ses progrès, se rendit auprès d'Athanase, [patriarche] des [Syriens] Jacobites; celui-ci lui donna son cheval et dix hommes. Il le conduisit, pendant la nuit, à la forteresse d'Amouda. C'est ainsi que Thoros réussit à recouvrer tout le pays.[17]

605 (11 février 1156 — 9 février 1157).

Dimitri [Ier], roi de Géorgie, mourut et fut remplacé par son fils David [III]. Au bout de deux ans, celui-ci mourut à son tour, et eut pour successeur son frère Giorgi [III].

607 (16 février 1158 — 9 février 1159).

Un nommé Eyoub et son frère Schirakouh, Kurdes de nation, étant partis de Tévïn, d'où les chassait leur pauvreté, se rendirent dans la Mésopotamie, et vinrent à Tékrit, où ils se firent porteurs de bois. Cet Eyoub vit en songe un feu qui jaillissait de ses reins et incendiait une vaste étendue de contrées. Il raconta ce songe à un juif, qui l'expliqua en ces termes: « Tu donneras le jour à un fils dont la domination s'étendra au loin. » Eyoub lui répondit: « S'il en est ainsi, ce fils qui doit me naître te donnera, à toi et à tes enfants, pour chaque année, mille tahégans d'or. » Ils consignèrent ces paroles par écrit. Cette même année, Eyoub eut un fils nommé Youçouf. Lorsque l'enfant eut grandi, Schirakouh, son oncle, le prit avec lui et se rendit auprès de Nour ed-din, sultan d'Alep. Schirakouh était un homme plein de sagesse; le sultan le fit chef de ses troupes et l'envoya en Egypte. Youçouf, encore tout jeune, était djandar[18] à la cour de Nour ed-din et se rendit agréable à ses yeux. Après la mort de son oncle, ce prince le nomma général à sa place. Youçouf tua le khalife d'Egypte[19] et devint sultan, quoique encore tout jeune; il fut nommé Selah ed-din. Le juif, étant alors venu le trouver, lui présenta l'écrit en question et reçut de lui un nombre de tahégans d'or équivalent au nombre des années indiquées par le rêve. Eyoub, frappé par un cheval, mourut; et Youçouf augmentait de jour en jour en puissance.

610 (9 février 1161 — 8 février 1162).

Cette année, le roi de Géorgie, Giorgi, prit Ani le 13 juin. Au commencement d'août, il battit, avec soixante et dix mille hommes, le Schahi Armên, qui on avait quatre-vingt mille. Nous fûmes témoin oculaire de cette défaite; vingt-trois mille personnes furent enregistrées comme prisonniers; sans compter ceux qui furent tués, et dont les cadavres couvraient nos campagnes.[20]

611 (9 février 1162 — 8 février 1163).

Cette même année, le 21 août, le roi Giorgi prit Tévïn. Il y fit soixante mille prisonniers et détruisit le temple consacré par les infidèles à leur faux culte.[21] Ensuite le sultan du Khoraçan, ayant rassemblé des troupes, vint camper sous les murs d'Ani et effraya les habitants de cette ville; mais au bout de trente jours, il se retira à la dérobée, à la manière d'un renard. Il battit Giorgi, et, lui ayant repris son butin, il s'en retourna dans ses Etats.

[22]Thoros, furieux contre les Grecs, leur tua dix mille hommes pour venger la mort de [son frère] Sdéph'ané, qu'ils avaient pris et précipité dans une chaudière bouillante.[23]

615 (8 février 1166 — 7 février 1167).

Tremblement de terre, dans la ville d'Ezenga.[24]

Mort du seigneur Grégoire [Bahlavouni], qui a pour successeur son frère, le seigneur Nersès [Schnorhali].

Cette année mourut le grand prince des Arméniens, Thoros.

621 (7 février 1172 — 5 février 1173).

Le seigneur Nersès [Schnorhali] mourut et alla rejoindre le Christ. Il eut pour successeur le seigneur Grégoire [IV], son neveu (fils de son frère), et surnommé Dgh'a.

623 (6 février 1174 — 5 février 1175).

Le seigneur Grégoire Dgh'a bâtit à Hr’om-gla une magnifique église, à l'instar de celles de l'Orient (la Grande Arménie). Il y éleva un tombeau aux deux patriarches ses oncles (frères de son père), les seigneurs Grégoire et Neiges. Il transporta aussi de Dzovk les restes mortels du grand Grégoire, oncle maternel d’Abirad, son aïeul, et appelé aussi Vahram, et les plaça avec deux des deux patriarches précités.

626 (5 février 1177 — 6 février 1178).

 Le roi de Jérusalem Baudouin, avec une poignée de troupes, vainquit Saladin, qui avait avec lui des forces considérables, non loin de Jérusalem.[25]

627 (5 février 1178 — 6 février 1179).

Les Francs taillèrent en pièces les Egyptiens en Palestine, an lieu nommé le Gué de Jacob; mais ensuite ils furent vaincus par les musulmans.[26]

634 (3 février 1185 — 2 février 1186).

Cette année, mourut le Schahi Armên [Soukman II], sultan, au village de Sarthan. 

