Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle

CHAPITRE IV — LES DERNIERS TEMPS DE LA PERSÉCUTION - CARACALLA.

 

 

I. — Les dernières années de Septime Sévère.

Après dix ans d’un règne passé presque tout entier hors de Rome, Sévère rentra enfin dans la capitale de l’Empire. Était-il fatigué de l’Orient ? se croyait-il rappelé à Rome par l’approche des jeux séculaires, qu’on n’eut pu décemment célébrer en l’absence de l’empereur[1] ? avait-il hâte de conclure le mariage du jeune Marc Antonin avec la fille du préfet du prétoire, l’opulent et tout-puissant Plautien ? Quel que soit le motif du retour de Sévère, il semble avoir pris, d ce moment, quelque goût pour la ville éternelle et pour l’Italie. Son arrivée fut célébrée par des largesses inouïes et plusieurs jours de fêtes[2]. Le plus intéressant, peut-être, des spectacles offerts vers ce temps à la curiosité de la foule, est la solennelle ambassade qui vint à Rome trouver Sévère. Abgar IX, roi d’Édesse, arrivait en personne, accompagné d’une suite magnifique, pour rendre hommage à l’empereur[3]. Les parures de ses courtisans étaient si riches, que le luxe de Rome pâlit devant elles. Ces barbares paraissaient en public couverts de perles et d’émeraudes : une cascade de pierreries descendait sur leur baudrier, sur leur épée, jusque sur leurs chaussures : ils dédaignaient de mettre ces trésors en évidence, comme les matrones romaines, mais les semaient indifféremment sur toutes les parties de leur vêtement et de leur armure. Tertullien fait allusion dans un de ses livres au dépit que ressentirent les élégantes de Rome, et il en prend texte pour prêcher aux femmes chrétiennes le mépris de l’or et des bijoux[4]. Mais la curiosité des fidèles était sans doute attirée sur le passage d’Abgar et de ses cavaliers par un autre sentiment encore que l’admiration pour tant de richesses. Ils venaient contempler avec émotion le premier roi chrétien. Le christianisme parait avoir été prêché dans l’Osrhoène dès le premier siècle[5]. Avant la fin du siècle suivant, ce pays renfermait les Églises constituées, qui prirent part, au temps du pape Victor, aux débats soulevés par la question de la Pâque[6]. En 202, les chrétiens y possédaient publiquement des lieux de prière[7]. Abgar lui-même venait de se convertir, et faisait dans son pays une guerre intrépide aux coutumes païennes[8]. Les chrétiens de Rome se racontaient peut-être que ce roi ordonnait de couper la main aux fanatiques qui pour honorer Tagartha, se mutilaient honteusement[9] ; qui sait s’ils ne comparèrent pas l’énergie de ce très saint[10] justicier à la faiblesse de Sévère, laissant Plautien, lors des noces de sa fille avec Caracalla, donner pour cortège à la jeune impératrice cent hommes libres dont, au mépris des lois, on avait fait des eunuques[11] ?

Le caractère de Sévère semble tout à fait changé dans les dernières années de son règne. Il a toujours été grand bâtisseur[12] ; mais jusqu’à présent c’était dans les provinces qu’il laissait des traces monumentales de son passage, élevant à Byzance, à Alexandrie, à Baalbek, et dans sa terre natale d’Afrique, des forts, des temples, des gymnases, des arcs de triomphe. Maintenant c’est Rome qu’il va orner, comme s’il y voulait fixer pour toujours sa course voyageuse, et préparer une capitale splendide à sa dynastie. Au pied du Capitole, il construit l’arc triomphal où le ciseau d’un artiste de la décadence a retracé en bas-reliefs toutes les campagnes de Sévère, y compris (sincérité rare) son échec devant Hatra ; le portique d’Octavie se relève, le Panthéon est restauré[13] ; un temple est bâti en l’honneur de Bacchus et d’Hercule[14] ; une nouvelle demeure impériale vient compléter les édifices du Palatin, et s’élève, au sud-est, sur des substructions colossales[15] ; devant la colline se dresse, comme un décor gigantesque, un portique à trois étages[16] ; de nouveaux thermes sont offerts par l’empereur aux baigneurs et aux oisifs[17]. Entre ces édifices neufs, aux bases de granit et aux revêtements de marbres rares, circule la foule ravie ; elle bénit Sévère, car non seulement une habile administration des forces productives de l’Empire a pu entasser dans les trois cents greniers publics de Rome[18] l’approvisionnement de la ville pour sept ans en blé et pour cinq ans en huile[19], mais encore des largesses sans précédent ont fait pleuvoir sur les prolétaires la somme énorme de deux cent vingt millions de deniers[20]. Il semble que le monde n’ait pas connu d’ère aussi glorieuse la magnificence et l’abondance dans la ville[21], la science et les lettres dans le conseil et la maison du prince, la gloire militaire au dehors, les hommages des rois vassaux. Hélas ! ces apparences brillantes couvrent une irrémédiable décadence. Les légions sont victorieuses, leurs camps retranchés, devenus de vraies villes, gardent solidement les frontières, mais le brigandage est aux portes de Rome ; l’empereur siège au Palatin, le bandit Bulla Félix parcourt pendant deux années l’Italie, tient en échec la police, les soldats, et lasse toutes les forces régulières à la tête d’une petite armée composée en partie d’esclaves et d’affranchis de César[22]. Dans le cercle impérial si élégant, si raffiné, sous le regard de Julia Domna, de Mésa, de Mammée, de Soémias, grandissent les deux fils de l’empereur, déjà gâtés par l’abus des plaisirs, et laissant percer cette haine mutuelle qui fera bientôt de l’un d’eux un fratricide. Enfin, entre tous ces beaux édifices qui s’élèvent, au milieu des distributions d’argent et de vivres, des fêtes et des spectacles sans fin, se jouent de sanglantes tragédies : c’est Plautien, l’intime ami de Sévère, son préfet du prétoire, le beau-père de son fils, tombant d’une chute qui rappelle celle de Séjan ; l’empereur, affaibli et découragé, laissant faire, puis les amis de Plautien poursuivis, bientôt les délateurs reprenant le pouvoir, le sénat décimé, tremblant, Sévère maudit en secret comme Tibère ou comme Hadrien vieilli[23].

Mais Sévère n’était pas un tyran sombre et casanier comme Tibère, un sceptique aigri et malade comme Hadrien : le soldat vivait toujours en lui. Aux maux dont il était le témoin, aux menaces de l’avenir que son regard de père et d’empereur apercevait clairement, il tenta d’opposer un remède héroïque. Enlever ses fils aux pernicieuses délices de Rome, à leur monde d’histrions et de cochers, les jeter dans la vie rude des camps, dans la fraternité des périls courus et surmontés ensemble, éveiller par la vue de l’ennemi, par la responsabilité du commandement, un éclair de patriotisme dans ces âmes basses, lui parut un acte de sage et prévoyante politique. On trouverait encore quelque part des ennemis à combattre : l’Empire romain, si vaste qu’il fût, avait des frontières. Tout au nord, par delà le mur d’Hadrien et aux environs de celui d’Antonin le Pieux[24], vers les limites actuelles de l’Angleterre et de l’Écosse, des peuplades indomptées remuaient toujours. C’était assez pour motiver une expédition. La Bretagne, bien que gouvernée par Rome, était demeurée en beaucoup de ses parties réfractaire au joug[25], et s’était mains que le reste de l’Empire assimilé le génie latin[26]. Elle avait, en revanche, déjà reçu le christianisme, soit qu’il lui fût venu, comme on l’a dit, d’une source orientale, soit qu’il lui eût été apporté par des missionnaires de Rome. Origène dit que la vertu du nom de Jésus-Christ a franchi les mers pour aller chercher les Bretons dans un autre monde[27] ; Tertullien assure même que la religion nouvelle avait dépassé les limites de la partie de l’île soumise aux Romains[28]. Ce n’était pas le christianisme que Sévère allait combattre dans ces contrées lointaines, où la foi semble n’avoir pas été persécutée avant le quatrième siècle[29] ; mais, quand il traversa la Gaule en 208 pour gagner les bords de l’Océan et s’embarquer de là, pour la Bretagne, l’empereur, en passant à Lyon, y retrouva l’Église qu’il y avait jadis laissée, toujours ferme, florissante, intrépide. Les temps étaient changés : celui qui, gouverneur de la Gaule Lyonnaise, donnait une nourrice chrétienne à son fils, avait, depuis, prohibé par édit la propagande évangélique : selon toutes les apparences, il commit, dans son rapide passage à travers la Gaulé, des actes de persécution.

