MICHEL LE TELLIER ET LOUVOIS

TROISIÈME PARTIE

 

CHAPITRE XIV. — LA FAMILLE LE TELLIER.

 

 

Jusqu'ici a été exclusivement définie l'action de Le Tellier comme ministre chargé de l'administration militaire, puis de la justice, et, entre temps, de multiples affaires touchant à la diplomatie, à la religion, à ce que l'on pourrait appeler la politique intérieure. Après l'homme public, il reste à pénétrer chez l'homme privé.

Pour ce faire, deux sortes de documents, complètement ou presque inaccessibles aux historiens jusqu'à ces dernières années, seront d'un secours inappréciable. Tout d'abord, les archives notariales, que l'on pouvait difficilement consulter, sont à la disposition des travailleurs, du moins pour la région parisienne et fournissent de très nombreux renseignements inédits, intéressant l'histoire économique et sociale. Le minutier central des Archives nationales nous révèle ainsi à quels notaires Le Tellier et les siens confièrent le soin de leurs intérêts privés. Si les études de maîtres Charles et Herbin sont encore peu fournies de pièces importantes[1], celle de maître Dauvergne fut utilisée de 1629 à 1637 environ, étude peu active, peu achalandée, où l'on peut cependant lire des actes relatifs aux relations financières de Le Tellier avec son beau-frère Jean Baptiste Colbert de Saint-Pouenges[2]. Aux approches de 1645 environ, le ministre fait son choix définitif et, jusqu'à sa mort, il s'adressera au notaire Philippe Gallois, dont l'étude compte de fort nombreux clients, membres de la haute noblesse, ministres, parlementaires, collectivités connues, etc., une des études les plus réputées de la capitale. Elle renferme dans ses cartons plus de 320 minutes concernant les affaires financières de Le Tellier[3].

Ces pièces, pour la plupart, se retrouvent, avec nombre d'autres, dans les archives Doudeauville, conservées au château de Bonnétable. Si œ dépôt n'a pas de valeur pour l'histoire générale, il est précieux et indispensable pour étudier la vie privée d'une grande famille dans la seconde moitié du XVIIe siècle en France. Diverses nominations de Le Tellier, achat et vente de charges, contrats, partages, inventaires, transactions de toutes sortes, prêts à de multiples débiteurs, revenus, acquisitions et exploitation de terres, etc., sur toutes ces matières les informations inédites abondent[4], permettant des vues nouvelles et inattendues sur l'histoire sociale et économique.

A l'aide de ces deux sources capitales, mises récemment à la disposition des historiens, il sera possible d'étudier la famille Le Tellier et sa fortune.

 

I. — La famille.

 

Il est malaisé de remonter bien haut pour dresser la généalogie du futur chancelier. Le nom, étant commun, était fort répandu : à la fin du XVe et au cours du XVIe siècles, il fut porté par beaucoup de personnages, dont il est impossible d'établir la parenté d'une façon sûre. On en trouve dont le prénom est Jean et Robert drapiers, Guillaume épicier, Mathieu meunier, Gilles bourgeois, habitant tous Paris. Là-dessus ont été dressées des généalogies suspectes, marquées par une inexactitude partielle ou complète[5]. Il convient seulement de retenir que les Le Tellier, qu'ils soient parents ou non, appartiennent à la bourgeoisie parisienne et s'adonnent au commerce. Mais, ainsi que pour beaucoup d'autres familles, à partir du milieu du XVI siècle, se manifeste chez eux la tendance bien connue de consacrer les bénéfices réalisés dans les transactions à l'achat d'offices, à préférer les fonctions au commerce et à l'industrie.

Si Pierre, l'aïeul présumé du futur ministre, est, en 1535, un marchand bourgeois[6], son fils Michel Ier est déjà un notaire au Châtelet en 1551. Parmi ses enfants ou ses gendres, il y a un épicier, un orfèvre, un apothicaire ; d'autres sont au Châtelet des conseillers, des commis au greffe et des procureurs, ou au parlement de Paris un huissier et, encore, un procureur. L'aîné de ces enfants, Michel II, s'élève bien au-dessus de ses frères et sœurs. Avec lui, l'évolution est terminée, les Le Tellier se tournent définitivement vers les offices. En 1573, Michel Il est appelé commissaire et examinateur au Châtelet, en 1575 correcteur en la chambre des comptes. Grâce à sa femme Perrette Locquet, temporairement maîtresse du duc de Mayenne, il obtint l'intendance des finances de la Ligue, ce qui lui permit de gagner de l'argent. De 1589 à 1591, il fut intendant en Champagne. Il lui fut ainsi facile d'acheter une charge de maitre ordinaire en la chambre des comptes, et des terres à Cheville. Il habitait dans la rue de la Grande Truanderie la maison de la fontaine de jouvence. Il y mourut le 24 février 1608, âgé de 63 ans, et fut inhumé dans l'église Saint-Eustache[7].

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Michel III, seigneur de Chaville et de Villacoublay, père du futur secrétaire d'état, fut conseiller à la cour des aides. Le 10 juillet 1599, âgé de trente ans environ, il épousa Claude Chauvelin, fille d'un célèbre avocat au parlement de Paris, intendant de Marie Stuart, puis maître des requêtes de Catherine de Médicis[8]. Les deux époux habitèrent la maison paternelle jusqu'au début de l'année 1610[9]. Après une transaction avec les autres héritiers de Michel II[10], ils allèrent sur la rive gauche de la Seine, dans la rue de Bièvre, où ils louèrent, moyennant un loyer annuel de 600 livres, une maison entière, appartenant à Guillaume Bouchardeau, secrétaire de la chambre du roi[11]. Michel III y mourut le 6 ou 21 mai 1617 et fut inhumé dans l'église Saint-Eustache[12]. Sa femme y décéda le 8 janvier 1627.

Les deux inventaires dressés après leurs morts, très longs et très détaillés, et les actes concernant le partage des successions, permettent de se rendre compte de la situation matérielle de la famille, au moment où Michel IV va en prendre temporairement la direction. La maison, spacieuse, comprend de nombreuses pièces : beaucoup de linge dans les armoires, quelques tableaux religieux : les livres ont trait principalement au droit et à la législation. En bas, sont une vache et deux chevaux, dans la cour un carrosse. L'argent liquide, à la mort de Claude Chauvelin, s'élève à 83.966 livres ; dans des coffrets sont non seule.- ment des lettres depuis la fin du XVIe siècle et des brevets, mais des titres, des actes notariés relatifs à des rentes dues par des particuliers de Paris et de Chaville, etc. Les bijoux, joyaux et ustensiles d'hôtel sont divisés en trois lots : le 17 juin 1627, trois billets sont mis dans un chapeau, un jeune garçon est appelé de la rue pour procéder au tirage, et, comme le lot attribué à l'aînée des filles, Claude, est supérieur aux deux autres de six livres, Michel IV et sa sœur Madeleine recevront d'elle soixante sols tournois chacun[13]. En somme, si la famille Le Tellier ne dispose pas encore d'une grande fortune, du moins fait-elle figure et vit-elle dans l'aisance.

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Au début de l'année 1628, Michel IV se trouve tuteur de ses sœurs, au nombre de six[14]. Deux d'entre elles seulement, Claude et Madeleine, vivront dans le monde. Les autres seront religieuses, soit aux couvents de la Ville l'Evêque et de Montmartre à Paris, soit à celui de Saint-Sernin en Normandie.

Né le 19 avril 1603 dans la maison de la fontaine de Jouvence, rue de la Grande Truanderie, Michel IV a été émancipé par son père, qui, le 3 février 1610, lui a donné, comme curateur, le procureur au Châtelet, Marquis[15]. Elevé au collège de Navarre, puis licencié en droit canonique et en droit civil, il est, depuis 1624, conseiller au grand conseil[16]. Tuteur de ses sœurs Claude et Madeleine, il tient ses comptes avec une régularité et une clarté parfaites. En son nom et au leur, il rachète des emprunts consentis à leur mère, prête foi et hommage pour des terres sises à Chaville, Viroflay et Meudon, signe des baux pour des maisons se trouvant à Juvisy ou à Paris, rue des Cordiers et Saint-Denis, maison du chardon et de la corneille sous les piliers des halles. Il écrit toute une série de dépenses, entre dans les plus minutieux détails, note les gages annuels de la servante de cuisine (36 livres) et du cocher (22 écus), les achats d'avoine et de foin, les réparations effectuées. Il dresse des états pour établir des balances à plusieurs reprises et procéder ainsi à des règlements. Bref, c'est un comptable appliqué, consciencieux et honnête. Et ces comptes se poursuivront jusqu'en 1636[17].

L'aînée de ses sœurs, Claude (1604-1644), qui épousa en mars 1628 J. B. Colbert de Saint-Pouenges, vit en bons termes avec lui et ne lui suscite aucune difficulté[18]. La seconde, Madeleine (1613-1649), fut beaucoup moins raisonnable. D'après son livre de dépenses, très curieux et très instructif, elle fut coquette, aimant les parfums et les fards et, grâce à elle, on peut se représenter quels pouvaient être, vers 1633, les soucis primordiaux d'une fille de la bourgeoisie parisienne. Elle semble avoir aimé l'indépendance et causé de graves préoccupations à son frère, qui, en 1636, dut entamer contre elle une procédure au sujet de la violation du contrat de mariage consenti par le premier à la seconde, à l'occasion de son union avec le sieur de Tilladet, capitaine des gardes : Madeleine n'avait tenu aucun compte de l'avis des parents et, par suite, de Michel IV[19].

Avec ses beaux-frères, celui-ci fut, au contraire, en relations correctes, sympathiques et même cordiales. A plusieurs reprises, il a été parlé du premier, Jean Baptiste Colbert de Saint-Pouenges. Avec son argent, il participe à l'achat de la charge de procureur du roi au Châtelet pour Le Tellier[20]. Correcteur à la chambre des comptes, conseiller d'état, il fut appelé, en 1643, aux bureaux de la guerre, et y resta jusqu'en 1657. Il fut ensuite intendant en Lorraine, où il eut à régler l'exécution du traité de 1661 avec le duc Charles IV, à Soissons et enfin en Picardie, d'où il fut chargé d'organiser la remise de Dunkerque à la France en 1662. Il mourut l'année suivante. Dé son mariage avec Claude Le Tellier, il eut six enfants, dont le secrétaire d'état de la guerre fit la fortune. L'aîné, Villacerf, eut la surintendance des bâtiments : le cinquième, Gilbert, marquis de Saint-Pouenges, devint le collaborateur de son cousin Louvois, si zélé et si actif que, d'après Saint-Simon, il assurait à peu près tout le travail : une des filles fut recommandée par son oncle aux cardinaux Corrado et Chigi pour obtenir la ratification de sa nomination d'abbesse à l'abbaye normande de Saint-Sens, bien qu'elle n'eût pas l'âge[21].

Le second beau-frère, époux de Madeleine Le Tellier, fut Gabriel de Cassagnet, sieur de Tilladet, un militaire. Capitaine des gardes lors de son mariage, il montera plus haut, il obtiendra des gouvernements lucratifs, par exemple celui de Brisach. Sa correspondance avec le secrétaire d'état est d'ordre exclusivement administratif. Ses deux fils furent tout dévoués à leur cousin Louvois, dont ils furent des informateurs fort écoutés[22].

On est plus amplement renseigné sur le troisième, François Dugué, qui épousa Marie Angélique Turpin, sœur de la femme de Le Tellier. D'une famille originaire de Moulins[23], il fut conseiller au parlement de Paris (1636), maître des requêtes (1643)[24], puis passa en 1668 au conseil d'état dont il devint le sous-doyen. Il fut successivement intendant à Caen (1661), à Lyon et Grenoble (décembre 1665-février 1679), à Lyon seul (1679-82), d'où il demanda son rappel. Il mourut cinq semaines après Le Tellier, 7 ou 8 décembre 1685 : Il n'était pas fort vieux, dit Sourches, mais fort cassé et fort incommodé depuis longtemps[25]. Grand janséniste, ce bonhomme qui avait toujours vécu fort honnêtement[26], entretint avec son beau-frère Le Tellier et son neveu Louvois une correspondance dont la valeur administrative ne saurait être contestée aux points de vue militaire, financier et religieux[27]. Dans ses lettres, le ministre loue fréquemment l'application et les aptitudes de l'intendant et lui écrit même avec une réelle affection[28]. Il lui donne des conseils prudents et moraux. Les fermiers des gabelles ayant offert une pension à Dugué, il lui mande que l'on la peut recevoir sans blesser l'honnêteté ni le caractère que vous avez : néanmoins je ne puis vous conseiller d'accepter cette pension et il me semble que, mille écus ne faisant pas votre fortune et le refus que vous en ferez pouvant vous donner beaucoup de réputation, il est à propos de la refuser[29]. Il devient même enjoué, s'il s'agit de quelque événement familial. Son second fils, Charles Maurice, ayant soutenu une thèse, brillamment a-t-on dit à Dugué, qui a félicité, il repique : Si vous aviez été a Paris dans le temps qu'il a fait son acte et que vous eussiez bien voulu vous y trouver, peut-être n'auriez-vous pas la bonne opinion que vous avez du succès de ses études[30]. De son côté, Louvois montre une respectueuse déférence pour son oncle. Celui-ci lui ayant adressé un état de la recette et dépense des troupes, il le juge défectueux : Je suis fâché de vous dire qu'il n'est point encore comme il doit être. Mais, continuant : Et pour vous épargner de la peine, j'ai fait ajouter et diminuer ce qu'il y avait de plus ou de moins dans ledit état à changer[31]. Louvois n'est certes pas aussi aimable que son père, mais il refrène la brutalité quand il s'adresse a son oncle.

Si Le Tellier n'a pas eu à se plaindre de ses beaux-frères, par contre lui et sa mère ont eu à se défendre et à se prémunir contre la cupidité d'autres membres de la famille. A la mort de Michel III en 1617, ses frères, n'ayant en face d'eux qu'une veuve et un enfant de quatorze ans, saisirent l'occasion pour tenter de s'agrandir à leurs dépens. Charles (1572-1635) s'intitulait seigneur de Doizy et de Chaville[32] : François, homme d'armes de la compagnie des chevau-légers de M. le dauphin, qui fut menacé d'interdiction pour aimer trop le jeu, s'était installé à Chaville[33] : Robert était un fils naturel de Michel II, légitimé en septembre 1607. Ces oncles, en 1621, émirent des prétentions injustifiées sur la terre de Chaville, comme l'indique avec précision Le Pelletier. Fléchier, à son tour, parle des tribulations domestiques, le jeune Le Tellier étant contraint de défendre les droits de sa succession[34]. De là un procès, soutenu non par la veuve et l'enfant, mais plus vraisemblablement par le tuteur de Michel, Louis Le Pelletier. Le souvenir de ces heures difficiles ne fut-il pas le motif, qui poussa le secrétaire d'état de la guerre à acheter toutes les terres autour de celle qu'il possédait à Chaville, de façon à être l'unique propriétaire et à se débarrasser de tous les ennuis ?

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Après le mariage de sa sœur Claude et de Saint-Pouenges, qui restent dans la rue de Bièvre, Le Tellier alla habiter dans le Marais, rue du Chaulme, paroisse Saint-Nicolas des Champs, puis en 1629, revint sur la rive gauche de la Seine, rue Hautefeuille, paroisse Saint-André des Arts[35]. Alors il se maria à l'église Saint-Séverin : Le 12 février 1629, ont reçu la bénédiction nuptiale, après la publication de deux bans et dispense du troisième, Michel Le Tellier, conseiller au grand conseil, de Saint-André des Arts, et demoiselle Elisabeth Turpin, de cette paroisse[36]. La mariée, encore mineure[37], était la fille de Jean Turpin, seigneur de Vauvredon et de Lifermeau, conseiller à la cour des aides en 1599, puis conseiller d'état et enfin intendant en Languedoc, et de sa première femme Marie Chapelier[38].