635 (3 février 1186 — 2 février 1187).

Un prodige admirable et où se montra le doigt de Dieu eut lieu à Edesse. Tout à coup, au milieu de la nuit, une très vive lumière apparut au-dessus de la ville, et vint tomber dans la citerne où était déposée la sainte image du Christ.[27] Les gardes de nuit qui veillaient à la citadelle et sur les remparts, et qui étaient musulmans, aperçurent cette lumière, et, ayant aussitôt jeté un cri, accoururent et virent qu'elle avait le volume de trois cierges brûlant au milieu des eaux; que tantôt elle se condensait en forme de globe, comme le disque du soleil, et tantôt semblait se dérober sous l'eau et reparaître par intervalles, en brillant comme les astres, ou comme un brasier ardent; au-dessus de l'eau flottait un feu éclatant comme la flamme de lampes garnies d'huile, à la vue de tout le monde. Les infidèles accouraient de tous côtés pour être témoins de ce miracle. Comme il provoquait leur incrédulité, ils firent descendre dans la citerne un musulman pour voir de près et toucher de ses mains cette lumière. Celui-ci, étant descendu, y demeura deux heures environ. Voyant ce long retard, les infidèles le remontèrent comme mort. Au bout de quelques heures, pendant lesquelles on ne cessa de veiller sur lui, il recouvra ses sens, et, ayant rouvert les yeux, il poussa un grand cri; bénissant la Mère de Dieu et le Christ, il dit: « Et moi aussi je suis chrétien! » Plus de cinq mille personnes se rassemblèrent autour de lui, et comme on lui demandait ce qu'il avait vu, voici ce qu'il raconta: « J'ai aperçu dans la citerne une femme vêtue de pourpre et assise sur un trône de lumière, et un jeune enfant resplendissant, porté dans ses bras. Sur les genoux de l'enfant était placé un linge où étaient représentés des caractères en forme de croix. Un vieillard à l'aspect merveilleux était assis auprès d'eux, et deux anges se tenaient devant lui. Maintenant donc, je suis chrétien. » Cet homme, étant allé trouver un prêtre, reçut le baptême. Dès lors, la foule ne fit qu'augmenter de plus en plus, pour venir contempler ce prodige, suscité pour la gloire du Christ, notre Dieu, qui sera béni à jamais. Amen.

636 (3 février 1187 — 2 février 1188).

Saladin extermina les Francs à Tibériade, par la trahison du comte de Tripoli; il tua ce dernier de sa propre main, mais il épargna le roi et le renvoya libre, après l'avoir traité très honorablement.[28]

Le seigneur Grégoire Dgh'a, [catholicos,] mourut et alla rejoindre le Christ; il fut enterré dans le couvent de Trazarg.

Le seigneur Grégoire, autre neveu (fils de frère) du seigneur Nersès, siégea pendant deux ans, et s'étant précipité du haut de la forteresse de Gohidar', il mourut de cette chute, et fut enseveli à Trazarg.[29]

645 (1er février 1196 — 31 janvier 1197).

[Grégoire] Abirad, autre neveu (fils de frère) des précédents patriarches, les seigneurs Grégoire [Bahlavouni] et Nersès, et cousin (fils de frère du père) de Grégoire, qui mourut en se précipitant, [fut choisi comme catholicos.] Abirad était sur le siège depuis huit ans, lorsqu'il vint de Hrom-Gla à Sis pour arracher son neveu (fils de sa soeur) Héthoum des mains du roi Léon, qui l'avait jeté dans les fers. Il finit ses jours à Sis, et fut enterré dans le saint couvent d'Ark'agaghïn. Le roi Léon ayant rassemblé un grand nombre d’évêques, le seigneur Jean, archevêque de Sis, fut élu. Il avait une prestance royale; il était généreux, charitable, doux et humble de caractère.[30]

646 (31 janvier 1197 — 30 janvier 1198).

J'ai oublié de parler du sceptre royal. Cette année, le jour de l'Epiphanie, le 6 janvier, Léon fut sacré roi, et il occupa le trône vingt-deux ans; il reçut une couronne de chacun des deux empereurs, grec et franc.[31] Ce fut lui qui restaura la monarchie arménienne, et il se distingua par la sagesse de son gouvernement.

647 (31 janvier 1198 — 30 janvier 1199).

Cette année, Nersès de Lampron mourut et alla rejoindre le Christ, à l'âge de quarante-six ans. Il commenta les Psaumes, les Proverbes ainsi que la liturgie de la Messe. Il traduisit beaucoup de livres grecs ou latins, et, dans le nombre, l'explication de l'Apocalypse de saint Jean, dont il fit une version à Antioche[32] et il commenta la relation qui commence par ces mots: « [Le bienheureux Jean] était avec ses frères.[33] »

655 (29 janvier 1206 — 28 janvier 1207).

Le seigneur David, du couvent d'Ark'agaghïn, fut placé sur le siège patriarcal, où il se maintint pendant deux ans, au bout desquels il mourut. Le seigneur Jean y monta de nouveau et fit beaucoup de bien au pays.