Nous pensons que, pendant ce voyage, Sévère jugea lui-même et envoya à la mort saint Irénée. Il y avait longtemps que, jeune homme, l’élève et l’ami de saint Polycarpe avait reçu des martyrs de 177 la mission de porter leur dernière lettre au pape saint Éleuthère[30]. De retour à Lyon, les suffrages du clergé et des fidèles l’appelèrent à occuper le siège épiscopal demeuré vide par le martyre du vénérable Pothin. On sait peu de chose de sa vie, si ce n’est sa. charitable intervention auprès du pape saint Victor en faveur des Églises d’Asie lors de la controverse pascale[31] : pour la postérité, il est tout entier dans le livre calme, de style grand et simple, qu’il écrivit contre les hérésies orientales qui s’étaient répandues parmi les chrétiens de Lyon. L’œuvre, commencée pendant les années de paix dont jouit l’Église après la mort de Marc Aurèle, dut être achevée dans les commencements du règne de Septime Sévère. Depuis la primauté du pape jusqu’à l’autorité de la tradition, presque tous les points controversés entre l’Église catholique et les sectes qui s’agitent autour d’elle se trouvent éclaircis et nettement définis dans ce monument du deuxième siècle, où le disciple de saint Polycarpe réfute à l’avance les hérésies modernes[32]. Il ne saurait entrer dans le cadre de ce travail d’en donner même une analyse succincte ; nous voulons seulement demander à l’ouvrage de saint Irénée quels étaient les sentiments politiques de l’évêque de Lyon. C’est là, pour nous, une question importante, car de l’attitude prise par les chrétiens envers l’Empire romain ressort la condamnation ou l’excuse des persécuteurs.

Comme les apologistes du deuxième siècle, les Justin, les Méliton, les Théophile, les Athénagore, saint Irénée est un sujet fidèle. Il parle de l’autorité impériale en termes plus froids, mais non moins corrects. Se rattachant étroitement à la doctrine de saint Paul sur l’origine du pouvoir et les obligations des sujets, il rappelle les principaux, textes de l’apôtre : il remonte plus haut encore, et montre Jésus-Christ payant le tribut à l’autorité romaine. Le royaume terrestre, ajoute-t-il, a été constitué par Dieu pour l’utilité des gentils, afin que, craignant l’autorité, les hommes ne se dévorent pas à la manière des poissons, mais, parla force des lois, repoussent l’injustice. Et voilà comment ceux qui exigent de nous le tribut sont ministres de Dieu et le servent en ceci[33]. Le ton, dira-t-on peut-être, est un peu sec ; les effusions presque tendres de quelques apologistes ne se retrouvent point dans les brèves paroles du docteur lyonnais : il semble regarder les princes comme des agents de police, et ne leur porter que l’estime stricte et l’affection modérée dont se contentent d’habitude ces utiles fonctionnaires : un peu plus, il dirait que les princes sont faits pour les seuls païens, comme, chez nous, les agents de police servent seulement à maintenir les coquins en respect. Je n’affirmerais point que telle ne soit, au fond, la théorie de saint Irénée : le rêve du millenium avait séduit ce grand esprit, et il regardait l’Empire comme une construction provisoire destinée à s’écrouler bientôt pour faire place au règne terrestre du Christ et des élus. Cependant, même dominé par cette pensée, saint Irénée ne laisse jamais échapper une parole de colère ou de haine contre l’autorité des empereurs ; son millénarisme n’a pas d’influence sur sa loyauté politique, et ne ressemble en rien à celui des auteurs d’apocalypses apocryphes ou d’oracles pseudo-sibyllins. Loin de maudire l’autorité romaine, l’évêque de Lyon en connaît les bienfaits, et n’a point de répugnance à les rappeler publiquement. Il le fait dans un bien curieux chapitre. On sait que les gnostiques n’admettaient pas l’autorité de l’Ancien Testament, dans lequel ils voyaient une œuvre de ténèbres. Parmi les objections que soulevait Marcion était celle-ci : les Hébreux, emportant dans leur fuite les vases d’or des Égyptiens, commirent un vol. Saint Irénée répond que les Hébreux avaient assez longtemps travaillé sans salaire pour les tyrans de l’Égypte ; ils avaient droit à un dédommagement. L’objection était peu sérieuse, la réponse est spirituelle[34] ; mais saint Irénée va plus loin, au risque de quelque subtilité. Nous aussi, dit-il, qui sommes sortis du monde païen par notre conversion, nous avons emporté avec nous ses trésors, car nous jouissons des biens que nous avons hérités de nos pères païens, des biens que nous avons acquis quand nous étions encore de la gentilité, des biens que nous acquérons chaque jour en faisant le commerce avec les gentils. Et nous jouissons, par-dessus tout, des bienfaits que nous donne gratuitement la civilisation romaine ! Car par les Romains le monde a la paix, et nous pouvons sans crainte voyager par terre et par mer dans tous les lieux où nous voulons[35]. Ces paroles ne sont point d’un ennemi de l’Empire, et certes celui qui les écrivait ne songeait pas à troubler cette paix romaine à laquelle il rend un reconnaissant hommage. Évêque de cette grande ville de Lyon qui était l’une des métropoles commerciales du monde antique, et qui avait reçu la foi de l’Orient avec lequel elle faisait un incessant échange d’hommes et d’idées, saint Irénée était mieux placé que tout autre pour comprendre quels secours apportait à la diffusion de l’Évangile, la puissante unité faite et maintenue par les armes de Rome. Aussi sa fidélité à l’ordre de choses établi n’est-elle pas douteuse : quels que soient ses rêves de fidélité terrestre pour le jour où l’Empire romain aura disparu, il souhaite que celui-ci dure jusqu’à la fin des temps, et lui reste attaché par intérêt aussi bien que par conscience.

Ce n’est donc pas comme rebelle que souffrit saint Irénée, si vraiment il fut martyr, comme l’indiquent saint Jérôme dans son Commentaire sur Isaïe[36], le martyrologe hiéronymien[37], Adon, Usuard et d’autres anciens écrits[38]. Voici en quels termes Grégoire de Tours raconte sa mort :

La persécution survint ; le démon excita par les mains du tyran de telles guerres dans le pays, et l’on y égorgea une si grande multitude de personnes pour avoir confessé le nom du Seigneur, que le sang chrétien coulait en fleuves sur les places publiques. Nous n’avons pu en recueillir ni le nombre ni les noms ; mais le Seigneur les a inscrits au livre de vie. Le bourreau, ayant fait en sa présence souffrir divers tourments à saint Irénée, le consacra par le martyre à Notre-Seigneur Jésus-Christ[39].