D'après le contrat de mariage, signé le dimanche 11 février, Turpin donna à sa fille 103.400 livres. Cette somme se divisait de la façon suivante : 40.000 livres tournois en argent comptant, — 43.000 en rentes sur plusieurs particuliers, donnant 2.713 livres 10 sols d'intérêt, — 13.406 livres en rentes sur l'hôtel de ville de Paris, fournissant 1.117 livres 3 sols 3 deniers de revenu, — 7.000 livres en argent ou rentes sur particuliers..., sans garanties, tout cela moyennant délaissement, par la jeune épouse, à des parties de maisons ou de terres. Le père lui abandonne aussi des créances fort douteuses, qui n'avaient pu être recouvrées depuis la mort de la mère. Le régime entre les deux conjoints sera celui de la communauté suivant la coutume de la prévôté et vicomté de Paris. Le douaire de la jeune épouse sera de 2.400 livres annuellement, réduit à 2.000 s'il y a des enfants. En cas de décès, le survivant prendra, par préciput, des biens de la communauté jusques à la concurrence de la somme de 6.000 livres. Tout ce contrat, en somme, n'est qu'une énumération de ce que reçoit, recouvrable ou non, Elisabeth Turpin. En ce qui touche Michel Le Tellier, il est dit seulement que les deniers provenant de son office de conseiller au grand conseil et tous les autres biens immeubles lui appartenant, et tout ce qui lui écherra pendant le futur mariage, lui demeureront propres à lui et aux siens, de son côté et ligne[39]. A vrai dire, il ne faisait pas un beau mariage. La situation financière d'Élisabeth Turpin n'était pas fort brillante, les créances à elle remises n'étant pas d'un recouvrement aisé, certaines même devant être considérées comme perdues. Mais son père était le beau-frère du chancelier de France, Etienne d'Aligre, et le jeune conseiller pouvait espérer, ainsi, en la protection du chef de l'administration judiciaire, dans laquelle il était lui-même entré en 1624.

Pendant trois ans, le jeune ménage ne put trouver un logement stable. Il s'établit, d'abord, dans la rue des Lavandières, paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, dans la maisons des trois brigands au coin de celle des mauvaises paroles, attribuée à Le Tellier lors du partage de la succession de sa mère[40]. En 1631-2, il a déménagé pour s'installer dans la rue du Chantier ou grand Chantier, paroisse Saint-Nicolas des Champs[41]. Il revient ensuite sur la rive gauche de la Seine, et, en échange d'une rente, acquiert une maison, sise rue Pierre Sarrasin et s'étendant jusqu'à la rue des Cordeliers. Cet immeuble, touchant vers l'est au collège Dainville et vers l'ouest à l'hôtel de Bullion, est connu, depuis le XIVe siècle, sous le nom de maison à l'Image de Notre Dame, paroisse Saint-Benoît. Il comprend deux cours et deux corps de logis dont le plus grand, sur la rue Pierre Sarrasin, a porte cochère[42]. C'est là que naît Louvois.

Revenu d'Italie pour prendre en 1643 la direction du secrétariat d'état de la guerre, Le Tellier dut trouver son domicile trop étroit pour y loger, non seulement sa famille, mais les bureaux, et aussi trop éloigné du Louvre. Il repasse donc la Seine, et, le premier juillet 1644, il loue à François de Montholon une maison, rue Plâtrière, paroisse Saint-Eustache, moyennant un loyer annuel de 3.150 livres, puis de 3.300. C'est le premier hôtel Le Tellier, ainsi marqué sur le plan de Gomboust et situé en face la rue Verdelot et l'hôtel d'Epernon ; là naît la fille du ministre, Madeleine-Fare. Mais la possession de cet immeuble est loin d'être tranquille, puisque, de 1645 à 1651, l'ancien procureur du Châtelet poursuit une procédure contre le propriétaire et ses créanciers pour des questions d'argent, d'eau, d'aménagements, etc.[43] Aussi Le Tellier change-t-il de logis et revient-il dans le Marais, rue Paradis, paroisse de Saint-Jean en Grève[44].

L'installation fut encore provisoire. Mais, le 13 septembre 1653, le ministre et sa femme en eurent terminé avec les tribulations et les déménagements. Ce jour-là dans la rue des Francs-Bourgeois, continuation vers l'est de la rue Paradis, fut achetée, en leur nom une grande maison..., consistant en plusieurs corps de logis, cour et basse-cour, jardin et autres lieux, appartenances et dépendances d'icelle, grilles de fer, châssis et tableaux et autres choses, qui servent à la commodité et sûreté de ladite maison et dépendances d'icelle, sans aucune chose excepter ni réserver... A laquelle grande maison il y a deux portes cochères et trois petites portes sur ladite rue pour y entrer et sortir, moyennant le prix de 120.000 livres. C'est le second et dernier hôtel Le Tellier, où, pendant fort longtemps, le secrétaire d'état allait recevoir, deux fois la semaine, les solliciteurs qui attendaient dans le jardin[45].

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Dans ces habitations successives, les deux époux vécurent dans une union parfaite. Les éloges ne tarissent pas sur Elisabeth Turpin. Optima et amantissima uxor, cum qua semper vixit admirabili conjugii fide atque sanctitate, proclame Hersan. Fléchier mentionne l'union avec cette épouse fidèle. Bossuet reconnaît en elle une femme forte, pleine d'aumônes, et Maboul parle de l'illustre épouse qui fut la compagne fidèle de ses jours[46]. A son tour, Le Pelletier, confident du ménage, dit que le mariage de Le Tellier fut suivi de toutes les bénédictions par la vertu et la conduite de Mme Le Tellier, et Saint-Simon affirme qu'elle conserva sa tête et sa santé jusqu'à la fin et grande autorité dans sa famille[47].

Charitable, puisqu'elle dépensait annuellement 150.000 livres en donations, fondations et aumônes, elle le fut vraiment. En 1662, don de 2.200 livres, en deux fois, à la fabrique de Saint-Gervais : le 13 décembre 1687, 18.000 livres à cette église pour deux messes quotidiennes pour le repos des âmes du chancelier et d'elle-même ; en 1688, 100 livres de rente par an aux écoles de filles de la même paroisse[48] : aussi Le Tellier est-il premier Marguillier de 1660 à 1663. Cette générosité s'étend, en outre, à Chaville, qui bénéficie, le 14 septembre 1670, d'une donation considérable. Par elle, le curé touchera 200 livres par an et dira une messe par semaine pour les fondateurs. Ceux-ci instaurent un vicaire pour ladite paroisse à perpétuité, qui sera prêtre nommé par les seigneurs dudit Chaville, et destituable par eux : aidant le curé, il instruira les enfants mâles, leur apprendra le catéchisme le dimanche et recevra 430 livres par an. De plus deux filles, de celles instruites de la maison de Saint-Lazare de Paris, en échange de 150 livres chacune annuellement, assisteront les malades de Chaville et de Viroflay, instruiront les filles, leur apprendront à lire et à travailler à coudre[49]. Par cette brève analyse s'éclaire le procédé des deux époux, associant la charité à l'esprit pratique, uni à la religion. Elisabeth Turpin n'hésite pas davantage 'à intervenir auprès de son fils en faveur de personnes vouées à la piété, et, comme ses lettres sont très rares, il ne sera peut-être pas inutile de se rendre compte de la manière dont elle use auprès de Louvois : Ce 7 novembre 1666 Mon fils voilà le placet de ces bonnes mères ursulines que vostre père ma dit avoir perdu. Je vous prie de vous souvenir que vous m'avez promis d'exemter la personne qui est dénommée dedans et de croire que je seray toujours vostre bonne mère[50].

Elle a une bonne santé, sur laquelle Louvois renseigne à plusieurs reprises : malaises peu importants en 1670, 1673 et 1674, mais crise en septembre-octobre 1676, au cours de laquelle elle reçut le viatique à Paris et faillit mourir, si l'on en croit Mme de Sévigné, fièvre persistante résolue, d'après Louvois, grâce au quinquina ou remède anglais en avril-mai 1684[51]. Elle est en même temps, suivant l'expression de Bossuet, une femme forte. Pour soulager son mari, elle s'occupe des affaires privées : elle conclut des baux, fait des échanges, consent des donations[52]. Bien plus, elle se substitue à lui grâce aux procurations qu'il lui délivre. C'est comme procuratrice qu'elle paie comptant en louis d'or et d'argent, bons et ayant cours, des deniers dudit sieur Le Tellier, l'achat de l'hôtel de la rue des Francs Bourgeois, le 19 novembre 1653. Et, pendant plusieurs années, elle use d'autres procurations pour effectuer diverses transactions chez le notaire Philippe Gallois[53].

De cette femme, distributrice et récupératrice d'argent, que l'on se représente volontiers parlant haut et ferme, il serait intéressant de connaître le visage. Dans la sacristie de l'église Saint-Gervais, est un tableau votif : il représente une femme priant à genoux et les mains jointes. Devant elle et à ses pieds, sont un grand manteau rouge, une main de justice, et une toque, véritable corne d'abondance, d'où s'échappent de nombreux louis. Ces attributs du chancelier et ce symbole de la générosité interdisent de voir là un portrait de Mme Acarie, comme le veut une certaine tradition. La comparaison entre ce visage et celui de Louvois dévoile une ressemblance frappante. On est ainsi fort enclin à penser que la femme en prières est la chancelière Le Tellier[54]. Elle mourut le 28 novembre 1698, à 9 heures du matin, laissant à sa famille trois millions de bien, n'ayant pas encore atteint 80 ans, puisqu'elle était mineure en 1629, lors de son mariage. Elle fut inhumée le lendemain dans la chapelle funéraire de l'église Saint-Gervais, où son mari reposait depuis treize ans[55].

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A partir de 1636, elle lui avait donné 5 fils et une fille[56] mais quatre de ces enfants disparurent jeunes.

L'aîné, Michel, né en 1636 et baptisé le 28 mai 1637, mourut en septembre 1645[57]. Le second, Gabriel Jean, fut baptisé le 12 septembre 1639 dans l'église Saint-Benoît : on perd ensuite sa trace[58]. François décéda le 29 mars 1657, ayant déjà commencé ses études avec ses deux autres frères au collège de Clermont[59].

Enfin, Madeleine-Fare, née en 1646, fut mariée à l'âge de 14 ans, le 21 novembre 1660, à Louis Marie d'Aumont de Rochebaron, marquis de Villequier, fils du maréchal d'Aumont[60]. Celui-ci donne à sort fils des terres évaluées à 300.000 livres et la survivance des charges de capitaine des gardes du corps et de gouverneur du Boulonnais. A leur fille, Le Tellier et sa femme destinent la somme de 500.000 livres qui sera employée en ce qui se trouve de terres à héritage, et, en attendant le dit emploi, ils gardent l'argent à la charge d'en payer l'intérêt à raison du denier vingt. Le contrat fut signé par Louis XI V, sa mère, sa femme, Philippe d'Orléans, Mazarin, etc., glorification de la haute bourgeoisie qui pénètre dans la haute noblesse. Après avoir donné à son mari quatre enfants, la jeune Madame de Villequier fut atteinte de la petite vérole et succomba à un transport au cerveau, le 22 juin 1668, pour la plus grande douleur de ses parents. Elle était âgée de 22 ans seulement et fut inhumée dans la chapelle familiale à l'église Saint-Gervais[61].

En 1668, Le Tellier et Elisabeth Turpin n'avaient plus que deux fils, Louvois et Charles Maurice.

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Ce n'est pas ici le lieu de tracer une biographie, même résumée, de François Michel, plus tard marquis de Louvois, baptisé le 18e jour de janvier 1641 dans l'église Saint-Benoît[62]. Des formules lapidaires, comme le plus brutal de tous les commis, le récit de Mme de Sévigné sur une conversation du ministre avec un officier M. de Nogaret, l'appréciation plus que sévère de la Princesse palatine, pour qui Louvois était un diable rude et impertinent, qui s'était fait exécrer de tout le monde par sa brutalité et ses réponses grossières[63], tous ces faits, auxquels viennent se joindre les impressions retirées souvent de la correspondance[64], ont eu pour effet de rendre peu sympathique le secrétaire d'état de la guerre. De même son œuvre politique a été diversement jugée, fort exaltée par les uns, fort critiquée par les autres.

Bien que tout cela compte dans la vie de Louvois, je n'ai pas, en ce moment, à m'y arrêter. Je m'en tiens au Louvois intime, à ses rapports avec ses parents, à sa vie privée qu'il s'agit de reconstituer, s'il est possible. Or, la Princesse palatine, qui écrit, il est vrai, en 1717, affirme qu'il haïssait son père et ses frères, et c'étaient mes bons amis[65] : autant de mots, autant d'erreurs. Plus véridique est Sourches : Il tenait, dit-il, de sa mère, des manières un peu rudes qu'il conserva longtemps : mais les réflexions qu'il fit sur lui-même le rendirent beaucoup plus poli[66]. Corps pesant et chargé de matière, air naturellement rude et en apparence peu réfléchi..., manières hautaines, brusques et emportées, tel le dépeint Spanheim, qui ajoute : Il paraissait d'un tempérament, d'un génie et d'un procédé fort opposés à celui du chancelier son père[67]. Saint-Simon ne néglige pas davantage la description physique, mais il y adjoint une note spéciale et vraie : Il vivait avec le chancelier son père dans un grand respect et une grande confiance[68]. Les documents vont dire qu'il en fut de même avec la mère.

A celle-ci, le très humble et très obéissant fils et serviteur répond toujours avec déférence. Il s'efforce de satisfaire, autant qu'il le peut, ses sollicitations en faveur de religieuses. S'adresse-t-elle à lui à propos d'un oncle, qui n'honore pas la famille : Je verrai, dit-il, ce qui se pourra faire et vous en rendrai compte aussitôt, vous avouant que j'ai de la peine è. comprendre en quoi est ce que je pourrais contribuer à le retirer des méchantes habitudes qu'il a prises[69]. S'il s'agit de sa mère elle-même, il se montre sous son vrai jour, en cas de malaise ou de maladie. Une incommodité à un genouil lui fait ordonner au commissaire Lenfant, à Marseille, d'acheter de la meilleure et de la plus nouvelle huile de palme pour la guérir. Il demande fréquemment des nouvelles de sa santé. Lorsqu'elle est gravement malade en 1684, il consulte les médecins de Valenciennes où il se trouve alors, recommande au docteur Séron, attaché à sa maison, de placer ses-lettres dans d'autres paquets que celui de M. le chancelier, afin que vous ayez la liberté de me dire tout ce que vous pensez de sa maladie, et perd patience en songeant que les médecins ont si longtemps hésité à faire prendre à la malade le remède à la mode et souverain, dit-on, le quinquina[70].

Dans des circonstances analogues, l'attitude de Louvois envers son père est identique. A ceux qui lui demandent des nouvelles de sa santé, il se montre heureux qu'elle se confirme tous les jours, Dieu merci, et espère que Le Tellier ira à Chaville pour, de là avoir l'honneur d'assister dans les conseils du roi. Et vous jugerez, que, l'honorant et l'aimant autant que je fais, j'aurai une très grande joie de le voir agir à son ordinaire[71]. Lorsqu'en 1682, se déclare une crise très dangereuse, pendant une de ses inspections en Alsace, il invite Le Pelletier à ne point quitter le malade jusqu'à son retour, et, surtout, à prendre le remède anglais. Arrivé à Paris, il mène une lutte épique contre les médecins Duchesne, Séron, Belley ; il parle de les redresser et discute vivement avec eux. Il trouve qu'ils n'ont pas quelque connaissance de l'art qu'ils professent. Ils lui font une grande pitié, et encore plus ceux qui sont assez malheureux pour être obligés de se conduire par leurs avis. Il gourmande même son père parce qu'il se fie à des gens qui n'ont aucune connaissance du remède qui vous a guéri et qui ne l'ont point pratiqué[72], etc. Bref, les docteurs durent être heureux de la guérison du chancelier, qui leur évita, pour un temps, les coups de boutoir de l'impatient Louvois.