662 (27 janvier 1213 — 16 janvier 1214).

Cette année le seigneur Jean fut exclu de ses fonctions.

668 (26 janvier 1219 — 25 janvier 1220)

Le roi Léon mourut. Ses entrailles furent déposées dans le couvent d'Agner, qu’il avait construit dans un lieu qui lui plaisait beaucoup. Son corps fut transporté à Sis, et on le plaça dans l'église qu'il avait bâtie.[34]

669 (26 janvier 1220 — 24 janvier 1221).

Le patriarche Jean termina sa carrière et fut enseveli dans le couvent de Trazarg.

671 (25 janvier 1222 — 24 janvier 1223).

Philippe [fils de Raymond le Borgne, prince d'Antioche,] épousa Isabelle, fille de Léon, et fut couronné avec elle.[35]

674 (24 janvier 1225 — 23 janvier 1226).

Les chefs arméniens s'emparèrent du roi Philippe au-delà du fleuve Djeyhân, tandis que, en compagnie de la reine, il se rendait à Antioche. Après l'avoir chargé de chaînes, on le jeta en prison [où il mourut]. D'après le voeu du patriarche et de tous les grands, on maria Isabelle avec Héthoum, fils de Constantin, le grand baron. Il fut sacré roi d'Arménie et régna sur la Cilicie pendant quarante-cinq ans.[36]

678 (23 janvier 1229 — 22 janvier 1230).

Cette même année vinrent les Khorazmiens. Ils assiégèrent Khélath pendant dix mois et s'en emparèrent,[37] ainsi que de la ville de Garin où ils établirent pour roi (mélik) Soutchman; puis, s'étant dirigés vers la Mésopotamie, ils parvinrent jusqu'à Damas. Ils saccagèrent cette ville de fond en comble et y firent quantité de prisonniers. Cependant le sultan [d'Iconium] Ala ed-din [Keï-Kobadj et [le sultan de Damas Mélik el-] Aschraf les attaquèrent et les exterminèrent. L'émir Soutchman, qui guidait les Khorazmiens, fut pris et tué.

684 (22 janvier 1235 — 21 janvier 1236).

Les Tartares arrivèrent par l'ordre de Tchinguiz Khan et sous la conduite de Tcharmagh'an-Nouïn.[38] Ils ravagèrent nombre de districts en Arménie, dans la Géorgie et l'Agh'ouanie, et emmenèrent toutes les populations en captivité.

692 (20 janvier 1243 — 19 janvier 1244).

Cette année, les Tartares fondirent sur le pays des Romains, sous le commandement de Batchou-nouïn. Ils mirent en déroute le sultan Ghiâth ed-din [Keï-Khosrou], conquirent toute cette contrée et y établirent leur domination.

700 (13 janvier 1251 — 17 janvier 1252).*

Cette même année, dans l'Orient (la Grande Arménie), mourut en Jésus-Christ le saint et vertueux docteur, le savant [Jean] Vanagan, à l'âge de soixante et dix ans.

707 (16 janvier 1258 — 15 janvier 1259).

 L'ilkhan Houlagou prit Bagdad.[39]

709 (16 janvier 1260 — 14 janvier 1261).

 Houlagou marcha contre Alep, s'empara de cette ville et la saccagea de fond en comble.[40] Cette même année il se rendit maître de Mossoul.

715 (14 janvier 1266 — 13 janvier 1267).

Les Egyptiens fondirent sur la Cilicie, qu'ils ravagèrent horriblement; ils livrèrent aux flammes une partie de cette contrée, massacrèrent un nombre immense d'habitants et en firent une multitude de prisonniers, parmi lesquels était Léon, fils aîné du roi Héthoum; ils exterminèrent son autre fils Thoros.

717 (14 janvier 1268 — 12 janvier 1269).

Léon fut affranchi de la servitude des Egyptiens, et revint après avoir été comblé de gloire et d'honneur par le sultan [Beïbars]. Son retour causa une grande joie à son père et aux Arméniens.[41]

Cette même année, on choisit pour patriarche le seigneur Jacques, homme saint et vertueux, et d'une science consommée. Il donna la solution des passages difficiles dans les livres écrits d'un style subtil.

719 (13 janvier 1270 — 12 janvier 1271).

Le roi Héthoum touchait à la fin de sa carrière. Pénétré d'un vif repentir, il prodigua les bonnes oeuvres et embrassa la vie religieuse, sous le nom de Macaire. Etant allé rejoindre le Christ, il fut enseveli dans le saint couvent de Trazarg.[42]

720 (13 janvier 1271 — 12 janvier 1272).

Léon [III], fils de Héthoum, fut sacré roi à Tarse. C'était un prince doux, plein de longanimité, continent, à l'air affable, modeste, charitable, écoutant favorablement ceux qui recouraient à lui. Il chérissait les églises, les monastères et les ecclésiastiques, et surtout les docteurs en théologie (vartabeds). Il institua une école où les docteurs étaient chargés d'instruire les jeunes gens, dans le saint couvent de Medzk'ar (Grand rocher.) Il avait trente-cinq ans lorsqu'il fut sacré souverain d'Arménie, et régna dix-neuf ans.[43]

737 (9 janvier 1288 — 7 janvier 1289).