Ces paroles simples et précises semblent l’écho d’une ancienne tradition, ou le résumé d’un document écrit, aujourd’hui perdu. On n’y trouve ni circonstance impossible, comme l’investissement des remparts de Lyon par une armée de gladiateurs, ni chiffre invraisemblable, comme le nombre de dix-neuf mille martyrs : ces détails donnés par les Actes légendaires de saint Irénée, œuvre du septième siècle, sont inconnus de Grégoire de Tours, qui a puisé certainement à une source différente. Tout porte à croire que cette source est vraiment antique. De nombreux critiques ne le pensent pas, mais leurs objections, bien que sérieuses[40], sont loin d’être irréfutables. D’après l’un d’eux, Grégoire de Tours placerait le martyre d’Irénée pendant la guerre civile de 197, terminée par la défaite d’Albinus, ce qui rend ce martyre improbable, car à cette époque Sévère était plutôt favorable aux chrétiens[41]. Cette date est en effet donnée par les Actes, mais elle ne ressort nullement du récit de Grégoire, qui procède d’un document tout autre. S’il parle de guerres excitées dans le pays par le démon, ce mot s’entend tout naturellement de la guerre religieuse, c’est-à-dire de la persécution. Autre objection : ni dans son Exhortation aux martyrs, ni dans ses livres aux Nations, ni dans son Apologétique, écrits quand le souvenir de la défaite d’Albinus était tout vif, et que les vengeances de Sévère duraient encore, Tertullien ne fait mention du martyre d’Irénée. Ce silence s’explique aisément, si ce martyre eut lieu, comme nous le pensons, pendant le voyage impérial de 208. Il est vrai que dans ses livres postérieurs à cette époque, notamment dans sa Lettre à Scapula, Tertullien n’en parle pas davantage ; que ni l’auteur des Philosophumena, qui cite deux fois Irénée, ni Eusèbe, si attentif à recueillir les sanglants trophées des premiers siècles, ne font mention de son martyre. Mais ce silence peut tenir à des causes que nous ignorons, et ne suffit pas à renverser une tradition vraisemblable. Ce qui nous ferait plutôt hésiter à l’accepter, c’est l’évidente confusion faite par Grégoire à la fin de son récit, dans une phrase que nous n’avons pas encore citée. Après Irénée, dit-il, succombèrent quarante-huit autres martyrs, dont le premier fut, selon ce qu’on rapporte, Vettius Epagathus[42]. Ces quarante-huit chrétiens sont les martyrs immolés en 177, sous Mare Aurèle[43] : mettre leur mort après celle d’Irénée est un anachronisme qu’explique seule l’absence de critique du bon évêque du sixième siècle. Il a donc interverti les faits : ayant sous les yeux, d’une part la relation de 177, d’autre part un récit de la mort d’Irénée, il s’est trompé de place : dans sa chronologie imparfaite il a mis le premier l’épisode qui eût dû être le dernier. La logique n’en saurait induire que les documents dont il s’est maladroitement servi n’étaient pas bons, et que le fait qu’il emprunte à l’un d’eux n’est pas exact[44].

Nous concluons donc : si tous les doutes ne sont pas levés relativement au martyre d’Irénée, cependant on a des raisons d’y croire, car il est attesté par saint Jérôme, par les plus anciens martyrologes, et par un fragment de Grégoire de Tours dérivant d’une source distincte des Actes légendaires ; selon toute apparence, ce martyre doit être placé lors du dernier séjour de Sévère en Gaule, c’est-à-dire au temps où l’empereur traversa le pays pour aller en Bretagne, l’an 208. Probablement le martyre de saint Andéol, immolé pour la foi près de Viviers, doit être rapporté au même voyage : les martyrologes d’Adon et d’Usuard disent qu’Andéol souffrit sous Sévère, et en sa présence[45].

 

II. — Caracalla

Après trois ans passés en Bretagne, où il construisit, un peu au nord du retranchement d’Hadrien, un autre mur de défense dont les ruines subsistent encore, Sévère mourut à York. On soupçonna, mais sans preuves, Caracalla d’avoir bâté sa fin. Celui-ci, que Sévère, dans les derniers mois de sa vie., avait mis à la tète des légions chargées de porter le fer et le feu dans le pays des Calédoniens et des Béates, devenait le maître de l’Empire. Geta, bien qu’élevé par son père à la dignité d’Auguste, n’eut jamais que les honneurs impériaux. Les deus frères, se gardant l’un de l’autre avec une mutuelle défiance, se hâtèrent de quitter la Bretagne et dé se rendre à Rome, où, après de pompeuses funérailles, l’urne qui contenait celui que l’univers n’avait pu contenir fut déposée dans le mausolée d’Hadrien, tombeau de famille des Antonins. Hélas ! Sévère continuait vraiment la dynastie à laquelle il avait voulu se rattacher par le lien d’une adoption fictive : comme Marc Aurèle, il laissait après lui un monstre ! Peut-être valut-il moins encore que le fils de l’empereur philosophe, ce fratricide couronné, ce soudard de nature basse et méchante, qui, dit un contemporain, n’aima jamais personne[46]. Caracalla fut un second Commode, mais un Commode sans Marcia. Son premier soin avait été de faire assassiner Geta entre les bras de sa mère. On dit que le remords le poursuivit toute sa vie. J’ai peine à le croire. Il était plus accessible à la crainte qu’au remords : et que pouvait-il craindre désormais ? Les dieux étaient bien loin : Isis ne protesta pas quand il consacra dans son temple le glaive qui avait tué Geta. Quant aux soldats, seule force restée redoutable dans l’universel abaissement, il devait compter sur eus, car il se faisait leur camarade et les payait bien[47].

Le meurtre de Geta est du 27 février 212. Caracalla passa à Rome ou aux environs toute cette année, occupé à recueillir la sanglante succession de son frère. Un curieux document hagiographique[48] le montre construisant, dans un village de Toscane situé à vingt milles de Rome, sur la voie Claudia, un palais dont les restes magnifiques ont été retrouvés de nos jours[49]. L’histoire de la villa impériale de Baccano résume les tragiques péripéties de ce temps. Elle appartint d’abord à la famille de Pescennius Niger, l’un des compétiteurs de Sévère[50] ; après la mort de Niger elle entra dans le patrimoine du vainqueur ; Geta l’y recueillit[51] ; l’empereur fratricide la trouva, à son tour, dans l’héritage de sa victime. Pendant qu’il surveillait les embellissements de ce lieu, dont les souvenirs n’étaient pas pour le porter à la clémence, un évêque chrétien, Alexandre, lui fut amené. Caracalla ordonna de le décapiter[52]. Un ami du martyr obtint d’un propriétaire voisin du lieu du supplice la concession d’un terrain funéraire de 300 pieds carrés, où Alexandre fut enterré[53] ; d’autres sépultures, que l’on a retrouvées, y furent pratiquées ensuite[54]. Dans une crypte voisine, creusée dans le tuf volcanique, près du lac de Baccano, un autre martyr, nommé Herculanus, fut enterré vers le même temps[55]. On n’a pas d’autres souvenirs d’une part directe prise par Caracalla à la persécution[56].