En temps normal, les relations du père et du fils sont affectueuses, comme j'ai eu l'occasion de le marquer bien souvent dans la première partie de cet ouvrage, et comme le prouvent encore les lettres adressées en. 1680, pendant son voyage à Barèges, par Louvois à son père[73]. Sans doute y a-t-il là seulement l'expression d'un sentiment naturel. Toutefois et en outre, Louvois est reconnaissant de tout ce que Le Tellier a fait pour lui ; de l'avoir formé, constamment guidé, de l'avoir élevé et, encore, sauvé lorsque des dangers le menaçaient. Il sait qu'il n'aurait été rien sans lui. Cette affection confiante provient aussi de ce qu'il ressemble beaucoup plus à son père qu'on ne l'a cru, au point de vue moral. Comme lui, il n'accepte pas les sommes dont veulent le gratifier annuellement des collectivités et, en refusant celle des états d'Artois, il n'oublie pas de rappeler feu M. le chancelier qui n'a jamais reçu d'argent des provinces[74]. Comme lui, il est modeste et proteste, auprès de l'intendant Poncet de La Rivière, contre le titre que vous avez mis au commencement de votre lettre, lequel ne me convient point[75]. Comme lui, enfin, il a le goût de la terre, des propriétés dont il surveille avec un grand soin l'exploitation, en se mêlant des moindres détails[76] ayant reçu le marquisat de Louvois lors de son mariage, il achètera à Ancy-le-Franc et à Tonnerre et recevra encore Barbezieux.

Mais il est un point sur lequel il ne ressemble en rien à Le Tellier. Tandis que tous les contemporains, ou à peu près, ont reconnu et vanté les mœurs réglées du père, le même éloge ne peut pas être adressé au fils. Marié, le 19 mars 1662 avec Anne de Souvré[77], à laquelle Mme de Sévigné n'attribue pas une vive intelligence, il conserva toute sa liberté. Galant et coquet, ayant pris à ses gages un poète qui lui faisait des lettres d'amour assez bien tournées[78], ayant recours comme pourvoyeur à Langlée, un des quatre maréchaux généraux des logis qu'il emmenait parfois avec lui dans ses tournées[79], il aimait les femmes et en entretenait chèrement[80]. On lui a prêté beaucoup de maîtresses, Mme de la Baume, mare de Tallard, Mme d'Emery, la marquise d'Humières qui aurait ainsi procuré le bâton de maréchal de France à son mari[81]. Trois liaisons, connues du public et un peu plus durables, soulevèrent de l'émotion, des commentaires, des papotages de toutes sortes.

En 1667, Sidonia de Lenoncourt, qui fut mariée au marquis de Courcelles, devint à seize ans la favorite du ministre. Ce furent des amours fort orageuses, puisqu'au bout de trois ans Louvois, irrité des désordres de la marquise, la fit enfermer dans le couvent des filles de Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine[82]. Un peu plus tard, vint en faveur Marie Calot, fille d'un porteur de lettres, épouse de l'un des premiers commis, Dufresnoy. Par l'intermédiaire du ministre, elle fut, en avril 1673, nommée dame du lit de la reine. Son influence fut telle que Mme de Louvois prit ombrage de cette femme, la plus belle de son temps[83]. Enfin une cousine de l'épouse du ministre, Mlle de Laval, devenue, par son mariage, marquise de Rochefort, fut regardée comme ayant été, de très bonne heure, la maîtresse du secrétaire d'état. Sa faveur, a-t-on dit, lui valut une nomination de dame du palais de la reine, et à son mari celle de gouverneur d'Utrecht et, ensuite, de maréchal de France. En réalité, ces deux derniers choix s'expliquent, plus simplement, par l'intimité de Rochefort avec Le Tellier et Louvois bien avant son mariage et par son courage et ses blessures à la bataille de Senef. D'ailleurs l'extrême douleur montrée par sa femme, quand il mourut auprès d'elle t Nancy en 1676, les détails caractéristiques donnés alors au ministre par l'intendant Charuel, le ton de la correspondance échangée en ce moment tragique entre la maréchale et Louvois, qui s'occupe de sauvegarder les intérêts matériels du fils, empêchent de croire à des relations intimes. Peut-être est-ce au cours de ces tractations et au retour de la veuve à Paris, que commença une liaison, qui devait durer jusqu'à la mort de Louvois en 1691[84]. Le secrétaire d'état avait habité avec ses parents, de 1662 à 1669. A cette dernière date, il acheta à Basile Fouquet une maison sise en cette ville de Paris, rue de Richelieu, cours, grand jardin..., aboutissant par derrière à la rue Sainte Anne, pour le prix de 160.000 livres, somme ainsi répartie : 20.000 comptant au vendeur, le reste à ses créanciers[85]. Cet hôtel, dépendant de la paroisse Saint-Roch, fut immédiatement livré à l'architecte de la famille, Charles Chamois, qui le remania de fond en comble. Il fut la demeure personnelle de Louvois à Paris. Mais, comme son père et pour les besoins du service, il cherche à avoir d'autres logements, et, on le voit, à plusieurs reprises, par exemple, préoccupé de sa nouvelle maison de Saint-Germain en Laye, sans parler de Meudon[86].

***

Autant fut bruyante et agitée la vie du ministre, autant le fut celle de Charles Maurice[87]. Né à Turin en 1642, pendant l'intendance de son père en Italie, il ne fut baptisé que le 21 mai 1654, dans l'église Saint-Gervais, alors qu'abbé, il jouissait déjà depuis trois ans, des revenus de l'abbaye de Lagny[88]. Avec son frère il fit ses études au collège de Clermont et commença, de bonne heure, à bénéficier de l'appui de son père. L'évêque du Mans ne s'avisait-il pas de vouloir le présenter comme député du second ordre pour la prochaine assemblée du clergé en 1661, alors que le jeune homme n'avait que 19 ans ? A ce projet, Le Tellier répliqua avec un grand bon sens : Comme je préfère ses études à tout et qu'alors il n'en sera point dehors et que rien ne lui peut être plus avantageux que d'acquérir autant qu'il pourra de la science dans sa profession, je n'y songe point du tout[89]. En 1663, 1664 et 1666, l'abbé soutint ses actes au collège de Clermont et à la Sorbonne. Si Le Tellier se montre quelque peu sévère en 1663, en revanche le versificateur, Charles Robinet, continuateur de Loret, se déclare satisfait en 1666[90].

L'autre jour, l'abbé Le Tellier,

Personnage tout singulier

Et sage fils d'un sage père,

D'état ministre et secrétaire,

Montra de rechef ses talents.

Il put compter sur la protection non seulement paternelle, mais royale, et Louis XIV lui-même en donne la raison dans une lettre au duc de Savoie, écrite pour servir d'introduction à l'abbé Le Tellier : Comme il est fils et frère de deux secrétaires d'état de mes commandements, des services desquels j'ai la dernière satisfaction...[91]

En 1668, il fait un pas décisif. Glace à l'influence de Louvois, l'évêque de Langres, La Rivière, le choisit comme coadjuteur[92]. Mais ce n'est pas assez pour un Le Tellier. Alors se produit l'affaire de la coadjutorerie de Reims, qui causa tant de bruit à la cour et mit définitivement aux prises Turenne et les Bouillon d'une part, les Le Tellier de l'autre. Antoine Barberini, archevêque de Reims, ancien protecteur des Français en Italie, connu depuis fort longtemps du ministre, fit-il l'offre à celui-ci Le Tellier accepta-t-il malgré lui, ainsi que le soutient Le Pelletier à la cour, ou bien négocia-t-il longtemps en secret avec le cardinal Antoine, comme l'affirmèrent les partisans des Bouillon ? Toujours est-il qu'à 26 ans Charles Maurice devint coadjuteur de Reims, grâce trop considérable à son âge[93].

Désormais, il dispose d'une situation solide et il prend de l'assurance. Très ardent, il ne craint pas, on l'a vu, de faire parade en 1669 en public de ses idées jansénistes et de défendre, avec son ami Bossuet, les libertés de l'église gallicane à l'assemblée du clergé en 1682[94]. Dans la vie privée, il n'est pas plus retenu que son frère, auquel il ressemble tant[95] et, dès 1690, la verve grossière du chansonnier s'exercera librement contre lui[96].

Louvois n'aura pas d'embarras

A faire valoir ses haras

S'il prend pour étalon son frère

Lère la lére lan lère

Lère la lère lan la.

Charles Maurice, qui ne sera jamais cardinal, mourut le samedi 22 février 1710, âgé de 68 ans, et fut inhumé le surlendemain dans la chapelle familiale de l'église Saint-Gervais[97].

 

II. — La fortune.

 

Due sole case private, écrit en 1680 Domenico Contarini, godano le maggiori richezze e sono quelle del cancellier Tellier e l'altro del Colbert, ognuno di questo estraendo 54.000 scudi di annua rendita, innumerabili somme di contanti che confluasse in queste due case con incessante profluvio[98], et tous ses collègues, avant ou après lui, ont été frappés de ces immenses richesses : ainsi, Morosini évalue à 400.000 ducats le revenu annuel de la famille Le Tellier, et Michiel à 800.000 écus. Ces diplomates vénitiens si avisés sont entièrement d'accord avec les contemporains de France, qui proclament, sans note discordante, la fortune énorme de la famille Le Tellier, acquise, d'après Le Pelletier, par une honnête économie, obtenue aussi par les grâces et les appointements du roi[99].

Elle ne dépend pas seulement de l'argent comptant, bien qu'à la mort du chancelier, les notaires trouvent chez lui près de 100.000 livres en or ou argent. Elle dépend davantage des très nombreux contrats de rente dont il est difficile de déterminer la valeur réelle. Elle dépend encore des maisons, signalées dans plusieurs actes : la fontaine de Jouvence rue de la Grande Truanderie[100], — maisons du chardon et de la corneille sous les piliers des Halles[101], — maison des trois brigands rue des Lavandières[102], — maison de la rue Pierre Sarrazin, dont il a été ci-dessus parlé, — maison de Juvisy, vendue, en 1632, 4.100 livres à Michel Le Masle secrétaire de Richelieu[103], — moitié d'une maison, rue des Cordiers, vendue 6.000 livres en 1642 au cardinal lui-même pour les travaux de la Sorbonne[104], — maison située sur le pont Marie, en amont, la sixième à gauche en allant vers Ille Notre Dame, achetée en 1645 pour 1.600 livres de rente et 5.288 livres 10 sols de capital[105], — et hôtel Le Tellier dans la rue des Francs Bourgeois.

***

La fortune a encore des bases beaucoup plus importantes et plus variées. Et tout d'abord les terres.

Il n'est pas douteux que, tout en se constituant beaucoup de rentes au denier seize ou au denier vingt, Le Tellier a eu le désir de nombreux domaines, dont les fermages accroîtraient ses revenus. II s'en est préoccupé de très bonne heure[106] et il a communiqué ce goût à Louvois. Le père et le fils sont devenus de grands propriétaires fonciers, de telle sorte même qu'il leur a fallu un intendant spécial, chargé de l'achat, de l'expertise, de l'administration domaniale. Le soin en fut attribué à Jean Darbon, secrétaire et homme de confiance de Le Tellier, qui lui procure une confirmation de noblesse en décembre 1664, en le qualifiant au nom du roi l'un de nos conseillers et maître d'hôtel ordinaire[107]. Jusqu'en 1678, date de sa mort, il habite la petite maison de l'hôtel de Le Tellier et, de là part en voyage, par exemple pour se rendre compte de la valeur de l'abbaye bretonne de Daoulas en avril-mai 1651[108]. Lui et son successeur Mouret entretiennent avec les fermiers une correspondance excessivement abondante et accomplissent avec compétence et ponctualité le rôle qui leur a été dévolu, de maître d'affaires[109].

Parmi les biens fonciers, Chaville tient une place à part. Ce n'est pas une propriété de rapport véritable, mais d'agrément, une résidence, permettant à Le Tellier de se rendre aisément aux conseils tenus dans le château de Versailles. L'origine en est l'achat effectué le 18 décembre 1596 par Michel II, moyennant 1.600 écus[110]. Les difficultés familiales, soulevées en 1621 contre Claude Chauvelin et son fils, ne furent pas oubliées par ce dernier[111]. Pour y mettre fin, Le Tellier se fit le rassembleur de la terre, achetant à ses cousins, Charles, maître des comptes, et René, conseiller à la cour des aides[112], leurs parts respectives en bloc ou par parcelles, augmentant en même temps son domaine par l'absorption d'enclaves particulières[113]. Au début du règne personnel de Louis XIV, ce travail de récupération est achevé. Alors commencent les constructions du château, des réservoirs, les aménagements du parc, etc., confiés à Charles Chamois, conseiller du roi, ingénieur ordinaire de Sa Majesté et architecte de ses bâtiments[114]. C'est lui qui trace le parc, bientôt clos de murs, bâtit le château, de dimensions restreintes, mais bien aménagé, avec une grande salle où se tenait le conseil[115]. Toutes sortes de marchés sont conclus, aussi bien pour Chaville que pour l'hôtel Le Tellier à Paris[116]. Louvois, alors dans la Hollande où se développe la guerre, ne dédaigne pas d'oublier ses graves soucis pour s'intéresser aux travaux de Chaville et apprend avec plaisir qu'un réservoir s'était empli entièrement. En 1679, tout fut terminé, et le poète Santeul célébra pompeusement la Nymphe de Chaville[117]. Sur cette ferre, qui lui appartient avec la justice haute, moyenne et basse[118], Le Tellier s'installe à partir de 1672, vivant dans les pures délices de la campagne, goûtant un véritable repos, en réalité se rendant auprès du roi toutes les fois qu'il était nécessaire[119]. Dans ces Délices, il était de bonne humeur, dit Choisy, et, suivant la coutume des vieilles gens, il aimait à conter[120]. C'est de là qu'il se fit transporter à Paris lors de sa dernière maladie. En décembre 1695, la chancelière vendit à Louis XIV, pour la somme de 390.000 livres, le domaine qui né ressemblait plus en rien a ce qu'il était à l'origine[121].

La baronnie, châtellenie et vicomté de Louvois, en Champagne, dans la montagne de Reims, entre cette ville et Epernay, avait été érigée en marquisat en 1625 et les terres, en 1649, avaient été distraites de la prévôté d'Epernay et transférées comme mouvantes de la grosse tour du Louvre de Paris : le roi accordait cette faveur pour la décoration desdites terres qui sont de grande étendue[122]. Le 4 février 1656, Le Tellier acquit ce domaine d'Eustache III de Conflans, seigneur d'Armentières, demeurant à Paris, rue de Bourbon, paroisse Saint-Sulpice, faubourg Saint-Germain des Prés[123]. Il le paya 480.000 livres, dont 474.000 de prix principal et 6.000 pour le pot de vin. Sur le prix principal, il devait verser 200.000 livres au vendeur, et, avec le reste, payer ses créanciers. Le domaine comprend non seulement Louvois, mais plusieurs agglomérations, comme Tauxières, Germaine, Vertuelle, etc., et des parcelles isolées à l'est et au sud jusqu'à la Marne. A Louvois est un château meublé, enclos de fossés à pont levis avec quatre tours aux quatre coins, trois corps de logis, un pavillon sur le pont levis et une galerie joignant lesdites tours. En avant est une cour avec des bâtiments neufs, trois pavillons et un pont-levis à l'entrée : là sont écurie, vacherie et autres commodités. A côté de cette cour en existe une autre avec colombier, grange et écurie. Les terres très étendues sont, en grande partie, labourables et produisent principalement de l'avoine : il y a aussi les vignes et des prés. Les bois, nombreux, s'étendent sur 2.137 arpents 88 verges. Toutes ces terres sont exploitées par des fermiers, tenus de verser au seigneur des rentes en argent ou en nature, par exemple avoine, chapons, poules, etc. L'acheteur dispose de tous les droits féodaux de la haute, moyenne et basse justice, et il nomme tous les officiers, qui exercent sur ce domaine. Quelques mois plus tard, Le Tellier prête foi et hommage ès mains du chancelier Séguier et, lorsqu'en mariant son fils il lui donne ces belles terres, Louvois est tenu d'accomplir le même cérémonial[124]. Il n'existe pas beaucoup de documents sur ce marquisat. On voit Le Tellier remercier l'intendant d'avoir fait marcher les prévôts de Châlons et d'Epernay dans les bois contre les voleurs, dont quatorze, fuyant, ont passé la rivière de Marne[125]. On voit aussi Louvois obtenir, le 20 décembre 1670, un brevet l'autorisant à tenir dans son château de Louvois des pièces d'artillerie, des arquebuses à croc et autres armes avec les munitions nécessaires pour les exploiter dans le besoin[126]. De ce château, il ne reste rien aujourd'hui, sauf quelques communs.