Le seigneur Constantin [II], dit Brônakordz (fileur de poils de chèvre), autrement appelé Gadouguetsi (de Gadoug), et Guéçaratsi (de Césarée), ayant embrassé la foi de l'Eglise latine à Sis, fut, au bout de trois ans, exilés par le roi Héthoum [II]; il avait été romain [de religion] pendant ces trois ans.

738 (8 janvier 1289) — 7 janvier 1290).

Cette même année, mourut en Jésus-Christ le roi Léon, laissant sept fils et trois filles. L'aîné, Héthoum, devint baron d'Arménie; il ne s'engagea pas dans les liens du mariage; mais, gardant le célibat, il revêtit le costume de moine et vécut ainsi dix-huit ans. Dans la suite, il fut tué par le scélérat Poulargh'ou-nouïn, sous les murs de la forteresse d'Anazarbe, lui, son frère le [jeune] roi Léon, le connétable [Oschin], et autres chefs, au nombre de quarante.

741 (8 janvier 1292 — 6 janvier 1293).

 Dans la quatrième année, arriva Mélik Aschraf [Khalil], sultan d'Egypte, qui s'empara de Hrom-Gla et emmena captif le [patriarche Etienne IV]; il emporta la dextre [de saint Grégoire] en Egypte. Etienne y mourut au bout d'un an.[44]

743 (7 janvier 1294 — 6 janvier 1295).

Le seigneur Grégoire [VII] d'Anazarbe, homme savant et profond dans la connaissance de l'Ancien et du Nouveau Testament, fut choisi comme patriarche; il siégea treize ans.

747 (6 janvier 1298 — 6 janvier 1299).

Tandis que Sempad  régnait sur les Arméniens, les Égyptiens envahirent la Cilicie et mirent le feu à tous les villages et à toutes les villes; une foule d'habitants furent tués ou réduits en servitude.[45]

746 (6 janvier 1297 — 6 janvier 1298).

Héthoum confia les rênes du gouvernement à son frère Sempad, et, emmenant avec lui un autre de ses frères, se rendit auprès de l'empereur des Grecs [Andronic II Paléologue], à Constantinople. Sempad, d'après le conseil du patriarche et des grands, se fit sacrer roi d'Arménie à Sis. Lorsque, au bout d'un an, revinrent Héthoum et Thoros, pour reprendre possession du trône, Sempad, se déclarant contre eux, ne leur permit pas de rentrer dans la maison paternelle. Ils retournèrent vers l'empereur, et, s'étant munis d'une grande quantité d'or, ils se rendirent auprès de Gazan khan, dans l'Orient. Sempad était allé déjà auparavant, chargé de richesses, visiter les Tartares, et, ayant reçu du khan une épouse de la famille de ce dernier, il était rentré en Cilicie. Ce fut sur le territoire de Césarée qu'il rencontra ses deux frères, et, s'étant saisi d'eux, il les renferma dans la forteresse de Partzerpert. Au bout de quelques jours, et à l'instigation des grands, il fit périr Thoros et aveugler Héthoum. Son autre frère, Constantin, seigneur de la forteresse de Caban, avant appris ces événements, rassembla des forces considérables et vint attaquer Sempad, qui s'enfuit chez les Romains. Constantin, ayant retrouvé Héthoum encore vivant, fut tout joyeux, quoique le meurtre de Thoros lui causât beaucoup de peine. Ensuite, s'étant emparé de Sempad, il le mit en prison. Il fut baron d'Arménie pendant un an, comme Sempad avait été roi pendant un an aussi. Plus tard, Héthoum, ayant à son tour mis la main sur Constantin et Sempad, les exila et les envoya vers l'empereur de Constantinople. Ayant pris avec lui Léon, fils de Thoros, ce prince qui avait été victime de Sempad, il le fit sacrer roi en 755 de l'ère arménienne. Lui-même était investi de la dignité de grand baron d'Arménie.

755 (4 janvier 1306 — 3 janvier 1307).

Cette même année, Léon [IV], fils du baron Thoros, reçut l'onction royale à Sis. Au bout d'un an il fut tué.

756 (4 janvier 1307 — 3 janvier 1308)

Le seigneur Constantin [Brônakordz] de Césarée, [remonté sur le siège,] le conserva seize ans. Sous son pontificat, le grand baron Héthoum tint un concile où fut opérée la réunion avec l'église de Rome et où fut détruite la discipline de saint Grégoire, notre Illuminateur. On convint de célébrer la fête de Noël le 25 décembre, et les fêtes des saints aux jours où elles se rencontreraient, et de verser de l'eau dans le calice à la messe. Cela fut décidé cette année, le jour solennel de la sainte Pâque.[46]