Comme son père pendant la plus grande partie de son règne, Caracalla n’aimait pas Rome : il y construisit des monuments magnifiques, entre autres ces thermes gigantesques qui donnent une idée presque effrayante du luxe et de la mollesse des Romains dégénérés ; mais il séjourna peu dans la capitale de l’Empire, où il se sentait exécré. Il n’était bien qu’à la tête de ses troupes, guerroyant au loin, au nord et au midi, contre les Germains et contre les Parthes, sans grand péril et sans grande gloire. Un de ses actes les plus regrettables fut la destruction de ce petit royaume de l’Osrhoène dont l’intelligent et énergique Abgar avait fait un royaume chrétien. Il semble que Caracalla se soit allié avec un parti mécontent des réformes d’Abgar, qui traitait très mal les grands sous prétexte de les obliger à suivre les coutumes romaines[57]. Peut-être est-ce à des réformes inspirées par la morale chrétienne que fait allusion ce langage obscur ; et Caracalla se serait appuyé, pour combattre Abgar, sur une réaction du conservatisme païen[58]. Attiré par trahison dans le camp de l’empereur, le roi de l’Osrhoène fut arrêté, et envoyé à Rome avec ses enfants[59]. Édesse devint colonie romaine[60]. Ce fut apparemment l’occasion d’une persécution locale où les chrétiens de l’Osrhoène furent inquiétés, et comme chrétiens, et comme partisans du roi vaincu. Bardesane écrivit peut-être à propos de cette persécution[61]. Cet ami et conseiller d’Abgar, vers la fin de sa vie, en partie revenu de ses erreurs gnostiques[62], fut probablement alors interrogé par un magistrat romain nommé Apollonius[63]. Exhorté a renier le nom de chrétien, il se conduisit presque comme un confesseur, répondit par de sages arguments, défendit avec courage la vraie religion, et déclara qu’il ne craignait pas la mort, puisque aussi bien il ne la pourrait éviter un jour, quelque obéissance qu’il rendit à l’empereur[64].

Cependant ces expéditions lointaines, des largesses insensées envers les troupes, épuisaient le trésor impérial, que Sévère avait laissé si bien rempli. Caracalla avait beau frapper de la main le glaive suspendu à son côté, et dire à sa mère : Avec cela, on est toujours riche, les proscriptions, dont il fallait partager le profit avec les soldats, ne suffisaient plus. On ne sait lequel de ses conseillers inspira à l’empereur un expédient fiscal, qui de loin a grand air, mais, examiné de près, ne fut, pour les populations sujettes de Rome, qu’un fardeau ajouté à tant d’autres. Caracalla octroya par édit à tous les habitants de l’Empire le droit de cité romaine[65]. C’était imposer aux provinciaux les charges spéciales aux citoyens[66], telles que l’impôt du vingtième sur les donations, les legs[67] et les affranchissements[68], porté au dixième par Caracalla[69], sans les dégrever d’aucune de celles auxquelles ils étaient soumis auparavant. Deux siècles plus tard on pouvait voir (et cette opinion a fait fortune de nos jours) dans l’universelle collation du droit de cité un acte d’humanité et de justice[70] ; mais les sujets de Caracalla y reconnurent un moyen de remplir le trésor épuisé, de faire passer en quelques générations entre les mains du fisc le patrimoine des provinciaux comme y passait déjà depuis Auguste celui des citoyens romains. Quant à ces derniers, leur situation ne fut pas changée en apparence. : elle subit cependant diverses modifications à leur détriment. Le droit de récuser la juridiction des magistrats et de réclamer l’empereur pour juge, privilège du citoyen romain que nous avons vu exercé par saint Paul en Judée[71], par quelques chrétiens de Bithynie pendant la légation de Pline[72], par le martyr Attale à Lyon sous Marc-Aurèle[73], tomba immédiatement en désuétude à cause de la multitude des personnes qui auraient pu désormais en user. Depuis l’édit de Caracalla, il n’y a plus, dans les Actes des martyrs, un seul exemple de recours à César[74]. La compétence des gouverneurs s’étend désormais à tous. Une dernière garantie est enlevée à beaucoup de chrétiens, en même temps qu’un dernier frein est retiré aux magistrats persécuteurs[75].

L’impulsion persécutrice donnée par Sévère se prolongea pendant une partie du règne de Caracalla. Vers 210 ou 211, les chrétiens avaient joui en Afrique d’une tranquillité relative, due à la modération personnelle du proconsul Valerius Pudens[76], que l’on avait vu, leur appliquant les dispositions favorables des rescrits d’Hadrien et d’Antonin, renvoyer libre un d’entre eus qui n’était pas accusé régulièrement[77]. Mais, dès 212, au lendemain de la mort de Sévère, ils sont traités plus cruellement que jamais. C’est toujours la guerre à Dieu, la théomachie, selon l’expression de Tertullien[78]. Les légats de Numidie et de Mauritanie usent seulement du glaive contre les chrétiens, conformément aux instructions de Sévère[79]. Mais Scapulla Tertullus, consul en 195 [80], proconsul d’Afrique à la fin du règne de Sévère et au commencement de celui de Caracalla, les soumet à des traitements plus atroces. Sous son gouvernement, la province est pleine de trouble et de souffrance : quiconque nourrissait contre un chrétien une haine particulière, un mauvais dessein intéressé, se fait délateur et obtient la mort de son ennemi. Comme il arrive toujours en temps de proscription, d’innombrables vengeances privées se cachent sous le voile de la légalité ou de l’intérêt public[81]. Aussi, de toutes parts les bûchers s’allument, les amphithéâtres se remplissent de condamnés. On nous brûle vifs pour le nom du vrai Dieu, écrit Tertullien, ce qu’on ne fait ni aux véritables ennemis publics, ni aux criminels de lèse majesté[82]. Mavilus d’Adrumète meurt sous la dent des bêtes. A ce moment, une mystérieuse maladie saisit le proconsul : on dirait que le sang du martyr l’étouffe[83]. Mais la terreur ne diminue pas : nulle ville qui ne soit sur le point d’être décimée, nulle famille qui ne tremble pour quelqu’un de ses membres : tous les rangs de la société se sentent à la fois menacés, car désormais les chrétiens sont partout, en haut comme en bas de l’échelle sociale.

La lettre de Tertullien à Scapula offre l’image de cette crise, prise sur le vif, tracée d’une main frémissante. Dans ce court écrit, digne des meilleurs temps du grand écrivain, et heureusement exempt de toute exagération montaniste, se retrouvent les arguments qui remplissent les deux livres Aux Nations et l’Apologétique ; mais ils sont ramassés la en quelques pages, et semblent avoir été crayonnés à la hâte, au pied du tribunal, au milieu du bruit de l’audience. L’art ne parait pas, et l’effet n’en est que plus saisissant. Au début de sa lettre, Tertullien rappelle la charité des chrétiens, qui prient pour leurs ennemis, invoquent Dieu en faveur de l’empereur, de l’Empire, et, seuls entre tous les hommes, aiment ceux qui leur font du mal[84]. Il exalte la divine patience de ces hommes qui, formant déjà presque la majorité des cités, vivent dans l’ombre et le silence, et ne se font connaître que par leurs vertus[85]. Il revendique pour eux le droit qui appartient à chacun d’adorer ce qu’il croit la vérité, et pousse un des plus beaux cris qu’une bouche humaine ait jamais fait entendre en faveur de l’imprescriptible liberté des consciences[86]. Réclamant le respect pour la religion de ses frères, il affirme qu’ils n’ont jamais manqué aux égards dus à celle d’autrui : s’il y a quelque part des idoles brisées, des temples mis à sac, c’est l’œuvre de mains païennes, les chrétiens sont innocents de ces sacrilèges[87]. Quel mal ont fait les chrétiens ? le monde est rempli de leurs bienfaits. Regarde autour de toi, ô proconsul : de qui était-il le secrétaire, ce démoniaque que nous avons guéri ? interroge tes assesseurs, tes employés, les avocats : combien parmi eux nous doivent de la reconnaissance ! questionne les plus notables habitants de la province (nous ne parlons pas des gens du peuple) : celui-ci a été délivré par nous du malin esprit, cet autre a été guéri d’une maladie, beaucoup nous sont redevables du salut d’un proche ou d’un enfant[88]. Aussi, que de chrétiens en Afrique ! Si la persécution continue, que feras-tu de ces milliers d’hommes et de femmes de tout âge, de toute condition, qui viendront offrir leurs bras à tes chaînes ? Combien de bûchers, combien de glaives il faudra ! Quelles seraient les angoisses de Carthage, si tu t’apprêtais à la décimer, et que chacun vînt à reconnaître parmi les victimes des parents, des habitants de la même maison, peut-être des hommes, des femmes de ton rang, les proches ou les amis de tes amis ?[89]...