Si Louvois fut pourvu avec un marquisat, il fallut songer au fils cadet, Charles Maurice. Le Tellier trouva ce qu'il fallait dans la région de la Brie. Le 2 août 1661, François de Clermont, marquis de Montglat, et sa femme lui vendirent la terre, comté et seigneurie de la Ferté-Gaucher, moyennant 300.000 livres, terres à peu prés semblables à celles de Louvois : en 1683, données à bail pour neuf ans à René Lemoyne, elles rapporteront 15.700 livres annuellement[127]. Tout prés de là est acquise, en 1667 définitivement, la seigneurie de Largnière, avec les Granges, le Mesnil, les Bruyères, pour lesquelles Le Tellier verse 58.000 livres, frais compris[128]. Plus tard, toujours dans la Brie, il complète le lot, le 27 octobre 1675, avec la terre et la seigneurie de Beaulieu et Pécy en Brie, proche Rozoy. Il verse 150.900 livres à Adrien Le Roi, seigneur de Tussières et, en 1683, il donnera ce domaine a bail avec celui de la Ferté-Gaucher[129]. Enfin, plus à l'est, en Champagne, dans le pays d'Othe, et dépendant du bailliage de Troyes, la seigneurie de Maraye est cédée par le marquis de Fervacques, le 6 février 1677, pour 375.000 livres et mise à bail, en 1683, pour 18.000 livres par an[130].

Restait Madeleine Fare, mariée au marquis de Villequier et dont la dot de 500.000 livres devait être employée en ce qui se trouve de terres à héritages. Cette fois, ce fut le Berry, ressort de Dun le roi. Le 20 juin 1663, au prix de 513.240 livres, le prince et la princesse de Conti cédèrent au duc et maréchal d'Aumont, père de l'époux, les seigneuries de Montfaucon[131], Clavé, Baugy, la forêt de Grailly, La Roche Guillebaud et autres lieux. Le Tellier s'oblige au paiement solidairement avec le duc d'Aumont, qui, dans la réalité, reçoit de lui l'argent et, du reste, le reconnaît[132]. De son côté le secrétaire d'état achète aux mêmes personnages, un peu plus au sud-ouest, la seigneurie et châtellenie de Culan et celle, proche, de Préveranges, moyennant 141.000 livres[133]. Enfin, dans les mêmes parages, mais vers le nord-est, il complète ses achats, le 1er juin 1669, en acquérant la seigneurie de La Tour de Vesvres, Neuvy les deux clochers, etc. : le vendeur, Louis Dumesnil Simon, obtient 6.000 livres de rente annuelle, représentant 120.000 livres en capital[134].

Le pauvre M. Le Tellier, annonce Mme de Sévigné à sa fille, le 12 août 1676, a acheté Barbezieux, une des belles de France au denier seize ; c'est en vérité une raillerie[135]. Le duc de Richelieu, neveu et légataire universel du cardinal, ayant refusé de payer à la Sorbonne une dette dépassant 110.000 livres, la faculté demanda au parlement de Paris de décréter la saisie et la vente de ses biens. Les quatre criées réglementaires ayant été effectuées en juin-juillet 1676, le duc se réfugie, comme l'on dirait aujourd'hui, dans le maquis de la procédure et retarde l'acte final en obtenant du conseil d'état plusieurs arrêts de surséance. Après que l'affaire eut ainsi traîné pendant un an, l'adjudication finale eut lieu le 23 juillet 1677 : la terre, seigneurie, baronnie et châtellenie de Barbezieux revient à maître Noël Percheron, procureur, qui déclare aussitôt avoir agi pour et au profit de messire Michel Le Tellier..., ayant élu domicile en sa maison, rue Serpente, paroisse Saint-Séverin. Le 28 août, l'acquéreur verse 260.000 livres, et, le 24 septembre, est mis en possession. C'est un beau domaine, avec un château, composé de plusieurs corps de logis et bâtiments, cour, jardin. Le propriétaire a les droits de haute, moyenne et basse justice, dans la ville, faubourgs et territoire, et encore sur tous les habitants de divers villages et paroisses comme étant des annexes et dépendances de ladite terre et châtellenie de Barbezieux. En outre, il touche des rentes en argent, vin, blé, froment, avoine, chapons, gélines et canes, des dîmes, des droits de fours banaux, de boucherie, de minages, de poids, de péage, de guet, etc., sans compter les amendes, des prélèvements sur les foires et marchés, et généralement tout ce qui dépend de ladite terre[136]. Le 2 juin 1685, le chancelier et sa femme cédaient ce domaine au prix de 270.000 livres à Louvois[137], qui eut aussitôt à s'occuper de ces terres, sur lesquelles vivaient de nombreux protestants. Plusieurs lettres montrent ses soucis à cet égard jusqu'à la fin de l'année 1685, c'est-à-dire quelques mois après la révocation de l'édit de Nantes[138]. La plus intéressante est celle qu'il adressa au curé : Vous m'avez fait plaisir de m'informer... de l'entière conversion des religionnaires de Barbezieux. Je ne doute point que vous ne donniez vos soins pour leur instruction. Le roi a bien voulu accorder à l'église paroissiale de Barbezieux la cloche, la maison qu'habitait le ministre et tout ce qui appartenait ci-devant au consistoire de Barbezieux[139].

Le Tellier a donc rassemblé beaucoup de terres, soit pour lui, soit pour ses enfants. Si on laisse de côté Chaville, dont la formation a été opérée par des achats multiples et petits rendant fort malaisée l'évaluation exacte de l'ensemble, le total des acquisitions terriennes s'élève presque à 2.400.000 livres, dont le revenu, soumis d'ailleurs à des fluctuations, ne devait certes pas être négligeable.

***

D'autres ressources proviennent des grâces du souverain, d'une part les émoluments résultant des fonctions, d'autre part les générosités royales en récompense des services rendus, et même les cadeaux des collectivités et des particuliers. Si l'on ne craignait d'être accusé d'irrespect à l'égard de la monarchie absolue, le pourboire, dirait-on, fut alors à l'ordre du jour, soit pour s'assurer la fidélité du sujet, soit pour s'acquérir la faveur du ministre puissant.

Dans le chapitre précédent, j'ai été amené à indiquer les sommes importantes et variées reçues par Le Tellier en tant que chancelier, ministre d'état et à des titres divers. Le total, grevé de faibles charges, s'élève à 129.000 livres au moins[140]. Louvois tient les comptes aussi soigneusement que son père, et, d'autre part, des états, dressés pour son paiement, précisent ce qui lui revenait annuellement. Ainsi, pour l'année 1671, il reçoit 1.200 livres comme secrétaire de la chambre du roi, 10.200 comme surintendant des postes, 8.000 pour les trois quarts de ses gages du conseil, 20.000 comme gratification au secrétaire d'état, 12.150 livres 10 sols à titre de remboursement, 25.000 pour le cahier des frais, 15.200 pour ses commis, et 3.000 par acquit patent : au total, 99.750 livres 10 sols[141]. A ces émoluments doivent en être ajoutés d'autres. Le 4 mars 1672, par exemple, Louvois reçoit un brevet de don des droits des ports de lettres et, le 12 octobre 1675, un arrêt du conseil d'état lui attribue 80.000 livres sur les postes[142]. En outre, il est chancelier de l'ordre du Saint-Esprit, administrateur général des Invalides, etc., ce qui fournit des rétributions particulières et entraîne des nominations d'officiers, qui, à leur tour, procurent de la finance. Aussi, à partir de 1679, les revenus, gages, appointements et pensions augmentent-ils. Aux Archives Doudeauville, le registre 271 et le carton 216, liasse 860, ont, à cet égard, une importance capitale par les détails nombreux et précis qu'ils fournissent. Bon an mal an, Louvois touche au minimum 139.950 livres 10 sols[143]. Cette situation matérielle excellente a fortement frappé l'esprit des contemporains, puisque, d'après Sebastiano Foscarini, Si pretende che tra i porti di lettere ed altri proventi vaglia sopra 300.000 scuddi annui[144].

Les revenus de Charles Maurice sont un peu différents, mais non médiocres. Ses parents lui assurent, après leur mort, la possession de la petite maison de la rue des Francs Bourgeois et 200.000 livres, puis seulement celle de la grande maison avec 100.000 livres[145]. Il aura aussi les terres de la Ferté Gaucher, et pays voisins[146]. Au mois d'octobre 1665, il obtient la charge de maître de la chapelle du roi, charge de soixante mille écus, dit d'Ormesson : à cet égard, il reçoit par an, 3.000 livres pour les livrées, 1.200 de gages et 1.500 de gages du conseil[147]. Quand il deviendra archevêque de Reims, il aura les fruits de ce diocèse, l'un des plus riches de France. Enfin, il a été pourvu de 1651 à 1668 de plusieurs abbayes et d'un prieuré, abbayes de Daoulas (1651), Lagny (1653), Breteuil (1658), Saint-Bénigne de Dijon (1661), Saint-Etienne de Caen (1667), et prieuré de Saint-Arnoul de Crépy (1668). L'administrateur de ces biens, l'intendant, est toujours Jean Darbon, qui applique aux revenus du fils les mêmes méthodes qu'à ceux du père et tient une comptabilité rigoureuse[148]. D'après son Registre général, Daoulas produit 10.187 livres[149], Lagny 9.482, Breteuil 13.000[150], Saint-Bénigne 15.000, Saint-Etienne 40.000[151], et le prieuré 7.200 en moyenne[152]. On atteint ainsi un revenu approximatif de 90.000 livres.

Les bénéficiaires peuvent considérer ces ressources comme régulières et assurées. Les .générosités royales sont plus aléatoires, mais peuvent atteindre quelquefois de fortes sommes. Elles se manifestent sous différents aspects et sont parfois difficiles à découvrir. Ainsi, en 1646, à Munster, Servien démissionne de la charge de secrétaire d'état au profit de Le Tellier : la régente Anne d'Autriche délivre une quittance de 60.000 livres au successeur, qui n'a aucun débours à effectuer[153]. Ainsi, en 1659, la gratification de 300.000 livres pour la même charge est majorée par Mazarin et portée à 500.000 livres, que devra payer celui qui remplacera Tellier et Louvois[154]. Peu après, le roi donne à Michel IV 129.500 livres, somme que je lui ai accordée pour remboursement de pareille somme qui lui est due en principal et intérêts par le sieur Jeannin de Castille, ci-devant trésorier de l'épargne : l'arriéré est tel que la somme dépasse 150.000 livres, et Le Tellier ne perd donc rien lors de la faillite du trésorier[155]. D'ailleurs et surtout au temps de Mazarin, il ne se fait pas faute de demander, d'ailleurs avec une extrême habileté[156]. Il ne réussit pas toujours, il lui arrive même des désagréments. En 1649, pendant la Fronde, ayant sollicité pour son second fils l'abbaye de Saint-Laurent à Eu, il reçoit la visite du chevalier de Guise : ce concurrent, après plusieurs contestations, lui dit que, si quelqu'un des siens était assez hardi pour aller prendre possession de cette abbaye, il le ferait jeter par les fenêtres dans la rivière. Devant cette mise en demeure d'un de ces Lorrains réputés pour leur mauvais caractère, Le Tellier dut renoncer ; mais, deux ans plus tard, il aura l'abbaye de Daoulas.

Bien moins dangereuse et risquée était la remise d'une somme de la main à la main, discrètement et en secret, sans laisser de traces. Pour l'historien, il est à peu près impossible de se rendre un compte exact de la valeur et de l'importance de ces donations dissimulées. Je n'ai trouvé aucun exemple concernant Louvois, un seul relatif à Le Tellier. Le 18 mai 1657, annonce Mazarin à Fouquet, le roi accorde à celui-ci 200.000 livres et à Le Tellier 100.000 : il est recommandé au procureur général que personne n'ait connaissance de cela. Le surlendemain, le cardinal écrit à Colbert, alors son intendant, de s'entendre avec Fouquet sur le prétexte que l'on pourra invoquer auprès du sévère Servien, qui contrôle les dépenses, afin qu'il paraisse que cela regarde les affaires générales plus que les particulières des personnes que le roi a résolu de gratifier[157].

Enfin, quelque grand et fortuné que l'on soit, il n'est pas de petits profits que l'on puisse négliger. Si Le Tellier conseille à son beau-frère Dugué de refuser la pension annuelle de mille écus, offerte à Lyon par les fermiers des gabelles, si Louvois, en termes sévères, n'accepte pas le présent que les états d'Artois ont l'intention de lui voter[158], en revanche comment renvoyer les petits cadeaux de donateurs ou aimables ou intéressés ? Et ce sont des confitures et des gélinottes[159]. Le vin abonde, aux abords du jour de l'an, vin ordinaire, vin muscat, vin d'Espagne, envoyé par des particuliers, par l'électeur de Mayence, par la ville de Saint-Malo. Le Tellier le déguste et à l'un d'eux répond : Je lui ai reconnu comme une marque de l'amitié que vous avez pour moi : Louvois, fidèle écho, se sert de la même formule[160]. Toutes sortes de victuailles défilent chez l'un et chez l'autre, saumon, jambons de Bayonne, andouilles[161], pâté de sanglier, truffes, abricots[162]. Un chartreux, le père Jacques, préfère, à deux reprises, adresser de la moutarde au secrétaire d'état, qui, en le remerciant, demande encore que vous ne m'oubliez pas dans vos prières : sincérité polie ou ironie discrète. Le moine est pourtant dépassé par un provençal, ancien commissaire général des vivres, qui, toutes les années, expédie à Le Tellier, de la quinte essence de fleurs d'orange, comme l'écrit l'intendant Carlier[163].

***

En 1622, dans la maison de la rue de Bièvre, il y avait une vache, un carrosse et deux chevaux, un cocher et une servante de cuisine. Un peu plus tard, pendant son intendance à l'armée d'Italie, Le Tellier avait pu, selon l'abbé de Choisy, prêter à Mazarin 10.000 écus malgré l'avis de sa femme, ce qui aurait été l'origine de sa fortune.

Quand on compare cette situation de début, dirai-je, à celle de la fin de 1685, quelle différence ne saute-t-elle pas aux yeux ? Le train de maison exige 60 personnes : des gentilshommes, des valets de chambre de Monseigneur, un lieutenant des gardes et des gardes, un maître d'hôtel, trois officiers de cuisine, trois officiers pour l'office, quatre demoiselles de Madame, deux servantes de cuisine, huit domestiques pour l'écurie, quatre porteurs de chaise, des valets de pied, un suisse, un aumônier, etc.[164] Dans l'hôtel de la rue des Francs-Bourgeois, les réceptions sont fréquentes, familiales ou non, et, pour en assurer le succès, le maitre de maison se voit obligé de demander au lieutenant-civil des faveurs pour celui qui est préposé à l'approvisionnement de sa famille[165]. Le fils du conseiller à la cour des aides est bien et somptueusement servi.

Du reste, les inventaires, dressés après les décès du chancelier et de la chancelière, prouvent les richesses accumulées chez eux. Contrats, titres, quittances, — vaisselle d'argent et de vermeil doré, bijoux, jetons d'or et pierreries, — tapisseries, tableaux, — livres et manuscrits, rien ne manque[166]. Aussi instructive est encore la lecture du testament de Le Tellier et de sa femme[167], rédigé en 1683 : là sont les donations en argent et le rappel des terres et des maisons : cette énumération de richesses forme le complément de la précédente.

La famille Le Tellier s'est donc élevée et en fonctions et en fortune. Elle est une des plus riches de France, et, ainsi, elle a pu se glisser dans la noblesse, qui a besoin de fumer ses terres avec l'argent de la bourgeoisie.

 

III. — Le fondateur et sa mort.

 

Celui qui porta si haut sa famille et la dota de cette immense fortune mourut le 30 octobre 1685 : Il a vécu 82 ans 6 mois et 11 jours, desquels il en a passé 35 dans la charge de secrétaire d'état et 8 dans celle de chancelier de France[168].