Cette même année, le scélérat Poulargh'ou-nouïn, étant venu en Cilicie avec un dessein caché et sous un prétexte quelconque, manda, comme pour tenir conseil avec lui, le grand baron Héthoum. Celui-ci vint de bonne foi, escorté du jeune roi Léon, son neveu, du sénéchal Oschin,[47] alors connétable, et de beaucoup d'autres grands personnages. Dès qu'ils furent arrivés, le chef tartare, qui convoitait de se rendre maître de la Cilicie, les fit arrêter et massacrer sous les murs d'Anazarbe. Mais la Providence voulut que Héthoum n'eût pas emmené avec lui son frère Oschin; celui-ci, ayant eu connaissance de ces meurtres, se réfugia aussitôt dans la forteresse de Sis, et, ayant rassemblé ce qui restait des grands du royaume ainsi que des forces imposantes, il attaqua l'exécrable Poulargh'ou, le chassa du pays, et tint bon jusqu'à ce que son frère Alinakh fût revenu de chez le khan, où il était allé en visite. Oschin fut sacré roi à Tarse, et porta la couronne treize ans.

758 (3 janvier 1309 — 1er janvier 1310).

Cette année se rassemblèrent à Sis, capitale du royaume, une multitude de moines et de religieux, de prêtres et de diacres, ainsi que des docteurs et des évêques, et beaucoup de peuple, hommes et femmes, qui refusaient d'accepter l'usage de l'eau dans le calice à la messe, et autres innovations. Le roi Oschin, d'accord avec le patriarche et les grands, se saisit de tout ce inonde, renferma les docteurs dans la forteresse, et fit mettre à mort une foule d'hommes et de femmes, et quelques religieux et diacres; puis, faisant monter les moines dans un navire, il les exila à Chypre, où la plupart moururent.

769 (1er janvier 1320 — 30 décembre 1320.

Le roi Oschin, étant allé rejoindre le Christ, fut inhumé à Trazarg. Son fils Léon [V] fut sacré roi, n'étant encore âgé que de dix ans.

Le seigneur Constantin de Lampron [catholicos d'Arménie] se rendit en Egypte et conclut la paix pour le roi Léon, encore tout jeune.

770 (31 décembre 1320 — 31 décembre 1321).

Cette année, le scélérat nouïn Timourtasch, fils de Tchôban,[48] fondit sur le district de Sis; il y fit beaucoup de mal, massacra ou fit prisonniers une multitude d'habitants: après quoi il rentra dans le pays de Roum.[49]

771 (31 décembre 1321 — 30 décembre 1322).

Les Egyptiens envahirent la Cilicie et y firent de très grands dégâts.[50]

Cette même année, le baron Alinakh, frère de Héthoum et du roi Ôschïn, alla rejoindre le Christ; il fut enterré à Trazarg. La cause de sa mort fut celle-ci: pendant qu'il se baignait dans le fleuve de Tarse, il avait avec lui un cheval arabe qui le frappa à la tête d'un coup de pied.

784 (28 décembre 1334 — 27 décembre 1335).

Cette année, Abou Saïd khan étant mort, il eut pour successeur Arpa Gaoun, qui régna six mois. L'oncle maternel d'Abou Saïd, Ali Padischah nouïn, étant venu de Bagdad, tua Arpa Gaoun, parce que celui-ci était chrétien et de la race des anciens khans. Puis, de sa propre autorité, il établit sur le trône un autre khan, nommé Mouça, mais qui ne parut pas et se tint obscur. Ali Padischah dirigea le gouvernement de l'Ordou pendant un an et demi. Il prescrivit de détruire les églises, ordre qui fut exécuté en beaucoup d'endroits, depuis Mossoul jusqu'à Khélath et Salamasd. Mais le seigneur Zacharie, patriarche d'Ag'thamar, étant venu le trouver, obtint la révocation de cette mesure cruelle. A l'époque de la moisson, Ali Padischah en vint aux mains avec Kadchith agha, et fut tué sur le territoire de la ville de Her.[51]

789 (27 décembre 1339 — 26 décembre 1340).

Cette même année, le scélérat émir d'Alep, sur l'ordre de Mélik Nacer, sultan d'Egypte, envahit furtivement le territoire de Sis et le saccagea de fond en comble, massacrant les uns, faisant brûler les autres, et emmenant une partie des habitants en esclavage. Il rendit désert le pays des Arméniens, si riche de sa population.

 

 

 



[1] Jean Diacre, un des hommes les plus savants qu'ait vus naître l'Arménie, vivait vers le milieu du viie siècle. Outre un Traité du calendrier, dont il ne nous reste plus aujourd'hui que des fragments, il avait composé une Histoire d'Arménie, pour laquelle il avait consulté non seulement les anciens écrivains de sa patrie, mais encore ceux de la Perse. Ce livre est également perdu, et nous ne le connaissons que par de rares passages qu'en a cités avec éloge Samuel d'Ani. Jean Diacre est auteur aussi de différents ouvrages théologiques ou ascétiques qui sont énumérés dans le Quadro della storia letteraria di Armenia, de Soukias Souial, p. 89-90. Son nom a été rattaché à une ère qu'il créa, en la faisant partir de l'année correspondante à notre année 1084, et dont se servent quelquefois les Arméniens, et au calendrier fixe d'après lequel a été disposé leur Ménologe. (Voir mes Rech. sur la chron. arm. t. I.)