Aie pitié de toi-même, sinon de nous, aie pitié de Carthage, si tu ne veux pas avoir pitié de toi, aie au moins pitié de la province[90], continue l’apologiste avec une insistance étrange. En lisant cette phrase, on se demande si elle ne contenait pas quelque allusion dont le sens précis nous échappe, mais que l’intelligence ou le cœur de Scapula devait facilement saisir. Avait-il près de lui des êtres chers que la foi chrétienne avait gagnés ? le christianisme s’était-il assis à son foyer, comme naguère, en Cappadoce, à celui d’Herminianus[91] ? Quoi qu’il en soit, Scapula paraît avoir compris, et s’être arrêté, comme jadis Arrius Antoninus[92], devant le nombre, peut-être devant la qualité des victimes que le châtiment allait atteindre. La persécution ne dépassa probablement point en Afrique l’année 212. En Gaule, les martyrologes citent plusieurs disciples de saint Irénée : Ferréol, Ferrution, à Besançon ; Félix, Fortunat, Achillée, à Valence[93], dont la mort peut être placée, avec vraisemblance, entre 211 ou 212[94]. Mais ce fut là, semble-t-il, le dernier effort de la persécution, et l’Église, si cruellement éprouvée sous Sévère qu’on avait cru pendant un moment toucher au règne de l’Antéchrist[95], put enfin respirer. Elle va jouir, jusqu’à la fin de 249, de trente-sept années de paix, troublées seulement par une courte reprise des hostilités sous Maximin.

 

 

 



[1] Monnaie de 204 : LVDOS SAECVLARES FECIT. Cohen, Description historique des monnaies frappées sous l’Empire romain, t. III, p. 241, n° 71.

[2] Dion, LXXVI, 1.

[3] Ibid., LXIX.

[4] Tertullien, De cultu feminarum, 7.

[5] Cureton, Spicil. Syriac., p. 73.

[6] Eusèbe, Hist. Ecclés., V, 23.

[7] Chronique d’Édesse, dans Assemani, Bibl. or., t. I, p. 391.

[8] Bardesane, dans Eusèbe, Præpar. evang., VI, 10 ; saint Épiphane, Hæres., LVI, 1.

[9] Ibid.

[10] Expression de saint Épiphane, Hær., LVI, 1. Cf. Jules Africain, cité par Eusèbe, Chron., olymp. 249.

[11] Dion, LXXVI, 14. Les objections que M. Duruy (Histoire des Romains, t. VI, p. 104) fait au récit de Dion ne paraissent pas probantes ; Dion est un contemporain, un témoin, certainement bien informé. M. Duruy le reconnaît, car, racontant la chute de Plautien, et indiquant les raisons de préférer la version de Dion à celles d’autres historiens, il dit (p. 107, note 1) : Dion était alors à Rome ; il a tout entendu. Pourquoi Dion, sénateur, mêlé aux poursuites judiciaires qui suivirent la mort de Plautien, serait-il moins bien renseigné pour l’histoire des eunuques ?

[12] Multa toto orbe reparavit. Eutrope, VIII, 8.

[13] Corpus inscriptionum latinarum, t. VI, 596.

[14] Dion, LXXVI, 10.

[15] Voir Boissier, Promenades archéologiques, 1880, p. 97.

[16] Spartien, Sévère, 19 ; Geta, 17. Voir Canina, Edifizi di Roma antica, t. IV, pl. CCLXVI-CCLXVIII ; Jordan, Forma Urbis Romæ regionum XIV, pl. XXXVI, 3 ; Duruy, Histoire des Romains, t. IV, p. 132, 133 ; Huelsen, Das Septisonum des Septimius Severus, Berlin, 1886 ; E. Stevenson, Il Sellizonio Severiano, dans Bull. della comm. arch. comm., 1888, p. 280-298.

[17] Tous les règnes ajoutent des thermes nouveaux à ceux qui existent déjà ; Caracalla en bâtira bientôt d’immenses. A la fin du quatrième siècle,, home possédera près de neuf cents bains. Voir Jourdan, Topographie des Stadt Rom in alterthum, t. I, p. 314 ; t. II, p. 44, 67.

[18] Ibid., t. I, p. 314 ; t. II, p. 44, 67.

[19] Spartien, Severus.

[20] Pendant tout son règne. Lors de sa rentrée dans Rome, en 203, il a distribué en une seule fois cinquante millions de deniers, à raison de mille sesterces par tête, ce qui suppose deux cent mille parties prenantes.

[21] Ce fut la période la plus brillante dans l’histoire de l’édilité urbaine ; si bien que la cité prit des deux empereurs (Sévère, puis Caracalla) le nom de Urbs sacra Augustorum nostrorum. Bull. della comm, arch. com., 1888, p. 97 ; cf. 1882, p. 52.

[22] Dion, LXXVI, 10. Cf. Tertullien, Apologétique, 3 ; Spartien, Severus, 18 ; Digeste, XXVII, I, 13, § 7.

[23] Dion, LXXVI, 3, 4, 5, 7, 8, 9.

[24] Voir la description de ces murs, dans Mommsen, Römische Geschichte, t. V, Die Provinzen von Cæsar bis Diocletian, 1885, p. 169-171, et dans Krueger, Bonner Jahrbücher, n° 110, 1903.

[25] Jam domiti ut pareant, nondum ut serviant. Tacite, Vita Agricola, 13.

[26] Romanum nomen tenens, legem abjiciens. Gildas, De excidio Britanniæ. Si les armes romaines allèrent jusqu’à l’embouchure de la Clyde, la civilisation ne dépassa guerre York. Mommsen, l. c., p. 177.

[27] Origène, In Lucam Homilia VI.

[28] Britannorum Romanis inaccessa loca, Christo vero subdita. Tertullien, Adv. Judæos, 7.

[29] Cf. Lingard, History of England, trad. Roujoux, t. I, p. 26. — Les traces archéologiques de l’ancien christianisme sont extrêmement rares dans la Grande-Bretagne ; on a cependant la preuve qu’il était répandu dans les classes riches cent ans après Sévère : chrisme constantinien sur une pierre d’une villa romaine à Chedworth et dans les mosaïques de l’abside d’une autre villa à Frampton. Voir Bullettino di archeologia cristiana, 1872, p. 122, 123. Les inscriptions chrétiennes, en Angleterre, ne sont pas antérieures au sixième siècle : voir Hübner, Inscript. Britann. christ. ; cf. Northcote, Epitaphs of the catacombs, p. 184.

[30] Eusèbe, Hist. Ecclés., V, 4.

[31] Ibid., 24.

[32] Freppel, Saint Irénée et l’éloquence chrétienne dans la Gaule, 1862, t. I, p. 187.

[33] Saint Irénée, Contra hæreses, V, 24.