Ayant tracé son portrait dans un livre précédent[169], d'après l'opinion des contemporains, je demande au lecteur de s'y reporter. J'ajouterai cependant des renseignements recueillis depuis lors, et, surtout, laisserai parler Le Tellier lui-même et, aussi, son fils. C'est ainsi que l'abbé de Saint Pierre ayant jugé qu'il n'y eut pas de valet plus assidu, plus attentif à le (Mazarin) louer et à lui plaire par son travail et par sa modestie[170], le ministre a repoussé, à l'avance, le reproche d'avoir été un courtisan servile : Il y a plus longtemps, écrit-il à l'intendant Villemontée, que vous êtes dans le monde que moi : vous hantez la cour depuis quinze années entières : vous y avez remarqué qu'il y faut beaucoup d'assiduité et de patience, je veux dire même de mortification au-delà de celle que les moines nous vantent dans leurs cloîtres[171]. Sa fidélité au gouvernement royal, même et surtout dans les temps troublés, est reconnue de tous. Anne d'Autriche et Mazarin l'exaltent tellement devant le jeune Louis XIV que celui-ci fera toujours une distinction entre Monsieur Le Tellier et tous ses autres ministres[172]. Ainsi que cette qualité fondamentale, la sagesse et la prudence du secrétaire d'état ne sont contestées par personne. Homme fort sage et fort judicieux, dit le prétendu mémorialiste d'Artagnan. Dans ses discours à la cour des aides et au parlement, l'avocat Pageau veut rappeler les démarches de la sagesse et la fin où elle est parvenue : et, parmi les auteurs d'oraisons funèbres, qui émettent la même opinion, Maboul n'hésite pas à mettre en exergue la phrase de l'Ecriture, Beatus homo qui invenit sapientiam[173]. La prudence marche de pair, certains même allant jusqu'à la trouver, chez lui, excessive : M. Le Tellier père ne dit jamais aucune nouvelle, quelque publique qu'elle soit et quelque intérêt que l'état ait qu'elle soit publiée[174]. Il utilise cette qualité, quand il est sollicité d'intervenir en faveur de quelqu'un — car il est très serviable —[175], et d'Ormesson, qui a compromis irrémédiablement sa carrière par son attitude loyale dans le procès de Fouquet, nous décrit avec exactitude la façon dont agit le ministre, secrètement informé des sentiments réels du, souverain qui est résolu à ignorer un quémandeur l'ayant fortement mécontenté[176].

Unanimement les contemporains insistent sur la politesse et la modestie de Le Tellier. Gourmandés par Sublet de Noyers, rude et brutal, les officiers d'épée et tous les gens de guerre ont été heureusement surpris de rencontrer en son successeur une civilité agréable, une modération dans les termes et une égalité d'humeur presque constante[177]. Le nomme-t-on, en 1660, premier marguillier de l'église Saint-Gervais, il remercie le curé et lui témoigne qu'il se sent fort obligé à ceux qui m'ont jugé digne et qui, m'ont donné leur voix, mais plus particulièrement à vous qui' avez plus de bonne opinion de moi que je ne mérite[178]. A Priolo, qui lui dédie le troisième livre de son histoire : Je m'assure, écrit-il avec bonhommie, que, si les lecteurs y trouvent quelque défaut, ce ne pourra être que dans le choix que vous avez fait de la personne à laquelle vous l'avez dédié, et dans les louanges dont votre épître est remplie. Vous m'attribuez des qualités que je n'ai point et que je devrais avoir : mais, pour faire réussir votre principal dessein, j'essaierai de les acquérir[179]. En 1664, La Feuillade, qui sert en Italie dans le corps expéditionnaire préparé contre le pape, lui ayant donné le titre de premier ministre d'état, il se fâche et charge Louvois de réprimander le chef militaire pour qu'il défende à son secrétaire de mettre désormais cette suscription sur les lettres : car, dit le fils, M. Le Tellier n'a pas ce titre et il est la personne du monde qui s'attache le moins aux choses de cette nature[180]. Louvois dira lui-même qu'il ne veut pas s'écarter tout à fait de la modération dont M. Le Tellier m'a donné un si bon exemple[181].

Le ministre ne déteste pas le ton badin et légèrement ironique. Lorsqu'il charge l'intendant du Languedoc, Bezons, de découvrir trois pages pour la musique du roi, il lui dit : Comme je me persuade que votre talent le plus considérable n'est pas celui de la musique... il sera très à propos que vous commettiez des gens de la profession pour effectuer les recherches[182]. Certain va jusqu'à dire qu'il était mordant et qu'un bon mot ne lui échappait jamais[183]. Très rares sont les moments de violence : les documents en signalent deux seulement. En 1668, l'entretien de Le Tellier avec Maximilien Aubéry, délégué des protestants poitevins, a été, on l'a vu, dépourvu de toute cordialité[184]. L'année suivante, le maire d'Etampes est en discussion avec Louvois, qui le reçoit fort mal à la cour : on lui conseille de voir Le Tellier, dont les manières étaient beaucoup plus douces et moins tranchantes le ministre prend le placet que lui présente le magistrat municipal et le déchire sans le lire[185]. Ces deux exemples sont-ils suffisamment probants pour entraîner, à cet égard, une modification de l'opinion générale ?

On est, aussi, d'accord sur le parfait détachement de toute sorte de faste et de vaine grandeur de Le Tellier. Il l'affirme lui-même à l'un de ses parents, qu'il emploie dans l'administration militaire. Ajoutez à cela, s'il vous plaît, lui dit-il, quelque complaisance pour mon humeur, qui est toute éloignée du faste[186]. Ne pas paraître, ne pas attirer l'attention du public, vivre paisiblement en famille tout en maintenant le rang que lui imposent ses fonctions, tel fut son idéal : Les affaires, écrit-il en 1649 à l'abbé de La Rivière, ne m'occupent jamais tant qu'il ne me reste assez d'heures pour la conversation des dames, et je ne m'en défends que parce qu'il me manque beaucoup de ce qui est nécessaire pour leur être agréable et les persuader[187]. Aussi, reconnaît-on qu'à l'encontre de Louvois, il eut des mœurs fort réglées. Seuls, quelques doutes ont pu s'élever à propos de la future maréchale de Rochefort : mais La Fare se fait l'écho d'un simple bruit, Primi Visconti rapporte un incident que la date donnée rend invraisemblable, et il ne reste que le chansonnier pour exercer, là-dessus, sa verve gaillarde[188].

Un autre aspect du caractère de Le Tellier, qui, jusqu'ici, n'a jamais été signalé ni par les contemporains ni plus tard, est que ce ministre fut un lettré. Non seulement dans ses papiers de famille, mais à propos de ses livres et de ses manuscrits, il a apporté l'ordre méthodique, qu'il avait introduit dans les bureaux de la guerre. Sur ce point, il est bien au-dessus de Louvois qui n'a pas été, peut-on dire, accessible aux choses de la littérature, et, sans contestation possible, il écrit bien mieux que son fils. L'Académie des inscriptions et médailles, raconte Ch. Perrault, fut pendant longtemps l'objet des plaisanteries du chancelier, qui appelait ses membres des faiseurs de rébus et de chansonnettes. Mais, après la lecture d'un mémoire que lui avait remis Louvois, il lui dit : Voilà un établissement qu'il faut conserver avec grand soin : car rien ne peut faire plus d'honneur au roi et au royaume à si peu de frais[189]. Chez lui, la petite bibliothèque de 1628 s'est fort augmentée. En 1659, on y trouve deux livres seulement sur l'art militaire, mais, par contre, beaucoup d'ouvrages de propagande religieuse, de droit civil, des philosophes, humanistes et géographes, des historiens de l'église, de Byzance et de la Grèce, de Rome et de l'Italie, et surtout de la France, non-seulement moderne, mais médiévale[190]. Des manuscrits, au nombre de 70-80, ont trait à l'administration militaire, aux fonctions de secrétaire d'état, à des négociations, etc. Le Tellier a pris un soin assidu de ses armoires ou bibliothèques et, dans un mémoire très long et très détaillé, il indique comment doit être effectué le classement, le premier des papiers devant être le contrat de mariage[191]. A plusieurs reprises, ont été dressés des inventaires ou catalogues, tantôt par matières, tantôt par format, tantôt par ordre alphabétique, tantôt suivant les armoires[192]. Le dernier fut rédigé, après le décès du chancelier, par Guillaume Desprez, marchand libraire à Paris, demeurant rue Saint-Jacques, à l'image Saint-Prosper : cette prisée s'éleva à la somme de 7.237 livres[193].

Les contemporains ont, enfin, reconnu toutes ses capacités professionnelles. Aux textes que j'ai déjà utilisés, j'ajoute encore celui-ci, particulier, mais caractéristique : les officiers trouvent chez le secrétaire d'état de la guerre u beaucoup de facilité à comprendre les choses, quoique mal expliquées, une prompte résolution et expédition, qualités qui plaisent le plus à ceux qui font profession des armes et sans lesquelles il est très difficile de se démêler d'avec eux[194]. Dans sa tâche publique, Le Tellier sut, ainsi, gagner la confiance des militaires, et, pour toutes sortes de raisons, celle du roi. Son influence réelle fut énorme, et, quelque discrétion qu'il mît à la dissimuler, elle frappa fortement les hommes de cette époque, qui ont bien su discerner la différence capitale entre le père et le fils. Le chansonnier, représentant, tout au moins partiel, de l'Opinion publique, n'écrit-il pas en 1670 ?[195]

L'on sait bien que le premier

Est un certain vieux routier

Qui va toujours par compas

Quand il fournit sa carrière,

Qui va toujours par compas

Et ne lait point de faux pas.

Le second, quoique son fils,

Est emporté comme six :

Il est toujours furibond,

Le compère, le compère,

Il est toujours furibond,

Et va par saut et par bond.

***

La santé de Michel Le Tellier fut, semble-t-il, bonne pendant longtemps. Les indications contenues dans la correspondance administrative mentionnent seulement, pour les années 1660, 1663, 1666, 1667 et 1674, de courtes indispositions ou de faibles accès de fièvre et, aussi, les soins auxquels s'astreint le ministre pour se précautionner contre un plus grand mal, allant même jusqu'à prendre deux médecines tout de suite[196]. En décembre 1672, une première crise se produisit à Louvres, où Le Tellier se trouvait avec le roi, qui se dirigeait vers la Flandre. Il fut, dit Le Pelletier, attaqué d'une espèce de mouvement d'apoplexie lors du siège de Charleroi, par le prince d'Orange : cet accident n'eut pas de suite. En réalité le rétablissement fut fort lent. En février et en mars 1673, Le Tellier n'était pas en état de se trouver au conseil, et c'est seulement au mois de juin que Louvois annonce que son père se porte fort bien[197].

En 1680, pendant son séjour à Barèges, il s'inquiète de l'état du chancelier et le conjure de vouloir bien à l'avenir songer à votre santé et ne la pas sacrifier comme vous l'avez fait jusques à présent à la commodité des officiers du sceau, qui sont reçus et payés pour être à votre suite et vous servir à tout moment que vous voudrez l'ordonner[198]. Le Tellier n'écouta-t-il pas son fils, ou bien y eut-il une autre cause ? En tout cas, en septembre-octobre 1682, pendant une inspection de Louvois en Alsace, il fut très gravement malade, atteint d'une violente fièvre tierce qui faisait presque désespérer de sa vie[199]. Le 20 septembre, à l'arrivée de son fils, il toussait fréquemment et crachait peu... Il avait dormi sept heures en trois fois..., et la nuit aurait été très bonne, si, entre deux sommes, il n'avait tousse près de trois quarts d'heure durant. Le 21, la toux cessait l'après-midi, pendant laquelle il n'a pas toussé six fois, et son pouls est aussi bon que nous pouvons le désirer. A cela s'ajouta peu après une douleur au pied, qui pourrait avoir l'air de la goutte. Ce fut un bien : car, d'après Louvois, qui nous tient au courant, les médecins assurent tous que rien ne nous doit plus ôter la crainte des rechutes que de le voir attaqué de ce mal[200]. Le chancelier guérit par le moyen du quinquina, préparé selon la méthode du fameux Talbot, médecin anglais. Le 4 octobre, il pouvait écrire à son fils, qui était avec la cour à Chambord et recommençait à l'informer des nouvelles politiques[201]. Le 16, il se trouvait dans là salle des gardes de la reine, au château de Versailles. L'ayant aperçu, Louis XIV lui donna toutes les marques imaginables de son estime, de son amitié et de la joie qu'il avait de le revoir en bonne santé[202]. Un mois plus tard, Louvois, lui aussi, trouva son père en fort bon état. Il n'y a personne qui puisse croire qu'il ait été malade : il va dimanche coucher à Versailles pour y attendre le roi qui s'y doit rendre le lendemain[203].

Malgré cet optimisme, le chancelier se sentait atteint. Le 10 juin 1683, lorsque les notaires Gallois et Caillet vinrent à l'hôtel de la rue des Francs-Bourgeois pour la rédaction du testament, ils le virent dans une chambre basse, ayant vue sur le jardin. Il était malade de corps, mais sain d'esprit, mémoire et entendement, tandis que sa femme était en bonne santé et disposition de sa personne[204]. En 1684, il y eut encore une alerte[205]. Au mois d'août 1685, Le Tellier fut sauvé de la fièvre quarte par une seule saignée et il en fut quitte pour être un peu faible et pour s'absenter du conseil pendant huit jours[206].

Le 15 octobre commença la crise dernière. Dès le 18, Le Tellier, alors à Chaville, se fit transporter dans son hôtel à Paris. Asthmatique au point de ne pouvoir respirer, il dut rester assis sur une chaise. La maladie s'aggravant, Louvois et Charles Maurice revinrent, l'un de l'inspection des travaux de l'aqueduc de Maintenon, l'autre de Reims. Le 25, Le Tellier reçut le viatique : le 26, il était à l'extrémité. Le 29, Louvois fit prier Louis XIV de le dispenser de lui apporter les sceaux après la mort de son père et de déléguer Seignelay à cet effet : Nous avons pensé perdre M. le chancelier, cette nuit, écrit-il à Gilbert de Saint-Pouenges, lui ayant pris une faiblesse dans laquelle il a pensé passer : cependant il se soutient encore, quoique extrêmement affaibli et que ses crachats soient de plus en plus mauvais. Les médecins craignent fort pour là nuit prochaine et vous serez ponctuellement averti de tout ce qui se passera et dans le moment que Dieu l'appellera. Son second fils l'ayant prévenu de la gravité de son état, le moribond répondit : In statione sum ; tu, quum illic eris, fac melius. Bossuet, renseigné par son ami Charles Maurice, prête au chancelier plusieurs paroles caractéristiques, prononcées au cours de ces dernières journées : Je veux m'arracher jusqu'aux moindres vestiges de l'humanité... Je ne désire point la fin de mes peines, mais je désire de voir Dieu... Je rends grâces à Dieu de voir défaillir mon corps devant mon esprit. En même temps, il se décerna un éloge très grand et très justifié : Depuis 42 ans qu'il servait le roi, aurait-il dit, il avait la consolation de ne lui avoir jamais donné de conseil que selon sa conscience, et, dans un si long ministère, de n'avoir jamais souffert une injustice qu'il pût empêcher. Le 30, il commença l'hymne des miséricordes : Misericordias Domini in æternam cantabo, répéta trois fois ce dernier mot et expira à trois heures après-midi, à l'âge  de 83 ans, après avoir gardé la connaissance tout entière et la fermeté jusqu'au dernier soupir. Louvois lui ôta la clef des sceaux, qu'il avait pendue au col et la remit à Seignelay, parti de Fontainebleau à huit heures du soir[207].

On lisait sur les registres de l'église Saint-Gervais : Le premier jour (de novembre) a été apporté dans cette église le corps de messire Michel Le Tellier...[208], qui fut inhumé dans la chapelle familiale, concédée le 10 juillet 1660 et achevée en 1662. Plusieurs services solennels furent célébrés en l'honneur du chancelier de France, le 17 novembre 1685 à Saint-Germain des Prés, le 2 mars 1686 par les avocats aux conseils du roi en l'église des Révérends Pères Augustins du grand couvent, et le 5 mars par les officiers de la grande chancellerie en l'église Sainte-Croix de la Bretonnerie[209]. Quatre orateurs célébrèrent les vertus du défunt : le 25 janvier 1686, à Saint-Gervais, Bossuet, pour qui Le Pelletier écrivit la vie de Le Tellier, et qui fut renseigné sur les derniers instants par l'archevêque de Reims ; le 17 février, à la Sorbonne, Hersan, professeur d'éloquence ; le 2 mars, l'abbé Maboul, lors du service dans l'église des Grands Augustins ; le 29 mars, Fléchier dans celle des Invalides[210]. Les contemporains préférèrent ce dernier discours à celui de Bossuet : les historiens considéreront avec une plus grande attention celui de l'abbé Maboul.