[2] Ce paragraphe, qui se trouve dans la traduction latine de Zohrab, manque dans le manuscrit 96 de la Bibliothèque impériale.

[3] Cf. Matthieu d'Édesse, ad annum 548.

[4] Ce cours d'eau de la Cilicie Trachée est mentionné par Pline (Histoire naturelle, V), qui en fixe la position. Cf. ci-après la Chronique du connétable Sempad.

[5] Cf. Matthieu d'Édesse, ad annos 560 et 561.

[6] Cf. Matthieu d'Édesse, ad annum 561.

[7] Psaume XCIII, vers. xiv.

[8] Cf. Matthieu d'Édesse, ad annum 562.

[9] J'ai montré, dans mes Recherches sur la chronologie arménienne, t. I, que le quantième hebdomadaire, jeudi, est inexact, et qu'il faut y substituer le quatrième jour de la semaine, ou mercredi, comme le prouvent les caractères du calendrier pascal pour l'année 1113, et mon calcul de cette éclipse solaire opéré par les Tables de M. Largeteau. Elle eut lieu le 19 mars, à 8h 04 en comptant à partir de minuit, temps moyen au méridien d'Erzeroum.

[10] Il y a excès dans ce calcul de Samuel d'Ani; Baudouin du Bourg monta sur le trône le dimanche des Rameaux, 7 avril 1118, et mourut le 21 août 1131. Par conséquent il régna trente ans quatre mois et quinze jours. — Ce paragraphe ainsi que le précédent, donnés par Zohrab, ne se trouvent point dans notre manuscrit 96. Le prince Thoros Ier était intimement lié avec Roger, et fut constamment son compagnon d'armes. Ces relations des Arméniens avec les Francs d'Antioche devinrent dans la suite de plus en plus fréquentes, et intimes, et ne cessèrent point tout te temps des croisades.

[11] Cf. sur ce combat et remplacement où il eut lieu, Matthieu d'Edesse, ad annum 568, ch. lxxiii,  ci-dessus, p. 123, et ibid. note 1.

[12] Cf. Matthieu d'Edesse, ad annum 670.

[13] Cf. le même, ad annum 573.

[14] Au sujet de ce jeune prince, qui se nommait Constantin, cf. Vahram.

[15] J'ai donné, d'après les Tables de M. Largeteau, t. XXII des Mémoires de l'Académie des sciences), le calcul de cette éclipse dans mes Recherches sur la chronologie arménienne. Elle fut totale à 14h 13’, temps moyen, au méridien d'Erzeroum. L'année 1133 ayant en XXII du cycle solaire, et pour lettre dominicale A (Ê du calendrier arménien), le 2 août tomba effectivement un mercredi.

[16] Cf. sur ce jeu de mots Guiragos de Kantzag, p. 419 note 1.

[17] Cf. sur la fuite de Thoros, fils de Léon Ier, et son retour en Cilicie, Grégoire le Prêtre, chap. cxiii, et ci-après Vahram, Chronique rimée des rois de la Petite Arménie, et la Chronique du connétable Sempad.

[18] C'est le persan « écuyer, garde du corps, huissier introducteur, ou officier chargé de faire exécuter la sentence d'un souverain ». Cf. sur ce mot Et. Quatremère, traduction de l’Histoire des sultans mamlouks de l'Egypte, par Makrizi, et Silvestre de Sacy, Chrestomathie arabe.

[19] Samuel d'Ani se trompe en disant que Saladin tua le dernier des khalifes fatimides d'Egypte, Adhed lidin Allah. (Voir, à ce sujet, p. 362, note 2, et p. 364, note 1 de l'Extrait de la Chronique de Michel le Syrien.)

[20] Cf. Grégoire le Prêtre, ad annum 610.

[21] Cf. le même, ad annum 611.

[22] Ce paragraphe manque dans notre manuscrit 96.

[23] Grégoire le Prêtre et Sempad diffèrent de deux ans sur la date de la mort de Sdéph'ané, placée par le premier en 611 de l'ère arménienne (9 février 1162 —  8 février 1163), et par le second, en 613 (9 février 1164 — 9 février 1165).

[24] La ville d'Ezenga ou Erzenga remonte à une haute antiquité, puisqu'on la trouve mentionnée par Agathange, écrivain arménien du ive siècle, qui la cite comme un bourg et la nomme Érêz, au génitif Erizâ; il parle du temple de la déesse Anahid (la Vénus arménienne) qui s'élevait en cet endroit, Ezenga fut appelée par les Grecs Justinianopolis. Elle est aujourd'hui le chef-lieu d'un des douze sandjaks ou districts qui forment le pachalik d'Erzeroum; elle est située au sud-est et à une distance de trois journées de marche de cette dernière ville, au milieu d'une plaine, sur les bords du Kaïl (Lycus), et non loin du confluent de cette rivière avec l'Euphrate. Son enceinte est très vaste mais peu peuplée, puisqu'on n'y compte environ que 8.000 familles. (Indjidji, Arménie moderne).