[34] Tertullien fait la même réponse, Adv. Marcionem, II, 20.

[35] Saint Irénée, IV, 30. — A peu prés dans les mêmes termes parlait, sous Antonin le Pieux, le rhéteur païen Ælius Aristide : Chacun aujourd’hui n’est-il pas maître d’aller partout où il veut ? Tous les ports ne sont-ils pas pleins de mouvement ? Les montagnes ne sont-elles pas aussi sûres pour les voyageurs que les villes pour leurs habitants ?... La crainte n’a-t-elle pas été bannie de partout ? Y a-t-il quelque part un fleuve dont le passage soit interdit, un détroit maritime qui soit fermé ? Aristide, Είς βασιλέα (éd. Jebb, I, 66-67). Tout autres étaient, sur le même sujet, les sentiments des Juifs. Les œuvres de cette nation sont tout de même admirables, disait un Juif à deux de ses amis ; ils établissent des forums, construisent des ponts, élèvent des thermes. — Grand miracle ! répond un des interlocuteurs ; c’est pour leur utilité qu’ils font tout cela : les forums pour y mettre des maisons de débauche, les bains pour s’amuser, les ponts pour en toucher le péage. Cité par Gräetz, Geschichte der Juden, t. IV, p. 207.

[36] Irenaeus, episcopus Lugdunensis et martyr. Saint Jérôme, Comm. in Isaiam, XVII. Dans son De Viris illustribus, 35, saint Jérôme, qui traite ex professo de la vie et des écrits d’Irénée, ne parle pas de son martyre.

[37] IV Kl. Jul.... Lugduno Galliæ Herenæi episcopi cura aliis VI. Martyrol. hiéronym. (ms. de Berne, De Rossi-Duchesne, p. 83). — M. l’abbé Duchesne me fait observer (Bulletin critique, 1886, p. 329) que par une formule analogue sont enregistrés, au martyrologe hiéronymien, les anniversaires d’autres évêques de Lyon qui n’ont pas été martyrs. Cependant la mention cuvi aliis VI me paraît indiquer des compagnons de martyre, et impliquer par conséquent celui de saint Irénée. Cette mention insérée dans le corps d’un article, et non à la fin, semble bien appartenir à l’original ancien, et non aux additions locales qui y furent faites en Gaule jusqu’à la fin du sixième siècle (cf. Duchesne, les Sources du martyrologe hiéronymien, p. 39). Même dans cette dernière hypothèse, elle s’ajouterait au témoignage de Grégoire de Tours pour représenter, selon l’expression de Görres (Jahrb. fur protest. Theol., 1878, p. 321), une tradition spéciale de l’Église gallicane dans la seconde moitié du sixième siècle.

[38] Dans les Quæstiones et Responsiones ad orthodoxos du pseudo-Justin, œuvre composée vraisemblablement au cinquième siècle, Irénée est appelé ό μάρτυς xαί έπισxόπος Λουγδούνον.

[39] Grégoire de Tours, Historia Francorum, I, 27.

[40] Elles sont résumées dans l’article de Lipsius sur saint Irénée, Dictionary of christian biography, t. II, p. 256.

[41] Aubé, les Chrétiens dans l’Empire romain, p. 97-105.

[42] Grégoire de Tours, Historia Francorum, I, 27.

[43] Cf. Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 3e éd., p. 409 et suiv.

[44] Peut-être y aurait-il lieu de supposer, avec dom Lévêque, que la phrase où il est question des quarante-huit martyrs et de Vettius Epagathus est due à une simple distraction de l’historien, ou, plus vrai-semblablement, à la maladresse d’un copiste qui a prêté son erreur à l’historien en prétendant le compléter. Car la liste des quarante-huit martyrs est donnée ailleurs par Grégoire de Tours, racontant le martyre de saint Pothin, et il ajoute alors cette phrase ; où est rappelé à sa vraie place celui de saint Irénée : Cui et merito et sanctitate condignus Hirenæus successit episcopus, per martyrium et ipse finitus. De gloria martyricum, 49 ; cf. dom Lévêque, le Martyre de saint Irénée, dans la Science catholique, août 1893, p. 798.

[45] Cf. Tillemont, Mémoires, t. III, art. IV et note II sur la persécution de Sévère. — Un mithraeum, a été découvert en cet endroit. A propos de cette découverte, M. Franz Cumont fait la remarque suivants :

Peut-être y a-t-il un souvenir de ce spelaeum mithriaque, creusé dans une colline qui domine la rive droite du Rhône, dans les Actes de saint Andéol, qui fut martyrisé en 202, et enterré dans le bourg qui porte aujourd’hui son nom. Le saint est arrêté par Septime Sévère in vico Bergoiate (sans doute La Berreria, dans le Dauphiné), sur la rive gauche du fleuve. L’empereur ordonne de l’emprisonner : Quærite locum tenebrosum et squallidum, ubi nullum lumen appareat, ibique eum recludite... Tunc unus de militibus, Cerecius nomine, dixit ad Cæsarem : Domine, est in alia ripa fluvii cœptum fieri templum invictissimi Martis, sub ipso est crypta constructa, in qua si jubet magnitudo tua, tutissime poterit iste recludi... Jubente ergo Severo doctus est homo Dei et in crypta daemonibus dedita impie trusus. (Acta SS., mai, t. I, p. 38). Les Bollandistes remarquent, à propos de ce passage (p. 36), que hæc crypta sub templo Martis exstructa antiquitatem non maximam sapit : quia christianorum et quidem jam patate agentium fuit, non gentilium, ædificandis templis cryptas substruere. Ce prétendu anachronisme pourrait s’expliquer assez simplement par une confusion de MARTIS et de MITRAE. Si notre supposition est exacte, le mithraeum de Bourg-Saint-Andéol daterait au plus tard du commencement du troisième siècle.

T. Cumont, Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra, t. II, 1896, p. 402.

[46] Dion, LXXVII, 11.

[47] La solde annuelle des soldats fut augmentée par Caracalla de 70 millions de drachmes. Dion, LXXVIII, 36.

[48] Passio S. Alexandri, dans les Acta SS., septembre, t. VI, p. 230-235.

[49] Voir Mariano Armellini, Cronichetta mensuale, 1875, p. 91.

[50] La villa s’appelait, disent les Actes, prætorium Fusci ; or Annius Fuscus était le nom du père de Pescennius Niger : Spartien, Pescennius, 1.

[51] Les conduits de plomb de la villa portent le nom de Septimus Geta (Armellini, l. c. ; De Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1875, p. 150). Il y fut maintenu ; mais dans d’autres domaines, où sans doute la nécessité de travaux avait mis à découvert les conduits d’eau sur lesquels ce nom était inscrit, il fut impitoyablement martelé, même sur des tuyaux destinés à demeurer cachés sous terre (Bull. della comm. arch. comm., 1888, p. 115).

[52] L’hagiographe donne sur le lieu où mourut Alexandre des indications trop précises pour être imaginaires : Antonins Alexandrum ad decollandum jussit perduci. Cum autem duceretur venerunt ad fontanam, quie est secus viam pedes duos, a vivo auteur plus minus pedes centum triginta. Lavit sibi manus et faciem et commendavit Deo animam suam : venerunt autem contra miliarium vigesimun viæ Claudiæ, ubi est titulus marmoreus super altos lapides positus supra viam loto superiori, qui est contra ortum solis, a via pedes septem, a miliario pedes septuaginta quinque.