Dès le mois de novembre 1685, Louvois se préoccupa d'élever un monument à son père dans la chapelle familiale : il s'adressa à Mansart, qui chargea dé ce travail Pierre Mazeline : réduit après plusieurs tribulations, ce mausolée est encore dans l'église Saint-Gervais[211]. Une longue épitaphe, dont le latin n'est pas toujours très sûr, fut composée pour célébrer les vertus et les mérites de Michel IV Le Tellier, secrétaire d'état de la guerre et chancelier de France[212].

 

 

 



[1] A. N., minut. cent., XVIII et LI.

[2] Id., LVIII : 26 actes environ, dont trois seulement après 1637 : v. les répertoires n° 3 et 4.

[3] Id., LXXV : v. les répertoires n° 2 et 3. Principaux clients : duchesses de Longueville (testament) et d'Orléans, Coislin, Créqui, La Trémoille, Luynes, Mazarin (duc de), Rochechouart, Rohan, — Pomponne, des Colbert, les Le Pelletier, — Amelot, Barentin, Caumartin, Chauvelin, Lamoignon, Nesmond, Ormesson, Pomereu, Tiquet, — Hôpital général, Oratoire, Port-Royal, — le poète Racine, le peintre Philippe de Champaigne (testament), le mémorialiste Dangeau, le publiciste Eustache Le Noble, et, en outre, Louvois et son frère Maurice.

[4] V. Coyecque, Bul. Com. Hist., 1933, 85-100 (art. essentiel).

[5] Reg. des déb. du bureau de la ville de Paris, I, 16-7 : le drapier Robert habite, en 1500, une maison située au bout du pont Notre-Dame : dans les registres suivants, il est question d'autres Le Tellier : — B. N., cab. d'Hozier, t. 316, dols. 8755, non 2-5, et carr. d'Hozier, t. 650, f° 194 : — Id., f. fr., 4616, f° 114 : — Id., f. fr., 12687, p. 206 : — A. N., MM, 8181, partiellement inexact : — Cf. R. Bloch, L'anoblis..., 190, n° 183.

[6] J'utilise et complète le tableau généalogique que j'ai inséré dans Deux Mém. inéd.

[7] A. N., O1, 3833a : — Epitaphier., 1V, 38, n° 1547 : — Le Pelletier, Vie..., 48 : — Arch. Doud., cart. 158, li. 637 : — A. de Boislisle, Rev. Soc. Sav., 1876, 6e série, IV, 155.

[8] Arch. Doud., cart. 236, li. 993.

[9] Id., cart. 148, li. 565, et cart. 150, li. 572. Cette maison de la rue de la Grande Truanderie fut louée à un marchand avec obligation pour lui de conserver dans des barils de nombreux papiers concernant la famille Le Tellier. Elle fut vendue le 12 décembre 1626 par Claude Chauvelin et son fils à un bourgeois, échevin de Paris, pour la somme de 18.000 livres.

[10] Id., cart. 6, li. 271 : — A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 5 novembre-24 décembre 1685.

[11] A. N., O1, 3835, 28 octobre 1626.

[12] Epitaphier..., IV, 38, n° 1547.

[13] Arch. Doud., reg. 34, 144, 373 et 438, — et cart. 102, li. 321-322 : A. N., minut. cent., XVIII, reg. 240, f° 55-95, 710-712.

[14] Je complète ainsi le tableau généalogique d'après les Arch. Doud., reg. 34 : Claude (1604), Marie (1609), Anne (1610), Louise (1611), Madeleine (1613), Françoise (1615).

[15] Arch. Doud., cart. 151, li. 78.

[16] V. chap. XIII.

[17] Arch. Doud., reg. 980-981, — et cart. 234, li. 978-979, — 235, li. 982-985, — 237,  li. 996. — A. N., minut. cent., XVIII, reg. 241, f° 454-455 et 670, — 242, f° 34, 65-68, 117, 119, 314-618, 320-2, 358-362, 428-430 et 472-473, — 247, f° 611. Les principaux règlements (en italique) sont ceux des 28 février et 17 mars 1628, au moment où Colbert de Saint-Pouenges épouse Claude Le Tellier.

[18] B. N., f. fr., 4198, f° 195, Le Tellier à Fumarcon, 17 décembre 1644.

[19] Arch. Doud., cart. 234, li. 979, et 235, li. 987 : — B. N., f. fr., 4204, f° 205, Le Tellier à d'Epernon, 19 mai 1649. Le contrat de mariage, dressé par les notaires Rivière et Saint-Vaast, est du 9 mai 1636.

[20] V. Chap. XIII. — Sur les Saint-Pouenges, v. Saint-Simon, Mém., I, 113, — III, 27, — XVII, 105, — XXVIII, 20.

[21] V. le tableau généalogique, note 10, et A. N., Guerre A1, 163 min., f° 1 et 2, let. du 11 septembre 1660.

[22] L'aîné, Jean Baptiste de Cassagnet, marquis de Tilladet, capitaine des Cent suisses, brigadier en 1674, lieutenant-général en 1678, gouverneur de Cognac, puis d'Arras et lieutenant-général d'Artois en 1689, mourut en 1692 alors qu'il pouvait espérer le maréchalat. Le second, Gabriel de Cassagnet, chevalier de Malte en 1647, brigadier en 1675, maréchal de camp en 1677, lieutenant-général en 1688, gouverneur d'Aire en 1690, mourut le 11 juillet de cette année.

[23] B. N., f. fr., 4616, f° 30 v° : parmi les ancêtres, un apothicaire et un contrôleur au grenier à sel, à Moulins.

[24] A. N., X1A, 8633, f° 363 ; let. de vétéran en sa faveur, 27 mai 1663.

[25] B. N., doss. bleus, 336 et 650 — Godard, Les pouvoirs des intendants : — Dangeau, I, 263 ; Sourches, I, 342.

[26] Sourches, Id., note 3 : V. chapitre XI.

[27] Elle se trouve dispersée aux A. N., Guerre A1, passim, mais groupée aux A. E., Mém. Doc., France, 915 et 954 (de 1661 à 1682, let. adressées par Le Tellier, Louvois, Croissy, Seignelay, Desmaretz).

[28] A. E., Mém. Doc., France, 954, f° 23, 24 et 25, let. des 16 mars, 6 avril et 20 mai 1682.

[29] Id., 915, p. 70, — et A. N., Guerre A1, 203 min., f° 568-569, 23 octobre 1666.

[30] A. E., Mém. Doc., 915, p. 21, let. du 24 février 1663. Cf., Id., 954, p. 4, Le Tellier remercie Dugué pour le bon accueil qu'il a réservé à Charles Maurice, de passage à Lyon et allant à Rome.

[31] A. N., Guerre A1, 246 min., mars f° 130, let. du 20 mars 1670. La première lettre de Louvois à Dugué est écrite en 1663. — En 1673 Dugué s'adresse à lui pour lui demander de défendre les droits et les prérogatives de l'intendant contre les usurpations du prévôt des marchands de Lyon : Id., 359 orig., pièce 193, 6 mars 1673.

[32] A. N., MM, 828, et surtout O1, 3831, 3833 A et B, 3834 et 3835. Marié à Catherine Vaillant de Guélis, il est maître des comptes. Il habite successivement rues de la Grande Truanderie, du Beaubourg, du Chaulme et Michel le Compte. Il meurt le 6 août 1635 et est inhumé dans l'église Saint-Eustache : Epitaphier..., IV, 38, n° 1547. — Il assiste à la lecture du contrat de mariage Michel Le Tellier-Turpin : v. appendice I.

[33] Mêmes références qu'au début de la note précédente. En 1609, 1610, il habite Paris, rue du Bourg l'abbé, paroisse Saint-Leu Saint Gilles.

[34] Vie abrégée de Le Tellier, en tête des Or. fun. de Bossuet, édit. de 1672 : — Le Pelletier, Vie..., 48 : — Fléchier, 7. — V. surtout A. N., O1, 3831.

[35] La rue du Chaulme allait de la rue Paradis ou de celle des quatre fils à celle des Blancs Manteaux, et &ait continuée par celle du grand Chantier : actuellement, c'est une partie de la rue des Archives. — La rue Hautefeuille existe encore allant de la place Saint-André dei Arts au musée de l'Ecole de médecine (ancien couvent des Cordeliers). — V. Atlas des anc. plans..., planche 18 ; Gomboust, Lutet... ; Berty (A), Topog. hist...

[36] Jal., Dict. crit., 783 : — B. N., f. fr., 32838, p. 646.

[37] V. appendice I, contrat de mariage.

[38] B. N., doss. bleus, 650, et pièces orig., 2898-2899 — Id., f. fr., 4616. D'après le contrat de mariage il habite rue des Juifs : il est pourtant signalé comme demeurant avec sa seconde femme, Angélique Habert, ès faubourg Saint Jacques lès Paris : A. N., O1, 3836, 21 juillet 1653.

[39] Arch. Doud., cart. 29, li. 101 (texte ci-après appendice I) : — A. N., minut. cent., LXXV, p. 5-6, copie et analyse dans l'inventaire après décès (novembre-2 décembre 1685) : — Id., LI, 12 février 1629, quittance faite devant les notaires Charles et Herbin par les deux époux, signée par eux et Jean Turpin.

[40] Arch. Doud., cart. 150, li. 571 : — A. N., O1, 3835-3838. Pour tout ce qui concerne les domiciles, Atlas des anc. plans..., planche 18 ; Gomboust, Lutet... ; Berty (A), Topog. hist...

[41] D'après le plan de Gomboust, cette rue allait de celle des Quatre fils à la rue Pastourelle : elle était continuée vers le Sud par la rue du Chaulme : V. note 35.

[42] Arch. Doud., cart. 84. li. 280, et cart. 101, li. 319. En 1658, Le Tellier vend cette maison et René de Maupeou pour 1823 livres 10 sols de rente, faisant en principal 36.270 livres 10 sols. Berty, Topog. hist., région de l'Université, p. 531-532. — Sur l'hôtel de Bullion, qui existe encore au coin des rues Hautefeuille et Pierre Sarrasin, v. Bul. Soc. Par., 1905, t. 32. p. 181.

[43] Arch. Doud., cart. 236, li. 995 : — Atlas des anciens plans, 1652 : — A. N., O1, 3836-3838 — Cf. Delavaud, Le marq. de Pomp., 230. La rue Plâtrière occupait à peu près l'emplacement de la rue J.J. Rousseau : l'hôtel d'Epernon était situé là où se trouve l'hôtel des Postes, façade postérieure.

[44] Signalé dans A. N., O1, 3836-3838 : — Id., minut. cent., LXXV, 2 mai 1653. La rue Paradis, s'étendait de la rue Vieille du Temple à celle du Chaulme tout le long de l'hôtel de Guise (Archives nationales). La demeure de Le Tellier devait être dans la partie occidentale : car, par un échange de maison effectué le 3 avril 1623, entre les paroisses de Saint-Jean en Grève et de Saint-Gervais, celle-ci avait acquis à l'est la maison faisant l'un des coins de ladite rue en la vieille rue du Temple : A. N., L, 653, ou LL, 747, f° 340.

[45] Arch. Doud., cart. 115, li. 428 : — A. N., minut. cent., LXXXV, 13 septembre 1653, p. 33. — V. Soc. hist. arch. IVe, la Cité, 1912, 209 et1925, 220-222 : Dumolin, Et. topog., III, 407 : Montbas, Au serv..., 163 et sq.

Cet hôtel s'agrandit par des achats successifs : en 1656, vente par plusieurs d'une maison, pour 16.750 livres ; en 1662, vente par Philippe Emmanuel de Coulanges et Marie Angélique Dugué à leur oncle Le Tellier d'une autre maison moyennant 59.600 livres d'argent comptant et 1.600 livres de rente annuelle : A. N., minut. cent., LXXV, 8 avril 1662 et inventaire de novembre 1685, p. 35. Dans l'une logeaient les domestiques ; dans l'autre Jean Darbon, homme de confiance de Le Tellier, mort en 1678, et sa famille : A. N., O1, 3834, 9 mai 1673. Cet hôtel, mairie de l'ancien VIIe arrondissement, de 1823 à 1849, a été démoli en1912 : il occupait les emplacements actuels des numéros 39-43 de la rue des Francs Bourgeois.

Quand il accompagne le roi à Versailles ou à Saint-Germain, Le Tellier est logé au château (à moins qu'il n'aille, à Chaville). Si Louis XIV séjourne aux Tuileries, le père et le fils, pour être plus proches, ont pris logis tout contre Saint-Roch : Saint Maurice, I, 149. A Fontainebleau, Le Tellier achète une maison pour 10.000 livres : A. N., minut. cent., inventaire, 5 novembre-24 décembre 1685, p. 38-9. Sur ses réceptions, bi-hebdomadaires, V. Relazioni..., Francia, III, 92, année 1664.

[46] Hersan, 22 : — Fléchier, 27 : — Bossuet, édit. de 1686, 53 : — Maboul, 26.

[47] Le Pelletier, Vie..., 49 : — Saint-Simon, Mém., VI, 35.

[48] A. N., L, 651 et LL, 752, 31 v°, fondations des 13 décembre 1687 et 26 avril 1688 : Brochard, Saint-Gervais, 126.

[49] A. N., minut. cent., LXXV, 14 septembre 1670.

[50] A. N., Guerre A1, 516 orig., 84 : — Cf. la réponse de Louvois à une autre demande, 7 octobre 1685, id., 750 min.

[51] Sévigné, VI, 75-76 et 87 : — A. N., Guerre A1, 247 min., avril f° 19, — 307 min., f° 22, — 366 min., p. 441, — 712 min., p. 535 et 545, — 713 min., p. 25, 84, 104, 148, 162, 211 et 258, let. de Louvois.

[52] A. N., minut. cent., LXXV, 14 avril 1654, 10 août et 28 décembre 1658, 10 juin 1667 et 17 juillet 1668.

[53] Id., LXXXV, 19 novembre 1653 — Id., LXXV, 16 mai 1656, 1er avril et 25 octobre 1658, 28 juillet 1659, 20 août 1663, 16 mai 1664, 1er mai 1667, 27 août 1677.

[54] J'ai fait l'expérience avec M. l'abbé Brochard, curé de Saint-Gervais, qui est du même avis, Saint-Gervais, 319 : il résoudra définitivement la question, je l'espère, dans le second volume qu'il prépare sur l'histoire de son église. Une comparaison avec le buste de Louvois, qui se trouve à la B.S.G., dans la salle de la réserve, ou avec les gravures représentant le ministre, ne sera pas inutile. Dans G. Duplessis et J. Larron, Catalogue de la collection des portraits français et étrangers, au t. VI, sont beaucoup d'indications pour Michel Le Tellier, aucune pour sa femme. Le cabinet des estampes, d'après M. le conservateur, ne possède aucune gravure d'Élisabeth Turpin ; la duchesse de Doudeauville n'en a pas d'avantage dans sa collection de famille.

[55] Saint-Simon, Mém., VI, 35 : — Sourches, VI, 91, 94-95 : — Dangeau. VI, 464, 466 : — B. N., f. fr., 32838, p. 973, inhumation.

[56] Rectification au tableau généalogique, inséré dans Deux Mém. inéd.

[57] B. N., f. fr., nouv. acquis., 3619, n° 5591 : — Le Pelletier, Vie...., 51 : — B. N., f. fr., 4199, f° 248, — et 4200, f° 205, 226, 229. 248 et 278, let. de Le Tellier, septembre-décembre 1645.

[58] B. N., f. fr., nouv. acquis., 3619, n° 5586.

[59] Id., 32838, p. 836.

[60] Arch. Doud., cart. 6, li. 27, — ou A. N., minut. cent., LXXV, 20 novembre 1660, — ou A. N., Y, 199, f° 89 v°, contrat de mariage du 20 novembre. — B. N., f. fr., 32838, p. 674, mariage le 21 novembre à l'église Saint-Gervais.