[25] Guillaume de Tyr dit qu'il fut livré auprès d'Ascalon; Behà ed-din et Ibn Alathir, dans le voisinage de Ramla; tandis que Samuel d'Ani et Variait le placent auprès de Jérusalem. Cette apparente contradiction peut s'expliquer par la position rapprochée de ces trois villes. Dans Ibn Alathir, la date, qui est la fin de djoumada premier, et qui correspond à très peu près à celle que marque Guillaume de Tyr (7 des calendes de décembre = 24 novembre), est en avance d'une année sur celle de Vartan qui fixe l'année suivante, 627 de l'ère arménienne (5 février 1178 — 4 février 1179).

[26] J'ai dit précédemment que les historiens arabes ont omis l'échec éprouvé d'abord par les musulmans au Gué de Jacob; mais il faut en excepter Ibn Alathir, qui dit positivement, d'accord avec Guillaume de Tyr (xxi, xxviii et xxix), et comme Samuel d'Ani, que les chrétiens eurent d'abord l'avantage. Ils chargèrent si vigoureusement les infidèles, qu'ils faillirent les culbuter; mais ensuite les musulmans reprirent le dessus et mirent les chrétiens en fuite. Parmi les prisonniers qu'énumère le chroniqueur arabe, le fils de Balian, seigneur de Ramla et de Naplouse, le plus considérable après le roi, se racheta pour une somme de 150.000 dinars syriens et la liberté de mille prisonniers musulmans. La date de ce combat est juin 1178 dans Guillaume de Tyr, et le commencement de l'année 575 (juin 1179), dans Ibn Alathir. La forteresse que les Francs avaient construite auprès du Gué de Jacob fut prise de vive force, le 24 de rabi premier (29 août), par Saladin, qui la fit raser.

[27] On peut voir ci-dessus, p. 227, n. 4, des détails sur la célèbre relique connue sous le nom de la sainte image du Christ, peinte sur toile, et provenant d'Edesse.

[28] L'auteur confond Raymond III, comte de Tibériade, avec Renaud de Châtillon, seigneur de Karak. C’est ce dernier qui périt de la main de Saladin et de ses émirs, après la bataille de Hotteïn ou Tibériade (1187). —.Samuel d’Ani ou son continuateur, comme l'historien Guiragos (cf. ci dessus, p. 397, et ibid. note 1, se fait l'interprète de l'accusation calomnieuse dont le comte de Tripoli a été l’objet.

[29] Cf. Sempad, ad annum 643.

[30] Voir, sur le catholicos Jean VII dit le Magnanime ou le Superbe, ci-dessus, p. 423, 427, et ibid. note 1, et p. 430.

[31] L'empereur de Constantinople, Alexis l'Ange, et l'empereur d'Allemagne, Henri VI.

[32] Samuel d'Ani veut sans doute parler du commentaire sur l'Apocalypse, composé par André, archevêque de Césarée de Cappadoce, et que saint Nersès traduisit du grec.

[33] Cette relation contient le récit de la mort de saint Jean l'Evangéliste et les dernières instructions qu'il donna à ses disciples; elle se trouve imprimée à la fin de la Bible arménienne.

[34] Cf. Héthoum. Table chronologique, ad annum 668.

[35] Cf. Sempad, ad annum 671.

[36] Cf. le même, ad annum 675.

[37] D'après Ibn Alathir, le siège de Khélath date des premiers jours de chewal 626 (commencement d'août 1839), et cette ville fut prise le dimanche 28 de djoumada 1er de l'année suivante 627(14 avril 1230), ce qui donne pour la durée de ce siège un intervalle d'un peu plus de huit mois. (Cf. mon Mémoire intitulé Les Mongols d'après les historiens arméniens. Extrait de Guiragos, Journal asiatique)

[38] Nouïn, est la transcription du mongol nouian, mot dont la signification est « seigneur, prince ».

[39] La date exacte de la prise de Bagdad par Houlagou, fournie par Guiragos, est le 20 de navaçart (4 février), premier lundi du grand carême de Pâques, c'est-à-dire le lendemain du dimanche de la Quinquagésime, 1258.

[40] Cette date de la prise d'Alep par les Tartares concorde avec celle que donne Aboulféda, 9 de séfer 658 (26 janvier 1260).

[41] Cf. Sempad, ad annum 717.

[42] Cf. le même, ad annum 719.

[43] Cf. le même, ad annum 720.

[44] Cf. Sempad, ad annum 741.