[53] Rogavi eum ut mihi daret licentiam cimiterium facere : dedit mihi per circuitum loci pedes CCC. - Cf. Prudence, Peri Steph., XI, 151 : Melando eligitur tumulo locus ; et une épitaphe mutilée de Palestrina où on lit... TVMVLO METAS posuit ou finxit (De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 400). — Voir Appendice A.

[54] Bullettino di archeologia cristiana, 1875, p. 142, 146, 151.

[55] Passio S. Alexandri, 18. — Les Actes publiés par les Bollandistes se terminent par la mention d’une église construite sur le tombeau de saint Alexandre, Constantin et Crispus étant consuls pour la seconde fois, c’est-à-dire en 331 : on possède peut-être un débris de cette église dans deux pilastres d’autel publiés par M. de Rossi, Bull. di arch. crist., 1875, pl. IX. Sur la tombe se lisait l’inscription suivante, copiée par l’auteur des Actes : Ilic requiescit sanctus et venerabilis martyr Alexander episcopus cujus depositio celebratur XI Kal. octobris. Les Actes, au moins dans l’exemplaire reproduit par les Bollandistes, ne font pas mention de la translation des restes de saint Alexandre, de la tombe primitive dans un sépulcre plus orné, par Damase, le 6 des calendes de décembre, et de la fête instituée à cette date : cette mention se trouve, au 26 novembre, dans le petit martyrologe romain et, avec plus de détails, dans celui d’Adon. Sur les Actes de saint Alexandre, voir De Rossi, Bull. di arch. crist., 1875, p. 146-152, et Neumann, Der röm. Staat und die allgem. Kirche, t. I, p. 306-308.

[56] La découverte de la villa impériale de Baccano a seule permis d’identifier avec Caracalla l’Antonin nommé dans les Actes de saint Alexandre, et donné un fond solide à leur récit. Jusque-là, on avait attribué le martyre de ce saint à Marc-Aurèle (voir Tillemont, Mémoires, t. II, art. VI sur la persécution de Marc-Aurèle), et la narration des Actes avait paru suspecte (ibid., note IV). La villa dont il est ici question est peut-être ce fundus Antonianus, via Claudia, dont Constantin fit présent à la basilique construite en 336 par le pape saint Marc ; cf. Liber Pontificalis, in Marco (éd. Duchesne, t. I, p. 202-203, notes 9-10).

[57] Dion Cassius, LXXVII, 12.

[58] Voir Hort, art. Bardaisan, dans le Dict. of Christian biography, t. I, p. 251.

[59] Dion Cassius, l. c. A lui ou plus probablement à l’un de ses fils se rapporte une épitaphe conservée au musée du Capitole, et provenant du tombeau élevé à Rome à un Abgar mort dans l’exil ; voir Corpus inscr. lat., t. VI, 1797. L’inscription commence par l’invocation accoutumée aux dieux mânes, D. M., et n’offre pas de trace de christianisme.

[60] Eckhel, Doctr. numm., t. III, p. 510. Cependant des princes de la même famille furent plus tard rétablis dans l’Osrhoène, comme vassaux des Romains : monnaie d’un Abgar contemporain de Gordien III, ibid., p. 516.

[61] Cf. Eusèbe, Hist. Ecclés., IV, 30.

[62] Ibid.

[63] Peut-être celui auquel sont adressés des rescrits de 225 et 238, Code Justinien, V, XVIII, 4 ; VIII, XLIII, 3.

[64] Saint Épiphane, Hœres., LVI, 1. — Délivré, Bardesane paraît être allé en Arménie, et avoir vécu encore cinq ou six ans. Eusèbe, saint Jérôme, saint Épiphane, Théodoret, placent ces faits sous Marc-Aurèle, trompés par le nom d’Antonin, qui fut également patté par Caracalla et Élagabal. Il est établi aujourd’hui par le témoignage de la Chronique d’Édesse et de la Chronique ecclésiastique que Bardesane mourut sous le règne de ce dernier prince, au temps du dernier Antonin, dit aussi Moïse de Chorène (Hist., II, 66). La Chronique ecclésiastique de Barhebræus (éd. Abbeloos et Lamy, Louvain, 1872) dit qu’il vécut jusqu’en 223. Cf. Dodwell, Diss. in Iren., IV, 35 ; Grabe, Spicil., I, 317 ; Priaux, Journal de la Société Asiatique, avril 1852, p. 289 ; Merx, Bardesane von Edessa, Halle, 1863 ; Hilgenfeld, Bardesanes, der letzte Gnosliker, 1864, p. 112 ; Renan, Marc-Aurèle, p. 436-437 ; Hart, Dict. of christ. biogr., t. I, p. 250-251 ; Rubens Duval, Anciennes littératures chrétiennes. La littérature syriaque, 1899, p. 241-248.

[65] In orbe romano qui sont ex constitutione imp. Antonini cives romani effecti sunt. Ulpien, au Digeste, I, V, 17. — Sur les exceptions à cette règle générale, voir Mommsen, Hermès, XVI (1881), p. 474-477 ; Mispoulet, Institutions politiques des Romains, 1883, t. II, p. 168 ; Ferrero, Iscrizioni e richerche nuove intorno all’ ordinamento delle armate dell’ impero romano, 1884, p. 20.

[66] Dion dit nettement que telle fut la pensée de Caracalla, LXXVII, 9.

[67] Vicesima heredilatum et legatorum. Dion, LV, 35 ; Suétone, Octavius, 49 ; Tacite, Annales, II, 42 ; Pline, Panégyrique, 37.

[68] Vicesima manumissionum ou libertalis.

[69] Dion, LXXVII, 9.

[70] Quod postea gravissime et humanissime factum est. Saint Augustin, De civitate Dei, V, 17.

[71] Actus Apostolorum, XXII, 25-29 ; XXIII, 27 ; XXV, 10, 11, 12.

[72] Pline, Lettres, X, 97.

[73] Eusèbe, Hist. Ecclés., V, 1, 44.

[74] Cela démontrerait, s’il en était besoin, l’erreur où est tombé Justinien en attribuant, dans la Novelle LXXVII, 5, à Antonin le Pieux l’édit d’Antonin fils de Sévère. S’il avait eu pour auteur le prédécesseur de Marc-Aurèle, on ne pourrait s’expliquer l’épisode d’Attale sous ce dernier, en 177, puisque, à partir de l’extension à tous les provinciaux de la qualité de citoyens, la provocatio ad Cæsarem cessa d’être en usage. Cf. Rambaud, le Droit criminel romain dans les Actes des martyrs, p. 49.

[75] Il n’est question ici que du droit qu’avaient eu jusque-là les citoyens romains de récuser d’avance les magistrats et de demander l’empereur pour juge. Quant au droit d’appel proprement dit, il resta la règle, et l’empereur fut toujours juge en dernier ressort pour tout l’Empire, après comme avant Caracalla. L’usage de recourir à l’empereur comme juge d’appel paraît avoir commencé sous les Antonins, et dure encore au temps de Justinien. On ne voit pas, du reste, que les chrétiens en aient usé, et probablement les sentences des magistrats furent en dernier ressort pour les procès concernant leur religion.

[76] L’opinion de Neumann (Der röm. Staat und die allgem. Kirche, t. I, p. 33-34), pensant que Tertullien a nommé par erreur Pudens parmi les proconsuls d’Afrique, ne peut plus se soutenir, en présence de l’inscription publiée par Cagnat et Schmidt dans le supplément au tome VIII du Corpus, n° 11999. Il résulte du rapprochement entre cette inscription et le n° 12006 que Valerius Pudens fut proconsul vers 210 ou 211.