[61] Pour les détails, Varet, II, 106 : — Ormesson, II, 549 : — Patin, III, 678 : — B. N., f. fr., 32838, p. 854 : A. N., MM, 828, notice 16.

[62] V. le chap. I pour la vie de Louvois jusqu'en 1661-2.

[63] Orléans (duchesse d'), Cor., I, 326 : — Sévigné, VIII, 455 : — Vittorio Siri, dans Rousset, I, 176.

[64] Comme exemple de brutalité, v. A. N., Guerre A1, 690 min., p. 480, Louvois au maître de poste de Couhé, 19 février 1683 : J'apprends que vous faites des chicanes continuelles au conducteur de l'ordinaire d'Espagne. Si j'entends plus parler de pareille chose, je vous avertis que la première que vous aurez de moi sera par un prévôt, qui vous ira prendre pour vous mener en prison.

[65] Palatine (princesse), I, 307 et 363.

[66] Sourches, I, 15, note 1, année 1681.

[67] Spanheim, 328 : — cf. 340 et sq.

[68] Saint-Simon, XXVIII, 464, addit. N° 1244.

[69] A. N., Guerre A1, 305 min., août f° 11, — et 750 min., p. 204, let. des lier août 1673 et 7 octobre 1685.

[70] Sévigné, VI, 75-76 et 87 : — A. N., Guerre A1, 247 min., avril f° 19, — 307 min., f° 22, — 366 min., p. 441, — 712 min., p. 535 et 545, — 713 min., p. 25, 84, 104, 148, 162, 211 et 258, let. de Louvois. — Sur le quinquina, Saint-Simon, Mém., VII, 346, note 2.

[71] A. N., Guerre A1, 302 min., f° 82, Louvois it son cousin d'Aubeville, 6 mars 1673 : — Cf. Id., 201 min., f° 488, — et 301 min., février f° 4, let. des 16 juin 1666 et 1er février 1673.

[72] A. N., Guerre A1, 681 min., p. 57, 61, 64 et octobre p. 95, let. de Louvois, 14, 20 et 21 septembre et 4 octobre 1682. Duchesne était médecin du duc de Bourgogne ; le protestant Belley de Mlle de Montpensier ; Séron, de la famille de Louvois. Il y avait encore Fontaine et Fagon. — V. Blégny (Ab. du Pradel), I, 151 : — Sourches, I, janvier 1682, et note 3, et p. 259-260 : — Saint-Simon, Mém., XXVIII, 85, note 1 (mort bizarre de Séron).

[73] V., chapitre VI.

[74] Luçay, 156, note 4 : — Rousse, III, 485.

[75] A. N., Guerre A1, 305 min., août f° 180, let. du 21 août 1673.

[76] V., p. ex., Id., 254 min., février f° 27 et 71, let. au commissaire Gargan, 5 et 10 février 1671.

[77] V. chapitre I.

[78] Primi Visconti, 56-57. — A. N., Guerre A1, 187 min., f° 34, Louvois à Courtin, 7 septembre 1664 : Par le récit que vous m'avez fait de la manière dont vous avez vécu avec les dames durant le temps que vous avez commencé à entrer dans le commerce du monde, vous m'avez confirmé dans la résolution que j'ai prise de vivre avec les femmes de la sorte que j'agis présentement. Je crois que je m'en trouverai bien et qu'en tout cas l'on ne peut faillir quand l'on suit le sentiment des grands hommes.

[79] Saint-Simon, Mém., VI, 70 et notes.

[80] Id., XXVIII, 464, addit. n° 1244 : à la suite anecdote relative à Louvois : autre anecdote dans Artagnan, IV, 409-410.

[81] Id., XI, 53 note 4 (références) : — Feuquières, I, 117-118 : — Primi Visconti, 49 et 143.

[82] Courcelles (marquise de), Mém. (récit abondant, partial, suspect) — B. N., f. fr., 15503, f° 711, copie des sentences prononcées contre elle. — Primi Visconti, 28-29. — Walckenaer, IV, 159 et sq.

[83] La Fare, 166 : — Sévigné, III, 176, let. de Mme de Coulanges — Bussy, Cor., II, 240, 244 et 313 : Primi Visconti, 43-44, 84-85 : Brienne le fils, III, 220 — Nouveau siècle de Louis XIV, éd. Sautreau de Marsy, IV, 230, chanson. — Sur les Dufresnoy, Brienne le fils, III, 199, note 1 — Saint-Simon, Mém., I, 168-169 : Nouveau siècle de Louis XIV, édit. Brunet, 2-4, chanson. — B. N., f. fr., 4215, f° 133-134, recommandation de Le Tellier auprès de Mazarin en faveur d'un officier, frère du premier commis, 28 septembre 1659 : — Pierre Dufresnoy, Pharmacopée et recettes de beauté, ms analysé par A. Gagneur, dans Mém. Soc. Pont., 1938, t. 47, 51-58, écrit très curieux et amusant d'un apothicaire parisien.

[84] Artagnan, VI, 423 : — Feuquières, I, 119 : — La Fare, 164-166 : — Brienne le fils, III, 210-211 : — Saint-Hilaire, I, 238, année 1676 ; — Saint-Simon, Mém., I, 83-87 et 350-353 : — B. N., f. fr., 12687, p. 391, chanson : — Cf. Rousset, IV, 566-569. — Desnoireterres, Les cours galantes, I, 137. — La correspondance se trouve aux A. N., Guerre A1, 410 orig., pièce 20, — 373 min., p. 117 et 369, — 374, p. 256, — 471 min., p. 67, — 508 tr., pièces 70 et 95, — 474 min., p. 304 et 306, janvier et septembre 1674, février et mai 1676.

D'après Sourches, I, 50, note 1, Louvois se serait occupé en secret des enfants illégitimes de M de Montespan, comme Colbert avait fait pour ceux de Mlle de La Vallière ; ils auraient été élevés par Mme Darbon, femme du secrétaire dévoué du chancelier, dans la maison habitée par tous deux et taisant partie de l'lote' Le Tellier, rue des Francs-Bourgeois, et cela pendant longtemps à l'insu du ministre et de sa femme.

[85] Arch. Doud., cart. 16, li. 65 : — A. N., minut. cent., LXXV, 8 juin 1669, et inventaire, 5 novembre 1685, p. 1 : — Cf. Dumolin, Et. topog., II, passim, surtout 283-285. — Aujourd'hui square Louvois et hôtel qui porte le nom de Louvois.

[86] A. N., Guerre A1, 235 min., septembre-octobre 1669, passim.

[87] Sur lui, v. Gilet, Ch. M. Le Tellier..., et Duffo, L'abbé Ch. M. Le Tellier, let. inéd...

[88] B. N., f. fr., 32838, p. 343.

[89] A. N., Guerre A1, 169 min., f° 124, let. du 4 juillet 1661.

[90] A. E., Mém. Doc., France, 915, 21, Le Tellier à Dugué, 24 février 1663 — Ormesson, II, 196 : — Rothschild, I, col. 750.

[91] B. N., f. fr., 20745, f° 32, let. du 1er août 1667.

[92] Saint-Simon, Mém., V, 279.

[93] Je renvoie simplement à Deux Mém. inèd., p. 95 et note 4, où sont les références et les citations. J'ajoute : Saint-Simon, Mém., X, 334, note 2 : — Primi Visconti, 99 : Picavet, Les dern. an..., chapitre VII, 285.

[94] V. chap. XI.

[95] Comparer les deux bustes à la B.S.G., où se trouve aussi celui du père, tout à fait différent. La liaison de l'archevêque de Reims avec sa nièce, la marquise de Créqui, à laquelle il laissa sa fortune, fit beaucoup jaser.

[96] B. N., f. fr., 12690, p. 47.

[97] Id., 32838, p. 997.

[98] Relazioni..., Francia, III, 93 (Grimani), 213 (Morosini), 255 (Michiel), 321 (Contarini) et 374 (Foscarini). Le Pelletier, Vie..., 58 : — Saint-Hilaire, édit. de 1766, 8 : — abbé de Saint-Pierre, 170 : — Bossuet, 463, etc. : — Relatione et osservationi..., Rev. hist. dipl., 1894, VIII, 278.

[99] A. N., minut. cent., LXXV, inventaire (5 novembre-24 décembre 1685).

[100] Arch. Doud., cart. 148, li. 565, — cart. 150, li. 572. — cart. 158, li. 637.

[101] Id., cart. 150, li. 572.

[102] Id., cart. 150, li. 571.

[103] Id., cart. 147, li. 558.

[104] Id., cart. 147, li. 559. Elle était à peu près sur l'emplacement qu'occupe le passage intérieur de la Sorbonne, faisant communiquer aujourd'hui la rue Saint-Jacques et la place de la Sorbonne.

[105] A. N., O1, 1245. — Id., minut. cent., LXXV, inventaire, 5 novembre-24 décembre 1685, p. 36-37. Cette maison est, en 1683, louée pour six ans et moyennant un loyer annuel de 250 livres à Bénigne Didier, maître cordonnier.

[106] En 1661, il accepte de penser à l'acquisition de la terre de Maillebois, qui n'aboutira pas, mais sera réalisée par Desmaretz : en 1663, il remercie le père de Bourdaloue des offres que vous me faites de votre entremise dans les affaires que les acquisitions que j'ai faites en vos quartiers me pourraient donner : A. N. Guerre A1, 169 ,min., f° 378, — 170 min., f° 61, — et 179 min., f° 184.

[107] A. N., X1A, 8664, f° 336-337.

[108] B. N., f. fr., 4205, f° 306 et 334-337, Le Tellier à Rohan et Castelnau Mauvissière, 18 avril et 28-30 mai 1651.

[109] Arch. Doud., très nombreuses lettres sur l'administration domaniale, li. 31, 73, 154, 166, 191, 194, 196, 200, 238, 289, 290, 292, 296-297, 308, 447, 500, 509, 892-893 : elles vont de 1662 à 1686. — On trouve plusieurs actes, la plupart faits par Darbon pour Le Tellier, dans A. N., minut. cent., LXXV, 1er mai 1657 (constitution de rente), 4 avril 1662 (vente), 26 septembre 1662 (procuration), 7 mai 1664 (accord), 20 avril 1665 (déclaration), 16 septembre 1667 (transaction), 14 avril 1665 (bail), 28 novembre 1676 (hommage), 18 mars 1678 (hommage), 24 mai 1678 (bail).

[110] A. N., O1, 3833 B : — Arch. Doud., cart. 143, li. 538.

[111] A. N., O1, 3833 B : — Arch. Doud., cart. 143, li. 538.

[112] Fils de l'oncle Charles Le Tellier, mort en 1635 : le premier décéda en novembre 1662 ; le second, le 29 mai 1681.

[113] A. N., O1, 3831, Répertoire des minutes des contrats d'acquisitions de 1625 à 1663 : Cf. Idem, 3832 (titres rares).

[114] Sur lui, v. Lance, Dict. : — Bauchal, Nouv. dict. — Thienne, Allg. Lex. — Herluison, Act. d'ét. civ. — Outre le château de Chaville, il construit l'hôtel Louvois et le cloître des filles de la Visitation et des Nouvelles Catholiques près la porte Gaillon. Louvois, une seule fois, l'envoie en tournée d'inspection des places fortes.

[115] A. N., X1A, 8663, f° 332-333, Permission au sieur Le Tellier, secrétaire d'état, de faire un parc en sa terre de Chaville, octobre 1661 et 4 mai 1663 — Id., 8671, f° 429, Permission à M. de. Louvois de clore de murailles son parc de Chaville, janvier 1675 — A. N., O1, 1521, Plans du château, parc et dépendances de Chaville, 1695-1697 : Id., minut. cent., LXXV, inventaire, 5 novembre-24 décembre 1685, p. 60 et sq.

[116] V., p. ex., A. N., O1, 3834, 9 mai 1673.

[117] A. N., Guerre A1, 273 tr., f° 193, Louvois à Le Tellier, 15 juin 1672 : Joan-Baptistœ Santolii Victorini opera poetica, Paris, 1694, 16°, p. 126-129, Cavillœi raris Nympha.

[118] A. N., X1A, 8663.

[119] Le Pelletier, Vie..., 100-101 — Bossuet, 421 — Fléchier, 25-26 : — Rothschild, III, col. 975-976, épître à M. Talon, 30 septembre 1669.

[120] Choisy, Petitot, II, 63, 286 : Primi Visconti, 83.

[121] A. N., X1A, 8690, f° 213 v° — Id., E, 1892 : — Dangeau, V, 315, 318, 320-321. — V. ab. Dassé, Chaville hist... : Biver, Hist. chât. Meudon, p. 67 et notes 387-388 (d'après A. N., O1, 15145 et 15214) — Grouchy, Mém. Soc. Par., 1893, 151-163 (d'après A. N., O1, 3825).

[122] A. N., X1A, 8659, f° 478, février 1625 : Arch. Mar., E. 578. nouvelle érection en faveur de Michel Le Tellier, mai 1656 — A. N., X1A, 8656, f° 464, lettres patentes du 15 décembre 1649. La tour est le donjon, et le donjon est la matérialisation de la seigneurie. Relever directement du roi, sans intermédiaire, est considéré comme un honneur et aussi un avantage parce que le vassal n'a ainsi qu'un seul suzerain.

[123] Arch. Mar., E, 574, 4 février 1656, contrat, complété par l'état des dettes de Conflans d'Armentières, les quittances des paiements, effectués par Le Tellier et l'état détaillé des bois. — Arch. Doud., cart. 84, li. 279, inventaires de Barbezieux, Louvois et Ursine. — V., appendice III, le texte du contrat.

[124] Arch. Mar., E, 577, 25 mai et 17 octobre 1656 et 6 juin 1662.

[125] A. N., Guerre A1, 163 min., p. 16, let. du 3 septembre 1660.

[126] Arch. Mar., E, 578, 20 décembre 1670.

[127] Arch. Doud., cart. 102, li. 322 : — A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685, p. 29-36. La Ferté-Gaucher, arrondissement de Coulommiers.

[128] Arch. Doud., cart. 102, Ii. 321 : — A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685, p. 30 : — Même arrondissement.

[129] A. N., minut. centr., LXXV, inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685, p. 29-36.

[130] Id., p. 31-32 et 37.

[131] Montfaucon prend le nom de Villequier, mari de Madeleine Fare.

[132] Les baux consentis de 1681 à 1683, à divers sont notés dans A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685, p. 43-44 : 4.700 livres, 3.900, 1.600, 950 pour différentes parcelles.

[133] Arch. Doud., reg. 403, — cart. 206, li. 805, — et cart. 215, li. 857 : dans ces archives sont énormément de pièces rdative4 à ces terres. — A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685, p. 32, 37, 39 et 43-44.

[134] Arch. Doud., cart. 102, li. 322, — et cart. 158, li. 632. — A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685, p. 31 et 37 : . en 1677, le bail est de 4.500 livres par an.

[135] Sévigné, V, 15 : la date n'est-elle pas inexacte, puisque l'adjudication définitive eut lieu seulement le 23 juillet 1677, ou bien l'épistolière rapporte-t-elle un bruit qui courait dès 1676 ?

[136] A. N., X1A, 9652, 23 juillet 1677. — Arch. Doud., cart. 43, li. 153, — cart. 84, li. 279, — cart. 152, li. 583. Sur les incidents de procédure, v. encore B. N., Rec. Thoisy, 54, f° 325 et 340. — V. Cavrois, Barbezieux... (doc.). — Parmi ces droits, celui de minage est, dit Ferrière, II, 230, le droit que le seigneur prend sur la mine de blé pour le mesurage. Ainsi mine est le vaisseau qui sert à mesurer le blé et le minage est le droit dû au seigneur pour le mesurage des blés par mines.

[137] A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685, p. 48.

[138] A. N., Guerre A1, 748 min., p. 459 et 491, — 750 min., p. 307, — et 752 min., p. 527, 540 et 846, let. de Louvois, 25 et 27 août, 14 octobre, 18, 19 et 31 décembre 1685.

[139] Id., 750 min., p. 271, let. du 10 octobre 1685.

[140] V. chap. XIII.

[141] A. N., Guerre A1, 1181, p. 20, état du dernier février 1672.