[45] Cette expédition contre la Cilicie est ainsi racontée par Makrizi (Histoire des sultans mamlouks, trad. d'Et. Quatremère. t. II), à l'année 697 de l'hégire (1298). — les Egyptiens étaient partagés en deux corps, dont l'un était commandé par l'émir Bedr ed-din Bektasch, et le second par Mélik Moudhaffer Taki ed-din Mahmoud, prince de Hama. Le premier s'avança par le défilé de Bagras, vers la ville d'Iskenderouna, et alla mettre le siège devant Tell de Hamdoun, tandis que Mélik Moudhaffer marchait du côté du fleuve Djeyhân. On entra dans le défilé de Sis, le jeudi 4 de redjeb (17 avril 1299). Le prince de Hama vint camper sous les murs de cette ville, et l'émir Bektasch prit la route d'Adana. Ce fut là que se réunirent les différents détachements de l'armée musulmane, après avoir égorgé tous les habitants qu'ils rencontrèrent, enlevé les bœufs, les buffles, et pillé de tous côtés. Puis ils quittèrent Adana, retournèrent vers Meciça, au bout de trois jours, et pas uni par le défilé de Bagras, campèrent non loin d'Antioche. Cependant un ordre du sultan Latchïn parvint aux émirs, leur enjoignant de marcher de nouveau contre les Arméniens et de ne point revenir sans avoir pris Tell de Hamdoun. De Roudj [Rugia] l'armée traversa le défilé de Bagras, se dirigeant vers Sis, tandis que Kedjken et Kara Arslan se portaient contre Aïas. Ces deux officiers, surpris par les Arméniens dans une embuscade, furent forcés de battre précipitamment en retraite. Cependant l'émir Bektasch s'avança contre Tell de Hamdoun, qu'il trouva abandonnée par les Arméniens, et qu'il occupa, le 7 du mois de ramadan (18 juin). Il y plaça une garnison. Sur ces entrefaites, l'émir Belban-Tabàkhi, naïb d'Alep s'emparait de la ville de Marasch. La forteresse de Nedjimah, qui contenait une nombreuse population arménienne, composée de laboureurs, de femmes de la campagne et de leurs enfants, céda, après quarante et un jours d'un siège opiniâtre, aux efforts de l'émir Bektasch et du prince de Hama. Les Égyptiens en prirent possession dans le mois de dsou'lkada (août-septembre). Les habitants, qui avaient obtenu une capitulation, eurent la permission de se retirer ou ils voulurent. Onze places du territoire arménien tombèrent également au pouvoir des vainqueurs. L’émir Bektasch en confia la garde à Seïf ed-din Asendemur Kurdji, l'un des émirs de Damas, qui les occupa jusqu'à l'arrivée des Tartares. Alors celui-ci vendit tout ce qui s'y trouvait d'objets précieux, et évacua ces forteresses, qui furent reprises par les Arméniens.

[46] C'est le cinquième concile qui fut tenu à Sis. Dans l’état d'affaiblissement où se trouvait la Cilicie par suite des invasions incessantes des Egyptiens, le roi Léon IV et le patriarche Grégoire d'Anazarbe, sentaient le besoin de se ménager l'appui du Saint-Siège, promoteur de toutes les expéditions guerrières en Orient, et qui désiraient en obtenir des secours, avaient conçu le projet de la réunion de l'Eglise arménienne avec l'Eglise latine, réunion qui était l'objet des vieux et des instances réitérées des papes. Ce concile était déjà convoqué, lorsque le patriarche mourut. Dès qu'il fut rassemblé par Léon et le grand baron Héthoum, il donna pour successeur à Grégoire, Constantin de Césarée, et adopta les réformes que relate le continuateur de Samuel d'Ani et quelques autres, réformes que Rome réclamait et que Grégoire avait entrepris de faire prévaloir. Mais les décisions de cette assemblée rencontrèrent une violente opposition parmi le clergé et le peuple arméniens, et ce ne fut que dans la ville royale de Sis qu'elles purent être mises à exécution. Des murmures s'élevèrent contre le roi Léon, Héthoum et le catholicos Constantin. Quelques-uns poussèrent la haine jusqu'au point d'aller le calomnier auprès de Pilargh'ou on Poularghou, général mongol, chargé de protéger la Cilicie à la tête d'un corps de mille Tartares.

[47] C'est le même qui est qualifié de connétable; il avait été d'abord sénéchal.

[48] Timourtasch était gouverneur du pays de Roum, dont les Tartans s'étaient emparés sur les Seldjoukides d'Iconium. Il étendit ses conquêtes jusqu’aux bords de la Méditerranée, où les armes des Mongols ne s'étaient pas encore montrées, et combattit tour à tour les Grecs et les Turcs révoltés (d'Ohsson, Hist. des Mongols, t. IV). Timourtasch entreprit l’expédition dont il est ici question contre la Cilicie, à l'instigation du sultan El-Mélik El-Nacer, qui voulait se venger de ce que le roi de la Petite Arménie cherchait à armer l'Europe contre l'Egypte.

[49] Cf. Sempad, ad annum 770.

[50] Cf. Sempad. ad annum 771.

[51] Dans l'Histoire des Mongols de d'Ohsson (t. IV), le meurtrier d'Ali Padischah est nommé Scheik Haçan. C'était le premier mari de Bagdad Khatoun, qu'Abou Saïd avait épousée après avoir forcé Scheik Haçan à la répudier. Après la mort d'Arpa-Gaoun, il voulait placer sur le trône de la Perse Mohammed, descendant de Houlagou, tandis qu’Ali Padischah tenait pour Mouça. Ils convinrent de laisser les deux compétiteurs vider leur querelle par les armes. Mouça ayant eu l'avantage, Ali Padischah, glorieux de cette victoire, descendit vers une fontaine pour y faire ses ablutions, et alors Scheik Haçan le tua.