[77] Pudens etiam missum ad se christianum, in elogio concussione ejus intellecta, dimisit, scisso elogio, sine accusatore negans se auditurum hominem secundum mandatum (Prudens eut même l'adresse de faire glisser dans l'acte d'accusation d'un Chrétien qu'on lui amenait, un grief de concussion. Comme il ne se trouvait pas de témoin pour soutenir l'inculpation, il déclara que, selon le texte de la loi, il ne pouvait donner suite au procès). Ad Scapulam, 4. Ce texte est assez obscur. Il signifie vraisemblablement que Pudens, devant lequel avait été renvoyé un chrétien, feignit, à quelques expressions ambiguës, de comprendre qu’il s’agissait du crime de concussion, et, personne ne se présentant pour soutenir la plainte, déchira le rapport qui lui avait été adressé (probablement par des magistrats municipaux) et refusa de procéder à l’interrogatoire. Secundum mandatum est une claire allusion aux actes impériaux défendant de condamner un chrétien sur une plainte anonyme.

[78] Monendo μή θεομαχεϊν. Tertullien, Ad Scapulam. L’expression θεομαχεϊν se trouve déjà dans le livre des Macchabées, II, VII, 19. La lettre à Scapula, d’où nous tirons les détails qui vont suivre, fut certainement écrite pendant le règne de Caracalla et après la mort de Sévère : Severus, pater Antonini, dit l’auteur en parlant de Sévère. Elle est même postérieure au meurtre de Geta ; c’est-à-dire au mois de février 212, car il y est question d’un seul empereur. L’éclipse mentionnée au chapitre 3 de cet opuscule n’est donc pas celle du 2 mars 211, mais celle du 14 août 212 : le traité Ad Scapulam doit suivre de très près cette dernière date. Voir Schmidt, dans Reinisches Museum, 1891, p. 77-98 ; Harnack, Gesch. der attchristt. Litter., t. I, 1893, p. 670 ; P. Monceaux, Hist. litt. de l’Afrique chrétienne, t. I, p. 199.

[79] Nunc a præside legionis et a præside Mauritaniæ vexatur hoc nomen, sed gladio tenus, sicut a primordio mandatum est animadverti in hujusmodi (Aujourd'hui encore un gouverneur de Léon et un proconsul de Mauritanie persécutent le nom chrétien, mais seulement jusqu'au glaive, ainsi que le veut la loi dans l'origine). Ad Scapulam, 4. — Le praeses legionis dont il est ici question est le légat de Numidie, où résidait la legio III Augusta et qui devint une province séparée sous le règne de Sévère. Cf. Marquardt, Röm. Staatsverwaltung, t. I,p. 467-470. — L’expression gladio tenus veut-elle dire usant simplement du glaive, ou, au contraire, restant en deçà du glaive, ne condamnant pas à mort ? Ce dernier sens serait plus latin. Mais comment l’expliquer ? Il y eut sous Septime Sévère des chrétiens condamnés à mort en Afrique, et à tous les genres de mort (cf. Apologétique, 8, 9, 11, 12, 50) ; on admettra difficilement qu’avant lui les poursuites contre les chrétiens de ce pays aient été dirigées par des règles inconnues au reste de l’empire, où la peine capitale leur fut de tout temps appliquée ; d’ailleurs, sous Commode, Vigellius Saturnius ordonna l’exécution de plusieurs. Mais il fut le premier, dit Tertullien : primas hic gladium in nos egit. Ses prédécesseurs s’étaient donc contentés de prononcer des peines plus douces. C’est à la procédure antérieure à Saturninus que seraient, revenus les légats auxquels il fait allusion, — s’il faut entendre gladio tenus dans le second sens.

[80] SCAPVLA TERTVLLO ET TINEIO CLEMENTE COS. Wilmanns, Exempla inscr. lat., 1726.

[81] ... Provinciæ, quæ visa intentione tua obnoxia facta est concussionibus militum et inimicorum suorum cujusque (Épargne une province que la manifestation de tes desseins a déjà livrée aux déprédations d'une avide soldatesque et à l'emportement des vengeances particulières). Ad Scapulam, 5. Les concussiones militum sont un des signes caractéristiques de la prépondérance accordée à la soldatesque pendant le règne de Caracalla. Qu’on se rappelle les soldats pillant d Rome les maisons de tous les amis de Geta, enlevant l’or, la vaisselle, les habits, les meubles, détruisant et massacrant. Dion, LXXVII, 4.

[82] Pro Deo vivo cremamur, quod nec sacrilegi, nec hostes publici veri, nec tot majestatis rei pati solent. Ad Scapulam, 4.

[83] Tibi quoque admonitionem solam fuisse, quod cum Adrumeticum Mavilum ad bestias damnasses, et statim hæc vexatio subsecuta est, et nunc ex eadem caussa interpellatio sanguinis (Souviens-toi qu'elle n'a commencé qu'après l'ordre donné par toi de livrer aux bêtes Mavilus d'Adrumet. Aujourd'hui encore le sang appelle le sang. Du reste, songe à l'avenir). Ibid., 3. — Dans le calendrier de Carthage : V.  idus mai, sancti Majuli (Ruinart, p. 693) ; dans le martyrologe hiéronymien, sous la même date : In Africa Maiuli (De Rossi-Duchesne, p. 59).

[84] Ad Scapulam, 1, 2.

[85] Tanta hominum multitudo, pars pene major civitatis cujusque. Ibid., 2.

[86] Humani juris et naturalis potestatis est unicuique quod putaverit colere ; nec alii obest aut prodest alterius religio. Sed nec religionis est colere religionem, quæ sponte suscipi debeat, non vi ; cum et hostiæ ab animo libenti expostulentur (Chaque homme reçoit de la loi et de la nature la liberté d'adorer ce que bon lui semble : quel mal ou quel bien fait à autrui ma religion ? Il est contraire à la religion de contraindre à la religion, qui doit être embrassée volontairement et non par force, puisque tout sacrifice demande le consentement du cœur). Ibid., 2.

[87] Omnes autem qui templa despoliant, et per cos jurant, et eosdem colunt, et christiani non sunt, et sacrilegi tamen deprehenduntur. Ibid., 2. — Même après Constantin, l’Église se garda bien d’exciter les fidèles à la destruction des temples et des idoles : voir, sur ce sujet, tout mon livre sur l’Art païen sous les empereurs chrétiens, et en particulier les pages 220-235.

[88] Hæc omnia tibi et de officio suggeri possunt, et ab eisdem advocatis, qui ipsi beneficia habent christianorum... Nam et cujusdam notarius cura a diemone præcipitaretur, liberatus est : et quorumdam propinquus et puerulus, et quanti honesti eiri (de vulgaribus enim non dicimus) aut a dœmonlis aut valetudinibus remediati sunt ! Ad Scapulam, 4.

[89] Ad Scapulam, 5.

[90] Ibid.

[91] Ibid., 3.

[92] Ad Scapulam, 5. — Cf. Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 3e éd. p. 462.

[93] In Kl. mai... in Valentia civitate in Galleis Felicis presbiteri, Fortunati diaconi, Achillei diaconi. — Nonas sept.., in Calleis civitate Vesontione scorum Ferreoli et Ferrucionis. Mart. hiéronym. (De Rossi-Duchesne, p. 47, 116). - Visonticorum quoque civitas propriis illustrata martyribus, plerumque miraculis priesentibus gaudet. Huic in abditu cryptæ duo, ut passio declarat, martyres Ferreolus atque Ferrucio sunt sepulti. Grégoire de Tours, De gloria martyrum, 73.

[94] Tillemont, Mémoires, t. III, art. IX sur saint Irénée.

[95] Judas, écrivain chrétien du troisième siècle, cité  par Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 7.