[142] B. N., Collect. Cangé, t. 68, f° 236.

[143] Arch. Doud., reg.. 271 et cart. 216, li. 860. — Cf. Saint-Simon, Mém., XXVIII, append. V, 514-517 (succession de Louvois).

[144] Relazioni..... Francia, III, 377.

[145] Arch. Doud., cart. 74, li. 244 :  — A. N., minut. cent. LXXV, actes des 9 mai 1667 et 17 juillet 1668 — B. N., ms Clairambault, 1160, f° 85, testament de Charles Maurice, qui laisse l'hôtel à sa nièce, la marquise de Créqui. — Cf. Dangeau, XIII, 106.

[146] V. ci-dessus.

[147] Ormesson, II, 398 : B. N., f. fr., 4919.

[148] B. N., f. fr., 4917, Pouillé des bénéfices qui sont en la collation et présentation de messire Charles Maurice Le Tellier, très détaillé, mais les chiffres n'existent pas partout. Le ms 4918 est un second exemplaire à peu près semblable. Le ms. 4919 est le Registre général contenant en détail les revenus et pouillés... c'est le registre tenu par Darbon. Je me borne à donner le total net pour chaque lieu.

[149] A propos de Daoulas, V. A. N., O1, 11, f° 288 v° — Mazarin, Let., édit. Chéruel, IV, 129, et édit. Ravenel, 21, 18 avril 1651 (contradictoires) : — B. N., f. fr., 4205, f° 306-307 et 334-337, let. de Le Tellier.

[150] A. N., Guerre A1, 152, pièce 96.

[151] Dans le registre général est la note suivante : Bail devant donner 40.000 livres, moins diverses charges. On connaît une d'elles, 3.000 livres de pension annuelle à Pierre Lambert, évêque de Béryte, vicaire apostolique en Cochinchine : A. N., O1, 6, f° 155, 29 novembre 1667. Le ms. 4917 marque 15.750 livres avec la mention chiffres non complets.

[152] V. encore A. N., O1, 2, f° 121-122, 1er février 1668 : B. N., f. fr., 20737 (rôles d'impositions, dressés en 1641 et années suivantes, sur les bénéfices) : Saint-Simon, Mém., XIX, 42.

[153] Arch. Doud., cart. 59, li. 199.

[154] Id., cart. 125, li. 474.

[155] Id., cart. 233, li. 958.

[156] V., pour 1649, Guy Patin, I, 477 : Goulas, III, 113 : — Ormesson, I, 770. — Pour 1650, B. pl., f. fr., 4206, f° 176-7, 6 juin. — Pour 1651, Mazarin, Let., édit. Ravenel, 21 : — B. N., f. fr., 4205, f° 306-307 et 333-337. Pour 1665, Ormesson, II, 398. Voici à titre d'exemple la lettre du 6 juin 1650 : Je viens d'avoir avis de la mort de l'abbé de Montmorency, arrivée dans une hôtellerie à Gournay. Il avait une abbaye, nommée Lanoy, dans le diocèse de Beauvais à cinq lieues de la même ville, de valeur de 10.000 livres ou environ, dont la maison est extraordinairement ruinée. Je supplie très humblement Votre Eminence de m'en vouloir gratifier et de croire qu'en me procurant ce bienfait, dont j'ose lui dire que j'ai besoin pour élever et instruire mes enfants, Elle augmentera le nombre des obligations dont je suis redevable à sa bonté. Je ne fais point de doute que Votre Eminence n'en ait déjà eu l'avis. Mais je me persuade facilement qu'Elle ne voudrait pas que mon éloignement me fût préjudiciable. Je m'assure aussi que la valeur assez médiocre de cette abbaye et le mauvais état du bâtiment la déchargeront des demandes de ceux qui La pressent le plus en de semblables rencontres, ce qui me fait d'autant plus espérer cette grâce de la bonté de Votre Eminence, de laquelle je suis, pour toute ma vie avec le respect et la passion que je dois...

[157] Mazarin, Let., VII, 464, à Fouquet. — La lettre à Colbert est citée par Chéruel, dans le Journal d'Ormesson, II, introd., XLII.

[158] A. N., Guerre A1, 203 min., f° 568-9, — 752 min. ; p. 397 et 474.

[159] Id., 163 min., p. 297 et 376, 199 min., f° 169, let. de Louvois, 3 et 28 décembre 1660 et 18 janvier 1666.

[160] Id., 176 min., f°3 42 et 80, — 183 min., f° 127, 202, 388 et 472, 191 min., f° 22 et 201, —199 min., f° 58 et 283, let, entre 1663 et 1666.

[161] Id., 246 min., janvier f° 76 minute de remerciement barrée, donc non envoyée.

[162] Id., 174 min., fi 217, 177 min.,f° 195, — 180 min., f° 346, — 183 min., f° 163, — 246 min., janvier f° 76, — 247 min., avril f° 77, —305  min., 21 août 1673, let. entre 1662 et 1673.

[163] Id., 300 orig., pièce 62, Carlier à Louvois, 12 décembre 1671. — On voit aussi Lee Tellier refuser des faisandeaux' parce qu'à Chaville il n'y a pas quelque lieu où ces oisons puissent être logés. Louvois accepte, au contraire, avec joie des chiens courants : Id., 119 min., f° 168, — 181 min., f° 275, let. des 24 juillet et 27 novembre 1663.

[164] Arch. Doud., cart. 119, li. 451. Nous connaissons plusieurs de ces serviteurs : A. N., Y, 191, f° 216 v°, mariage de Jean Deschamps, conseiller du roi, ordinaire des guerres et d'Antoinette de Béry, demeurant avec Elisabeth Turpin : — Id., 193, f° 166 v°, mariage d'Etienne Chevallier, martre d'hôtel, avec Claude Clément, demeurant avec la même.

[165] A. N., Guerre A1, 173 min., f° 44, let. du mardi 11 avril 1662 : Vous faites si régulièrement observer les règlements de la police que je suis obligé de vous conjurer de vous en relâcher pour un jour seulement en faveur du voiturier qui fournit ma maison. Je donne demain à dîner à quelques-uns de mes proches. Et, comme il aura besoin d'acheter de fort bonne heure les provisions qui lui sont nécessaires, je vous supplie très humblement de lui accorder la permission de les acheter avait l'heure que les gens de son métier ont la liberté de se trouver à la vallée de misère.

[166] A. N., minut. cent., LXXV, inventaire, 5 novembre-24 décembre 1685. Cf. Grouchy, N. arch. art fr., 1892, VIII, 112-4. — Surtout Arch. Doud., cart. 29, li. 101, succession Le Tellier-Turpin (1681) — cart. 56, li. 191, successions du chancelier et de la chancelière : — cart. 59, li. 201, idem : — cart. 71, li. 237, succession du chancelier : — cart. 106, li. 331, ext. de l'inventaire après décès du chancelier (incomplet) : — reg. 374, inventaire après décès de la chancelière (très volumineux et très détaillé) : — reg. 375, vente aux enchères des meubles de la succession d'Elisabeth Turpin (marne caractère que le précédent) : — reg. 380, compte de recette et dépense de la chancelière (moins important que les deux précédents).

[167] V. le texte à l'appendice. — Arch. Doud., cart. 58, li. 198, copie du testament.

[168] Le Pelletier, Vie..., 105, note 1.

[169] Michel Le Tellier et l'organisation de l'armée monarchique, 36-41.

[170] Saint-Pierre, Ann. pol., 171.

[171] B. N., f. fr., 4198, f° 95, let. du 23 juin 1644.

[172] Abbé Legendre, 64 : — Relazioni..., Francia, III, 92, è stato sempre, note Alvise Grimani, attacato fedelmente alla regina, al cardinale ed alla corte : ...appassionatissimamento procura che il re sia venerato, stimato e prontamente ubbidito.

[173] Artagnan, IV, 30 : — Pageau, Discours, 4-5 et 106 : — Bossuet, 494 : — Fléchier, 2 : — Maboul, 1.

[174] B. N., f. fr., 23251, n° 314 : — Motteville, III, 203 : Relazioni..., Francia, III, 92 : Uomo posato, dit Alvise Grimani, niente vano, anzi molto prudente.

[175] V., p. ex., la façon dont il recommande Le Pelletier au premier président du parlement de Provence ou le prêtre précepteur de ses petits enfants — A. N., Guerre A1, 169 min., p. 284, et B. N., f. Sr., 8754, f° 155, let. des 17 août 1664 et 2 septembre 1672.

[176] Ormesson, II, 31, 317-8, 529, 544. — Certains auteurs ont été ainsi amenés à affirmer que Le Tellier était timoré : v. Picavet, Les dern. an...., 66 et 88.

[177] Relat. de la cond..., Arch. cur., 2e série, X, 60.

[178] A. N., Guerre A1, 162 min., f° 86, let. du 22 avril 1660.

[179] Id., 170 min., p. 243, let. du 20 novembre 1661. — Il s'agit de l'ouvrage de Priolo, Ab excessu Ludovici XIII ad sanctionem pacis historiarum libri V, Paris, 1662, in-4° : v. L. André, Sources..., I, n° 640.

[180] Id., 187 min., f° 250, — 188 mur., f° 191 v°, — 245, pièces 227-8. — Louvois donne des explications techniques et historiques à La Feuillade, le 5 décembre 1664 : Pour l'âge et l'ancienneté des services, il (Le Tellier) doit passer devant MM. de Lionne et Colbert. Il ne s'ensuit pas que le mot de premier, joint avec ministre, lui concerne. Le terme, en France, a signifié, en cet endroit, tout autre chose que le plus ancien de ses égaux.

[181] Id., 202 min., f° 322-3, let. du 5 août 1666.

[182] Id., 188 min., f° 110-1, let. du 21 novembre 1664.

[183] Foucault, 144-145.

[184] V. chap. XII.

[185] Bul. Soc. Corb., 7e année, 1901, 24-37.

[186] B. N., f. fr., 4199, f° 166, à Girolles, 13 mars 1645.

[187] Id., 4204, f° 268, 24 juillet 1649.

[188] La Fare, 165 : — Primi Visconti, 68-69 — B. N., f. fr., 12687, p. 28.

[189] Perrault, Mém., livre IV, p. 197-199.

[190] Voici quelques indications. — Propagande religieuse : Nouveau Testament, Psaumes de David, Saint-Augustin, Histoire du concile de Trente de Pra Paolo, œuvres de polémique de Richelieu, Libertés de l'église gallicane de Pithou, De Concordia de Marce, Imitation de Jésus-Christ de Corneille, jansénisme (Pascal). — Droit civil : Justinien, Ulpien, Cujas, Fontanon, coutumes, recueils d'édits et d'ordonnances. — Philosophes, littérateurs et géographes : Sophocle, Aristote, Aulu-Gelle, Térence, Horace, Virgile, Sénèque, Juvénal, Lucain, Le Tasse, Montaigne, Balzac, Voiture, La Mothe Le Vayer, plans et cartes. — Histoire ecclésiastique : Baronius, Histoires d'évêques et de monastères, vies de Bérulle et de Saint-Vincent de Paul, Sirmond, pouillés. — Histoire de Byzance et de la Grèce : Plutarque, Thucydide, Procope, Nicétas, Pausanias, Quinte-Curce, Villehardouin. — Histoire de Rome et de l'Italie : César, Tite-Live, Tacite, Juste Lipse, Histoire de la Maison de Savoie. — Histoire de France : Gesta Dei per Francos, Chroniques de Saint-Denis, Joinville, Froissart, Comines, Monstrelet, Gaguin, Paul Emile, Du Haillan, Valois, Dupleix, Duchesne, Sainte-Marthe, Gramond, Legrain, Mézeray, Aubigné, De Thou, Cassan, Priolo, Vittorio Siri, Mémoires (Du Plessis Mornay, Sully, Villeroi, Déageant, Rohan, Richelieu), Histoires de rois, maisons nobles, hauts officiers, provinces, villes, 9 volumes de l'Histoire du temps, 31 de Gazettes, Mercure et même l'Histoire amoureuse des Gaules. — Histoire étrangère : Chifflet, Grotius, Strada, Histoires d'Afrique, du Canada, des Indes Orientales.

[191] Arch. Doud., cart. 53, li. 151.

[192] Id., reg. 404, 405, 406 : — B. N., f. fr., 5670-5674.

[193] A. N., minut. cent., LXXV, à la fin de l'inventaire, 3 novembre-24 décembre 1685.

[194] Relat. de la cond..., Arch. car., 2e série, X, 60.

[195] Nouveau siècle de Louis XIV, édit. Sautreau de Marey, II, 96, année 1670. — V. aussi les paroles attribuées à Croissy, B. N., f. fr., nouv. acquis., 4529, p. 72. — Des poésies ont été dédiées et offertes à Le Tellier, ne renfermant guère que des préceptes de morale et de piété, dit l'auteur, qui serait un secrétaire du roi, ayant accès auprès du chancelier. Elles sont évidemment encombrées de souvenirs antiques. et de phraséologie inconsistante : à titre de curiosité, on pourrait feuilleter le volume : B. N. ,f. fr., 9226.

[196] A. N., Guerre A1, 163 mn., p. 212, — 201 min., f° 488. — 373 min., p. 171, let. de Le Tellier et de Louvois, 9 novembre 1660, 16 juin 1666, 9 septem.bre 1674 : — Ormesson, II, 493, 17 janvier 1667. En 1671, la maladie empêche Le Tellier de partir en même temps que le roi pour le voyage de Douvres : v. chap. V.

[197] V. chap. V, année 1672 — A. N., Guerre A1, 301 min., février f° 4, — 302 min., f° 82, — 360 orig., pièce 357, let. de Louvois, 1er février, 6 mars et 10 juin 1673.

[198] A. N., Guerre A1, 642 min., mai p. 203, Louvois à Le Tellier, 29 mai 1680.

[199] Sourches, I, 142.

[200] V., d-dessus, le passage relatif à Louvois, et A. N., Guerre A1, 681 min., septembre p. 64, 81 et 163, let. des 21, 27 ,et 30 septembre 1682.

[201] Sourches, I, 142 : — A. N., Guerre A1, 681 min., octobre p. 143, Louvois à Le Tellier, 5 octobre 1682.

[202] Sourches, I, 152.

[203] A. N., Guerre A1, 682 min., p. 301, Louvois à son frère : Cf. Idem, 719, p. 18 et 106, le même à Junquières et à Le Tellier, 1er et 3 novembre 1684. — Le Tellier habitait alors Chaville, d'où il se rendait commodément à Versailles.

[204] A. N., minut. cent., LXXV, 28 novembre 1698.

[205] A. N., Guerre A1, 682 min., p. 301, Louvois à son frère : Cf. Idem, 719, p. 18 et 106, le même à Junquières et à Le Tellier, 1er et 3 novembre 1684.

[206] Sourches, I, 295.

[207] Sur la fin de Le Tellier, v. A. N., Guerre A1, 750 min., p. 609 et 661, — 751, p. 208, let. de Louvois, 23 et 29 octobre et 9 novembre 1685 ; — Id., MM, 828, notice 16 : — Le Pelletier, Vie..., 105, note 1 : — Sourches, I, 318 et 322-323. — Dangeau, I, 238-241 : — Gourville, II, 162 : — Sévigné, VII, 468-469 et 472 : — Bussy, Cor., V, 473 : — Duchesne, 837. — Dans A. N., Guerre A1, 751 min., énormément de lettres de Louvois pour remercier ceux qui ont écrit à propos de la mort de son père.

[208] Jal, Dict. crit., p. 784 : — B. N., f. fr., 32838, p, 928, convoi de Michel Le Tellier.

[209] A. N., M, 585 (relation extrêmement détaillée sur la décoration pour le premier service) : — B. N., f. fr., 32838, p. 319 et 335.

[210] Sourches, I, 358 et 366 : — Dangeau, I, 313.

[211] A. N., Guerre A1, 751 min., p. 390, Louvois à Mansart, 17 novembre 1685. — Arch. Doud., cart. 113, li. 418, comptes pour les travaux du mausolée par Pierre Mazeline (mémoires, croquis, etc.), 1688. — Abbé Brochard, Saint-Gervais, 312-313 et 334 (description, tribulations et histoire).

[212] B. N., f. fr., 9549, f° 274-276.